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La théorie de la correction symétrique des bilans

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par Mohamed Ben Mahmoud
faculté de droit et des sciences politiques de TUNIS - mastère en droit des affaires 2005
  

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Section 2 : Fondements précaires en droit tunisien

Quoique l'article 38 alinéa 2 du CGI  ait comme analogue dans le droit fiscal tunisien l'article 11 du CIRPP et de l'IS65(*), cela ne nous donne pas la possibilité d'admettre, même implicitement, la consécration de la théorie du bilan qui, déduite directement de l'article 38, est l'oeuvre exclusive du juge fiscal français.

D'autant plus, et malgré son intérêt indiscutable, la théorie de la correction symétrique n'a pas eu en Tunisie, l'attention qu'elle mérite. Le législateur ne semble pas l'avoir considérée parmi ses grandes priorités. On a cru que le juge fiscal tunisien ou l'Administration, en palliant le silence législatif qui entoure la théorie de la correction symétrique des bilans, peuvent être de secours. Ce n'est pourtant pas le cas, ceci s'explique par le rôle « normatif » de l'Administration qui souligne son intervention contestable (paragraphe 1), et par une jurisprudence en germe qu'il est souhaitable qu'elle soit confirmée par le tribunal administratif (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Intervention contestable de l'Administration fiscale

Reconnaissant la théorie des corrections symétriques, l'Administration fiscale n'a fait que consacrer une pratique administrative dans ses prises de position66(*) dont la plus ancienne date de 199367(*)et qui illustrent une admission de la théorie par une doctrine administrative68(*) constante.

Dans une approche concrète et pratique on cite que la DGELF69(*) , dans sa prise de position datant du 10 janvier 2000, a précisé sa doctrine relative à la correction symétrique des bilans : « concernant la correction symétrique des bilans...cette technique consiste dans la pratique administrative tunisienne à corriger en cas de vérification fiscale les erreurs constatées dans la comptabilisation des charges d'une entreprise et ce dans la limite des délais de prescription »70(*).

En revanche, cette reconnaissance est relative ; elle offre matière à critique et ce à triple niveaux. De prime abord, la doctrine administrative71(*), et en l'occurrence les prises de position, ont pour mission primordiale l'interprétation des textes fiscaux72(*). En effet, l'interprétation signifie l'analyse et la simplification faite par l'Administration d'un texte fiscal pour qu'il soit plus clair pour le contribuable et mieux appliqué par le fisc. Dans notre cas, le texte fiscal qui doit être interprété fait défaut et par suite on assiste à une « création » de la doctrine administrative.

Une telle classification qu'on estime être une description excessive et exagérée, ne peut être à l'abri des critiques puisqu'elle n'est pas une « invention » mais plutôt une transposition d'une théorie d'origine française en droit fiscal tunisien. En fait, l'Administration fiscale a profité de son rôle interprétatif73(*) tirant son origine de la « complexité et de l'ésotérisme du droit fiscal »74(*) pour le dépasser et avoir selon l'expression de PHILIPPE THEVENIN « un pouvoir réglementaire occulte ». Dès lors, on assiste à une grave atteinte au principe de la légalité prôné dans la constitution et considéré également comme l'un des principes fondamentaux du droit fiscal.

La deuxième critique concerne la valeur juridique de la prise de position. En effet, cet élément n'a ni la portée ni les effets d'une disposition d'ordre juridique et ce malgré son caractère officiel75(*). En outre, même si la doctrine administrative constitue une source de droit, elle n'a pas force de loi et elle n'est pas opposable au contribuable76(*). On peut même ajouter le risque imminent du changement de la doctrine administrative qui peut à la fois porter atteinte à la sécurité juridique du contribuable d'une part, et remettre en cause la stabilité juridique d'autre part.

D'autant plus, à travers des prises de position qui illustrent une étude « casuistique » de la situation du contribuable, l'Administration n'a pas été si audacieuse pour consacrer la théorie de la correction symétrique des bilans dans une note commune, par exemple, qui synthétise cette théorie d'une manière générale en l'appliquant à tous les contribuables sans exception.

Par ailleurs, le principe de l'autonomie des exercices77(*) est considéré par la doctrine administrative78(*) comme le fondement explicite de la théorie de la correction symétrique des bilans. En d'autres termes, en vertu du principe de la spécialité79(*) des exercices la charge doit être rapportée à l'exercice au cours duquel elle est engagée. Dans ce cas, une charge devenue certaine au cours d'un exercice ne peut venir en déduction que parmi les charges dudit exercice et ce, dans la mesure où elle a été comptabilisée en tant que telle à temps.

L'application de ce principe nous permet de déduire les conséquences suivantes. En premier lieu, les charges rattachées à un exercice donné et qui n'ont pas été comptabilisées parmi les charges déductibles afférentes à cet exercice ne peuvent venir en déduction des résultats de l'exercice de leur engagement ni de ceux des exercices postérieurs même en cas de comptabilisation différée.

En second lieu, les vérificateurs ont le pouvoir de rectifier les erreurs imputables aux exercices de rattachement et qui affectent l'actif net d'un exercice. Ainsi, les accroissements des postes d'actif ou diminutions des postes de passif entraînent un accroissement de l'actif net, donc sont susceptibles d'entraîner un redressement.

Il résulte de ce qui précède que si le contribuable se contentait de la simple rectification comptable d'un exercice ultérieur, l'Administration en cas de contrôle, ne manquerait pas de la rejeter pour non respect du principe de la spécialité des exercices. Toutefois, pour mieux synthétiser la théorie des corrections symétriques, il faut que ce principe (de spécialité des exercices) soit combiné avec un autre qui met en relief l'existence d'un lien indéniable entre les bilans, c'est le principe de la solidarité des exercices. Ce dernier n'est « malheureusement » pas admit par l'Administration pour justifier le mécanisme de la symétrie des corrections.

* 65 L'article 11 du CIRPP et de l'IS dispose : « Le résultat net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt sur le revenu...».

* 66 Les prises de position ou les « décisions individuelles » « sont la forme la plus approfondie lorsqu'elles font suite à une demande spécifique de renseignements du contribuable sur sa situation fiscale ; adressée aux services centraux et aux services extérieurs elles portent sur des questions de droit ou de fait. Mais en dehors de cette démarche délibérée, leur existence et leur portée s'avèrent souvent des plus délicates à établir, telles les prises de position ou les abstentions de l'Administration à l'occasion d'opérations de contrôle fiscal ou de recours contentieux » GILLES (N), « Dictionnaire encyclopédique de Finances Publiques », Paris, Economica, 1991, p.637. Cité par GADHOUM (W), « La doctrine administrative en Tunisie », Thèse, 2002-2003, Faculté de droit de Sfax, p.99

* 67 Il y a quatre prises de positions qui reconnaissent la théorie de la correction symétrique des bilans : Prise de position (98) du 19 février 1993. Prise de position (656) du 19 septembre 1997. Prise de position (30) du 10 janvier 2000. Prise de position (1085) du 13 mai 2000.

* 68 La doctrine administrative regroupe l'ensemble des commentaires que fait l'Administration des textes fiscaux par le biais des circulaires, notes, instructions de service, et réponses qu'elle donne aux députés ou aux contribuables qui demandent des renseignements.

* 69 L'Administration fiscale tunisienne est représentée au niveau central par la Direction Générale des Etudes et de la Législation Fiscale, qui est chargée de l'élaboration des textes fiscaux et de prévoir leurs modalités d'application. Elle est chargée, en outre, de l'élaboration de la doctrine administrative en procédant à l'interprétation des textes fiscaux, en vigueur. Voir : ZARRAA (K), « Les droits et les garanties du contribuable soumis à un contrôle fiscal », mémoire de D.E.A., faculté de droit et des sciences politiques de Tunis, 2002-2003, p.3 et 4.

* 70 « Prise de position (30) du 10 janvier 2000 », op.cit. p.39.

* 71 On constate que la doctrine administrative domine les usages fiscaux en Tunisie à «  un point que son poids met, en fait, le droit fiscal sous tutelle », in YAICH (A), « Les sources et règle d'interprétation en droit fiscal », R.C.F., n°49, 2000, p.77.

* 72 Voir : OUERFILLI (A.), « Les prérogatives de l'administration fiscale », R.T.D., 2002, (en arabe), pp.46- 63.

* 73 L'application d'une doctrine administrative pour la résolution d'un litige fiscal suppose 4 conditions :

« 1- la doctrine doit concerner l'interprétation d'un texte,

2- l'interprétation doit être formelle (BODI, documentation administrative, réponse écrite),

3- la situation du contribuable doit être conforme à la situation faisant l'objet de la doctrine,

4- la doctrine doit avoir été en vigueur pendant la période d'imposition ; et uniquement à ce moment là, le contribuable ne pouvant se référer à une doctrine postérieur à ladite période d'imposition », in YAICH (A), « Théorie fiscale », Tunis, Raouf Yaîch, 2002, p.215.

* 74 COZIAN (M), « Propos désobligeants sur une « tarte à la crème » :l'autonomie et le réalisme du droit fiscal », D.F, n°13, 1999, p.530.

* 75 « L'instruction ou la circulaire interprétative est dépourvue de valeur juridique parce qu'elle émane d'une autorité privée de tout pouvoir normateur... Dès lors, la disposition interprétative n'est qu'une simple mesure d'ordre intérieur, et doit être envisagée comme insusceptible de faire grief, puisqu'elle n'a pas d'existence juridique », in MARCHESSOU (P),  « L'interprétation des textes fiscaux »,Paris, Economica, 1980, p.64.

* 76 Jugement n°819, 18 novembre 2004. (Annexe).

* 77 Ce principe est reconnu par le droit comptable : décret n°96- 2459 du 30 décembre 1996, portant approbation du cadre conceptuel CCCF § 43, déduit implicitement des dispositions du code de l'IRPP et de l'IS : article 10 et confirmé par la doctrine administrative.

* 78 « Prise de position (30) du 10 janvier 2000 précisant sa doctrine relative à la correction symétrique des bilans », R.C.F., n° 48, 2000, p.39.

* 79 Ce principe recouvre deux principes corollaires : le premier est le principe de périodicité selon lequel l'activité de l'entreprise est découpée en périodes successives égales, fixées à douze mois. Ce principe converge parfaitement avec le principe d'annualité appliqué par le droit fiscal. Le second est le principe de l'indépendance des exercices comptables basé sur la comptabilité d'engagement selon lequel, il est nécessaire de rattacher chaque opération à l'exercice de son origine. Il permet de déterminer les différentes règles de rattachement des charges et des produits à un exercice donné. Voir : GMATI (R), « Les principes comptables à l'épreuve de la fiscalité tunisienne (impôt direct) », op.cit, p. 64 et 65.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams