WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le gage-espèces

( Télécharger le fichier original )
par Fouad HAMIDI
Université Paris I - Master 2 Recherche Droit patrimonial approfondi 2006
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

LE GAGE-ESPECES

Je tiens à remercier M. Le Professeur Thierry REVET d'avoir dirigé ce mémoire. Ces indications m'ont permis d'aborder ce sujet sous une vue différente et d'y voir de nouvelles perspectives d'avenir pour cette sûreté quelque peu noyée dans la réforme globale des sûretés. Je tiens aussi à remercier M. le Professeur Jean-Jacques DAIGRE de m'avoir donné la chance de suivre une conférence sur ce sujet.

Je remercie l'ensemble de l'équipe pédagogique dirigée par M. le Professeur Philippe DELEBECQUE de m'avoir donné un enseignement riche et varié sur tous les problèmes actuels du droit patrimonial tant au niveau interne qu'au niveau international

DIRECTEUR DE MEMOIRE : M. LE PROFESSEUR THIERRY REVET

ETUDIANT : FOUAD HAMIDI

ANNEE UNIVERSITAIRE 2005/2006

MASTER 2 RECHERCHE DROIT PATRIMONIAL APPROFONDI

INTRODUCTION

« Il est des questions irritantes que l'on peut considérer comme des apories du droit. L'inconfort qu'elles occasionnent suscite souvent la résignation et l'accommodement, plus rarement la remise en cause et la curiosité1(*) »

1. La fongibilité et la consomptibilité : les apories du droit des biens - Le propos du Professeur ZENATI illustre toute la souffrance que subissent les contrats non translatifs de propriété lorsque leur objet a une nature fongible ou consomptible. En raison de ces qualités « secondaires » des biens, la théorie classique a toujours déduit une conséquence sur le régime de la propriété. En dehors de tout titre translatif de propriété, leur détenteur en devient propriétaire dès leur remise2(*), soit parce que l'on ne pourrait en user sans les consommer, soit qu'on ne pourrait les reconnaître en raison de leur absence d'individualité. Les biens fongibles et/ou consomptibles auraient alors pour effet de déformer les contrats dont ils sont l'objet : l'usufruit devient un « quasi-usufruit », le dépôt un « dépôt irrégulier » et le gage, un « gage translatif de propriété ». La fongibilité et la consomptibilité installe alors une distorsion entre la volonté et la réalité : la volonté du sujet de droit ne résisterait pas à la « nature des choses ».

2. La fongibilité et la consomptibilité : source d'acquisition de la propriété ? - Ces simples « qualités secondaires » des biens seraient-elles devenues des modes d'acquisition sui generis de la propriété ? A suivre la théorie classique du droit des biens et l'état du droit positif, la réponse semble affirmative. La remise de choses fongibles ou consomptibles entraînerait un transfert de propriété au profit de l'accipiens et cela en toute indifférence du titre3(*) fondant cette remise. Le gage n'a pas échappé à la règle. Dès leur remise, les sommes d'argent affectées en garantie, deviennent la propriété du créancier gagiste en dépit du caractère non translatif de ce contrat. D'où l'interrogation du Professeur ZENATI : « Quelles sont ces choses que l'on est censé acquérir en les détenant ? 4(*)». La théorie classique y répondra que ce sont les choses fongibles et les choses consomptibles.

3. Les apories du droit des biens : sources d'éclatement du gage-espèces - La qualification juridique de l'objet du gage-espèce est source de dispersion à un double titre. D'une part, selon que l'on remette directement la somme d'argent au créancier ou que l'on prend le soin de la déposer sur un compte d'affectation spéciale, la nature juridique du gage-espèces vacille : dans le premier cas, on sera en présence d'un transfert de propriété à titre de garantie, d'une sûreté-propriété ou d'une fiducie-sûreté ; dans le second cas, il s'agira d'un gage stricto sensu. D'autre part, même si l'on se trouve dans la seconde hypothèse, le gage-espèces est encore partagé entre le gage et le nantissement de créance. Si le dépôt bancaire est analysé comme transférant la propriété, l'objet du contrat de gage ne sera pas les fonds déposés mais la créance de solde du compte d'affectation spéciale. Ainsi, le gage-espèces est une sûreté éclatée en raison de deux facteurs : le mode de dépossession du constituant et le type de monnaie affectée en garantie.

4. Nécessité d'une remise en cause du transfert de propriété - Depuis quelques années, de nombreux travaux ont été menés, notamment afin de remettre en cause ce transfert de propriété5(*) lié à la nature consomptible et/ou fongible des biens. Le gage-espèces doit aussi participer de cette remise en cause. Ni la fongibilité, ni la consomptibilité des biens ne constituent des modes d'acquisitions de la propriété. Elles ne posent que des problèmes techniques dont la propriété est la réponse souvent apportée. A priori, il semble difficile d'expliquer, d'une part, que le simple détenteur de choses consomptibles puisse les « consommer » sans en avoir la propriété, et d'autre part, que les choses fongibles puissent être revendiquée par leur propriétaire sans qu'elles puissent être identifiées. Mais ces obstacles techniques ne doivent pas être résolus par l'attribution de la propriété au détenteur de telles choses. Alors, reprenons à notre compte le commentaire du Professeur ZENATI et évitons de nous résigner à résoudre un obstacle technique par la propriété. Tentons une remise en cause. La propriété n'est-elle pas un « droit naturel et sacré6(*) », que la société civile a pour but de protéger ?

5. L'indifférence de la nature des biens dans l'acquisition de la propriété : vue historique - Si le juriste se tourne vers le passé, il constatera, à travers l'évolution historique du droit des sûretés réelles (parmi d'autres branches du droit), que les choses n'ont jamais été acquises en raison de leurs qualités mais en vertu de la volonté de l'homme. Même si le droit français des sûretés réelles est en train de vivre un mouvement contre-historique7(*), la qualité des biens ne doit y jouer aucun rôle.

6. Le Droit romain - A Rome, la première technique utilisée fut la propriété8(*) : c'est la fiducie-sûreté nommée en ce temps fiducia cum creditore. Par cette technique, un débiteur transmettait la propriété (proprietas) d'un bien en la puissance (dominium) de son créancier par un acte matériel translatif de propriété : mancipatio, traditio ou in jure cessio9(*). Par un pacte de fiducie, le créancier prenait l'engagement (de bonne foi), de redonner10(*) (remancipere) le bien par le même acte formaliste si le débiteur acquittait sa dette. Cette technique était dangereuse pour le débiteur. D'une part, le pacte de fiducie n'était qu'un engagement personnel11(*) : il mettait le débiteur face au risque que le créancier n'exécute pas son engagement et, ayant perdu la propriété de son bien, il ne pouvait plus le revendiquer. D'autre part, elle épuisait d'un seul coup toute sa capacité de crédit du débiteur et cela, même si le bien avait une valeur supérieure à la dette garantie. En marge de cette technique, les Romains se mirent à pratiquer des sûretés sans transfert de propriété. Ainsi, ils remettaient par la tradition12(*) un bien à titre de gage (pignus). Grâce à l'évolution du droit romain, notamment la reconnaissance prétorienne13(*) du fait de possession et l'admission des contrats de bonne foi, le gage (parmi d'autres) accéda à la vie juridique par l'entremise du préteur et de son édit. Par cette technique, le débiteur remettait un bien en la possession14(*) (possessio ad interdicta) de son créancier. Le débiteur conservait la propriété du bien et pouvait alors revendiquer son bien entre les mains du créancier mais aussi des tiers qui auraient acquis le bien entre temps suite à une mauvaise foi du créancier. Mais cette technique avait toujours l'inconvénient de geler un actif du débiteur. Dans l'attente, les jurisconsultes romains utilisèrent des mécanismes permettant au débiteur d'exploiter économiquement son bien sans compromettre la sûreté du créancier. Cette avancée mena petit à petit à l'hypothèque romaine. Ce nouveau gage, qui pouvait prendre indifféremment15(*) le nom de gage (pignus) ou d'hypothèque (hypotheca) permettait au débiteur de conserver la propriété mais aussi la possession effective d'une chose ou d'un ensemble de choses sur lesquelles le créancier pouvait recouvrir sa dette. On est arrivé à ce résultat en estimant que le débiteur possédait alors pour le compte du créancier. Celui-ci disposait d'une action (vindicatio pignoris) permettant de revendiquer la possession entre les mains du débiteur ou d'un tiers16(*). Cette évolution concernait aussi l'assiette de la sûreté. Peu à peu on a admis les conventions d'hypothèque générale. Par cette convention, le débiteur affectait l'ensemble de ses biens présents et à venir (bona) à l'extinction de la dette garantie. Le droit romain des sûretés réelles est donc parti de la propriété (fiducia cum creditore) jusqu'au droit réel (pignus ou hypotheca) en passant par la possession (pignus). Quelle fut l'option choisie par le législateur de 1804 ?

7. Le Code civil - Le Code civil de 1804 opère une double distinction. D'une part, il distingue les sûretés en fonction de la nature de leur objet. Ainsi, il y a les sûretés immobilières et les sûretés mobilières. Aux premières correspondent l'hypothèque et l'antichrèse et aux secondes le gage. Mais il distingue aussi selon la technique utilisée. Il y a les sûretés avec dépossession et sans dépossession. Parmi les sûretés avec dépossession y figurent le gage et l'antichrèse. Tandis que la seule sûreté sans dépossession est l'hypothèque. Cette différence dans le traitement des sûretés mobilières est à rechercher dans le peu d'intérêt du législateur de 1804 pour les meubles (res mobilis, res vilis). Aucune publicité n'est organisée à leur égard. Par conséquent, la possession joue ce rôle et ainsi s'explique que la seule sûreté possible pour les biens mobiliers soit une sûreté avec dépossession : « Pour que les tiers soient informés de l'existence du gage, la remise de la chose doit être apparente, réelle et permanente17(*) ». Le propos des Professeurs SIMLER & DELEBCQUE illustre un des rôles de la dépossession. L'absence d'organisation d'une publicité en matière mobilière imposait la dépossession du constituant pour informer les tiers. Le gage, variété de nantissement, est une sûreté qui s'organise sur la dépossession du débiteur : le créancier n'a un droit réel de gage opposable aux tiers que s'il est et demeure en possession du bien dont il en est l'objet (article 2074 C.civ.). Les sûretés mobilières n'étaient donc efficaces qu'à travers la dépossession.

8. L'évolution postérieure au Code civil - L'arrivée de l'ère industrielle et des nouveaux biens - les biens incorporels (ou immatériels) - a bouleversé quelque peu cette organisation. La théorie classique, en partant du principe d'une part, que la propriété ne portait que sur les biens corporels, et d'autre part, que, corrélativement, la possession ne pouvait être que matérielle, une publicité fut mise en place pour assurer l'opposabilité des sûretés réelles sur les biens immatériels. Mais ce n'était pas la seule raison : certains biens immatériels nécessitaient une exploitation continue. Ainsi, la dépossession du bien pouvait s'avérer désastreuse18(*). Cette évolution a eu aussi un effet sémantique19(*). Alors qu'en 1804, le terme de nantissement est le terme générique pour désigner les sûretés avec dépossession, il est de plus en plus utilisé en matière de sûretés sur les biens immatériels.

9. La réforme des sûretés - Le projet Grimaldi, avalisé partiellement par l'ordonnance du 23 mars 2006, a achevé cette révolution sémantique. Désormais, le terme « nantissement » est cantonné au monde de l'immatériel. Peu importe que la sûreté soit avec ou sans dépossession, dès lors que l'objet de la sûreté est un bien incorporel, il s'agit d'un nantissement. Le terme de gage, quant à lui, s'applique qu'aux biens meubles corporels. Le projet Grimaldi n'a pas apporté que ce changement sémantique. Il a aussi amené deux changements majeurs. D'une part, les sûretés sur meubles incorporels ne sont plus des sûretés mobilières exceptionnelles. L'ordonnance du 23 mars 2006 permet la constitution de sûretés sur meubles incorporels qui « à défaut de dispositions spéciales, seront soumises aux règles relatives au gage de biens meubles corporels » (Nouvel article 2355 C.civ.). D'autre part, les sûretés sans dépossession sont de principe. Les parties peuvent convenir soit d'une sûreté avec dépossession soit sans dépossession. Dans le second cas, la publicité jouera le rôle d'opposabilité aux tiers.

10. Et le gage-espèces ? - La réforme du 23 mars 2006 n'a pas apporté un régime unique au gage-espèces mais plusieurs régimes. Le Groupe Grimaldi a opté pour un travail de classification et non de qualification20(*). Ainsi, le gage-espèces est tiraillé d'une part, entre le gage et le nantissement - selon que l'objet est de la monnaie fiduciaire ou scripturale - et, d'autre part entre le gage sans transfert de propriété et le gage (ou nantissement) avec transfert de propriété - selon que le créancier est obligé à tenir les sommes d'argent séparées de celles lui appartenant ou non -.

11. Le retour de la propriété comme technique de garantie - L'évolution du droit des procédures collectives a provoqué un retour vers les sûretés-propriétés21(*). Ce droit initialement mis en place pour permettre un règlement collectif des créanciers a changé de cap pour devenir un droit de sauvetage des entreprises. Désormais, l'objectif premier n'est plus de payer les créanciers mais de sauver l'entreprise en faillite et les emplois qu'elle a créés. Dans cette perspective, les droits des créanciers munis de sûretés réelles classiques (nantissement, hypothèque etc.) ont été sacrifiés au bénéfice du Trésor Public et des salariés. La pratique s'est donc tournée vers des sûretés réelles fondées sur la propriété afin de pallier l'insolvabilité du débiteur. Le bien, objet de la garantie, étant sorti du patrimoine du constituant, le créancier n'avait plus à craindre le concours des créanciers super-privilégiés. Il n'avait plus un privilège mais un droit exclusif. La reconnaissance prétorienne puis législative de la clause de réserve de propriété, de la cession de créances professionnelles à titre de garantie... illustre l'intérêt grandissant des créanciers à bénéficier de sûretés-propriétés. Le projet Grimaldi proposa de les intégrer dans le droit commun des sûretés réelles : « La propriété d'un bien mobilier peut être cédée à titre de garantie d'une obligation aux conditions prévues par la loi. Elle peut aussi être retenue en garantie d'une obligation par l'effet d'une convention de réserve de propriété ». Mais l'ordonnance du 23 mars 2006 n'a pas avalisé cette proposition, en inscrivant seulement, dans le Code civil, la réserve de propriété.

12. Le gage-espèces : une sûreté-propriété en raison de son objet - Le gage-espèces, par un fondement différent, ferait partie de ces sûretés-propriétés. Cette sûreté, souvent constituée à partir du modèle du Code, le gage, dégénère en sûreté-propriété en raison de son objet : la monnaie. L'analyse classique de la monnaie attribue à celle-ci les qualités de fongibilité et de consomptibilité. A l'instar d'autres contrats (usufruit, dépôt), le gage de sommes d'argent, en raison de la « nature fongible » de son objet se transforme en transfert de propriété à titre de garantie. Le propriétaire devient un créancier chirographaire, le créancier privilégié un propriétaire. Le droit réel de gage devient un droit de propriété et le droit de propriété un simple droit de créance. Telle est l'influence dévastatrice de la fongibilité monétaire sur les droits et pouvoirs des parties au contrat de « gage ».

Cette analyse doctrinale22(*) et jurisprudentielle23(*) a pris valeur positive dans l'ordonnance du 23 mars 2006 : « Lorsque le gage avec dépossession a pour objet des choses fongibles, le créancier doit les tenir séparés des choses de même nature qui lui appartiennent. ...Si la convention dispense le créancier de cette obligation, il acquiert la propriété des choses gagées à charge de restituer la même quantité de choses équivalentes » (Nouvel article 2341 du Code civil).

. Désormais, il est acquis que la remise d'une somme d'argent à titre de garantie accorde un droit exclusif au créancier sur celle-ci dès lors qu'elle n'est pas maintenue à un état individualisé après la dépossession du constituant. Il constitue une sûreté-propriété.

13. Le transfert de propriété : un effet contraire à la volonté des parties - Mais à la différence de toutes les autres sûretés-propriétés, la qualification du gage-espèces est éloignée de la volonté des parties. On ne se base pas sur la volonté24(*) mais sur l'objet. Les arguments avancés en faveur de la qualification de sûreté-propriété choquent à première vue. Ni la fongibilité, ni la consomptibilité ne sont, dans le Code civil, des modes d'acquisition de la propriété. Au contraire, il ne s'agit que de caractéristiques juridiques attribuées à une chose. Les choses ayant ces qualités sont-elles alors insusceptibles de nantissement ou de gage ?

14. Le droit des biens en dehors du Code civil : une source d'inspiration pour le gage-espèces - A l'instar du Professeur Thierry REVET25(*) qui se demande si le siège du droit des biens n'est pas à rechercher en dehors du Code civil, il est permis de nous demander si celui du gage sur choses consomptibles et/ou fongibles n'est pas à puiser à cet endroit.

Si on observe les autres branches du droit, on constatera que ce type de sûreté est possible et cela même si le créancier gagiste ou le constituant aliène les choses comprises dans l'assiette du gage. Le warrant de marchandises, le gage de compte d'instruments financiers, les garanties financières et le gage de stocks issus de la réforme illustrent cette affirmation. Ces sûretés mobilières « spéciales » pourraient être, à notre avis, une source d'inspiration pour l'analyse de la nature et du régime juridique du gage-espèces car elles portent elles aussi sur des biens (corporels ou incorporels) consomptibles et fongibles. Plus encore, elles témoignent (à notre avis) de l'existence de l'universalité comme objet du contrat de gage. A partir de cette figure peu explorée du droit des biens mais étudiée de façon approfondie par une thèse récente26(*), il est concevable de concevoir un gage de sommes d'argent fondé sur la seule volonté des parties.

L'évolution du droit des biens en dehors du Code civil témoigne aussi d'une autre avancée : le développement des fiducie-sûreté (cessions de créances professionnelles à titre de garantie, remises en pleine propriété à titre de garantie etc.). Cette avancée peut être aussi un champ d'analyse pour le gage-espèces.

Sur la base de ces exemples législatifs et jurisprudentiels, il sera possible de maintenir une classification dualiste des sûretés conventionnelles sur l'argent. Le passage par l'universalité permettra de redonner le fondement adéquat de la classification des sûretés conventionnelles sur l'argent : la volonté des parties. L'universalité, en donnant un objet certain au contrat de sûreté, permet aussi de donner libre cours aux parties d'organiser, selon leurs besoins et leur confiance mutuelle, soit une fiducie-sûreté, soit un nantissement.

15. Plan - L'étude du gage-espèces se déroulera en deux étapes. L'analyse actuelle et dominante du gage-espèces part de la qualification juridique de son objet pour en déduire une nature dualiste, partagée entre les sûretés-propriétés et le gage (ou nantissement). Il conviendra donc de se pencher sur le problème de la nature juridique du gage-espèces. Ainsi, dans une première partie, il sera exposé d'une part, l'analyse actuelle du gage-espèces fondée sur la nature juridique de son objet et, d'autre part, une analyse renouvelée à partir de l'universalité et de la volonté des parties. Puis, dans une seconde partie, une esquisse d'un nouveau régime juridique du gage-espèces sera tentée à partir de cette analyse renouvelée.

1ère PARTIE : LA NATURE JURIDIQUE DU GAGE-ESPECES 

16. Le problème central du gage-espèces : l'objet de la convention - « La sûreté reste un gage, malgré le transfert de propriété dont bénéficie le créancier, car ce transfert n'est pas lié à l'essence de la convention, mais résulte simplement de la nature des choses et plus précisément de l'objet de la convention 27(*) (nous soulignons)».

Le commentaire des Professeurs SIMLER & DELEBECQUE témoigne du point de départ de l'analyse classique du gage-espèces : l'objet affecté en garantie. A partir des qualités juridiques - la fongibilité et la consomptibilité - traditionnellement attribuées à la monnaie, la doctrine majoritaire, suivie par la jurisprudence et partiellement par le législateur, confère au gage-espèces une nature juridique vacillante et éclatée entre le transfert de propriété à titre de garantie, le gage sur espèces et le nantissement de créance.

17. Les problèmes suscités par la nature consomptible et fongible de la monnaie : l'identité de l'assiette de la garantie et le pouvoir de disposer de la chose d'autrui - La qualification juridique de la monnaie est au centre de cette analyse. Qualifiée de chose fongible et consomptible, le créancier en deviendrait propriétaire par la « force des choses » nonobstant le caractère non translatif du gage. Le premier argument avancé est la fongibilité : les choses fongibles sont indiscernables et cette absence d'identité empêche leur identification. Dès lors, le créancier en devient propriétaire car l'assiette n'est plus identifiable postérieurement à la remise des fonds. Le second argument réside dans la consomptibilité : le détenteur d'une chose consomptible ne peut en user sans la consommer. Cet acte de consommation - juridique en présence de monnaie - suppose que le détenteur exerce l'abusus. Or seul le propriétaire peut exercer cet attribut essentiel du droit de propriété. Dès lors, on avance l'idée que le détenteur de choses consomptibles en devient propriétaire à charge d'en restituer par équivalent ou en valeur.

Selon que l'objet de la garantie est qualifié de chose fongible et consomptible ou non, la nature juridique de la sûreté change. En présence d'un objet fongible et consomptible, le créancier en devient propriétaire et la sûreté est qualifiée de transfert de propriété à titre de garantie. En présence d'un « corps certain » non consomptible, la sûreté s'analyse en un gage ou un nantissement de créance. La clé de la répartition réside dans l'individualisation de l'assiette de la garantie (Chapitre 1).

18. L'absence de justification de la propriété - Comme le souligne, à juste titre, les Professeurs DELEBECQUE & SIMLER, le transfert de propriété n'est pas de « l'essence de la convention 28(*)». Le contrat de gage n'est pas la mise en forme d'une acquisition dérivée : le constituant ne s'engage pas à donner la chose mais seulement à la mettre à disposition (praestare) du créancier afin qu'elle joue le rôle de sûreté de la dette. Le transfert de propriété tiré de « la nature des choses » est contraire aux modes d'acquisition de la propriété : ni la fongibilité, ni la consomptibilité ne sont des modes d'acquisitions de la propriété mais de simples qualités « secondaires » des biens. Dès lors, on se retrouve dans une de ces « apories du droit ». Le caractère fongible de la chose empêcherait sa reconnaissance dans le cadre d'une action en revendication. De cette perte d'identité du bien remis, on en déduit un transfert de propriété au profit du possesseur sans autre justification.

19. De la « nature des choses » à la volonté du propriétaire : l'universalité - Le problème suscité par la nature fongible et consomptible de la monnaie nécessite la recherche d'une technique d'identification de l'assiette de la garantie. Une institution qui prend de plus en plus de place dans notre droit positif pourrait être la solution du problème : l'universalité. Ce bien, à double dimension, permet aux choses de genre (ou fongibles naturellement) de faire l'objet de rapports juridiques29(*) et donc de droits. Elle donne un caractère certain à l'assiette des sûretés conventionnelles sur l'argent. Sa double dimension permet aussi de donner une dynamique à cette sûreté, dynamique nécessaire face à un bien qui ne produit des « fruits » qu'à travers son exploitation (Chapitre 2).

CHAPITRE I : L'ANALYSE CLASSIQUE DU GAGE-ESPECES FONDEE SUR LA QUALIFICATION JURIDIQUE DE SON OBJET

20. L'influence de la qualification juridique de l'objet du gage-espèces sur sa nature juridique - La doctrine majoritaire suivie par la jurisprudence qualifie le « gage-espèces » en fonction de la qualification juridique de son objet. Cette démarche a pour effet de donner une nature juridique dualiste30(*) au gage-espèces selon que les sommes d'argent sont qualifiées de choses fongibles et consomptibles ou non. Ainsi, le gage-espèces est tantôt un transfert de propriété à titre de garantie (Section I) tantôt un nantissement (sous-Section II).

SECTION I / LA NATURE JURIDIQUE DU GAGE-ESPECES EN L'ABSENCE DU MAINTIEN DE L'INDIVIDUALITE DE SON ASSIETTE : UNE SURETE TRANSLATIVE DE PROPRIETE

L'analyse actuelle du gage-espèces part de l'idée suivante : toute remise d'une somme d'argent, en raison de sa nature fongible et consomptible, entraîne « inéluctablement » un transfert de propriété au profit de l'accipiens, dès lors qu'elle ne sera plus identifiable après cette remise. Les arguments avancés pour justifier ce transfert de propriété accidentel, tiennent tantôt à la consomptibilité de la monnaie (§1), tantôt à sa fongibilité (§2).

§1/ Le fondement du transfert de propriété : la consomptibilité ?

La monnaie est classiquement qualifiée de chose consomptible. En raison de cette nature consomptible, le créancier en deviendrait propriétaire au motif qu'il ne pourrait en user sans la consommer. Pour vérifier cette affirmation, nous procéderons en quatre étapes. Tout d'abord, nous ferons une étude brève de la notion de chose consomptible (I). Nous présenterons ensuite les effets que la théorie classique attache à la consomptibilité des choses à travers l'étude de l'usufruit, point de départ du raisonnement selon lequel la remise à titre précaire d'une chose consomptible vaudrait transfert de propriété (II). Puis nous rentrerons dans l'étude du gage-espèces, en exposant la transposition du raisonnement appliqué à l'usufruit de choses consomptibles (III). Et enfin, nous exposerons les critiques adressées à ce raisonnement (IV).

I) La notion de choses consomptibles : étude législative et doctrinale.

L'expression de choses consomptibles n'est pas présente dans le Code civil sous cette dénomination précise mais sous l'expression de « choses dont on ne peut pas user sans les consommer 31(*)» (A). A partir de la notion d'abusus et d'une conception objective des biens, la théorie classique a construit la notion de consomptibilité et y a rangé notamment la monnaie. (B).

A) La loi

21. Les hypothèses de consomptibilité : la destruction et le changement de patrimoine - La notion de choses consomptibles est présente dans le Code civil notamment dans l'usufruit et le prêt de consommation. Mais l'essence de cette notion est à rechercher dans l'article 1874 du Code civil qui distingue entre prêt à usage et prêt de consommation selon qu'ils ont pour objet des choses consomptibles ou des choses non consomptibles. Cet article dispose que : « Il y a deux sortes de prêt : Celui des choses dont on peut user sans les détruireEt celui des choses qui se consomment par l'usage qu'on en fait.».

La consomptibilité suppose sa destruction par l'usage. D'autres textes ne limitent pas la consomptibilité à la destruction matérielle. Relatif aux droits de l'usufruitier, l'article 587 du Code civil dispose que : « Si l'usufruit comprend des choses dont on ne peut en user sans les consommer, tel que l'argent, les grains, les liqueurs... ». L'usage de l'argent n'entraîne pas sa destruction matérielle. Son aliénation a seulement pour effet de la faire changer de patrimoine. Ce changement de patrimoine est assimilé à une consommation de la chose. A partir de ces textes et de la notion d'abusus, la théorie classique a donné une double acception de la consomptibilité.

B) La doctrine

La doctrine donne une double acception de la consomptibilité en partant de la notion d'abusus (1). La question qui se pose est de savoir si la consomptibilité est une qualité intrinsèque des choses ou un produit de la volonté individuelle (2).

1) Le fondement de la consomptibilité : la notion d'abusus

22. La relation entre la consomptibilité et la notion d'abusus - La consomptibilité est définie classiquement à partir de la notion d'abusus. Dans leur manuel de droit des biens, les Professeurs MALAURIE & AYNES définissent ainsi le droit de disposer : « Le droit de disposer de la chose qui appartient au propriétaire est un pouvoir à la fois juridique et matériel : le propriétaire peut aliéner la chose, mais aussi la détruire, ... ». Cette définition du droit de disposer (abusus) a directement une influence sur la qualification de chose consomptible : « La distinction (des choses consomptibles et non consomptibles) se fonde sur les conséquences physiques résultant de l'utilisation des choses. Il est, d'une part, des choses dont on ne peut user qu'en exerçant l'abusus (nous soulignons) : ce sont les choses consomptibles. ». La consomptibilité d'un bien dépend donc de la question de savoir si son usage implique l'exercice de l'abusus ou non. Les actes exprimant l'exercice de l'abusus sont les actes de dispositions. Un acte est classifié dans la catégorie des actes de disposition en fonction de sa nature juridique. Ainsi, l'aliénation est considérée comme un acte de disposition car il fait sortir un bien d'un patrimoine pour entrer dans un autre. C'est par ce raisonnement que le doyen Carbonnier justifiait la classification de la monnaie dans la catégorie des choses consomptibles : « on ne peut utiliser des instruments monétaires qu'en les dépensant, en les impliquant dans un paiement ; or il faut pour cela les aliéner. C'est de cette manière que la monnaie est une chose consomptible32(*) ».

2) Le critère de la consomptibilité

23. La consomptibilité naturelle ou la conception objective des biens - La notion de consomptibilité a pour la majorité des auteurs une acception objective. C'est ainsi que l'on affirme que la consomptibilité est une qualité intrinsèque du bien. On se réfère à la destination « normale » d'un bien pour déterminer si celui-ci est un bien consomptible ou non. Concernant la monnaie, on retrouve la trace de cette idée sous la plume de Pierre JAUBERT33(*) : « Par nature, la fonction de la monnaie, sa seule utilisation possible, est l'aliénation. Sans doute pourrait-on envisager des pièces de monnaie qui sont des pièces de collection ; on peut envisager encore des pièces exposées en montre chez les changeurs, et qui sont utilisées autrement que par l'aliénation. Mais la monnaie perd alors son caractère essentiel. Elle cesse même d'être de la monnaie. Si la monnaie n'était pas une chose consomptible primo usu, elle n'existerait pas, elle n'aurait aucune valeur. La consomptibilité primo usu est donc un de ses caractères spécifiques ». Ainsi la monnaie est une chose consomptible car sa destination « normale » est son aliénation34(*).

24. La consomptibilité par destination ou la conception subjective des biens - Dans sa thèse35(*), le Professeur François TERRE a contesté la conception objective de la consomptibilité. Pour cet auteur, parmi d'autres36(*), la consomptibilité dépend avant tout de la volonté du propriétaire : « La notion de consomptibilité paraît au premier abord indépendante de la volonté individuelle. Une chose est consomptible ou ne l'est pas. Pourtant, si l'usage qui en est fait implique sa consommation, il y a chose consomptible. Or la consommation peut se manifester sous deux formes : destruction, aliénation. Ces deux activités sont sous la dépendance de la volonté individuelle...37(*) ». La qualification de choses consomptibles dépend avant tout de la destination que le propriétaire assigne à un bien. Tout dépend donc de savoir si une chose est destinée à être détruite ou aliénée. Lorsqu'elle est destinée à être aliénée, le détenteur précaire en devient propriétaire au motif que l'acte d'aliénation ou de destruction constitue un acte de disposition relevant du pouvoir de disposition du propriétaire. L'usufruit de choses consomptibles illustre cette analyse.

II) Le modèle : l'usufruit de choses consomptibles

25. La théorie du quasi-usufruit - La théorie classique du droit des biens a déduit de la consomptibilité des choses une conséquence sur le régime de la propriété. Le texte à partir duquel ils ont raisonné est l'article 587 du Code civil qui dispose que : « Si l'usufruit comprend38(*) des choses dont on ne peut user sans les consommer, comme l'argent (nous soulignons), les liqueurs, l'usufruitier a le droit de s'en servir, mais à la charge de rendre, à la fin de l'usufruit, des choses de même quantité et qualité soit leur valeur estimée à la date du paiement ». La majorité des auteurs39(*) ont déduit de ce texte la théorie du quasi-usufruit40(*) c'est-à-dire le contrat dans lequel, à raison de la consomptibilité des choses remises en usufruit, l'usufruitier deviendrait propriétaire de ces choses. Cette théorie découle directement de la conception classique de la propriété. Selon cette conception, inspirée par Bartole, la propriété est un ensemble d'attributs constitutifs : le droit d'user (usus ou jus utendi), le droit de jouir (fructus ou jus fruendi) et le droit de disposer (abusus ou jus disponendi)41(*). De cette définition, ces auteurs en ont conclu que l'usufruit est un « double » démembrement de la propriété : l'usufruitier est la personne réunissant entre ces mains l'usus et le fructus (usus-fructus42(*)). Tandis que le « nu-propriétaire » est un propriétaire « diminué » ne disposant plus que de l'abusus.

26. La confusion des attributs de la propriété en présence de choses consomptibles - La présence de choses consomptibles dans l'assiette de l'usufruit a compliqué le schéma en raison de la définition donnée par ces auteurs de la disposition (ou abusus). Cet attribut de la propriété est celui en vertu duquel le titulaire d'un droit de propriété peut exercer un acte de disposition c'est-à-dire « un acte par lequel celui qui l'a fait ne pourra plus le renouveler 43(*)». Cet acte de disposition peut être matériel ou juridique44(*). A la disposition matérielle correspond la destruction matérielle d'une chose et à la disposition juridique, son aliénation. Dans ces deux cas, le droit de propriété est soit détruit (consommation matérielle), soit transmis (consommation juridique). Partant de l'article 587 du Code civil, la théorie classique en a déduit que l'usufruitier devenait propriétaire des choses « dont on ne peut user sans les consommer » car cette consommation entraînant la destruction ou la transmission du droit de propriété. L'usufruitier devait alors être investi de l'abusus. Ainsi, en présence de choses consomptibles il y inéluctablement un transfert de propriété car « l'usus se confond avec l'abusus 45(*) » : l'abusus étant l'attribut caractéristique de la propriété46(*), l'usufruitier, par cette « confusion des droits» deviendrait propriétaire de ces choses47(*) tandis que le nu-propriétaire ne devient qu'un vulgaire créancier chirographaire.

La monnaie étant classiquement qualifiée de chose naturellement consomptible48(*), certains auteurs en ont déduit la même conséquence dans l'analyse du gage-espèces.

III) La transposition du raisonnement dans l'analyse du gage-espèces.

27. L'influence de la non-individualisation des sommes d'argent sur leur qualification - Dans sa thèse49(*), le Professeur CROCQ déduit de la nature consomptible de la monnaie un transfert de propriété au profit du créancier accipiens. En amont du raisonnement, l'auteur part de la notion de chose de genre : « L'argent est une chose de genre, la somme d'argent ne s'individualise que par une opération de compte, et c'est un bien d'une fongibilité parfaite : valeur d'échange absolue, les instruments monétaires non seulement sont interchangeable entre eux, mais en plus ont vocation à remplacer n'importe quel bien ou prestation. En raison de cette parfaite fongibilité et si l'on met à part l'hypothèse où une somme d'argent remise à un tiers demeurerait (nous surlignons) individualisée, chaque fois qu'une somme d'argent sont remise à une personne, quelque soit la nature juridique de l'opération qui a pour effet cette remise, cette somme se fond nécessairement avec l'ensemble de l'actif monétaire de celui qui la reçoit ». Ainsi, le non maintien de l'individualisation après la remise de la somme d'argent a pour effet de rendre indiscernable les sommes remises.

28. L'assimilation du gage-espèces au quasi-usufruit - De ce défaut d'individualisation, l'auteur en conclut aussi que « sauf à le conserver et sous réserve de l'hypothèse précédente, l'argent est une chose consomptible au sens de chose dont on ne peut faire un premier usage sans en perdre la propriété. Dès lors que la remise de l'argent ne s'accompagne pas du maintien de son individualisation, qui seule pourrait restreindre le pouvoir de disposition de celui qui reçoit, il faut admettre que ce dernier en est devenu propriétaire et cela qu'il s'agisse d'un prêt, d'un dépôt ou d'une constitution de garantie50(*) ». En d'autres termes, le défaut d'individualisation de la monnaie a pour effet de lui attribuer la qualification de chose juridiquement consomptible, qualification justifiant alors que le créancier en devienne le propriétaire. L'affirmation s'appuie directement sur la théorie du « quasi-usufruit » : c'est, nous dit l'auteur, « une affirmation comparable à celle de l'article 587 du Code civil dans le cas du quasi-usufruit » ; en d'autres termes, le créancier « a le droit de s'en servir, à charge de restituer » à la fin du contrat de gage « des choses de même quantité et qualité ». Il tire donc argument de ce transfert de propriété accidentel pour affirmer que la sûreté ne constitue plus un gage mais une sûreté-propriété51(*). En effet, le transfert de propriété est incompatible avec l'essence du gage52(*). Le gage est une sûreté réelle reposant sur une dualité de droit, de nature différente, sur une seule et même chose : le droit de propriété du constituant et le droit réel du créancier gagiste. Dès lors que l'on a postulé un transfert de propriété en raison de la nature consomptible de la monnaie, cette dualité de droit disparaît à part si, comme dans le quasi-usufruit, le constituant resterait propriétaire par fiction53(*).

IV) Les critiques du raisonnement

Deux critiques peuvent être apportées au raisonnement. D'une part, il assimile le gage de sommes d'argent au quasi-usufruit, ce qui n'est pas une évidence (A). D'autre part, il postule qu'il faut être propriétaire pour disposer des unités monétaires comprises dans l'assiette de la sûreté. Une certaine évolution du droit sur cette question suscite une remise en cause de cette analyse (B).

A) La contestation de l'assimilation du gagiste à l'usufruitier

La justification du transfert de propriété réside dans la consomptibilité de la monnaie et plus particulièrement dans l'idée que le créancier gagiste ne pourra utiliser la monnaie sans l'aliéner. Cette analyse est critiquable en raison de l'analogie faite entre l'usufruit et le gage. En effet, si l'on suit le triptyque avancé par la théorie classique, on ne comprend guère comment la nature consomptible de la monnaie justifie le transfert du droit de propriété au créancier gagiste.

29. L'absence d'usus dans les prérogatives du créancier gagiste - La théorie classique donne une définition phénoménologique54(*) du contenu de la propriété. La propriété est le droit d'user (usus ou jus utendi), de jouir (fructus ou jus fruendi) et de disposer des choses (abusus ou jus abutendi) dont on a la propriété. En matière d'usufruit, le transfert de propriété était justifié car l'usufruitier a l'usus et le fructus. Ne pouvant user sans abuser de la chose, il était admis alors qu'il devenait propriétaire des choses consomptibles, à charge d'en restituer par équivalent ou en valeur. Mais contrairement à l'usufruitier, dans cette vision des choses, le créancier gagiste n'acquiert ni l'usus, ni le fructus et encore moins l'abusus. N'ayant pu recevoir l'usus, on ne comprend pas pourquoi il recevrait l'abusus. M. LEDUC55(*) a critiqué cette analyse par ces arguments : « L'usufruitier ou l'emprunteur peut, en cette qualité, user de la chose. C'est dans cette faculté d'exercer l'usus que se trouve l'explication de l'effet translatif de propriété que produisent l'usufruit et le prêt quand ils portent sur une chose consomptible. Qui peut user d'une chose consomptible en dispose par voie de conséquence nécessaire. L'exercice de l'usus est alors indissociable de l'abusus. Celui qui a qualité pour user de la chose réunissant, dès lors, toutes les prérogatives de la propriété, force est de lui reconnaître le titre de propriétaire. Cette explication de l'effet translatif de propriété exceptionnel résultant de la consomptibilité condamne toute extension de celui-ci aux contrats, tel le gage, qui n'investissent pas l'une des parties de la faculté d'user de la chose d'autrui56(*) ».

30. L'absence d'autorisation du constituant - A la différence de l'usufruitier, le créancier, sauf convention contraire, n'a pas l'autorisation d'user de la chose remise en garantie : il n'acquiert aucun pouvoir de disposition, de jouissance ou d'usage sur cette chose. Le bien dont s'est dépossédé le débiteur « n'est, dans la main du créancier, qu'un dépôt assurant le privilège de celui-ci » (article 2079 du Code civil) : le créancier n'est qu'un dépositaire jusqu'au jour de la réalisation de la sûreté, il n'a aucun pouvoir juridique dessus. Dans les règles relatives au dépôt, la loi prévoit que « (le dépositaire) ne peut se servir de la chose déposée sans la permission expresse ou présumée de la chose déposée » (article 1930 du Code civil). C'est ce qu'a rappelé récemment la Troisième chambre civile de la Cour de cassation57(*) à propos du nantissement d'une police d'assurance-vie : « la dépossession qui fait perdre au constituant une partie de ses prérogatives sur la chose donnée en gage, ne le confère pas pour autant au créancier nanti qui dispose, en sa qualité de dépositaire de cette chose jusqu'à la restitution, du seul pouvoir de la garder et de la conserver sans acquérir celui d'en user ni de l'administrer ».

Le créancier, n'ayant aucun pouvoir d'user de la chose remise en garantie, ne peut a fortiori la consommer juridiquement (aliénation).

Toutefois, cette argumentation n'épuise pas toute l'analyse. Que faire si le constituant autorise le créancier gagiste à utiliser les unités monétaires contenues dans l'assiette de la garantie ? Dans ce cas, on retombera dans la même problématique. En autorisant le créancier à user de la chose, celui-ci exercera l'abusus pour en user. A l'instar de l'usufruitier de choses consomptibles, le créancier gagiste en deviendra propriétaire afin de légitimer cet acte d'aliénation.

Une évolution récente du droit permet de contester cette analyse.

B) La contestation de la classification automatique des actes d'aliénation dans la catégorie des actes de disposition

La seconde critique qui peut-être apportée à l'analyse sus-exposée est la classification automatique des actes d'aliénation dans la catégorie des actes de disposition (1). On retrouve des traces de la dissociation des actes d'aliénation du pouvoir de disposition du propriétaire dans la jurisprudence (2) et dans la loi (3)

1) La doctrine

31. Le critère de l'acte de disposition - La classification des actes juridiques dans la catégorie des actes de disposition en fonction de leur nature juridique a été critiquée par les Professeurs ZENATI & REVET dans leur manuel de droit des biens : « Le caractère flou du critère de distinction des actes d'administration et des actes de disposition s'explique par le contenu économique de cette distinction. L'opportunité d'un acte ne s'apprécie pas selon sa nature juridique (aliénation, obligation...), mais en fonction d'une psychologie de la gestion des biens. L'apanage du risque appartient au seul propriétaire. L'administrateur se doit d'agir avec mesure.58(*) ». Un acte d'aliénation peut être qualifié d'acte d'administration. Ainsi, le possesseur de la chose d'autrui peut effectuer un acte d'aliénation. Une jurisprudence récente confirme cette analyse.

2) La jurisprudence

32. L'usufruit de portefeuille de valeurs mobilières - On retrouve une trace de cette idée dans l'arrêt du 12 novembre 199859(*) rendu par la 1ère chambre civile de la Cour de cassation au sujet de l'usufruit d'un portefeuille de valeurs mobilières. Normalement, à suivre la théorie classique seul le propriétaire peut effectuer des actes d'aliénation. En cédant les valeurs mobilières contenues dans le portefeuille, l'usufruitier effectue sans aucun doute des actes d'aliénation : la valeur mobilière va quitter le patrimoine du nu-propriétaire pour entrer dans celui de l'acquéreur. Mais cet acte n'est pas analysé en un acte de disposition mais un acte d'administration60(*). Dès lors, il n'est pas nécessaire d'être propriétaire pour effectuer sur un acte d'aliénation : il suffit d'en être administrateur. Cette analyse se retrouve dans une réforme récente.

3) La loi

33. Les garanties financières : un exemple de la dissociation de l'acte d'aliénation du pouvoir de disposition du propriétaire - L'évolution du droit contredit l'analyse présentée plus haut. En matière de garanties financières, le législateur ne penche pas pour cette solution. A l'inverse, il admet que le constituant reste propriétaire et que les droits respectifs des parties se reportent sur les objets venus en remplacement. Ainsi, il n'est pas nécessaire d'être propriétaire pour « aliéner » les unités monétaires remises en sûreté. De plus leur aliénation ne fait pas disparaître l'assiette de la garantie.

L'ordonnance du 24 février 200561(*) a mis en place un dispositif dualiste pour les sûretés garantissant les obligations financières. Le nouvel article L. 431-7-3, I° dispose que : « A titre de garantie des obligations financières présentes ou futures mentionnées au I de l'article L. 431-7, les parties peuvent prévoir des remises en pleine propriété...de valeurs, instruments financiers, effets, créances, contrats ou sommes d'argent, ou la constitution de sûretés sur de tels biens ». Parmi les sûretés y figura notamment le gage de sommes d'argent. Cette réforme permet au bénéficiaire de la sûreté de disposer ou d'utiliser les biens contenus dans l'assiette de la sûreté : « L'acte prévoyant la constitution de sûretés mentionnés au I peut définir les conditions dans lesquelles le bénéficiaire de ces sûretés peut utiliser ou aliéner (nous surlignons) les biens ou droits en cause à charge de restituer des biens ou droits équivalents » (nouvel article L. 431-7-3, III° C. M. F.). Le créancier gagiste pourra donc aliéner les sommes d'argent contenues dans l'assiette du gage.

34. Le maintien de la propriété du constituant sur l'assiette du gage - Mais cette faculté d'aliénation - qui doit être prévue dans le contrat constitutif de la sûreté - n'implique pas pour autant que le créancier devienne propriétaire des sommes aliénées. Il y a ici dissociation de l'acte d'aliénation du droit de propriété. Cette dissociation implique alors que le créancier sera tenu d'une obligation de remplacement.

Cette même disposition prévoit en effet que le bénéficiaire peut aliéner les biens compris dans l'assiette de la sûreté « à charge pour lui de restituer au constituant des biens équivalents ». Ce maintien de la qualité de propriétaire du constituant est corroboré par le fait que le droit réel du créancier se reporte sur les biens équivalents (nouvel article L. 431-7-3, III°).

35. La subrogation réelle au sein de l'assiette de la sûreté - En apparence, cette survie des droits des parties provient de la mise en place par le législateur d'un mécanisme de subrogation réelle : « Les sûretés concernées portent alors sur les biens...équivalents ainsi restitués comme si elles avaient été constituées dès l'origine sur ces biens équivalents » (Article L.431-4-3). Mais ce mécanisme de subrogation réelle découle du fait que la sûreté n'a pas pour objet les sommes d'argent en elles-mêmes mais l'universalité62(*) qui les contient. La sûreté sus-mentionnée contient les ingrédients de l'universalité : distinction des éléments contenus et du contenant, obligation de remplacement, subrogation réelle des éléments entrés dans la structure. Nous pouvons appuyer cette affirmation sur les travaux63(*) de Melle KUHN : « Si le domaine de la subrogation réelle a suscité une controverse, son intervention de plein droit dans le cadre des universalités n'a jamais été discutée. L'universalité révèle la dimension dynamique et instable de l'universalité, sa composition étant changeante, renouvelée et renouvelable. Le recours à la subrogation réelle assure le maintien du contenu dans le mouvement... ». Ce à quoi l'auteur ajoute : « La subrogation réelle respecte les critères d'alimentation précédemment déterminés : l'élément nouveau a les mêmes utilités que l'élément sortant, ils sont considérés alors comme équivalents (nous soulignons).....La continuité est alors parfaite et aucune rupture n'intervient... : l'élément subrogeant prend la nature de l'élément subrogé ».

36. L'obligation de remplacement du créancier gagiste - Cette illustration législative permet de démontrer que l'aliénation ne constitue pas forcément un acte de disposition. Seul le propriétaire a le pouvoir de disposer de ses biens. L'acte d'aliénation effectué par le possesseur de la chose d'autrui, comme en l'espèce, le créancier gagiste, ne constituera pas un acte de disposition64(*) mais un acte d'administration, à condition que le constituant l'ait autorisé (article L. 431-7-3, III° Code Monétaire et Financier). Cette dissociation de l'acte d'aliénation du pouvoir de disposition du propriétaire65(*) permet alors de comprendre l'obligation de remplacement du possesseur de l'universalité. Il a comme tout possesseur de la chose d'autrui l'obligation de conserver la substance de la chose. La double dimension de l'universalité positive cette obligation de conservation de la substance. Le possesseur (ou détenteur) a une obligation de remplacement. Les éléments contenus constituent la substance de l'universalité. Le bénéficiaire de la garantie en aliénant les éléments contenus a diminué temporairement la substance de l'universalité. Ainsi, il devra remplacer les éléments aliénés par d'autres de même nature et en même quantité afin de la conserver.

37. Les garanties financières : un modèle pour le gage-espèces - Cette avancée législative peut à notre avis constituer un modèle d'inspiration pour le gage de sommes d'argent. Dès lors que l'on admet que les unités de paiement sont contenues dans une universalité, il devient aisé d'expliquer que le créancier aliène les unités monétaires contenues sans en être propriétaire : la qualité de possesseur suffira à condition d'être autorisée par le constituant. Mais l'universalité, ne lui appartenant pas, il devra les remplacer car il est tenu de conserver la substance de la chose d'autrui.

38. Conclusion du §1 - La monnaie est qualifiée de choses consomptibles dès lors qu'elle ne serait pas isolée des sommes d'argent appartenant au créancier. En raison de cette consomptibilité, la théorie classique en avait déduit un transfert de propriété au profit du détenteur dès lors qu'il est autorisé à en user. Cette analyse est justifiée par le fait que celui-ci devra exercer l'abusus. Or étant un attribut essentiel de la propriété, il faut faire du détenteur un propriétaire. Cette analyse est justifiée par une classification automatique des actes d'aliénation dans la catégorie des actes de disposition.

Une nouvelle approche de la qualification des actes juridiques en acte de disposition permet d'autoriser le créancier gagiste d'aliéner les unités monétaires comprises dans l'assiette de la sûreté. Pour cela, il est nécessaire de mettre en place une universalité. Les actes d'aliénation ne porteront pas alors sur le bien gagé mais sur les éléments contenus dans l'objet du gage : l'universalité. Comme en matière d'usufruit d'un portefeuille de valeurs mobilières66(*) ou de garanties financières67(*) assorties d'un droit de re-use, l'acte d'aliénation ne sera pas un acte de disposition mais un acte d'administration. Les pouvoirs d'un possesseur suffisent à justifier l'acte d'aliénation. Il n'est pas nécessaire de passer par la propriété. Cette analyse pourrait, à notre avis, être un modèle pour l'organisation juridique du gage-espèces.

Le second argument avancé pour justifier le transfert de propriété au bénéfice du créancier gagiste est la fongibilité. Cette argumentation pose un problème différent : celui de l'identification de l'assiette du gage (ou du nantissement).

§ 2 / Le fondement du transfert de propriété : la fongibilité ?

39. La fongibilité naturelle de la monnaie - On dit souvent que la monnaie constitue une chose fongible68(*). Pour reprendre l'expression du doyen CARBONNIER, « Les instruments monétaires sont des biens éminemment fongibles...malgré leur hétérogénéité matérielle69(*) ». Cette fongibilité de la monnaie s'explique parce que ce ne sont pas les supports en eux-mêmes qui sont considérés être de la monnaie mais les unités idéales70(*) (ou de paiement) qui y sont intégrées. Le transfert de propriété des sommes d'argent remises en garantie est fondé par la doctrine majoritaire sur la fongibilité naturelle de la monnaie.

Au préalable, la notion de fongibilité doit être cernée, notamment en la distinguant des notions de choses de genre et de choses consomptibles (I). Le modèle du raisonnement selon lequel la remise de choses fongible, même à titre précaire, en transfert de propriété est le dépôt de fonds en banque (II). A partir de cette analyse, la majorité des auteurs, la jurisprudence et le législateur en ont déduit que le créancier gagiste devenait propriétaire de la somme d'argent affectée en garantie dès sa remise (III).

I) La fongibilité : étude législative et doctrinale

La fongibilité des biens est rarement exprimée dans la loi (A). A partir de ces textes, la doctrine a construit la notion de choses fongibles (B).

A) La loi

40. La fongibilité dans le Code civil : une notion fonctionnelle - Le Code civil utilise l'expression de choses fongibles à l'occasion de la compensation. Aux termes de l'article 1291 du Code civil « La compensation n'a lieu qu'entre deux dettes qui ont également pour objet une somme d'argent, ou une certaine quantité de choses fongibles de la même espèce71(*)... ». L'article 1291 du Code civil apporte deux précisions concernant la fongibilité. D'une part, une chose est fongible lorsqu'elle peut être mise dans un rapport d'équivalence avec une autre chose. D'autre part, la fongibilité est fonctionnelle : elle permet l'extinction des dettes réciproques des parties dès lors que l'objet de leur obligation est fongible. Par contre, ce texte ne donne aucune précision sur la notion de choses fongibles. En effet, celui-ci utilise l'expression de « quantité de choses fongibles de la même espèce ». A la lecture de cette disposition, il est permis d'affirmer que les critères de quantité et d'espèce (qui sont propres aux choses de genre) ne participent pas de la notion de choses fongible.

41. La fongibilité dans le Code de commerce : une notion confondue - Le Code de commerce utilise aussi l'expression de choses fongibles. Relatif à la revendication des biens vendus avec clause de réserve de propriété, l'article L. 621-122 alinéa 3 dispose que : « La revendication en nature peut également s'exercer sur des biens fongibles lorsque se trouvent entre les mains de l'acheteur des biens de même espèce et même qualité ». Ce texte confond les choses fongibles avec les choses de genre. Le propriétaire peut revendiquer des biens fongibles s'ils remplissent les critères d'espèce et de qualité.

B) La doctrine

1) L'assimilation des choses de genre aux choses fongibles

42. L'assimilation des choses de genre aux choses fongibles - Le droit positif ne donne aucune définition expresse de la fongibilité. Le dictionnaire de Vocabulaire juridique Henri Capitant définit de la façon suivante les choses fongibles : « Choses, qui n'étant déterminées que par leur nombre, leurs poids ou leur mesure, peuvent être employées indifféremment dans les paiements72(*) ». Cette définition a le mérite de mettre en avant le rôle fonctionnel de la fongibilité mais contient une confusion entre les choses fongibles et les choses de genre. En effet, ce même dictionnaire définit les choses de genre de la manière suivante : « Expression employée pour désigner les choses fongibles par opposition aux corps certains ». Cette confusion est classique dans les manuels de droit des biens73(*).

43. La fongibilité : une notion confondue - Les choses fongibles sont souvent présentées comme des choses de genre. Celles-ci seraient des choses naturellement fongibles. On parle dans ce cas de fongibilité naturelle. Toutefois, on reconnaît un certain pouvoir aux volontés individuelles. Par exemple, on admet que les parties à un contrat puissent estimer qu'un corps certain puisse être fongible avec un autre corps certain. Pour expliquer cette possibilité, on estime que les parties prennent alors ces corps certains comme des choses de genre74(*). Ce passage à l'état de genre permet alors leur fongibilité.

2) La distinction des choses fongibles et des choses de genre

44. La fongibilité : une notion à distinguer - La notion de chose fongible est confondue avec celle de chose de genre. Par exemple, on estime que l'individualisation d'une chose de genre fait d'elle un corps certain et par suite non fongible. Pourtant les notions de fongibilité et de chose de genre sont distinctes. Tout d'abord, la notion de chose de genre concerne les biens à l'état naturel. Les biens sont des choses de genre lorsqu'ils ne sont pas encore commercialisés. Par exemple, dans la vente, les choses de genre le sont avant l'individualisation. Après cette opération, elles sont identifiées et c'est justement cette identification qui permet leur commercialité juridique. A ce stade, elles constituent des corps certains. C'est à ce moment précis qu'elles peuvent être l'objet d'une obligation (article 1108 C.civ.). Alors que la notion de chose fongible concerne les biens à l'état social, c'est-à-dire que les biens concernés sont déjà commercialisés (juridiquement). Par exemple dans la compensation, il est nécessaire que les obligations réciproques aient un objet fongible (article 1291 C.civ.). Or pour être l'objet d'une obligation, faut-il encore qu'elles aient atteint l'état d' « objet certain ».

Ensuite, une chose de genre peut être prise isolément. Une chose de genre est une chose appartenant à un genre de choses. Il n'est pas nécessaire d'avoir plusieurs choses pour qu'une chose de genre. Par exemple, un morceau d'or est une chose appartenant à un genre : l'or. Si toutes les réserves d'or sont épuisées, ce morceau d'or continue d'être une chose de genre. Les choses fongibles, au contraire, ne sont pas des choses prises isolément mais dans un rapport. Une chose est fongible avec une autre75(*) ; elle n'est pas fongible toute seule.

Enfin, la notion de chose de genre est objective : une chose appartient ou n'appartient pas à un genre. C'est une qualité intrinsèque d'un bien. En revanche, la notion de chose fongible est subjective : c'est parce que les parties l'ont décidé que deux biens peuvent être fongible entre eux.

Maintenant cette confusion, l'analyse classique a tiré une conséquence curieuse de la « fongibilité » des biens : leur remise entraîne celui de leur propriété à l'accipiens dès lors qu'elles ne sont pas maintenues à un état individualisé. Le dépôt de fonds en banque constitue le modèle de réflexion.

II) Le modèle : le dépôt de fonds en banque

La fongibilité, comme la consomptibilité76(*), est une notion perturbatrice des rapports juridiques77(*). Alors que la plupart du temps, les parties ont conclu un contrat non translatif de propriété, par exemple, un dépôt, la « fongibilité » aurait pour effet de rendre ces contrats translatifs de propriété. Le dépôt de fonds en banque en est le modèle type du raisonnement menant à une telle solution. De plus son étude éclairera les raisons qui ont amenées à la controverse sur la nature juridique de la monnaie scripturale.

Après avoir présenté l'analyse doctrinale et jurisprudentielle du dépôt bancaire (A), nous démontrerons que le « transfert de propriété » n'est pas fondé sur la fongibilité mais sur la confusion des choses de genre (B).

A) La thèse du dépôt irrégulier et son influence sur la nature juridique de la monnaie scripturale

45. Le rapport entre la fongibilité monétaire et la nature juridique du dépôt de fonds en banque - La nature juridique du dépôt bancaire est classiquement faite à partir d'une qualité classiquement attribuée à la monnaie : celle de choses de genre. Ces choses, pour être l'objet d'une obligation ou d'un droit, doivent être individualisées. Lorsqu'un propriétaire remet des choses de genre à autrui sans mettre en place une structure permettant de maintenir leur individualisation, ces choses se mélangent avec celles du même genre appartenant à celui qui les reçoit. De ce mélange résulte une perte d'identité des choses remises. Les auteurs78(*) (1) et la jurisprudence79(*) (2) en déduisent alors que ce dernier en devient propriétaire et peut en disposer pour son propre compte.

1) La doctrine

Le dépôt bancaire est analysé à partir de la nature fongible de son objet. En raison de cette nature fongible, le banquier dépositaire en devient propriétaire. Le dépôt est alors qualifié de dépôt irrégulier (a). Cette qualification a une influence sur la nature juridique de la monnaie scripturale : elle constitue une créance (b).

a) Le dépôt bancaire est un dépôt irrégulier.

47. Un problème ancien - La nature juridique du dépôt de fonds existait déjà à Rome. Par exemple, le juriste Ulpien estimait que le dépôt en banque était un mutuum, c'est-à-dire un prêt de consommation. Mais en raison du fait que le mutuum constituait un contrat de droit strict, prohibant la stipulation d'intérêts, certains jurisconsultes romains, comme Papinien, préférèrent la qualification de dépôt (depositum)80(*).

48. Le transfert de propriété des fonds au banquier dépositaire - Aux termes de l'article 1915 du Code civil, « Le dépôt, en général, est un acte par lequel on reçoit la chose d'autrui, à la charge de la restituer en nature ». Le dépôt se caractérise par deux traits caractéristiques : la chose déposée n'appartient pas au dépositaire et il doit restituer en nature ce bien ad nutum. Le schéma se compliquerait lorsque le déposant remet de la monnaie en dépôt. En effet, la monnaie est une chose de genre c'est-à-dire une chose appartenant à un genre de choses81(*) qui sont reliées entre elles par la qualité et l'espèce. Comme nous l'avons vu, les choses de genre sont considérées comme des choses naturellement fongibles c'est-à-dire interchangeables dans les paiements et les restitutions. Constatant que la remise de la monnaie allait, en raison de sa qualité de chose de genre, se confondre dans la masse monétaire détenue par le banquier dépositaire, les auteurs en ont déduit alors que le banquier ne restituerait pas les sommes déposées en nature, mais par équivalent. Cette analyse est en relation directe avec la théorie de l'incorporation du droit de propriété dans son objet. Si le banquier restitue par équivalent, il est restitue une chose différente que celle remise. Dès lors, le déposant a perdu le droit de propriété incorporé dans la chose remise. Par suite, la « restitution » par équivalent s'analyse, à notre avis, davantage comme un transfert de propriété qu'une véritable restitution.

Le dépôt impliquant une restitution en nature, la plupart des auteurs en ont déduit que le dépôt bancaire ne constituait pas un véritable dépôt mais un dépôt irrégulier.

49. Le transfert de propriété des fonds au banquier : justification - De ce mélange, l'analyse classique en a déduit une autre conséquence juridique : le transfert de propriété des sommes d'argent au profit du dépositaire82(*). On avance une double série d'arguments pour justifier ce transfert de propriété accidentel. D'une part, on argue que le déposant ne pourrait revendiquer les sommes d'argent déposées car le mélange leur a fait perdre leur identité. D'autre part que le banquier ne pourrait en user sans en disposer (ce qui renvoie à la question de la qualification des actes d'aliénation effectués par le banquier dépositaire).

b) La monnaie scripturale est une créance de sommes d'argent.

50. L'influence du transfert de propriété sur la nature juridique de la monnaie scripturale : la transformation du droit de propriété en droit de créance - Le transfert de propriété a une influence sur la nature juridique de la monnaie scripturale. Cette dénomination sert à désigner les fonds déposés en banque. Dès lors que l'on admet que le banquier dépositaire devient propriétaire des fonds qu'il reçoit, la monnaie scripturale est alors représentée par le solde du compte en banque. Ce solde est censé représenté la créance de sommes d'argent que dispose le client contre son dépositaire. Par conséquent la monnaie scripturale se distingue de la monnaie fiduciaire. Cette dernière est considérée comme les fonds eux-mêmes, c'est-à-dire les pièces et les billets qui la représentent : elle constitue donc une chose corporelle. La monnaie scripturale est différente. Elle ne représente pas des fonds mais la créance du client contre le banquier. C'est en ce sens qu'elle constitue un bien meuble incorporel83(*). Cette analyse rejaillit sur la nature juridique de l'affectation en garantie de la monnaie scripturale.

2) La jurisprudence

51. Le transfert de propriété des fonds déposés - La jurisprudence consacre la thèse du dépôt irrégulier. Par exemple, un arrêt du 7 février 1984, rendu par la Première chambre civile de la Cour de cassation, illustre l'analyse sus-exposée. En l'espèce, il se posait la question de savoir si un établissement de crédit qui avait utilisée les sommes déposées sur un livret d'épargne était passible du délit d'abus de confiance. La Cour de cassation y répond négativement aux termes suivants : « Les sommes déposées avait été, dès leur remise, en raison de leur qualité de choses de genre (nous soulignons), transférées en propriété à la Caisse d'épargne, le client ne disposait alors que d'un droit de créance ». Ainsi, selon la Cour de cassation, le banquier devient propriétaire des sommes d'argent déposées chez lui. Ce transfert de propriété est fondé sur « la qualité de choses de genre » de la monnaie. Cette motivation permet de comprendre la racine du problème posé par les choses de genre : leur absence d'identité.

B) La justification du transfert de propriété : la confusion patrimoniale

52. L'impossible revendication des sommes d'argent - L'absence d'identité des choses de genre pose un problème de preuve au niveau de leur revendication. Cette impossibilité probatoire est assimilée par la jurisprudence comme une perte de propriété. On retrouve une trace de ce raisonnement dans plusieurs arrêts. Par un arrêt du 11 novembre 1863, la Cour d'appel avait estimée que le banquier dépositaire devenait propriétaire des sommes déposées aux motifs suivants : « Lorsqu'il s'agit de choses fongibles, le déposant n'en conserve la propriété qu'autant que l'identité, par exemple des espèces monnayées et des billets de banque, pourrait être démontrée par lui, comme au cas où ils seraient enfermés dans un coffre avec description de leur numéro et de leur date d'émission ou dans un sac cacheté. Si une somme a été remise au dépositaire sans aucun signe d'individualité, quoiqu'à titre de dépôt, la revendication est inadmissible, parce que le déposant est dans l'impossibilité d'établir que les espèces billets qui existent entre les mains du dépositaire sont précisément celles qu'il a déposées. ». La conservation de la propriété est donc conditionnée à l'identification de son objet. Cette analyse a été confirmée par la Cour de cassation. Par exemple, dans un arrêt du 17 juillet 1929, la Chambre civile de la Cour de cassation - au visa de l'article 2279 C.civ. - a estimé que les sommes d'argent ne peuvent être revendiquées aux motifs suivants : « La revendication des objets mobiliers peut être admise lorsque, lié par un contrat envers le propriétaire du meuble, le détenteur n'a pas la véritable possession ; mais que l'action ne peut être exercée s'il ne s'agit pas d'un corps certain ; qu'en ce qui concerne les choses fongibles, telles que les espèces métalliques, la revendication est en principe impossible, à moins d'une individualisation matérielle et la parfaite identification des objets réclamés avec ceux que le détenteur a reçus ».

Cette analyse a été transposée lors de celle du gage-espèces.

III) La transposition du raisonnement dans le cadre de l'analyse du gage-espèces

Le gage-espèces est très proche du dépôt en ce que le créancier est considéré comme un dépositaire84(*) jusqu'à la restitution du gage ou la réalisation de la sûreté. Il ne fait qu'acquérir la possession du gage, possession limitée par des obligations85(*) notamment l'obligation de conservation. A l'image du dépôt irrégulier, le gage serait translatif de propriété en raison de la nature fongible de son objet. La doctrine majoritaire (1), la jurisprudence (2) et le droit positif (3) ont adoptés ce raisonnement dans le domaine du gage-espèces.

A) La doctrine

53. L'assimilation du gage-espèces au dépôt de fonds en banque - La doctrine s'accorde généralement sur un fait : le transfert de propriété. La nature fongible de l'objet de la garantie aurait pour effet de transférer la propriété des sommes d'argent au créancier gagiste (détenteur) (a). Toutefois, les avis divergents sur les conséquences juridiques à tirer de ce transfert au regard de la qualification juridique du gage-espèces (b).

1) Le point acquis : le transfert de propriété

54. L'assimilation du créancier gagiste au banquier dépositaire - Suivant l'analyse classique de l'influence de la fongibilité dans les contrats non acquisitifs de propriété86(*), les auteurs s'accordent pour affirmer que le créancier « gagiste » devient propriétaire des sommes d'argent affectées en garantie dès leur remise. En amont du raisonnement, ils partent de la qualité de chose de genre. La monnaie est une chose de genre c'est-à-dire une chose qui appartient à un genre de chose qui se pèse, se compte ou se mesure. Ces choses ont la particularité de n'avoir aucun signe distinctif : elles sont par conséquent fongibles entre elles. On parle de fongibilité naturelle. La monnaie est une chose de genre et par suite fongible. Dès leur remise au créancier, les unités monétaires deviennent indiscernables de celles appartenant au créancier. Alors, comme en matière de dépôt monétaire, on postule que le droit de propriété a été transféré au profit du créancier87(*).

2) Les divergences sur la qualification du gage-espèces

La doctrine diverge sur une question essentielle : la qualification du gage-espèces. Alors que certains admettent que dans ce cas, la sûreté n'est plus un gage (a), d'autres auteurs préfèrent maintenir la qualification de gage afin de sauver la volonté des parties (b).

a) La thèse de la sûreté-propriété

55. L'incompatibilité des règles du gage et du transfert de propriété - Dans son article, M. CABRILLAC88(*) exclut la qualification de gage en raison de l'incompatibilité des règles du gage avec le transfert de propriété. En amont du raisonnement, l'auteur par du principe que les règles du gage sont fondées sur une dualité de droit réels portant sur l'objet du gage. D'un côté, il y a un droit réel principal : le droit de propriété du constituant et de l'autre, un droit réel accessoire, le droit de gage du créancier gagiste. Mais à la suite du transfert du droit de propriété au profit du créancier, le créancier a alors ces deux droits sur la même chose. L'auteur estime alors que « les prérogatives du gagiste ne trouvent plus à s'exercer, absorbées qu'elles sont par les prérogatives plus larges du propriétaire ». Par suite, les règles du gage doivent être écartées car elles sont incompatibles avec la situation juridique postérieure au transfert de propriété. En effet, les droits et obligations du créancier gagiste n'ont plus de raison d'être de s'appliquer dès lors qu'il est devenu propriétaire. Concernant les obligations du créancier, elles ne peuvent s'appliquer. En effet, l'obligation de conservation comme l'obligation de restitution sont des obligations réelles qui naissent à raison de la possession de la chose d'autrui ; on ne peut avoir ce type d'obligation89(*) sur sa propre chose. Le créancier étant devenu propri-étaire des sommes d'argent qui lui ont été remises, il n'a ni à conserver ni à restituer les sommes d'argent : elles lui appartiennent en propre. Concernant les droits, ils ne peuvent pas s'appliquer pour les mêmes raisons. Le droit de rétention comme le droit réel de gage est des droits qui ont pour objet la chose d'autrui et non sa propre chose. Un propriétaire n'a pas besoin du droit de rétention pour retenir sa chose. De même il n'a pas besoin du droit réel de gage pour s'approprier la valeur de la chose : il a l'exclusivité dessus et peut utiliser toutes les utilités de sa propre chose, dont la valeur n'en est qu'une parmi d'autres.

56. L'explication : la confusion du droit réel et de l'obligation réelle - Toutefois, la justification donnée par l'auteur est contestable. Cet auteur fonde son raisonnement par l'absorption des prérogatives du créancier gagiste dans celles « plus large du propriétaire ». C'est là méconnaître la nature du droit réel de gage. Le droit réel comme le droit de créance a une structure obligationelle90(*) : en contrepartie de son droit réel, le constituant a pris un engagement réel consistant à ne pas porter atteinte à la valeur du bien donné en gage. Ce type d'obligation se caractérise en ce que le débiteur s'engage non pas comme titulaire d'un patrimoine mais en qualité de propriétaire91(*). Cette obligation est transmise alors dès le moment que l'on n'est plus propriétaire de la chose qui en est l'objet. Si les sommes d'argent remises en garantie ont été transmises au créancier, l'obligation réelle aussi. Dès lors, le droit réel de gage s'éteint par l'effet des obligations et notamment par la confusion92(*) (article 1300 du Code civil93(*)) et non pas par l'absorption des prérogatives attachées à la qualité de titulaire du droit réel de gage dans celles du propriétaire.

57. Les effets du transfert de propriété sur la situation juridique du constituant - Cette analyse a un effet sur la situation juridique du constituant ; celui-ci ne dispose plus que d'un droit de créance de somme d'argent. Cette créance est de nature personnelle ce qui a pour conséquence que le constituant, en cas d'exécution de la dette garantie, devra poursuivre le recouvrement selon les modes du droit commun des obligations et non du droit des biens : il exercera une action personnelle, l'action en paiement et non pas une action réelle, la revendication. En d'autres termes, le constituant passe de la qualité de propriétaire à celle de créancier chirographaire : c'est à sont tour de se garantir contre l'insolvabilité du créancier.

b) La thèse du gage

58. Le gage irrégulier - Une partie de la doctrine préfère maintenir la qualification de gage afin de faire respecter la volonté des parties. Selon ces auteurs, le transfert de propriété est accidentel, il résulte de la nature des choses. Ce transfert ne fait pas partie de l'essence du gage94(*). Ainsi, ils proposent d'appliquer le régime du gage avec quelques assouplissements au stade de la de la réalisation de la sûreté. En raison de la nature particulière du bien affecté en garantie - la monnaie - la sûreté pourra se réaliser par un pacte commissoire. De même, en présence d'un transfert de propriété, les dettes réciproques des parties pourront se compenser. Cette compensation jouera le rôle de réalisation de la sûreté.

59. La thèse du gage régulier - Dans son article consacré à l'étude du « gage de sommes d'argent », le Professeur LIBCHABER, tout en constatant que le créancier est devenu « propriétaire » par accident des sommes d'argent, n'en conclut pas pour autant qu'il en est propriétaire souverain et absolu : « le créancier gagiste ne peut être considéré comme un plein propriétaire de la chose libre de la considérer comme sienne et d'en gouverner les destinées à sa guise 95(*)». Si le créancier est « propriétaire » des sommes d'argent, ce n'est qu'à titre temporaire. En effet, le créancier risque d'être tenu de « restituer » une somme d'argent équivalente au cas où le constituant exécute la dette garantie. De cette constatation, l'auteur en déduite donc que le créancier n'est pas titulaire d'un droit de propriété mais d'un « droit réel spécial ». Ce droit réel est à mi-chemin entre le droit réel du créancier gagiste et le droit de propriété. Ce droit aurait pour effet de permettre au créancier de s'approprier les unités monétaires à l'échéance de la dette garantie. En d'autres termes, le créancier a un « droit à sa propriété pleine et entière ». Ce droit est un droit à terme. Seul le défaut d'exécution de la dette garantie permet au créancier d'exercer ce droit.

60. Le droit du constituant : un droit de propriété à assiette flottante - Le constituant conserve le droit de propriété. La fongibilité de la monnaie n'a pas pour effet de détruire le lien d'appropriation. Par contre, l'assiette de ce droit est mouvante. Le droit de propriété du constituant peut porter sur de choses de même qualité et de même espèce détenues par le créancier. On est ainsi dans une situation similaire à la réserve de propriété sur choses fongibles d'argent (article L.621-122 al.3 C.com. - Nouvel article 2369 C.civ.). Ce rapprochement est exact au regard de la volonté des parties. En effet, le constituant en affectant en garantie une somme d'argent n'a pas renoncé à sa propriété. Il conserve toutes les utilités de la chose. Il ne fait qu'accorder au créancier un droit réel sur une de ses utilités : sa valeur. Ainsi, comme un vendeur de choses fongibles avec clause de réserve de propriété, il a maintenu son lien d'appropriation sur la chose. Dès lors, comme ce dernier, il peut exercer la revendication sur des choses « de même qualité et de même espèce ». Peu lui importe d'être propriétaire des choses précisément remises. Seul compte pour lui d'avoir la même quantité et la même qualité. Cette analyse ne vaut que si l'on dépasse d'une part, l'incorporation du droit de propriété dans la chose et d'autre part, la nécessité d'une identification de l'objet de la propriété96(*)

La thèse de la sûreté-propriété a été avalisée par la jurisprudence.

B) La jurisprudence

La. Elle a admis d'une part le transfert de propriété des sommes d'argent dès leur remise et d'autre part, que le constituant n'est titulaire que d'une créance de sommes d'argent contre le créancier.

61. Le transfert de propriété des sommes d'argent lors de leur remise au créancier - jurisprudence a admis implicitement la qualification de sûreté-propriété. Par un arrêt du 29 mai 199497(*), la chambre commerciale de la Cour de cassation a admis que le créancier devenait propriétaire des sommes d'argent remises à titre de « dépôt de garantie » en « raison de leur nature fongible ». En l'espèce, un preneur avait remis une somme d'argent « à titre de dépôt de garantie » directement à son créancier afin de garantir les dettes de loyer pouvant découlant du bail. A la suite de la résiliation judiciaire du bail, le juge avait fixé définitivement la dette de loyer mais le débiteur, mis ensuite en liquidation judiciaire, n'avait pas honoré sa dette. Le liquidateur judiciaire constatant que le bailleur n'avait pas déclaré sa dette avait demandé la restitution du dépôt de garantie, le contrat de dépôt s'étant éteint par la voie de l'accessoire. Les juges du fond avaient refusé sa demande au motif que la dette de restitution du dépôt de garantie s'était compensée avec la dette de loyer. Le liquidateur forma alors un pourvoi en cassation rédigé comme suit : « ...la somme remise à titre de cautionnement par l'une des parties à l'autre a le caractère d'un dépôt de garantie et ne devient pas la propriété du dépositaire ( nous soulignons) ; que celui-ci dispose seulement sur cette somme d'un droit de rétention tant que le déposant ne s'est pas acquitté de sa dette et que ce mécanisme juridique est exclusif, en l'absence de toute clause contractuelle l'autorisant, d'une compensation entre le montant du dépôt, resté la propriété du déposant, et la créance alléguée par le dépositaire ». En d'autres termes, la remise d'une somme d'argent remise à titre de dépôt de garantie constitue un gage et le créancier ne peut se l'approprier en dehors d'une stipulation conventionnelle. En l'absence d'une telle clause, la compensation n'est pas envisageable. La question se posait alors de savoir si le montant du dépôt de garantie pouvait se compenser avec le montant de la dette principale alors que la clause de garantie ne prévoyait aucune compensation conventionnelle. La Cour de cassation rejeta le pourvoi aux motifs suivant : « dès l'instant de leur remise à la COGEMCO (le bailleur) ou à son syndic, les sommes déposées à titre de garantie de l'exécution des obligations par le locataire gérant sont devenues, en raison de leur nature fongible (nous soulignons), la propriété de la COGEMCO à l'égard de laquelle M.B. (le locataire-gérant) ne disposait plus que d'un droit de créance ». Cette analyse rejoint l'idée que le détenteur devient propriétaire de la somme à la suite d'une confusion entre les choses remises et celles lui appartenant. Ce transfert de propriété a lieu « dès leur remise » car elles perdent leur identité à ce moment précis. Cette analyse a été reprise par le législateur.

C) La transcription législative de l'analyse

Suite aux propositions du Groupe Grimaldi, le législateur a avalisé la jurisprudence sur la question du transfert de propriété. Ce transfert de propriété vaut aussi bien en présence de monnaie fiduciaire que de monnaie scripturale.

62. La distinction du gage de monnaie fiduciaire et du nantissement de monnaie scripturale - Le nouveau droit des sûretés réelles a proposé une division des sûretés mobilières en fonction de la nature corporelle ou incorporelle de l'objet donné en garantie. Désormais, le gage ne peut avoir que pour objet « un bien ou un ensemble de biens corporels, actuels ou futurs » (nouvel Article 2333 du Code civil). Parmi ces biens corporels, la monnaie fiduciaire en fait partie répondant ainsi aux voeux des praticiens98(*) et d'une partie de la doctrine99(*). Le nouvel article 2241 du Code civil dispose que : « Lorsque le gage avec dépossession a pour objet des choses fongibles, le créancier est tenu de les tenir séparées des choses de même qualité et de même espèce lui appartenant. Si la convention le dispense de cette obligation, il en acquiert la propriété, à charge d'en restituer de même qualité et de même espèce ». Désormais, il est acquis que si les sommes d'argent ne sont pas individualisées après leur remise, le créancier en devient propriétaire, à charge d'en restituer par équivalent. Cette disposition rejoint l'analyse exposée selon laquelle le « transfert de propriété » découle de la confusion des sommes remises avec celles appartenant au créancier.

63. L'absence de règles similaires en matière de nantissement de monnaie scripturale - Cette même conséquence se retrouvera en matière de nantissement de monnaie scripturale. Ce nantissement relève normalement des règles applicables au nantissement de biens incorporels. Toutefois, l'ordonnance du 23 Maris 2006 n'a prévu qu'une situation : le nantissement de compte en cours de fonctionnement. Cette variété de gage-espèces est un nantissement sans dépossession. Le constituant affecte en garantie de ses dettes le solde de son compte en banque. Il ne concerne pas la situation juridique envisagée.

64. Une solution identique par renvoi aux règles du gage de meubles corporels - Mais le renvoi opéré par le nouvel article 2335 alinéa 5 aux règles du gage de biens meubles corporels amènera une solution identique. Le créancier qui recevra un virement de monnaie scripturale aura l'obligation de la tenir séparée du reste de son compte en banque. En d'autres termes, il devra ouvrir un compte d'affectation spéciale sur lequel il inscrira les sommes remises à titre de nantissement. Ce qui en pratique se révèlera coûteux. S'il se fait dispenser par la convention de cette obligation de conservation de l'assiette de la garantie, il en deviendra donc propriétaire par application de l'article 2341 alinéa 2 du Code civil.

.

65. Conclusion du §2 - L'analyse classique du gage-espèces résout le problème d'identification de l'assiette du gage-espèces par un transfert de propriété. Analysé à partir des sommes d'argent affectées en garantie, le gage-espèces est un gage translatif de propriété. La perte de leur « identité » dès leur remise empêche de les distinguer au sein d'un ensemble contenant les sommes remises et les sommes appartenant au créancier. Le propriétaire qui souhaiterais alors les revendiquer ne le pourrait pas, ne pouvant pas démontre l'identité des choses remises. Le transfert de propriété est accidentel : il n'est justifié que par une impossibilité de preuve. La réforme du droit des sûretés a tenté de pallier ce problème en imposant au créancier bénéficiaire de la sûreté, au titre de son obligation de conservation, de les tenir séparés de celles lui appartenant. Mais la dispense de cette obligation entraîne la conséquence habituelle : le créancier devient propriétaire à charge de « restituer » par équivalent.

A l'inverse, le gage-espèces n'est pas translatif de propriété lorsque les parties mettent en place une structure permettant de maintenir les unités monétaires à un état individualisé tout au long de la garantie (Section II).

SECTION II : LA NATURE JURIDIQUE DU GAGE-ESPECES EN PRESENCE D'UN MAINTIEN DE L'INDIVIDUALITE DE SON ASSIETTE : UNE SURETE NON-TRANSLATIVE DE PROPRIETE

L'analyse classique qualifie le gage-espèces de gage stricto sensu lorsque les parties mettent en place une structure permettant de maintenir les unités monétaires à un état isolé c'est-à-dire séparé du patrimoine du créancier. L'individualisation des unités monétaires les font passer ainsi à l'état de corps certain permettant alors aux règles du gage de fonctionner normalement (§1). Cette individualisation a un effet sur la qualification des sommes d'argent : elles ne sont ni fongibles ni consomptibles (§2).

§1 / L'individualisation des unités monétaires, condition de la qualification de gage (ou de nantissement)

66. La nécessité d'un corps certain - Le gage ne peut porter que sur un corps certain c'est-à-dire un bien déterminé et distinct des autres biens appartenant au créancier. La pratique s'est mis alors à imaginer des techniques permettant d'isoler les unités monétaires dont celle du compte s'est avérée la plus efficace (I). Cette technique du compte spécial a permis alors de concevoir un véritable gage sur des sommes d'argent, qualification avalisée par la jurisprudence (II) et confirmée par la réforme des sûretés (III).

I) Le compte en banque, instrument de maintien de l'individualisation  des sommes d'argent remises à titre de garantie

67. Le compte : un corps certain - Le compte en banque est la technique d'individualisation des unités monétaires sous forme scripturale : la titularité du compte accompagnée de l'indisponibilité de son solde permet de mettre en place un véritable gage sur sommes d'argent. A ce stade, il se pose alors la question de savoir quel est l'objet du nantissement : le solde du compte ou les sommes inscrites au crédit du compte. La nature juridique de la monnaie scripturale est controversée en doctrine. Partant de la nature juridique du dépôt bancaire, l'analyse classique qualifie cette forme de monnaie de créance, c'est-à-dire de droit personnel (A). Une analyse récente, partant d'une analyse juridique renouvelée du dépôt bancaire, qualifie la monnaie scripturale de bien (B).

A) La qualification de créance fondée sur la fongibilité monétaire : renvoi.

68. L'influence du transfert de propriété des fonds déposés sur la nature juridique de la monnaie scripturale - L'analyse classique admet, sur le fondement de la fongibilité monétaire, que le banquier dépositaire devient propriétaire des sommes d'argent remises en banque. En contrepartie, le déposant acquiert une créance de somme d'argent envers son dépositaire. La monnaie scripturale étant l'inscription des avoirs en banque d'un client, les auteurs en ont conclu que ces inscriptions ne faisaient que constater les créances réciproques des parties qui se compensent entre elles au fur et à mesure. Le solde disponible d'un compte en banque étant alors le reflet de la créance de somme d'argent au bénéfice tantôt du client, tantôt du banquier. Cette analyse pourrait être facilement admise dès lors que l'on admet que le banquier devient propriétaire des avoirs déposés en banque. C'est ce qu'a décidé la jurisprudence a maintes reprises.

Cette analyse personnaliste des relations bancaires a été remise en cause par des auteurs.

B) La qualification de bien fondée sur une analyse renouvelée des relations bancaires : renvoi.

69. Le rejet du transfert de la propriété des unités monétaires au banquier dépositaire - Dans le cadre de sa thèse, M. LIBCHABER a étudié la question de la propriété de la monnaie scripturale100(*). Partant d'une analyse affinée de la volonté des parties, notamment des « intérêts prépondérants101(*) » des parties en cause, cet auteur nous propose une distinction selon que le client dépose son argent sur un compte tout en ayant l'intention de l'utiliser à tout moment, ou au contraire qu'il le dépose dans une perspective de rémunération à long terme. Dans le premier cas, la qualification de dépôt irrégulier doit être rejetée. Le client dans le cadre d'un compte de dépôt classique conserve la libre disposition des fonds qui y sont déposés et partant leur propriété. Le banquier ne peut refuser un retrait d'argent ou un virement ou l'encaissement d'un chèque tant que le client dispose des avoirs inscrits en compte. Cette analyse est confortée par l'analyse dualiste de la monnaie en unités de valeur et unités de paiement. En effet, lorsqu'un client dépose de l'argent en banque, sa monnaie ne fait que changer de support, elle passe d'un support papier ou métallique à un support incorporel, l'écriture en compte ou le compte en banque. Mais ce changement de support n'a pas pour effet d'altérer l'unité de paiement c'est-à-dire de la faire disparaître juridiquement du monde des choses. L'unité de paiement circulera soit par un instrument de paiement mis à disposition par le banquier pour aller dans un autre support incorporel ou le client pourra redemander qu'elles soient intégrées dans un support corporel. Cette analyse renouvelée de la monnaie à partir de son essence, l'unité de paiement, et non de son support permet alors au déposant de rester propriétaire des unités de paiement. Par la titularité du compte, il demeure propriétaire des unités monétaires qu'il contient. Mais un problème de preuve de l'identité des sommes d'argent déposées demeure.

70. Le compte en banque : une universalité ? - Cette analyse renouvelée du dépôt bancaire ne règle pas le problème de l'identité. En effet, en aliénant les unités monétaires contenues dans le compte, le banquier rendra des unités monétaires équivalentes à celles déposées. Comment alors maintenir le lien d'appropriation ? La réponse à cette question est à rechercher dans la nature du compte en banque. Un auteur102(*) récent a qualifié le compte en banque d'universalité. Dès lors l'objet du dépôt ne consiste pas dans les unités monétaires qui sont contenues dans le compte mais celui-ci. Il constitue l'objet certain du contrat de dépôt. C'est en ce sens qu'il est un dépôt régulier. Son objet n'est pas « fongible », ce sont les éléments contenus qui le sont.

L'analyse selon laquelle le gage-espèces constitue un gage lorsque les sommes d'argent affectées en garantie sont inscrites au crédit d'un compte ouvert au nom du constituant mais bloqué au profit du créancier a été confirmée par la jurisprudence.

II) La confirmation jurisprudentielle de l'analyse classique

La jurisprudence n'hésite pas à conserver la qualification de gage lorsque les sommes d'argent sont déposées dans un compte spécial et affecté à cette fin. On peut retrouver quelques affaires en jurisprudence illustrant cette affirmation.

71. Pacte commissoire et gage-espèces - Par un arrêt du 9 avril 1996103(*), la Chambre commerciale de la Cour de cassation a appliqué les règles du gage à un « gage-espèces ». Les circonstances de l'affaire expliquent cette solution. En l'espèce, afin de garantir un prêt d'argent, un tiers avait ouvert dans les livres de la banque prêteuse et bénéficiaire de la garantie un compte spécial sur lequel elle avait déposée une somme d'argent. Le contrat de garantie prévoyait en outre que la banque pouvait s'approprier les sommes d'argent en cas de défaillance du débiteur. A la suite de la mise en redressement judiciaire du débiteur, le créancier avait compensé les dettes de remboursement avec les sommes d'argent déposées en garantie. Le représentant des créanciers avait alors assigné les parties au contrat de gage en se fondant sur la prohibition du pacte commissoire. La Cour de cassation rejeta le pourvoi aux motifs suivants : « N'est pas un pacte prohibé par l'article 2078 du Code civil la stipulation d'attribution par le créancier d'un gage constitué en espèces à due concurrence du défaut de paiement ». Notons que cet arrêt vient après celui du 29 mai 1994 qui avait admis le transfert de propriété des sommes d'argent remises au créancier à titre de garantie. La cour de cassation dans cette espèce amène un raisonnement différent. Elle cherche à savoir si l'article 2078 était applicable en la cause. Et elle rejette son application non pas en raison que la sûreté ne s'analyserait pas en un gage mais parce que la prohibition du pacte commissoire n'a plus de raison d'être104(*) lorsque l'objet du gage consiste en une somme d'argent, bien facilement évaluable en ce que sa valeur correspond à sa substance.

72. Gage-espèces et opposabilité du contrat de gage - Cette analyse est renforcée par un arrêt de la Troisième chambre civile de la Cour de cassation en date du 23 avril 2003105(*). En l'espèce un débiteur avait consenti un gage-espèces à son créancier, les sommes étant déposées alors sur un compte spécial. A la suite d'une saisie-attribution du compte spécial par un créancier du débiteur, celui-ci n'a pu obtenir satisfaction, la Banque l'ayant informé que la somme inscrite au crédit du compte faisait l'objet d'un gage. Le tiers saisissant assigna alors les parties au contrat de gage devant le juge de l'exécution afin de faire déclarer le contrat de gage inopposable au motif qu'il n'a pas été constaté par écrit. Les juges du fond ayant accordé la demande du tiers saisissant, le créancier forma alors un pourvoi en cassation pour violation des articles 2074, 1141 et 2079 du Code civil. Selon le pourvoi : « l'opposabilité aux tiers du gage portant sur des espèces consomptibles et fongibles, dont la remise emporte transfert immédiat de propriété au profit du créancier gagiste (nous soulignons), n'est pas subordonnée à l'enregistrement de l'acte sous-seing privé qui le constate ». En d'autres termes, le gage-espèces, en raison de la nature consomptible et fongible de son objet, ne constitue pas juridiquement un gage. Dès lors la cour d'appel aurait violé l'article 2074 du Code civil par fausse application. La question se posait alors de savoir si le gage-espèces en cause était un gage ou non. La Cour de cassation rejette le pourvoi par un attendu qui mérite d'être retranscrit : «  le gage-espèces consenti par M. X... à la Banque française par un acte sous-seing privé a été réalisé au moyen de l'inscription sur un compte spécial des sommes affectées à la garantie de la créance de la banque et prélevées sur son compte, c'est à bon droit que l'arrêt retient que la dépossession qui a été réalisée par cette inscription, n'est pas opposable aux tiers en l'absence d'écrit ayant date certaine ». La cour de cassation part ainsi de deux séries de circonstances pour valider l'application de l'article 2074 du Code civil : d'une part, les sommes d'argent avaient été inscrites sur un compte spécial et d'autre part, la dépossession s'était réalisée dès cette inscription. Dès lors il s'agissait d'un gage qui devait avoir date certaine pour être opposable au tiers saisissant. Le compte, en tant qu'instrument d'individualisation des sommes d'argent, donne un maintien de l'individualité des sommes d'argent. Cette isolation empêche que les sommes se confondent avec celles appartenant au créancier. Elles ne sont alors ni fongibles ni consomptibles. De plus, cet arrêt rejette l'analyse en termes de créance. L'objet du gage n'est pas la créance de solde mais la somme d'argent inscrite en compte. C'est cette inscription qui réalise la dépossession.

73. Conclusion - L'affectation de sommes d'argent en garantie par leur inscription dans un compte spécial constitue un véritable gage. Cette qualification résulte du fait que le compte joue un rôle d' « individualisation » des sommes d'argent. Cette solution avait été proposée par le groupe de travail dirigé par le Professeur Grimaldi

III) Les propositions du Groupe Grimaldi

Le Projet Grimaldi a proposé cette analyse mais en faisant une distinction selon que l'objet de la sûreté consistait en de la monnaie fiduciaire ou de la monnaie scripturale.

A) Le gage de monnaie fiduciaire

74. Renvoi - Dans l'esprit du Groupe de travail Grimaldi, ce qui est affecté en garantie est le support lui-même. Ainsi, le gage ne peut avoir pour objet que des pièces métalliques ou des billets de banque. Dans ce cas, la sûreté tombera sous le coup des règles relatives au gage de bien corporel.

75. L'individualisation des sommes d'argent : une modalité de l'obligation de conservation du créancier gagiste - Afin d'assurer l'individualité de l'assiette de la sûreté, le Projet Grimaldi impose au créancier de maintenir les pièces et billets de banque à un état isolé. L'article 2338 du Projet Grimaldi prévoyait en effet que : « Lorsque le gage avec dépossession a pour objet des choses fongibles, il doit les tenir séparés des choses de même nature qui lui appartiennent ». Ainsi, le créancier qui reçoit des billets de banque doit les maintenir à l'écart des billets lui appartenant. Cette obligation relève de l'obligation de conservation106(*). Elle est sanctionnée par la restitution du « bien gagé 107(*)» (Article 2339 C.civ.).

B) Le nantissement de monnaie scripturale

Le projet Grimaldi prévoyait trois types de nantissement sur biens incorporels : le nantissement de créance, le nantissement de monnaie scripturale et le nantissement d'instruments financiers. Les deux premiers nantissements concernent le gage-espèces. Il y avait donc un gage-espèces sans dépossession et un gage-espèces avec dépossession. Dans les deux situations, l'objet du nantissement est différent.

1) Le nantissement de créance

76. Le nantissement de créance ou l'affectation en garantie de la créance de solde d'un compte en cours de fonctionnement - Parmi les dispositions relatives au nantissement de créance, le Projet Grimaldi prévoyait un article 2348 alinéa 2 rédigé comme suit : « Lorsqu'il (le nantissement) porte sur un compte, la créance nantie s'entend du solde créditeur, provisoire ou définitif, au jour de la réalisation de la sûreté. ». Dans l'esprit du Groupe Grimaldi, l'affectation en garantie d'un compte en cours de fonctionnement s'analyse en un nantissement de créance. On retrouve ici la théorie du dépôt irrégulier.

2) Le nantissement de somme d'argent

77. Le nantissement de monnaie scripturale ou l'affectation en garantie de la somme d'argent inscrite au crédit d'un compte bloqué - L'article 2357 du Projet Grimaldi définissait le nantissement de monnaie scripturale de la manière suivante : « Le nantissement de monnaie scripturale est la convention par laquelle le constituant affecte en garantie d'une obligation des fonds inscrits sur un compte bloqué ouvert à son nom par un établissement habilité à les recevoir ». Cette définition relate les solutions jurisprudentielles antérieures. Il s'agit de la situation dans laquelle le constituant affecte en garantie des sommes d'argent qu'il isolera sur un compte bloqué ouvert à son nom. Par cette technique, les sommes d'argent sont individualisées. La théorie du dépôt irrégulier ne joue pas.

IV) L'ordonnance du 23 Mars 2006 ; une réforme inachevée

Le législateur n'a repris que deux solutions proposées par le Groupe Grimaldi : le gage de monnaie fiduciaire (A) et le nantissement de solde de compte en cours de fonctionnement (B).

A) Le gage de monnaie fiduciaire

78. L'obligation de conservation de l'assiette du gage : renvoi - Dans l'esprit du législateur, la remise de monnaie fiduciaire à titre de garantie relève des règles du gage. Le nouvel article 2341 du Code civil dispose que : « Lorsque le gage avec dépossession a pour objet des choses fongibles, il doit les tenir séparées des choses de même nature qui lui appartiennent. A défaut, le constituant peut se prévaloir des dispositions du premier alinéa de l'article 2344 ».

Ainsi, le créancier a désormais l'obligation de maintenir l'individualité des sommes d'argent remises à titre de gage. Cette obligation découle directement de l'obligation de conservation du créancier gagiste. Dès lors si le créancier ne respecte pas cette obligation, le constituant est en droit de réclamer la restitution des sommes d'argent affectées en garantie. C'est ce que prévoit l'article 2344 aliéna du Code civil : « Lorsque le gage est constitué avec dépossession, le constituant peut réclamer la restitution du bien gagé, ..., si le créancier ne satisfait pas à son obligation de conservation du gage ».

B) Le nantissement de compte en cours de fonctionnement

79. Le nantissement de compte en cours de fonctionnement : un nantissement de créance - Le législateur n'a prévu que le nantissement de compte en cours de fonctionnement. Dans son esprit, il s'agit d'un nantissement de créance. Encore une fois, la fongibilité monétaire influe directement sur la qualification de la sûreté.

Le nouvel article 2360 alinéa 1 prévoit que : « Lorsque le nantissement porte sur un compte, la créance nantie s'entend du solde créditeur, provisoire ou définitif, au jour de la réalisation de la sûreté... ». Le nantissement de compte en cours de fonctionnement a pour objet la créance de solde existante au jour de la réalisation de la sûreté. Il s'agira alors d'un nantissement de créance future.

C) Le nantissement de monnaie scripturale

80. Le nantissement de compte bloqué : renvoi aux règles du gage de biens corporels - Le nantissement de monnaie scripturale, tel que proposé par le Groupe Grimaldi, n'est pas prévu par la loi nouvelle.

Toutefois, l'article 2355 al.5 permet son existence. En effet, cette nouvelle disposition prévoit que : « Celui (le nantissement) qui porte sur d'autres meubles incorporels est soumis, à défaut de dispositions spéciales, aux règles prévues pour le gage de meubles corporels ». Cette disposition permet de constituer un nantissement de monnaie scripturale inscrite au crédit d'un compte bloqué. Il s'agira d'un nantissement de choses incorporelles tenues séparément de celles appartenant au créancier. On retombera alors sous l'empire de l'article 2341 du Code civil avec obligation de conservation et sa sanction par l'action en restitution des sommes inscrites au crédit du compte.

81. Le nantissement de monnaie scripturale : renvoi aux règles du gage de biens corporels - De même l'affectation en garantie de monnaie scripturale par remise directe au créancier sera soumise aux règles du gage. Ainsi, le créancier aura l'obligation de les tenir séparément de celle lui appartenant. Cette application de la règle posée à l'article 2341 al.1 n'est pas adaptée au regard des modes de circulation de cette monnaie. La remise de monnaie scripturale se fera par inscription en compte soit au moyen de l'encaissement d'un chèque ou de l'exécution du virement. Lors de l'inscription au crédit du compte appartenant au créancier, les unités scripturales viendront se fondre dans le compte en banque. Dès lors il deviendra difficile au créancier de « les tenir séparées des choses de même nature lui appartenant ». Il ne pourra même pas identifier la monnaie scripturale ainsi remise. Il en deviendra donc propriétaire dès l'inscription au crédit du compte. Ainsi, le nantissement de monnaie scripturale constituera un transfert de propriété à titre de garantie. Le créancier aura une obligation de « restitution » par équivalent. Les règles prévues sont donc inadaptées à ce type de nantissement.

82. Conclusion : l'éclatement de la nature juridique du gage-espèces - Cette aperçu rapide démontre que la réforme n'a pas réglé tous les problèmes relatifs au gage-espèces. Cette sûreté n'a pas un régime juridique mais plusieurs régimes juridiques : gage de bien corporel (gage de monnaie fiduciaire), nantissement de créance (nantissement de compte en cours de fonctionnement), nantissement de monnaie scripturale (nantissement de compte bloqué), transfert de propriété à titre de garantie (gage de monnaie fiduciaire sans obligation de conservation, nantissement de monnaie scripturale). La réforme du droit des sûretés prévoit que le constituant conserve la propriété de la somme d'argent affectée en garantie. Mais cette conservation de la propriété est fragile. Elle suppose que le créancier maintienne la somme séparée de celles lui appartenant. Si cette solution est théoriquement possible en présence d'un gage ayant pour objet de la monnaie fiduciaire, elle est impraticable en matière de nantissement de monnaie scripturale.

§2 / Les effets de l'individualisation sur la qualification juridique de la monnaie

L'individualisation des sommes d'argent a un effet sur leur qualification juridique (I). Cette qualification empêche le transfert de propriété (II).

I) L'influence de l'individualisation sur la qualification juridique des sommes d'argent affectées en garantie

83. Rapport entre l'individualisation et la qualification juridique - L'individualisation des sommes d'argent entraîne un effet sur la qualification de la monnaie. En effet, la monnaie est considérée comme une chose de genre. Cette qualité de chose de genre impose aux parties à un contrat non translatif de propriété de les individualiser. Cette individualisation les fait passer alors à l'état de corps certain. Les sommes d'argent seraient donc plus des choses fongibles si les parties mettent en place permettant de maintenir leur individualisation. En matière de gage-espèces, la technique la plus utilisée est l'inscription dans un compte bloqué108(*). Celui-ci joue un rôle d'individualisation des sommes d'argent. Par suite, elles ont une identité propre. C'est ainsi qu'elles ne sont plus fongibles. On retrouve une trace de cette idée dans un arrêt récent109(*) rendu par la Première chambre civile de la Cour de cassation. En l'espèce, un client avait affecté en nantissement un P.E.P. afin de garantir toutes les dettes qu'il pourrait devoir à son banquier. Celui-ci, afin d'éteindre les dettes dues par son client avait compensé celles-ci avec le solde du P.E.P. Les juges du fond avaient refusé cette compensation au motif que le contrat de nantissement ne prévoyait pas de pacte commissoire, seule cette clause pouvant justifier cette compensation. Le banquier forma alors un pourvoi en cassation qui mérite d'être retranscrit fidèlement pour le besoin de la démonstration. Selon le pourvoi : « qu'ayant constaté que les sommes déposées sur un compte PEP et données en garantie à la CRCMM (le créancier) constituaient un gage-espèces, ce dont il avait résulté un effet translatif de propriété110(*)... ». En d'autres termes, l'affectation en garantie de sommes d'argent, en raison de leur nature fongible et consomptible, a un effet translatif de propriété. La question se posait alors de savoir si l'affectation en garantie de sommes d'argent déposées sur un compte PEP avait un effet translatif ou non. La Première chambre civile rejette le pourvoi aux motifs suivants : « Mais attendu qu'ayant constaté que le gage consenti par Mme LEFEVRE au Crédit Maritime avait été réalisé au moyen de l'inscription de sommes en espèces sur un compte d'épargne rémunéré dont la stabilité devait permettre l'obtention d'exonérations fiscales et d'une prime d'épargne, ce dont il résultait que les sommes d'argent n'étaient ni consomptibles ni fongibles (nous soulignons)... ». Ainsi, l'individualisation de sommes d'argent sur un compte bloqué influe sur leur qualification juridique : elles ne sont ni fongibles ni consomptibles.

84. Une confusion des notions de choses de genre et de choses fongibles - Cette analyse est conséquente de la confusion des notions de choses de genre et de choses fongibles. Les premières doivent être individualisées pour avoir une identité. Les secondes sont des choses interchangeables : elles concernent autant les choses de genre que les corps certains. A notre avis, l'inscription de sommes d'argent au crédit d'un compte ouvert au nom du constituant ne leur enlève pas le caractère de fongibilité. La question est de savoir si les parties conviennent ou non que le créancier restitue les espèces mêmes déposées ou d'autres espèces de même qualité et de même espèce. La réponse à cette question conditionne la qualification de choses fongibles. L'individualisation est propre à la notion de choses de genre.

II) L'influence de la qualification sur le sort du droit de propriété du constituant

85. Rapport entre qualification juridique et transfert de propriété - L'individualisation a un effet sur la qualification juridique des sommes d'argent : elles ne sont ni fongibles ni consomptibles. En raison de cette qualification négative, le constituant conserve son droit de propriété. En effet, le transfert de propriété est justifié par le fait que les sommes d'argent qui ne sont pas maintenues à un état individualisé après leur remise au créancier sont des choses fongibles et consomptibles. Le transfert de propriété était soit justifié par le fait que le constituant comme le créancier ne peuvent reconnaître les sommes d'argent en raison de leur confusion (la perte d'identité est alors assimilé à une perte de propriété), soit par le fait que le créancier ne pourrait en user sans accomplir un acte de disposition. En présence d'une individualisation, le raisonnement est inversé. Les sommes d'argent ne sont pas fongibles, c'est-à-dire qu'elles ont par l'individualisation une identité propre : ce sont des corps certain. Cette certitude empêche alors une confusion. Elles ne sont pas consomptibles : le créancier peut déterminer de manière certaine les sommes d'argent dont il peut disposer. Dès lors il n'y a pas de transfert de propriété. C'est ainsi qu'a raisonné par exemple la Première chambre civile dans l'arrêt du 15 novembre 2005 : « Mais attendu qu'ayant constaté que le gage consenti par Mme LEFEVRE au Crédit Maritime avait été réalisé au moyen de l'inscription de sommes en espèces sur un compte d'épargne rémunéré dont la stabilité devait permettre l'obtention d'exonérations fiscales et d'une prime d'épargne, ce dont il résultait que les sommes d'argent n'étaient ni consomptibles ni fongibles (nous soulignons), la cour d'appel en a exactement décidé que la propriété de ces sommes n'avait pas été transférée au Crédit maritime... ».

La jurisprudence actuelle donne donc un fondement naturaliste à la classification des sûretés. Tout dépend donc de la qualification de la chose objet du contrat. Si il est fongible et partant consomptible, le gage-espèces est tout sauf un gage. La propriété est « transférée » au créancier. Si il n'est pas fongible (ou un corps certain) et partant non consomptible, la sûreté s'analyse en un véritable gage. Cette analyse est donc très éloignée de la volonté des parties.

86. Conclusion de la section II - Cette brève présentation de l'analyse actuelle du gage-espèces avait pour but de mettre en évidence la dépendance de la qualification du contrat liant les parties à celle de son objet. Dans le cas où les unités monétaires sont remises directement au créancier, les unités monétaires sont qualifiées de biens fongibles et consomptibles. De cette qualification juridique en découle un transfert de propriété au profit du créancier accipiens, excluant par suite la qualification de gage (pourtant plus conforme à la volonté des parties) pour celle de transfert de propriété à titre de garantie. A l'inverse, l'individualisation des unités monétaires par leur intégration dans un compte spécial influe sur leur qualification juridique : elles constituent des choses ni fongible, ni consomptibles. De cette qualification négative en découle l'exclusion de l'effet translatif de propriété. Dès lors, la sûreté est qualifiée de gage au sens strict du terme.

Cette analyse est contestable et contestée pour plusieurs raisons. Tout d'abord, elle exclut la volonté des parties de l'analyse juridique de la sûreté ; peu importe le contrat en vertu duquel les sommes d'argent ont été remises : le fait qu'elles sont remises à titre de gage n'empêche pas une déformation de la volonté des parties. Ensuite, elle déforme les qualifications juridiques des biens. En attachant une qualification juridique selon un maintien ou non de l'individualisation des unités monétaires, il s'opère une confusion entre les notions de choses fongibles et de choses de genres. L'individualisation est une notion propre à celles des choses de genre. Même après leur individualisation, elles conservent la qualité de choses fongibles. Enfin, cette analyse est contraire à la théorie des modes d'acquisition de la propriété111(*). Ni la fongibilité, ni la consomptibilité des biens ne sont des modes d'acquisitions de la propriété. Par contre elles entraînent des obstacles techniques. La fongibilité d'un bien empêche son identification dès lors qu'il est mêlé à des choses de même nature. La consomptibilité empêche qu'une chose puisse être utilisée en dehors de leur aliénation.

Mais, il ne faut pas résoudre ces obstacles techniques par la résignation mais par la recherche d'une solution adaptée. L'universalité en est une.

CHAPITRE II : L'ANALYSE RENOUVELEE DU GAGE-ESPECES FONDEE SUR LA VOLONTE DES PARTIES

87. Recherches de solutions nouvelles - Comme nous venons de le présenter, l'analyse actuelle du gage-espèces passe par la qualification juridique de son objet. Selon que celui-ci est qualifié de bien fongible et consomptible ou non, le gage-espèces a une nature juridique dualiste. Lorsque les parties ne mettent pas en place un mécanisme d'individualisation des sommes d'argent, le créancier accipiens en deviendrait propriétaire, à charge de « restituer » le même montant au cas où le débiteur paye la dette garantie. En revanche, lorsqu'elles mettent en place une structure permettant de les maintenir en dehors du patrimoine du créancier, la sûreté reprend sa nature juridique modèle c'est-à-dire un nantissement. Cette analyse pêche en ce qu'elle attribue la propriété au créancier gagiste - du moins lorsque le nantissement est avec dépossession - sans apporter de justification valable.

88. Les problèmes posés par la fongibilité et la consomptibilité de la monnaie - Les qualités de fongibilité et de consomptibilité traditionnellement attribuées à la monnaie posent deux problèmes.

La qualité de chose de genre (ou fongible) pose un problème d'identification de l'assiette. Dès leur remise, les unités monétaires deviennent indiscernables de celles appartenant au créancier. Dès lors, il risque de se poser un problème de preuve de l'identité des choses remises dans le cadre d'une revendication future et éventuelle.

La nature consomptible de la monnaie pose un problème de pouvoir. L'usage de la monnaie implique son aliénation. Cet acte est qualifié traditionnellement d'acte de disposition. Or ce type d'acte relève du pouvoir de disposition du propriétaire. Ainsi, on postule une acquisition de propriété au profit du créancier gagiste afin de justifier cet acte d'aliénation.

Ces problèmes d'identité et de pouvoir ne doivent pas être résolus par l'attribution de la propriété au créancier gagiste au risque de ruiner toute prévisibilité contractuelle. L'universalité permet de résoudre ces problèmes.

89. Maintien de la classification dualiste à partir de l'universalité - Toutefois, la classification dualiste des sûretés sur l'argent est intéressante. Il ne faudrait pas l'écarter. Ainsi, l'universalité donnant un objet certain au contrat de sûreté, la volonté des parties peut s'exprimer. A travers la liberté contractuelle, il est donc possible de reconstruire une classification dualiste des sûretés monétaires entre nantissement et sûreté fiduciaire.

La qualité de choses de genre de la monnaie oblige les parties à passer par une figure ancienne : l'universalité (Section I). A travers cette institution et le droit des biens dans son ensemble, il peut être proposé une analyse renouvelée du « gage-espèces » sans remettre en cause l'analyse dualiste (Section II).

SECTION I / L'UNIVERSALITE : L'OBJET CERTAIN DES SURETES SUR L'ARGENT

Nous présenterons d'abord les intérêts qui peuvent être attachés à recourir à l'universalité (§1), puis nous présenterons les conditions de son existence (§2).

§ 1 : Les intérêts attachés au recours à l'universalité

90. Commercialisation des choses de genre, conservation des droits et liberté contractuelle - La qualité de chose fongible des unités monétaires empêcherait une identification de l'assiette du gage-espèces. Les choses de genre ont la particularité de ne pas avoir d'identité : elles appartiennent à un genre de chose, leur seule particularité est d'y appartenir. Les choses de genre ont aussi la spécificité de ne pas pouvoir faire l'objet d'un rapport juridique tant qu'elles n'ont pas été individualisées. Dès lors le recours à l'universalité s'avère nécessaire : « la fongibilité appelle l'universalité 112(*)». L'universalité a donc pour première fonction de permettre aux unités monétaires de faire l'objet d'une sûreté (I). Mais ce n'est pas sa seule vertu : elle permet en outre de donner une mouvance à ces unités monétaires sans remettre en cause le nantissement (II).

I) L'universalité, une institution nécessaire à la commercialisation juridique des unités monétaires

91. La commercialisation juridique des choses de genre - L'entrée des choses de genre dans le commerce juridique nécessite toujours qu'elles soient intégrées dans un objet certain. On retrouve plusieurs exemples dans le droit positif.

92. Exemple législatif : la vente de choses de genre - Tout d'abord, en matière de vente, les choses de genre ne peuvent être l'objet de l'obligation de donner du vendeur tant qu'elles ne sont pas « pesées, comptées ou mesurées » (article 1585 C.civ.).

93. La thèse de l'individualisation - La théorie classique appelle cette opération individualisation. Par cette opération, les choses de genre deviennent individuelles, c'est-à-dire des corps certains : elles seraient reconnaissables parmi d'autres du même genre. ·Par exemple, en matière de gage-espèces, les auteurs estiment que les unités monétaires sont individualisées au moment de leur remise au créancier. Le fait que ces choses soient « comptées, pesées ou mesurées » ne leur enlève pas la qualité de choses de genre : elles ne deviennent pas des corps certains pour autant. La preuve en est qu'après leur remise, on estime qu'elles viennent se fondre dans le patrimoine du créancier gagiste ou du banquier dépositaire - en raison de leur qualité de chose de genre (1ère Civ.7 février 1984) ou de leur nature fongible (Com.17 mai 1994) -. Cette confusion des choses de genre entre elles témoignent qu'elles ne peuvent jamais devenir des corps certains. Elles seront toujours indiscernables. Reprenons à notre compte l'exemple du paiement monétaire. L'hypothèse est que le débiteur d'une somme d'argent a compté les unités monétaires nécessaires pour le paiement de sa dette. Afin de les individualiser, il les remet dans une enveloppe fermé, cachetée au nom du créancier. Malgré cette individualisation, le débiteur ne sera pas libérer si l'enveloppe viendrait à brûler. Si la monnaie, choses de genre par excellence, était une chose individualisable, c'est-à-dire pouvant devenir un corps (ou objet) certain, il suffirait de compter le nombre d'unités monétaires en vue du paiement et dès lors elles deviendraient la propriété du créancier de la somme d'argent à ce moment précis.

94. La thèse de l'universalité - Pourtant, il n'en est rien : elles demeurent des choses de genre jusqu'au paiement effectif de la dette de somme d'argent c'est-à-dire au moment de leur remise. Mais lors de cette remise, le débiteur ne remet pas un nombre d'unités monétaires mais une universalité113(*) composée d'unités de paiement : il remet une « somme en argent114(*) », c'est-à-dire « la chose donnée en payement » (article 1238 C.civ.). C'est ainsi que M. Gérard SOUSI explique que le débiteur n'est pas libéré malgré l'individualisation : « Pour le comprendre, il faut préciser que la perte d'une chose de genre n'est concevable que dans le cas où l'obligation porte sur une chose faisant partie d'un tout, c'est-à-dire lorsque l'obligation porte sur un élément d'une universalité de fait ; l'individualisation à elle seule ne suffit pas ». Une chose de genre ne peut faire directement l'objet d'un rapport juridique tant qu'elle n'est pas intégrée dans une universalité. C'est ainsi que ce même auteur justifie le maintien de l'obligation en dépit de l'individualisation des unités monétaires : « En cas de perte donc, l'individualisation des choses de genre ne permet pas au débiteur de se dire libéré que si lesdites choses faisaient partie d'une universalité précisée ; dans le cas contraire, l'individualisation n'est d'aucun secours... ». Ainsi, les unités monétaires devront être intégrées dans l'universalité. Mais alors, l'objet de la remise ne sera pas les unités monétaires elles-mêmes mais l'universalité les contenant. Celle-ci sera alors l'objet certain du contrat. Ce caractère de certitude de l'objet remet en cause alors le postulat de la perte de propriété du constituant en raison de la nature fongible des unités monétaires. Celles-ci restent fongibles mais les droits des parties en cause ne portent pas sur elles mais sur l'universalité.

II) L'universalité, une institution nécessaire à la conservation des droits des parties

L'argument principal avancé par la théorie classique pour admettre le transfert de propriété des sommes d'argent au créancier résidait dans la perte d'identité de l'objet du droit de propriété du constituant. Si on penche désormais l'analyse vers l'universalité et non pas ses éléments contenus, le raisonnement ne peut plus être le même.

95. L'universalité : un bien distinct de ses composantes - Par la création de l'universalité (comme nous le verrons ultérieurement), le constituant imprime une affectation à celle-ci. Cette affectation lui donne son individualité : elle pourra être discernée du reste du patrimoine du créancier gagiste. L'identification par l'universalité de l'assiette du nantissement permet au constituant (A) et au créancier gagiste (B) de conserver leurs droits sur l'universalité. Cette conservation ne sera pas perturbée par la mouvance intrinsèque de l'universalité (C).

A) La conservation du droit de propriété du constituant

96. L'insuffisance de l'analyse classique - Analysée le gage-espèces à partir des unités monétaires elles-mêmes créait un obstacle technique que l'on a résolu par l'attribution de la propriété au détenteur. Le créancier gagiste devenait propriétaire des « sommes d'argent » en raison de leur nature fongible. Cette attribution de propriété résidait dans le fait que le constituant ne pourrait prouver l'identité des sommes remises lors d'une action en revendication.

97. L'avantage d'un raisonnement à partir de l'universalité - Si on déplace le curseur de l'analyse sur l'universalité, en tant que contenant, le fondement du raisonnement, à savoir l'absence d'identité, ne sera plus valable. Le constituant conserva son lien d'appropriation qu'il avait établit en créant l'universalité115(*). Dès lors, que cette universalité reste entre ses mains (nantissement sans dépossession) ou qu'elle soit remise en la possession du créancier (gage avec dépossession), le constituant conservera son droit de propriété. L'intérêt sera plus grand lorsque le gage sera avec dépossession. D'une part, il pourra agir en restitution si le créancier gagiste ne respecte pas son obligation de conservation. D'autre part, il pourra agir en revendication après le paiement de la ou des dettes garanties.

B) La conservation des droits du créancier

98. L'insuffisance de l'analyse classique en présence d'un nantissement sans dépossession - Le créancier conserve tous ses droits sur l'universalité. L'universalité aura surtout un intérêt lorsque le nantissement ou le gage est sans dépossession. Lorsque le nantissement est sans dépossession, le constituant conserve la possession de la somme d'argent affectée en garantie. Si l'on estime que l'objet du nantissement réside dans les unités monétaires, le créancier ne pourrait les identifier lors de la mise en oeuvre de son droit de préférence. Le droit réel comme le droit de propriété doit avoir un objet certain. Le raisonnement justifiant la perte du droit de propriété dans le nantissement avec dépossession de choses fongibles devrait conduire à la même conclusion lorsque le nantissement sans dépossession a aussi pour objet de telles choses. Dès lors le raisonnement devient préjudiciable lorsque le gage est sans dépossession.

99. L'intérêt de l'universalité en présence d'un nantissement sans dépossession - Si l'objet du contrat de nantissement, et partant celui des droits des parties (droit de propriété, droit réel) consiste dans l'universalité, les droits du créancier seront conservés en toute hypothèse. Il pourra exercer son droit de préférence sur un objet certain : l'universalité.

Cette conservation des droits des parties perdure même en cas de mouvance dans la composition de l'universalité

C) L'absence d'effet d'un changement dans la composition de l'universalité sur les droits des parties

100. L'intérêt attaché à la nature duale de l'universalité - Les parties au contrat de nantissement peuvent prévoir que le créancier ou le constituant peuvent user de la chose, notamment en aliénant les unités monétaires (ou autres choses fongibles) comprises dans l'assiette de l'universalité. Cette mouvance dans la composition de l'universalité ne viendra pas perturber l'existence des droits des parties sur l'assiette de la sûreté. II y a des exemples législatifs et jurisprudentiels de cette analyse.

101. Les exemples légaux - En matière législative, plusieurs textes consacrent une indifférence d'un changement dans la composition de l'universalité sur les droits des parties. Tout d'abord, comme nous l'avions souligné précédemment, en matière de garanties financières, l'autorisation accordée au bénéficiaire d'une sûreté sur l'argent d'aliéner les unités monétaires affectées en garantie ne vient pas perturber l'existence du droit réel du bénéficiaire. Son droit se reporte sur « les biens équivalents ainsi restitués » (Article L.431-7-3, III° Code monétaire et financier).

Ensuite dans la réforme des sûretés, on retrouve deux exemples significatifs.

102. Le gage sans dépossession de choses fongibles - Premièrement, dans les règles relatives au gage de meubles corporels, le nouvel Article 2342 du Code civil prévoit que : « Lorsque le gage sans dépossession a pour objet des choses fongibles, le constituant peut les aliéner si la convention le prévoit à charge de les remplacer par la même quantité de choses équivalentes116(*) ». Ainsi, l'aliénation des choses fongibles contenues dans l'assiette du nantissement ne fait pas disparaître le droit réel du créancier gagiste. Cette possibilité s'explique par l'universalité. Le changement dans la composition de l'universalité ne compromet pas le droit réel du gagiste.

103. Le gage de stocks - Secondement, en matière de gage de stocks, le nouvel article L. 527-5 alinéa 2 du Code de commerce dispose que : « Le privilège du créancier passe de plein droit des stocks aliénés à ceux qui leur sont substitués ». Cette disposition, certes, pourrait faire croire que nous sommes en présence d'une subrogation réelle légale. Pourtant, il n'en est rien. Le gage de stocks de marchandises constitue un gage d'universalité composée de choses fongibles. Pour preuve, concernant l'obligation de « conservation » du constituant, le nouvel Article L. 527-6 du Code de commerce prévoit que : « Le débiteur est responsable de la conservation des stocks en quantité et en qualité117(*)... ». La référence aux termes de « quantité » et de « qualité » ne témoigne-t-elle pas que les marchandises sont considérées comme des choses fongibles ? Les marchandises sont des choses de genre118(*) c'est-à-dire des choses qui se pèsent, se comptent ou se mesurent. Généralement, ce sont des choses produites en séries. Cette appartenance à cette série fait qu'elles sont quantifiables. La référence à la quantité fait partie de la définition des choses de genre. Les choses de genre sont des choses quantifiables. Quant à la qualité, c'est une deuxième caractéristique de la chose de genre. Pour qu'une chose appartienne à un genre, il est nécessaire qu'elle ait la même qualité que les autres choses du genre. Les marchandises étant des choses de genre, le recours à l'universalité est nécessaire119(*) pour la constitution de la sûreté. Par suite, le gage de stocks est un gage ayant pour objet non pas les marchandises mais une universalité dans laquelle elles sont intégrées. Cette intégration aura lieu soit au moment de la conclusion de la sûreté (biens présents), soit en cours de vie de la sûreté (biens futurs) (Article L. 527-1 6° C.com.).

104. L'exemple jurisprudentiel : le warrant de marchandises - La jurisprudence a eu aussi parfois recours à l'universalité pour expliquer la conservation des droits du créancier nanti sur l'assiette de la sûreté malgré une substitution de nouveaux biens à ceux existants au jour de la constitution de la sûreté. Par un arrêt du 10 mars 1915120(*), la Chambre des Requêtes de la Cour de cassation était confronté à la question de savoir si une clause par laquelle les parties prévoyaient que les marchandises substituées à celles sorties de l'assiette permettait de maintenir le droit réel du créancier. La Cour de cassation y a répondu par l'affirmative par l'attendu de principe suivant : « Attendu que si, aux termes de l'article 2076 c.civ., reproduit, en matière commerciale, par l'article 92 c.com., le privilège ne subsiste sur le gage qu'en tant que ce gage est mis et resté en possession du créancier ou d'un tiers convenu entre les parties, il n'en est ainsi qu'autant que les objets donnés en gage sont des corps certains devant être individuellement restitués ; mais que la règle ne peut pas être applicable dans sa rigueur lorsque les marchandises warrantées sont destinées, dans l'intention des parties et suivant la convention elle-même, à être aliénées au fur et à mesure de leur vieillissement et à être remplacées par d'autres de même nature et en égale quantité ; que dans ce cas , lorsque, par l'effet de cette clause emportant respectivement aliénation et acquisition, les marchandises sortent du gage, elles y sont, en vertu d'une subrogation réelle, qui trouve son fondement dans leur fongibilité, remplacées par les marchandises acquises qui entrent et restent, comme celles auxquelles elles sont substituées, dans la possession du créancier ». Cette solution est motivée par le fait que le créancier n'a jamais perdu la possession de l'objet gagé, en dépit de cette mouvance. Et cela tient à ce que l'objet du contrat de gage est une universalité : « ...l'arrêt, qui est dûment motivé, a pu, dans ces conditions, décider à bon droit que la Banque de France (le créancier) ne s'était pas dessaisie de la possession juridique de son gage...puisque les Magasins généraux (tiers convenu) n'ont cessé de détenir l'universalité de la marchandises warrantée pour le compte de la Banque de France ».

105. Conclusion - Ces exemples légaux et jurisprudentiels témoignent de l'intérêt conservateur que la double dimension de l'universalité permet. Malgré la sortie des éléments contenus et le remplacement par d'autres de même nature et en égale quantité, la sûreté - et les droits des parties - demeure aussi bien dans le cadre d'un nantissement sans dépossession qu'avec dépossession. Ce maintien du droit réel du créancier nanti est lié à la stabilité de l'assiette de la sûreté : l'universalité. Les ingrédients de cette institution (indépendance entre les éléments contenus et la structure, subrogation réelle, obligation de remplacement...) permettent de donner une dynamique aux sûretés sur choses fongibles, dynamique nécessaire en présence de biens tel que la monnaie, les marchandises ou encore les instruments financiers121(*).

§2 : L'existence et l'opposabilité de l'universalité

L'universalité est un bien crée par la seule volonté du constituant. Cette création répond à des conditions précises (I). Il se pose ensuite la question de l'opposabilité de son existence (II).

I / Les conditions de la création de l'universalité

La création de l'universalité découle du pouvoir de jouissance du propriétaire (A). Elle résulte d'un acte juridique renfermant la cause de la création (B).

A) La création de l'universalité, expression de la jouissance exclusive du propriétaire

Melle KUHN justifie la création d'une universalité par l'exercice du pouvoir d'exclusivité du propriétaire : « L'universalisation constitue une modalité de jouissance des éléments contenus. La création d'une universalité permet à un acteur juridique d'exploiter ses biens présents et à venir dans le cadre qu'il met lui-même en place122(*) ». Dans leur manuel de droit des biens, les Professeurs ZENATI & REVET donne une composition dualiste de la propriété : « Il résulte de cette définition (celle donnée par l'article 544 du Code civil) que la propriété consiste en deux attributs, la jouissance et la disposition, dont l'exercice est caractérisé par la loi comme absolu123(*) ». D'une part, elle comprend une jouissance exclusive du bien, objet du droit de propriété. En vertu de ce pouvoir d'exclusivité (ou jouissance exclusive), le propriétaire peut exclure les tiers, mais aussi en tirer toutes les utilités en fonction de sa propre volonté. D'autre part, elle comprend un pouvoir de disposition. En vertu de ce pouvoir, le propriétaire va effectuer des actes juridiques qui viendront modifier l'ordonnancement juridique.

106. La commercialisation des unités monétaires : une modalité de leur jouissance - La commercialisation juridique des unités monétaires appartenant au constituant relève de la première prérogative du propriétaire : la jouissance. Comme nous l'avons souligné précédemment, les unités monétaires, étant des choses de genre, ne peuvent être directement l'objet d'un rapport juridique. La mise en place d'une universalité est nécessaire afin de conférer un objet certain (article 1108) à ce rapport juridique. Par la mise en place de l'universalité, le propriétaire entend jouir de ces unités monétaires. Dans le cadre d'un nantissement ou d'une sûreté fiduciaire, le constituant entend jouir des utilités des unités monétaires, notamment leur valeur économique. C'est une façon de jouir de ces unités monétaires de les affecter en garantie. En effet, grâce à cette affectation, le constituant va pouvoir bénéficier d'un crédit. Cette modalité de jouissance des unités monétaires justifie alors la mise en place d'une structure d'accueil qui permettra de les insérer indirectement dans un rapport juridique.

B) La source de la création de l'universalité : l'acte juridique

107. La création de l'universalité : un acte juridique unilatéral - Selon Melle KUHN, il ne faut pas confondre entre opposabilité des qualifications124(*) avec création d'un nouveau bien. L'universalité ne constitue pas un mode de qualification des choses fongibles. L'intégration des éléments dans une universalité ne leur fait pas perdre leur nature juridique. Ainsi, les unités monétaires resteront des biens fongibles125(*). L'universalité constitue un bien. Il est créé par la seule volonté du propriétaire. Cette volonté s'exprime à travers un acte juridique unilatéral : « L'acte de création relève de la catégorie de l'acte juridique puisqu'il modifie l'ordonnancement juridique ». Par cet acte, le propriétaire exprime une volonté : celle de créer un bien nouveau. Il modifie aussi l'ordonnancement juridique en ce qu'il va imposer un nouveau bien à la réalité juridique. En effet, l'universalité constitue un nouveau bien dont le constituant sera propriétaire. Dès lors, il s'établit une nouvelle relation d'appartenance que le Droit devra prendre en compte et que les tiers devront respecter.

108. La cause de l'acte de création : l'affectation en garantie de l'universalité - Cet acte juridique a, comme dans tous les autres types d'actes juridiques (contrat, convention, etc.), une cause. La cause de cet acte juridique réside dans l'affectation de la structure d'accueil126(*). En matière de gage-espèces, cette cause sera la garantie de l'exécution d'une dette présent ou future. La création de l'universalité, objet du futur contrat de sûreté, est motivée par cette affectation en garantie.

II) L'opposabilité de l'existence de l'universalité

109. L'opposabilité de plein droit par celle du droit de propriété ? - L'universalité est un bien créé par le propriétaire. Lors de cette création, le propriétaire s'est approprié l'universalité. Dès lors, il a mis en place un nouveau rapport d'appropriation sur cet objet nouveau. Dès lors, l'opposabilité de l'existence de l'universalité passe par celle du droit de propriété.

Aux termes de l'article 544 du Code civil : « La propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on en fasse pas un usage prohibé par les lois ou règlements ». Le caractère d'absoluité de la propriété lui confère une opposabilité erga omnes127(*) Les tiers doivent respecter la propriété d'autrui sans que l'on passe par une modalité spécifique : « L'opposabilité de plein droit n'organise pas l'information des tiers, ils sont censés l'être128(*) ». Par le droit de propriété, l'existence de l'universalité pourrait alors être opposable. Ainsi, il ne sera pas nécessaire que l'on instaure un système de publicité pour opposer l'existence de ce nouveau bien immatériel.

110. Une opposabilité compliquée par la nature immatérielle de l'universalité - Ce n'est pas la solution adoptée par Melle KUHN. Cet auteur propose que l'on passe par une solution adaptée en raison de la nature immatérielle du bien. Dès lors, elle propose que l'opposabilité de l'existence de l'universalité passe par l'information. Ainsi, une distinction est proposée entre le cocontractant et les tiers.

111. L'opposabilité au cocontractant - Concernant le cocontractant, l'opposabilité de l'universalité passera par la conclusion du contrat.

Dans le projet Grimaldi, l'article 2358 (relatif au nantissement de monnaie scripturale) imposait les mentions obligatoires suivantes à titre de validité de la convention : « L'acte détermine la ou les créances garanties et le montant des fonds nantis. Il identifie129(*) le compte bloqué ». Cette énumération comprenait à la fois le contenant (« le compte bloqué ») et les éléments contenus (« le montant des fonds nantis »). De plus, la validité du contrat de nantissement n'était pas subordonnée à la remise des fonds au jour de la convention. L'intégration des unités monétaires dans le compte bloqué n'était qu'une condition d'opposabilité aux tiers de lé dépossession (article 2360 du Projet Grimaldi).

Dans les dispositions relatives au gage de meubles corporels, le nouvel article dispose que : « Le gage est parfait par l'établissement d'un écrit contenant la désignation de la dette garantie, la quantité de biens donnés en gage ainsi que leur espèce ou leur nature ». Les mentions obligatoires imposées par la loi ne prévoient que l'indication des éléments intégrés ou à intégrer dans l'universalité. Mais, en présence de choses de genre, il sera nécessaire aux parties de préciser que le gage porte sur un « ensemble de biens mobiliers présents ou futurs » (nouvel article 2333 C.civ.). Ce sera cet ensemble qui constituera l'objet du contrat de nantissement. L'indication dans l'instrumentum de la « quantité et de l'espèce ou la nature des biens donnés en gage » ne font préciser quels sont les éléments intégrés - ou à intégrer en présence de « biens corporels futurs » - dans l'universalité. L'instrumentum permettra donc d'imposer l'existence de l'universalité au créancier.

112. L'opposabilité aux tiers - L'opposabilité aux tiers passe par leur information. En matière de nantissement, l'opposabilité de l'existence de l'universalité peut passer soit par la dépossession ou la publicité. La dépossession n'est pas un mode efficace d'opposabilité de l'existence de l'universalité. La nature immatérielle de l'universalité (contenant) n'est pas visible aux yeux des tiers. Ceux-ci ne verront que le compte en banque appartenant au constituant. La mise en possession entre les mains du créancier ne sera pas visible. La publicité suppose la mise en place d'un registre, ce qui est un procédé lent et incertain. L'opposabilité aux tiers de l'existence de l'universalité pourrait passer par celle du contrat. Par exemple, dans le droit antérieur, l'article 2074 du Code civil organisait l'opposabilité aux tiers du contrat de gage en imposant « qu'il y ait un acte authentique ou sous seing privé, dûment enregistré contenant la déclaration de la somme due, ainsi que l'espèce et la nature des biens donnés en gage... ». L'opposabilité aux tiers pourrait donc passer par celle du contrat. Mais cette opposabilité ne serait efficace qu'en présence d'un acte authentique ou d'un acte sous seing privé ayant date certaine.

Dans la réforme des sûretés, le contrat n'est opposable aux tiers que par une dépossession ou une publicité. Il serait toutefois envisageable d'opposer l'existence de l'universalité par le contrat de nantissement. Dans ce cas, les parties devront se munir d'un acte authentique ou un acte sous seing privé ayant date certaine, c'est-à-dire dûment enregistré.

En matière de fiducie-sûreté, la même solution devrait être adoptée. Deux systèmes pourraient être proposés : le contrat de fiducie et le transfert fiduciaire. En tant qu'objet du contrat de fiducie, l'opposabilité de l'existence de l'universalité pourrait passer par celle du contrat130(*). Sinon, le transfert fiduciaire pourrait être aussi un moyen. En effet, le transfert de propriété est opposable erga omnes. L'opposabilité du transfert impliquera l'opposabilité de son objet.

SECTION II / L'UNIVERSALITE : UNE INSTITUTION RESTAURATRICE DE LA VOLONTE DES PARTIES

L'expression de sûretés sur l'argent est empruntée à M. CABRILLAC. Dans une présentation dualiste de celles-ci, cet auteur utilise cette expression pour identifier d'une part, les gages sur sommes d'argent, et d'autre part, le transfert de propriété à titre de garantie. L'analyse de cet auteur partait de la nature des choses. Nous préférons partir de l'analyse de la volonté des parties. Dans ce même ordre d'idée, il y aura deux types de sûretés monétaires : le transfert fiduciaire à titre de garantie (§1) et le nantissement (§2). Le point commun de ces sûretés réside dans leur objet : une universalité.

§1 : Le transfert fiduciaire à titre de garantie

Le transfert fiduciaire révèle la situation dans laquelle le propriétaire abandonne la propriété de l'universalité pour qu'elle devienne la propriété fiduciaire de son cocontractant.

La validité du transfert fiduciaire est souvent contestée par la doctrine. Deux séries d'arguments sont avancés pour contester la possibilité de constituer librement des sûretés fiduciaires : le caractère limitatif des droits réels et la cause (I). Mais, à notre avis, la liberté contractuelle permet, d'une part, la constitution d'une sûreté fiduciaire en dehors d'une autorisation du législateur, et d'autre part, de créer de nouvelles causes de transmission des biens (II).

I) La contestation de la validité du transfert fiduciaire à titre de garantie

Afin de contester la validité du transfert fiduciaire à titre de garantie, il est argué que d'une part, il porte atteinte au caractère limitatif des droits réels (A), et d'autre part, qu'il ne comporte pas de cause (B)

A) Le caractère limitatif des droits réels principaux et accessoires

Les droits réels auraient un caractère limitatif. Pour justifier cette limitation en matière de fiducie-sûreté, on avance deux textes : les articles 543 et 2093 du Code civil.

113. Numerus clausus des droits réels - Tout d'abord, on avance qu'en toute matière les parties ne peuvent créer de droits réels. Les auteurs s'appuient sur l'article 543 du Code civil qui dispose que : « On peut avoir sur les biens, ou un droit de propriété, ou un simple droit de jouissance, ou seulement des services fonciers à prétendre ». Selon les partisans du numerus clausus, cet article pose un principe de limitation des droits réels. En dehors des droits réels prévus par le Code, les parties ne peuvent constituer sur le fondement de la liberté contractuelle de nouveaux droits réels. La propriété fiduciaire n'est pas une propriété de droit commun : le bénéficiaire ne peut « jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue... ». En plus de la loi et du règlement, le créancier fiduciaire est aussi limité par le contrat : il a des obligations en raison de l'affectation assignée à cette propriété spéciale. Cette forme de propriété, n'étant pas prévue par le Code, elle ne pourrait pas recevoir la reconnaissance du juge. Seules les sûretés fiduciaires prévues par le législateur seraient donc valables.

114. Pas de privilège sans texte - Ensuite, en matière de sûretés réelles, les partisans du numerus clausus se basent sur l'article 2093 du Code civil qui dispose que : « Les biens du débiteur sont le gage commun des créanciers ; et le prix s'en distribue entre eux par contribution, à moins qu'il n'y ait entre les créanciers des causes légitimes de préférence ». Ce texte poserait principe de prohibition de création de nouvelles sûretés réelles par la seule voie contractuelle. Pas de privilège sans texte. La création de nouvelles causes légitimes de préférence (article 2094 du Code civil) seraient de l'apanage du législateur131(*) et non des particuliers. Appliqué au transfert fiduciaire, ce raisonnement empêche sa reconnaissance. Si l'on postule que les parties ne peuvent contractuellement créer de nouvelles causes légitimes de préférence, elles ne peuvent a fortiori créer de nouvelles situations d'exclusivité. En effet, la raison d'être avancée pour justifier l'interdiction de créer de nouvelles causes légitimes de préférence est la protection du crédit chirographaire. Or, la création d'une sûreté fiduciaire portera d'autant plus atteinte car elle ne crée pas un simple droit de préférence mais une situation d'exclusivité. Le fiduciaire peut exclure tous les créanciers et non pas seulement les créanciers chirographaires. Le crédit chirographaire en sera donc d'autant plus touché.

B) L'absence de cause du transfert de propriété

115. Le transfert fiduciaire : un transfert sans contrepartie - M. le Professeur LIBCHABER, dans un article consacré à la fiducie132(*) est parti d'une analyse de la cause pour contester la possibilité d'une fiducie en droit français. Le Code civil n'a prévu que deux types de cause : l'onérosité et la gratuité. Le contrat à titre onéreux est défini par le Code de la manière suivante : « Le contrat à titre onéreux est celui qui assujettit chacune des parties à donner ou à faire quelque chose » (Article 1106 du Code civil133(*)). A partir de ce texte, il est avancé que le transfert de propriété doit avoir une contrepartie. Ainsi, le transfert fiduciaire ne pourrait être qualifié de contrat à titre onéreux. Le transfert de propriété n'a pas de contrepartie. C'est sur cette argumentation que M. le Professeur LIBCHABER rejette la classification des transferts fiduciaires dans la catégorie des actes à titre onéreux : « A l'évidence, il s'agit d'un transfert de propriété sans contrepartie : le constituant ne reçoit rien du fiduciaire, qui justifie son geste. La tradition est certes déterminée par un objectif convenu entre les parties, par une mission que le fiduciaire est supposé mener à bien. Pour autant, elle ne saurait être tenue pour une contrepartie : ce serait transformer l'objet d'un contrat en composante de celui-ci, faire d'une fin un moyen de son accomplissement 134(*)».

116. Le transfert fiduciaire : un transfert sans intention libérale - De même, le transfert fiduciaire ne saurait constituer un acte à titre gratuit. L'article 1105 du Code civil dispose que : « Le contrat de bienfaisance est celui dans lequel l'une des parties procure à l'autre un avantage purement gratuit ». Il est incertain d'affirmer que, dans le cas d'une fiducie-sûreté, le constituant accorde une propriété fiduciaire à son créancier par pure intention libérale135(*). Il le réalise car le créancier lui accorde un avantage : le crédit.

.

II) La validité du transfert fiduciaire à titre de garantie

Dans un ordre logique, nous présenterons la liberté de constitution des droits réels (A) et la cause du transfert fiduciaire (B)

A) La liberté de constitution des droits réels

Cette liberté est affirmée tant en doctrine qu'en jurisprudence.

117. La doctrine - Les partisans de la liberté avancent un argument textuel : l'article 543 du Code civil ne pose un principe de limitation des droits réels. En effet, littéralement, le texte ne pose par un principe de limitation : il affirme seulement que l' « On peut avoir » et non pas « On ne peut que avoir ». Cette précision grammaticale devrait d'une part affirmer que l'article 543 du Code civil ne pose que des exemples de droits réels. Hormis cet argument littéral, un autre argument peut être avancé : l'article 543 du Code civil ne prévoit pas tous les droits réels. On ne retrouve pas par exemple le droit réel d'hypothèque ou de gage. Pourtant personne n'oserait affirmer que ces droits ne constituent pas des droits réels.

118. La jurisprudence : affirmation du principe de liberté de création des droits réels - La jurisprudence a admis, dans un arrêt de principe, la liberté de création des droits réels. Par un arrêt du 16 février 1834136(*), la Chambre des Requêtes a énoncé que : « Les articles 544, 546 et 522 du Code civil sont déclaratifs de droit commun relativement à la nature et aux effets de la propriété ; ni ces articles, ni aucune autre loi n'excluent les diverses modifications et décompositions dont le droit ordinaire est susceptible ». Ainsi, il est loisible aux parties de créer toutes sortes de droits réels. Cette consécration jurisprudentielle devrait permettre de justifier la validité de la propriété fiduciaire. A notre avis, cette décision n'est d'aucun secours. En effet, cet arrêt ne fait qu'admettre la validité des « modifications et décompositions » du droit de propriété. Or en matière de transfert fiduciaire de propriété à titre de garantie, il n'y a pas transfert du droit de propriété ni création d'un droit réel. Le droit de propriété du constituant s'éteint pour permettre au créancier d'établir un lien d'appropriation fiduciaire. Cette propriété fiduciaire ne constitue pas un droit réel. Les droits réels sont des droits sur la chose d'autrui. Or en l'espèce, le créancier est propriétaire de l'universalité. Il n'a pas un droit de préférence et un droit de suite (droit réel) mais un droit exclusif sur l'assiette de la sûreté. Pour ces raisons, l'invocation de cette jurisprudence n'est d'aucun secours.

119. Application en matière de sûretés réelles : la validité des clauses de réserve de propriété antérieurement à la loi du 12 mai 1980 - Il faudrait plutôt se tourner vers la réserve de propriété pour admettre la validité de la propriété fiduciaire. La réserve de propriété n'a jamais été contestée dans sa validité137(*) antérieurement à sa consécration législative par la loi du 12 mai 1980. Pourtant, il faut bien admettre que la propriété réservée crée une propriété diminuée : la propriété est affectée en garantie. A notre sens, la propriété réservée n'est pas une propriété de droit commun ; le propriétaire ne peut pas jouir et disposer de la chose de la manière la plus absolue. Toutefois, il conserve la propriété ce qui lui permet de revendiquer le bien au cas où le débiteur ne paie pas le prix convenu. Cette propriété affectée n'a pas été contestée dans son principe. Elle l'était seulement dans son effet : les tribunaux estimaient que la clause de réserve de propriété était inopposable à la masse des créanciers138(*). La loi du 12 juin 1980 a pallié à ce manque d'inefficacité. De même, la loi du 10 juin 1994 a étendu cette efficacité au domaine des choses fongibles.

B) La cause du transfert de propriété

120. Le caractère non limitatif des catégories de cause posées par le Code - L'argument principal avancé pour contester la validité de la fiducie-sûreté était que le contrat l'instituant n'avait pas une cause rentrant dans celles prévues par le législateur de 1804, c'est-à-dire qu'il n'était ni à titre gratuit ni à titre onéreux. Le Code pose-t-il seulement des modèles ou des catégories limitatives ? La réponse à cette question est nécessaire. En effet, se référer aux seules causes de transfert prévues par le Code pour en déduire que la fiducie serait un transfert de propriété sans cause est admettre que le Code pose des catégories limitatives auxquelles les parties ne peuvent déroger. Cet avis n'est pas partagé par la doctrine dans son ensemble. Certains auteurs admettent que le transfert de propriété puisse avoir une cause autre que celles prévues pas le Code. Dans sa thèse consacré à l'étude de la fiducie139(*), M. Claude WITZ prend ce parti : « Malgré l'absence d'une consécration jurisprudentielle ou d'une affirmation doctrinale de principe, il convient d'admettre que le transfert du droit de propriété peut s'opérer par des actes juridiques autre que ceux traditionnellement considérés comme translatifs de propriété140(*) ».

121. L'affectation en garantie : une cause hors modèle - Une interprétation modéliste du Code permet d'admettre que le transfert fiduciaire ait une cause. Le Code civil pose deux modèles de cause : l'onérosité et la gratuité. Toutefois, il est possible de s'écarter de ces modèles et de rechercher d'autres causes envisageables. C'est ainsi que Melle KUHN justifie le transfert de propriété dans les opérations fiduciaires : « L'originalité de l'opération fiduciaire demeure, l'aliénation fiduciae causa ne relevant pas d'un contrat translatif nommé. Toutefois, la liste des actes juridiques réalisant un transfert de propriété n'est pas limitative....Les actes translatifs ne sont pas enfermés comme en droit romain dans une nomenclature rigide et préétablie. Le contrat de fiducie trouve alors parfaitement sa place au sein de cette catégorie juridique. ». Le transfert fiduciaire dans le cadre d'une fiducie-sûreté pourrait alors trouver sa justification dans un autre type de cause : l'affectation en garantie. Le transfert de propriété ne sera ni à titre onéreux, ni à titre gratuit mais à titre de garantie. Si l'on quitte le Code civil pour explorer d'autres branches du droit, on trouve des traces de cette affirmation.

122. Exemples législatifs - Tout d'abord, en matière de garanties financières, le nouvel Article L. 431-7-3 dispose que : « A titre de garantie des obligations financières présentes ou futures mentionnées au I de l'article L. 431-7, les parties peuvent prévoir des remises en pleine propriété... »

Ensuite, en matière de cessions de créances professionnelles, l'article L. 313-24 du même Code prévoit que : « Même lorsqu'elle est effectuée à titre de garantie et sans stipulation de prix, la cession de créance transfère au cessionnaire la propriété de la créance cédée ». Ce texte précise que la propriété peut être transférée même si elle n'est pas faite à titre onéreux. Il valide le transfert de propriété à titre de garantie. Enfin, en matière de mobilisations des créances à moyen terme, l'article L. 313-48 du Code monétaire et financier utilisent l'expression : « Les contrats ainsi mis à titre de garantie... ». Dans ces trois contrats, un objet est transféré en propriété. Ce transfert n'est pas dépourvu de cause juridique : il est effectué à titre de garantie141(*), comme la vente l'est à titre onéreux et la donation à titre gratuit.

 123. La cause du transfert de propriété dans le gage-espèces : l'affectation en garantie - Le transfert fiduciaire est donc envisageable en matière de gage-espèces. Après avoir crée l'universalité, le constituant conclut avec son créancier un contrat de fiducie en vertu duquel il lui transfère l'universalité en sa propriété. Ce transfert de propriété aura pour cause la sûreté (ou la garantie) de la dette principale. Comme nous le verrons dans la deuxième partie, le créancier aura une propriété affectée. En raison de cette affectation, il devra prendre des engagements ne serait-ce parce qu'il sera potentiellement tenu de transférer l'universalité en cas d'exécution de la dette garantie.

§2 : Le nantissement d'actif monétaire

Le gage-espèces souffrait un problème au niveau de l'identité de l'assiette des droits des parties sur les sommes d'argent remises en garantie. Tout d'abord, l'argument principal pour justifier le transfert de propriété des sommes d'argent au profit du créancier résidait dans le fait que le constituant, en qualité de propriétaire, ne pourrait pas les identifier après leur confusion avec celles appartenant au créancier. L'insertion des unités monétaires imposant, en raison de leur qualité de choses de genre, la mise en place d'une universalité, cette argumentation doit dès lors être écartée. Ainsi, l'universalité est l'objet certain du contrat. La certitude de l'objet du contrat permet aux parties d'avoir une assise à leurs droits respectifs (droit de propriété, droit réel). Cette stabilisation de l'assiette du nantissement redonne à la volonté son empire. Les parties vont pouvoir exprimer leurs volontés et celles-ci seront respectées. Le souffle de liberté généré par la réforme des sûretés permet aux parties d'opter pour un nantissement avec (I) ou sans dépossession (II).

I) Le nantissement avec dépossession

Dans leur manuel de droit des sûretés, les professeurs CABRILLAC & MOULY font une distinction entre remise directe et remise indirecte de sommes d'argent au créancier. Nous reprendrons cette distinction - sans y attacher les mêmes effets - dans notre exposé. Il y a d'une part, le nantissement ayant pour objet un compte spécial affecté en garantie (A), et d'autre part, le nantissement ayant pour objet une somme d'argent remise directement au créancier (B).

A) Le nantissement de compte bloqué

124. Le compte d'affectation spéciale : une universalité créée par les parties - Le nantissement de compte d'affectation spéciale était selon l'analyse classique le seul mode concevable de gage-espèces. Par cette technique issue de la pratique bancaire, le constituant remet des sommes d'argent au créancier en les déposant sur un compte bloqué au profit du créancier. Ce compte peut être tenu par le créancier lui-même ou par un tiers. Ce nantissement a pour objet le compte lui-même et non pas les sommes qui y sont déposées. Comme nous l'avions souligné précédemment, le compte bancaire peut être analysé comme une universalité. L'acte devra préciser les conditions d'intégration des unités monétaires dans le compte. Ces conditions devront être mentionnées dans l'acte constitutif. Cette mention sera le « montant des fonds » à inscrire en compte. L'intégration des unités monétaires dans le compte ne sera pas une condition de validité du nantissement. Dès l'ouverture du compte, le contrat a un objet certain.

125. Le blocage du compte : une modalité de la limitation des pouvoirs respectifs des parties - Le blocage du compte a un double effet. D'une part, il témoigne de la dépossession du constituant. Par cette modalité, le constituant ne pourra pas jouir des unités monétaires intégrées dans le compte. En d'autres termes, l'universalité est indisponible : le constituant ne peut en user. D'autre part, le blocage du compte a pour but aussi d'empêcher le créancier d'accéder aux unités monétaires inscrites dans le compte. Il ne pourra pas les aliéner. Dans cette situation les unités monétaires ne sont ni fongibles ni consomptibles142(*). Les parties en effet conviennent d'une part, que le créancier devra restituer l'universalité composée des mêmes éléments, et d'autre part, que le créancier ne pourra utiliser les unités monétaires qu'elle contient. C'est en ce sens que nous entendons que les unités monétaires (ou les sommes d'argent) ne sont ni fongibles ni consomptibles.

Cette modalité de nantissement n'est pas la seule envisageable.

B) Le nantissement de somme d'argent

Les parties peuvent aussi convenir d'un nantissement avec dépossession dans lequel la somme convenue (l'universalité) sera remise directement au créancier. S'il s'agit de monnaie fiduciaire, cette remise aura lieu de main à la main. S'il s'agit de monnaie scripturale, elle aura lieu par virement bancaire ou par encaissement d'un chèque.

126. L'absence de transfert de propriété en cas de remise directe d'une somme d'argent - La remise de monnaie fiduciaire ou de monnaie scripturale n'aura pas un effet translatif. L'objet de la dépossession sera l'universalité les contenant. Le nouvel article 2341 du Code civil ne sera pas applicable. L'affectation imprime une identité à l'universalité. Par cette identité, l'universalité est un objet certain. Le constituant ne remet pas un ensemble d'unités monétaires mais une somme d'argent. C'est cette somme d'argent qui constitue l'universalité. Dès lors, l'universalité étant un objet certain, elle ne pourra se confondre dans le patrimoine du créancier.

127. La dépossession directe : un mode d'accès aux utilités de l'universalité - En se dépossédant directement entre les mains du créancier, le constituant laisse implicitement celui-ci accéder aux utilités de la chose c'est-à-dire à sa substance. Ainsi, le créancier a un pouvoir d'usage sur l'assiette du nantissement plus élargi que dans le cadre d'un nantissement de compte bloqué. Le créancier en ayant accès à la substance de la chose établit un rapport d'appropriation économique143(*). Les éléments de l'universalité sont alors des choses fongibles et consomptibles. D'une part, le créancier pourra utiliser les éléments contenus dans l'universalité ; en d'autres termes il pourra les aliéner. C'est en ce sens que les unités monétaires seront consomptibles. D'autre part, le créancier devra les remplacer par des choses équivalentes. La fongibilité des éléments contenus facilitera leur remplacement.

128. La conservation du droit de propriété du constituant sur l'universalité - En revanche, le créancier, n'ayant pas la propriété de l'universalité et a fortiori un pouvoir de disposition sur celle-ci, il ne pourra effectuer aucun acte de disposition à son égard. Il ne pourra donc ni la nantir, ni l'aliéner. Quant au constituant, il pourra soit demander la restitution de l'universalité, s'il constate que le créancier ne pourvoie pas à son obligation de conservation (Nouvel article 2344 C.civ.), soit la revendiquer si il exécute la dette garantie (l'extinction de la dette éteint le contrat de gage par la voie de l'accessoire).

II) Le nantissement sans dépossession

129. Le nantissement de compte en cours de fonctionnement dans le droit positif : un nantissement de créance - . Le nouveau droit des sûretés classifie ce type de nantissement dans le nantissement de créance. Le nouvel article 2360 du Code civil dispose que : « Lorsque le nantissement porte sur un compte, la créance nantie s'entend du solde créditeur, provisoire ou définitif, au jour de la réalisation de la sûreté sous réserve de la régularisation des opérations en cours...». 

Cette classification dans la catégorie du nantissement de créance est directement liée à la conception classique du dépôt bancaire. Analysé la remise de choses fongibles - les espèces monétaires ou les unités scripturales - comme translative de propriété emporte comme conséquence que le solde s'analyse en une créance de somme d'argent.

130. Le nantissement de compte en cours de fonctionnement : un nantissement d'universalité - Si l'analyse déplace le curseur des unités monétaires à l'universalité qui les contient, le nantissement de compte bancaire s'analysera, non pas en un nantissement de créance, mais en un nantissement d'universalité144(*). L'objet du contrat de nantissement sera le compte lui-même. Ce nantissement est sans dépossession. Le constituant a encore accès aux utilités du compte bancaire. Il peut effectuer des retraits et des remises tout au long de la garantie. Les parties devront donc prévoir à partir de quel montant le constituant sera obligé d'intégrer de nouvelles unités monétaires. Par exemple, en matière de gage de stocks, le nouvel article L. 527-7 alinéa 3 du Code de commerce dispose que : « Lorsque l'état des stocks fait apparaître une diminution de 20% de leur valeur telle que mentionnée dans l'acte constitutif, le créancier peut mettre en demeure le débiteur, soit de rétablir la garantie... ». A l'instar du gage de stocks - qui est aussi un nantissement d'universalité sans dépossession - le constituant pourra être tenu d'intégrer de nouvelles unités monétaires dans le compte nanti à hauteur de la valeur initiale, telle que prévue au contrat.

131. Conclusion du Chapitre II - L'universalité est une institution aux avantages multiples pour l'organisation des sûretés sur l'argent.

Tout d'abord, elle constitue un passage nécessaire pour l'affectation en garantie des unités monétaires. La monnaie, en raison de sa qualité de chose de genre, ne peut accéder directement à la vie juridique sans passer par l'universalité. L'universalité permet donc de donner un objet certain au contrat.

Ensuite, l'affectation imprimée à l'universalité lors de sa création lui donne une identité propre. Dès lors sa remise au créancier ou à un tiers convenu est sans danger. Cette identité empêche que l'objet de la sûreté entre dans le patrimoine du créancier gagiste, du moins lorsqu'il s'agit d'un nantissement avec dépossession.

Enfin, l'universalité permet de donner une dynamique à l'objet de la sûreté. En raison de la nature fongible et consomptible des éléments intégrés, le créancier ou le constituant - selon la convention des parties - peut aliéner les unités monétaires à charge de les remplacer. Cette opération d'entrée et de sortie des éléments ne fait pas disparaître l'universalité. Elle y survit en raison de l'indépendance du contenant par rapport au contenu. Dès lors, l'universalité est une institution conservatrice de l'assiette de la sûreté.

L'universalité alliée à la liberté contractuelle permet alors de maintenir une classification dualiste des sûretés sur l'argent. Cette classification repose alors non pas sur l'objet mais sur la volonté des sujets de droit : la volonté reprend ses droits sur la « nature des choses ».

En restaurant un fondement contractuel à l'organisation des sûretés sur l'argent, celles-ci seront alors conformes à la volonté des parties. Le régime juridique de ces sûretés en dépendra.

2ème PARTIE / LE REGIME JURIDIQUE DU GAGE-ESPECES 

132. Un régime juridique dépendant de la seule volonté des parties - La volonté des parties est au coeur des sûretés sur l'argent. Elle jouait un rôle dans le mode de sûreté à choisir, elle joue encore un rôle dans l'organisation de ces sûretés postérieurement à la dépossession ou au transfert fiduciaire. La volonté des parties va fixer l'étendue des droits et obligations des parties sur l'assiette de la sûreté. Que l'on soit en présence d'une fiducie-sûreté ou d'un nantissement avec dépossession, les droits du créancier sont déterminés par le contrat. Ses pouvoirs ne découleront pas de la nature des choses mais de la volonté. (Chapitre 1).

De même, au niveau de la réalisation de la sûreté, la volonté des parties est maîtresse. C'est en vertu de leur seule volonté que l'acquisition à titre définitif de l'objet affecté en garantie est réalisée. La nature particulière de la monnaie facilite (surtout en matière de nantissement) en tout cas la réalisation de la sûreté (Chapitre 2).

CHAPITRE I / LES DROITS ET OBLIGATIONS DES PARTIES AVANT LA REALISATION DE LA SURETE

Les droits et obligations des parties diffèrent selon que l'on est en présence d'un transfert fiduciaire (Section I) ou d'un nantissement (Section II).

SECTION I / LES DROITS ET OBLIGATIONS DES PARTIES EN PRESENCE D'UN TRANSFERT FIDUCIAIRE A TITRE DE GARANTIE

Le transfert fiduciaire a pour effet de transmettre l'universalité au créancier pour qu'il en devienne propriétaire. Mais il n'en devient pas pour autant un propriétaire souverain et absolu au sens de l'article 544 du Code civil. Il a une propriété spéciale. A l'image d'un propriétaire de droit commun, il peut jouir et disposer de l'universalité (§1). Cette propriété étant affectée à la garantie de la dette principale, le créancier a des obligations réelles (Section II). Le constituant est le créancier de ses obligations (§2).

§1 : LES PREROGATIVES DU CREANCIER

Le créancier bénéficiaire d'une sûreté fiduciaire a des prérogatives similaires à celle d'un propriétaire. Ainsi, il a d'une part, une jouissance exclusive (I) et, d'autre part, un pouvoir de disposition (II).

I) La jouissance exclusive de l'universalité

Le créancier fiduciaire a une jouissance exclusive de l'universalité. En vertu de ce pouvoir de jouissance il peut exclure les créanciers du constituant (A) et tirer tous les utilités de l'universalité (B).

A) Le pouvoir d'exclure les tiers

133. L'intérêt : le droit des procédures collectives - A la différence d'un nantissement, le transfert fiduciaire a pour effet de faire sortir l'universalité du patrimoine du constituant. L'exclusivité conférée par la propriété fiduciaire permet alors au créancier bénéficiaire de cette garantie d'exclure les tiers saisissants. Ceux-ci ne pourront pas venir appréhendés ni l'universalité ni un de ses éléments afin de recouvrir leur dette. Tel est un des intérêts majeurs de la sûreté fiduciaire : le droit exclusif du créancier sur l'assiette de la sûreté. Cet avantage a surtout un intérêt en cas de mise en procédure de redressement ou de liquidation judiciaire du constituant. L'universalité, ne faisant pas partie du patrimoine du fiduciant, les représentants des créanciers ainsi que les organes de la procédure ne pourront atteindre l'universalité.

B) Le pouvoir de jouir des utilités de l'universalité

134. Le sort des fruits ? - L'universalité attire toutes les utilités des éléments contenus vers elle145(*). En matière de sûretés sur l'argent, l'universalité attire les utilités des unités monétaires qu'elle contient à elle, c'est-à-dire leur valeur économique. Le bénéficiaire de l'universalité peut jouir de toutes les utilités de l'universalité et notamment mettre les éléments contenus dans un rapport juridique. Par exemple, c'est une façon de jouir des utilités de l'universalité que d'aliéner les unités monétaires contenues dans l'universalité. Par cet acte, le propriétaire fiduciaire exploite l'universalité et peut en tirer des fruits146(*) (par exemple, les intérêts d'un prêt). Ces fruits devront être remis dans l'assiette de l'universalité.

II) Le pouvoir de disposer de l'universalité

135. Le pouvoir de disposer147(*) du contenant - Le propriétaire, même fiduciaire, a un pouvoir de disposition sur l'universalité. Ce pouvoir de disposer est défini par les Professeurs ZENATI & REVET de la manière suivante : « Le pouvoir de disposer est le pouvoir de faire de sa chose l'objet d'un acte juridique 148(*)». Mais l'accomplissement d'un acte juridique n'est pas suffisant. Il faut en plus qu'il vienne « modifier l'ordonnancement juridique149(*) ». Entendu dans ce sens, le pouvoir de disposer ne s'entend pas de la simple disposition matérielle (destruction matérielle) ou juridique (aliénation) au sens que l'entendait la théorie classique. En vertu de ce pouvoir de disposition, le créancier bénéficiaire de la sûreté fiduciaire pourra affecter en garantie l'universalité. La conclusion d'un contrat de nantissement, par exemple, fait naître un droit : le droit réel de gage. Mais ce n'est pas la seule possibilité. Il peut accomplir tous les actes juridiques qu'il veut. La seule limite dans l'exercice de ce pouvoir de disposer réside dans l'affectation assignée au créancier et les obligations auxquelles il est tenu.

136. Le pouvoir de disposer du contenu - Ce pouvoir de disposition concerne tant la structure que les éléments contenus. Ainsi, il peut aliéner les unités monétaires qui sont contenues dans l'assiette de l'universalité. L'exercice de ce pouvoir de disposition implique alors qu'il remette dans l'assiette de l'universalité le produit de cette aliénation au titre de son obligation d'entretien de l'universalité. Par exemple, s'il aliène les unités monétaires à travers une opération de prêt, il devra intégrer au fur et à mesure les unités monétaires objet des dettes de remboursement. Le principe de non-enrichissement applicable aux sûretés implique aussi, à notre avis, que le créancier remette les fruits dans l'universalité, c'est-à-dire les intérêts conventionnels et légaux résultant du prêt.

§2 : LES OBLIGATION DU CREANCIER

Le créancier bénéficiaire d'une sûreté fiduciaire est certes un propriétaire mais pas un propriétaire au sens de l'article 544 du Code civil. En raison de l'affectation assignée à cette propriété et du transfert futur de l'universalité au constituant, le créancier a d'une part, une obligation d'entretenir l'universalité (A), et d'autre part, une obligation de donner l'universalité au constituant si celui-ci exécute la dette garantie (B).

A) L'obligation d'entretenir l'universalité

Le créancier peut en vertu de sa propriété fiduciaire effectuer des actes de jouissance et des actes de disposition. Ainsi, il pourrait aliéner les unités monétaires contenues dans l'assiette de l'universalité. Cette faculté d'aliénation lui impose en retour une obligation de remplacer les unités monétaires au fur et à mesure. A l'image d'un usufruitier de valeurs mobilières, il devra remplacer les unités monétaires car il doit entretenir la substance de l'universalité.

137. L'obligation d'entretien : une obligation réelle - Cette obligation s'analyse en une obligation réelle150(*). Le créancier fiduciaire doit entretenir l'universalité car sa propriété est affectée. Cette obligation est le pendant de l'obligation de conservation dans le gage (article 2280 du Code civil ; nouvel article 2344 C.civ.) Cette obligation réelle est de faire. Le créancier doit accomplir une prestation s'analysant à conserver la substance de l'universalité. Cette obligation sera le plus souvent le corollaire de sa faculté d'aliéner les éléments contenus (les unités monétaires). Le créancier devra remplacer les éléments contenus par des éléments de même qualité et de même espèce (les unités monétaires étant fongibles). Cette obligation de remplacement devra se faire dans le respect des critères d'intégration151(*).

B) L'obligation de donner l'universalité

138. L'analyse classique : une obligation personnelle - L'analyse classique du gage-espèces analyse l'obligation du créancier comme une obligation de restitution. Cette obligation de restitution ne serait qu'une obligation personnelle. Le constituant est un créancier chirographaire. Dès lors, la « restitution » de la somme d'argent devrait s'exécuter selon le droit commun des obligations. On retrouve une trace de cette idée sous la plume du Professeur CABRILLAC : « La seule particularité de la sûreté-propriété sur l'argent par rapport aux autres sûretés-propriétés tient au double caractère de fongibilité et de consomptibilité de ce bien. La propriété ne revient pas dans le patrimoine du constituant lorsque la créance garantie est éteinte ; ce dernier a seulement contre le bénéficiaire une créance d'un montant identique à la somme qu'il a versée, créance qu'il lui appartient de faire valoir dans les conditions de droit commun152(*) ». Cette analyse est logique dès lors que l'on a postulé que le créancier devient propriétaire des sommes d'argent « en raison de leur nature fongible ». Ce transfert de propriété ne résulte pas de la volonté des parties mais de la « nature des choses ». Dès lors, sur le fondement de l'enrichissement sans cause153(*), le créancier est tenu d'une dette de somme d'argent. Le transfert de propriété n'a pas été aménagé par les parties : elles n'ont pas pu organiser le sort de la somme d'argent affectée en garantie en cas d'exécution de la dette principale. Cette obligation monétaire devra être dès lors recouverte selon les modalités du droit commun. Le débiteur devra donc mettre en demeure le créancier et recourir à une voie d'exécution si le créancier ne veut pas exécuter son obligation.

139. L'analyse moderne : une obligation réelle - En restaurant un fondement contractuel à l'acquisition de la somme d'argent, les parties peuvent donc organiser un transfert de propriété ultérieur de la somme d'argent qui sera suspendu à l'exécution de la dette garantie. Le contrat de fiducie-sûreté a créée une propriété fiduciaire qui est une propriété à terme : « La propriété fiduciaire connaît ab initio un terme : le lien est par nature limité dans le temps154(*) ». L'acquisition de l'universalité par le créancier est donc limitée dans le temps. Un transfert de propriété ultérieur est inscrit dans la logique de la fiducie-sûreté. En effet, le créancier acquiert l'objet du contrat de fiducie qu'à titre temporaire. Le constituant a légitimement droit à redevenir propriétaire de l'universalité s'il exécute la dette garantie. Ainsi, dès la conclusion du contrat de fiducie-sûreté, un transfert de propriété ultérieur y est inscrit. Ce transfert de propriété se réalisera par l'exécution d'une obligation de donner.

140. Une obligation à terme ou sous condition ? - La question qui se pose est alors de savoir si cette obligation est conclue sous condition suspensive ou à terme. Les réponses données par la doctrine sont variables.

Pour une partie de la doctrine, cette obligation de donner serait conclue sous condition suspensive. Le créancier deviendrait propriétaire de l'objet du gage-espèces sous condition résolutoire. L'événement érigé en condition réside dans l'exécution de la dette garantie.

Pour d'autres auteurs, l'obligation de donner est conclue à terme. Il s'agit d'un terme suspensif et incertain résidant dans l'exécution de la dette garantie. La différence entre le terme et la condition tient au moment de la naissance de l'obligation. Si on penche pour l'analyse en condition suspensive, l'obligation de donner n'est pas encore née et le créancier peut dès lors faire ce qu'il veut entre le moment de la constitution de la sûreté et celui de l'exécution de la dette garantie. En revanche, si on analyse l'exécution de la dette garantie comme un terme futur incertain, l'obligation de donner naît dès la conclusion du contrat, seul son exigibilité serait reportée. Ainsi, la situation du créancier bénéficiaire d'une fiducie-sûreté se rapprocherait de celle d'un vendeur qui s'est réservé la propriété du bien vendu. De plus, elle permet de maintenir la validité des actes juridiques conclus entre le jour de la constitution de la sûreté et son extinction. Le terme n'est pas comme la condition rétroactive. Il ne fait que suspendre l'exigibilité d'une obligation.

§3 : LES DROITS DU CONSTITUANT

Le constituant est le bénéficiaire éventuel du transfert de propriété de l'universalité. L'obligation d'entretien et l'obligation de donner, s'analysant en des obligations réelles, il est le créancier de ses obligations. En qualité de créancier, il a d'une part, le droit au respect de l'obligation d'entretien (A) et d'autre part, le droit à acquérir la propriété l'universalité en cas d'exécution de la dette garantie (B).

A) Le droit réel d'entretien

141. L'exécution forcée de l'obligation d'entretien - En contrepartie de l'obligation réelle à laquelle est tenue le créancier, en qualité de propriétaire fiduciaire de l'universalité, le constituant a un droit réel155(*). En vertu de ce droit réel, il peut forcer le constituant à entretenir l'universalité c'est-à-dire d'intégrer les unités monétaires à hauteur de celles aliénées et les fruits tirés de cet acte dans l'universalité. Ainsi, si le créancier ne veut pas s'exécuter, le constituant pourra saisir les tribunaux afin de le forcer à exécuter cette obligation. Cette action ne sera pas une action personnelle - l'obligation d'entretien est une obligation auquel est tenu le créancier à raison de la propriété fiduciaire de la chose (l'universalité) - mais une action réelle. Par l'exercice de cette action, le constituant établira la relation réelle l'unissant au créancier et après avoir apporté cette preuve, il pourra obtenir l'exécution forcée. Ce droit réel du constituant permet alors de conserver l'objet de son droit à la propriété de l'universalité qui est né mais qui ne peut être exigé avant l'exécution de la dette garantie.

§ 2 : Le droit d'acquérir l'universalité

142. Un droit à terme - La propriété fiduciaire crée une propriété à terme. En effet, dès la conclusion du contrat de fiducie-sûreté, le créancier s'engage à donner l'universalité au constituant si celui-ci exécute la dette garantie. L'avantage d'une analyse en obligation de donner tient à ce que le constituant sera immédiatement propriétaire de l'universalité (la somme d'argent affectée en garantie) dès qu'il exécutera la dette garantie. Cette analyse découle logiquement de l'idée d'affectation. La propriété fiduciaire est une propriété affectée. Le constituant a transféré fiduciairement une somme d'argent afin de garantir une dette présente ou future. L'exécution de la dette garantie met fin à l'affectation et corrélativement à la propriété fiduciaire.

143. Un droit à exécution automatique - Dès lors que les dettes garanties (prévues au contrat) sont éteintes, la propriété fiduciaire s'éteint par la voie de l'accessoire. La propriété fiduciaire, en matière de fiducie-sûreté, est une propriété accessoire à une dette. Son existence comme sa durée est suspendue à celle de la dette garantie. Dès lors que celle-ci vient à disparaître par l'exécution ou son annulation, la propriété s'éteint aussi. L'obligation de donner prévue au contrat s'exécutera à ce moment précis.

SECTION II/ LES DROITS ET OBLIGATIONS DES PARTIES EN PRESENCE D'UN NANTISSEMENT

Avant la réalisation de la sûreté, les parties ont des droits et obligations. Ceux-ci diffèrent selon que l'on est en présence d'un nantissement avec (§1) ou sans dépossession (§2).

§ 1 : Les droits et obligations des partis en présence d'un nantissement avec dépossession

Après avoir présenté les droits et obligations du créancier (I). Nous exposerons les droits du constituant (II)

I) Les droits et obligations du créancier

Le créancier a tous les droits et pouvoirs d'un créancier gagiste. Il dispose en ce sens, du droit réel de gage (A), du droit de rétention (B) et la possession (C) de l'universalité. La possession de celle-ci lui impose une obligation de conservation et une obligation de restitution (D).

A) Le droit réel de garantie

Le créancier gagiste a un droit réel de garantie sur l'assiette du nantissement, c'est-à-dire sur l'universalité. Ce droit réel naît dès la conclusion du contrat de nantissement (1). Les parties peuvent convenir d'intégrer les unités monétaires (éléments contenus) postérieurement à la conclusion du contrat (2). L'imperfection de la réforme en matière de nantissement de biens incorporels pose le problème de son opposabilité (3).

1) Les conditions d'existence du droit réel

Le droit réel est constitué dès la conclusion du contrat de nantissement. Cette affirmation valait théoriquement avant la réforme (a) et subsiste après celle-ci (b).

a) Le moment de la naissance du droit réel de gage avant la réforme de sûretés

144. La dépossession : condition de validité ou d'opposabilité ? - Avant la réforme des sûretés, la doctrine majoritaire suivie par la jurisprudence156(*) estimait que le contrat de gage constitue un contrat réel en ce sens que la remise de la chose est une condition de validité du contrat de gage. Ainsi, il n'était pas possible de constituer un gage sur un bien futur. Il ne s'agissait alors que d'une promesse de gage. Cette analyse était aussi celle de la jurisprudence157(*).

Cette analyse était contestée par une partie de la doctrine en ce qu'elle estimait que la dépossession ne constituait qu'une condition d'opposabilité du gage. C'est en ce sens que va la réforme du droit des sûretés. Par exemple, en matière de gage de meubles corporels, la dépossession n'est devenue qu'une condition d'opposabilité aux tiers de la sûreté (article 2337 al.2 C.civ.).

145. La dépossession : une condition d'opposabilité du droit réel - Faire de la dépossession une condition de validité du gage revient à confondre l'existence et l'opposabilité du droit réel de gage.

Le Code civil, à notre avis, n'y avait rien changé. Toutefois, les textes pouvaient amener à la conclusion inverse. L'article 2071 du Code civil relatif à la définition du nantissement (catégorie générale des sûretés avec dépossession dont le gage n'en est qu'une application) y invitait : « Le nantissement est un contrat par lequel un débiteur remet une chose à son créancier pour sûreté de sa dette ». La doctrine à partir de cette définition en avait alors conclu que le gage était un contrat réel.

Toutefois, l'article 2076 amenait à la conclusion inverse : « Le privilège ne subsiste (nous surlignons) sur le gage qu'autant que ce gage a été mis et est resté en la possession du créancier... ».

Le terme « subsiste158(*) » aurait du inviter à en conclure que la dépossession du bien ne constituait pas une condition de validité du contrat ou encore de l'existence du droit réel. Cela signifie que le privilège du créancier gagiste demeure tant que le bien est mis et est resté en possession du créancier. Or pour demeurer, faut-il déjà exister. Hormis cet argument sémantique, un argument juridique peut être avancé : la structure du droit réel.

146. Une analyse cohérente avec la structure obligationnelle du droit réel - Grâce aux travaux de Ginossar159(*), une analyse renouvelée des droits réels a pu être menée. Cet auteur a démontré que le droit réel a, tout comme le droit de créance, une structure obligationnelle, c'est-à-dire qu'il a pour contrepartie un engagement du constituant160(*). Mais à la différence d'une obligation personnelle, le débiteur ne s'engage pas en qualité de titulaire d'un patrimoine, mais propriétaire d'un bien161(*). Analyser le droit réel de gage à partir d'une structure obligationnelle permet alors d'affirmer que la remise de la chose n'a aucun rôle dans la naissance du droit réel (hormis si l'on érige la remise de la chose en mode de protection du consentement du constituant). Le droit réel du gage a pour volet passif un engagement réel du constituant. C'est la naissance de cet engagement qui conditionne celle du droit réel. Cet engagement prend naissance, à notre avis, dès la conclusion du contrat de gage. La remise de la chose est une formalité qui assure une effectivité du droit réel du créancier. En raison de l'absence d'une publicité organisée, il était nécessaire que le créancier soit mis en possession de l'objet du droit réel. Cette possession permet alors au droit réel de subsister (article 2076 du Code civil).

2) Le moment de la naissance du droit réel de gage dans le droit actuel

147. La dépossession : simple condition d'opposabilité du droit réel - La réforme du droit des sûretés formalisée par l'ordonnance du 23 mars 2006 a confirmé cette analyse selon laquelle le droit réel de garantie naît dès la conclusion du contrat constitutif de sûreté. Cela vaut autant en matière de gage de meubles corporels que de nantissement de meubles incorporels.

En matière de gage de meubles corporels, la loi fait une distinction entre la validité du contrat et l'opposabilité du contrat. D'une part, l'article 2336 du Code civil prévoit que : « Le gage est parfait par l'établissement d'un écrit contenant la désignation de la dette garantie, la quantité des biens donnés en gage, ainsi que leur espèces ou leur nature ». Ainsi, la mise en possession du créancier n'est pas une condition de validité du contrat de gage. Le droit réel découle d'un engagement du débiteur. Relativement à la définition du contrat de gage, le nouvel Article 2333 du Code civil définit le gage de la manière suivante : « Le gage est une convention par laquelle le constituant accorde à un créancier le droit de se faire payer par préférence à ses autres créanciers sur un autre bien mobilier... ». Par contre, la dépossession demeure une condition d'opposabilité aux tiers. L'article 2337 alinéa 2 dispose que : « (le gage) est également opposable (aux tiers) par la dépossession entre les mains du créancier ou d'un tiers convenu du bien qui en fait l'objet »

2) L'indifférence de l'existence de l'objet au jour de la conclusion du contrat

148. La possibilité d'un nantissement sur un « ensemble de biens futurs » - La réforme des sûretés permet la conclusion d'un contrat de gage ou de nantissement sur un « ensemble de biens ...futurs » (article 2333 C.civ.). Dès la conclusion du contrat de nantissement, le contenant existe. Afin de parfaire la création de l'universalité, le constituant devra intégrer les unités monétaires dans ce contenant

149. L'intégration des « biens futurs » : une obligation - En raison de la conclusion de la convention, l'intégration des unités monétaires ne sera plus une simple faculté du propriétaire mais une obligation162(*). Il est concevable, qu'en matière de gage-espèces, que les parties prévoient que les fonds soient intégrés dans le compte ou remis postérieurement à la conclusion du nantissement. Dès lors, il se posera la question de savoir si l'on pourra forcer le constituant à créer l'universalité. Pour répondre à cette question, il conviendra de se reporter aux solutions applicables à la vente de choses de genre163(*).

3) L'opposabilité du nantissement par la dépossession : les problèmes posés par la nature incorporelle du bien

150. L'absence d'un système organisé d'opposabilité en matière de nantissement - Le nouveau droit des sûretés réelles ne prévoit pas un régime complet des sûretés mobilières sur biens incorporels. En principe, le droit réel de garantie est opposable aux tiers par la possession du bien. Cette constatation amène une question non cantonnée au seul domaine des sûretés : celle de la possession des biens incorporels. La théorie classique du droit des biens partant du principe que la propriété ne pouvait porter que sur des biens corporels a toujours mis en doute de la possibilité de posséder l'incorporel. Le palliatif proposé en ce domaine est la publicité. Comme en matière immobilière, toutes les opérations relatives aux biens incorporels devraient passer par sa publicité. L'absence d'une publicité organisée en ce domaine voue alors la réalisation d'opération sur ce type de bien à l'échec. Dans certains cas, toutefois, des palliatifs sont proposés. Ainsi, en matière de créance, dans le cas la mise en garantie de ce bien incorporel, la publicité passe par la signification de l'opération au débiteur de la créance concernée (ancien article 2075 C.civ. ; nouvel article 2362 alinéa 1). Cette solution révèle que l'opposabilité d'un nantissement sur bien incorporel passe par une information des tiers. Par exemple, en matière de nantissement de créance, on notifie le nantissement au débiteur car l'on estime traditionnellement que le débiteur est un centre d'information pour le sort de la créance.

151. Le palliatif : l'information des tiers - La possession des biens incorporels ne passe pas forcément par la publicité. Par exemple, l'usufruitier possède un portefeuille de valeurs mobilières même si le contrat constitutif d'usufruit n'est pas publié. De même, il est théoriquement possible d'affirmer que la possession d'une universalité se fasse sans un mécanisme publicitaire. Toutefois, en matière monétaire, l'influence du teneur de compte permet une possession ainsi que son opposabilité. D'une part, c'est le banquier teneur du compte (soit pour son compte, soit pour le compte d'un créancier) qui possède l'universalité. D'autre part, la possession est opposable aux tiers en passant par une information. Dans le cas d'un compte bancaire mis directement en la possession du banquier, c'est ce dernier qui informera les tiers saisissants de l'existence de la sûreté. Dans le cas où il joue le simple rôle de tiers convenu, il aura un devoir d'informer les tiers. Mais cette solution n'est valable que dans le cadre de nantissement de comptes bancaires. Comment faire lorsque le créancier n'est pas un professionnel du crédit ? Dans ce cas, une obligation d'information devra lui être imposée et cela même si il est en possession de l'universalité. En effet, le compte bancaire est un exemple d'universalité mais ce n'est pas le seul cas. Lorsque les unités de paiement auront été directement remises au créancier, celui-ci devra informer tout créancier saisissant qu'une partie de son compte bancaire appartient à son débiteur. Plus, il devra déduire du montant de son solde, la valeur de l'universalité. Ainsi, l'opposabilité du droit réel passera par l'information dans tous les cas. C'est une mesure plus facile et moins coûteuse à mettre en oeuvre que l'organisation d'une publicité ajoutant des formalités supplémentaires et inadaptées en matière monétaire.

B) Le droit de rétention

152. Un droit de rétention exclu en présence d'une définition matérialiste de la possession - Le créancier nanti dispose comme le créancier gagiste un droit de rétention qui découle de la possession de l'objet de la sûreté. Cette possession est souvent contestée en matière de meubles incorporels. En partant d'une définition matérialiste de la possession, la plupart des auteurs la cantonnent aux biens corporels. Lorsqu'on parle de possession en matière incorporelle, il s'agirait d'une possession « fictive ».

153. Un droit de rétention admissible en présence d'une définition neutre de la possession - En remodelant la définition de la possession en un pouvoir de fait, celle-ci peut porter aussi bien sur les biens matériels qu'immatériels. La possession est un pouvoir de fait, c'est-à-dire un accès aux utilités économiques d'un bien. Le droit de rétention qui en découle est un pouvoir de fait s'analysant en une privation d'accès aux utilités d'un bien et au bien lui-même. Le bénéficiaire d'un droit de rétention - créancier gagiste, garagiste, vendeur etc. - empêche un propriétaire d'avoir accès à son bien et par suite à ses utilités. Dès lors, le droit de rétention sur un bien immatériel est concevable si on entend ainsi le droit de rétention. Appliqué au gage-espèces, le droit de rétention s'analysera en un blocage164(*) des utilités de l'universalité, en d'autres termes l'accès aux unités monétaires qui y sont contenues.

C) La possession de l'universalité

La possession est définie par l'article 2228 du Code civil : « La possession est la détention ou la jouissance d'une chose ou d'un droit que nous tenons ou que nous exerçons par nous-mêmes, ou par un autre qui la tient ou l'exerce en notre nom ».

A la lecture de cette disposition, il est permis de penser que la possession est susceptible de degré dans son étendue : elle peut aller de la simple détention (dépositaire) jusqu'à la jouissance (usufruitier, antichrésiste...) d'une chose. Cette possession peut être celle de notre propre chose ou celle d'autrui. Soit on possède pour son propre compte ou pour le compte d'autrui. Parmi ces différentes possibilités, où placer la possession du créancier gagiste ? Le Code ne dit rien sur l'étendue de la possession du créancier. Il nous informe seulement que le « gage n'est qu'un dépôt dans les mains du créancier... » (Article 2079 du Code civil). Le parallèle avec le dépositaire doit être écarté. En matière de gage, le créancier possède pour son propre compte la chose d'autrui.

154. Rejet de l'analyse classique de la possession - La théorie classique estime que le créancier gagiste ne peut pas user de la chose remise en garantie. Analyser la propriété comme le droit d'user, le droit de jouir et de disposer de la chose empêche d'admettre que le créancier puisse user de la chose. Le constituant ne transfère pas l'usus de la chose. Ainsi s'expliquerait que le créancier ne puisse user de la chose165(*).

155. Tentative d'explication par l'analyse objective de la possession - Comme tout créancier bénéficiaire d'une sûreté classique, le titulaire d'un nantissement d'universalité a la possession du bien. Cette possession a des effets naturels qui sont limitées par l'obligation de conservation et de restitution. Mais rien n'interdit au propriétaire d'élargir les effets naturels de la possession. Il peut autoriser le créancier à aliéner les unités monétaires contenues dans l'universalité : c'est en ce sens qu'elles seront consomptibles. Cette autorisation n'est pas incompatible avec le gage166(*). Elle est déjà admise en matière d'antichrèse. A l'instar d'un usufruitier de portefeuille de valeurs mobilières, le créancier nanti pourra aliéner les unités monétaires à charge de les remplacer (au titre de son obligation de conservation). Ces actes ne s'analyseront pas en des actes de disposition mais des actes d'administration.

Au titre de son obligation de conservation, le créancier aura alors une obligation de remplacement au titre de son obligation de conservation.

D) Les obligations du créancier gagiste

Le créancier nanti a une obligation de conservation (1) et de restitution (2).

1) L'obligation de conservation

Le créancier nanti a une obligation de conserver la substance de l'universalité. Celle-ci est constituée par les unités monétaires intégrées soit lors de la conclusion du contrat soit postérieurement. Cette conservation de la substance de l'universalité doit s'entendre de la conservation de sa valeur. Cette obligation de conservation sera plus ou moins étendue selon la volonté des parties.

156. L'obligation de conservation dans l'analyse classique - L'analyse classique du gage-espèces part de la nature fongible des unités monétaires pour organiser le gage-espèces. Ainsi, l'objet du gage-espèces est un ensemble de choses fongibles. Cette fongibilité de l'objet du gage (ou du nantissement) pouvant mener à une confusion patrimoniale, la loi nouvelle impose au créancier, à titre de son obligation de conservation, de tenir séparés les unités monétaires « des choses de même nature qui lui appartiennent » (Article 2341 C.civ.). Mais si on suit une autre analyse, c'est-à-dire celle selon laquelle l'assiette de la sûreté sera nécessairement une universalité, cette obligation légale n'aura plus d'intérêt. L'universalité est un objet certain et non pas un ensemble de choses fongibles. La sûreté a pour objet le contenant et non le contenu.

157. L'obligation de conservation dans l'analyse moderne : une obligation de remplacement - La consomptibilité des unités monétaires impliquer leur fongibilité. Les parties prévoiront quels biens pourront être équivalents à ceux aliénés. L'obligation de conservation à laquelle est tenu le créancier nantie prendra alors une coloration positive : il devra remplacer les unités monétaires. Cette obligation de remplacement devra s'effectuer selon les critères d'intégration prévus au contrat de nantissement. Par exemple, les parties ont pu prévoir que l'universalité peut être composée de toutes monnaies, aussi bien nationales qu'étrangères, ou à l'inverse, prévoir que de la monnaie nationale. De même, elle pourrait étendre les critères d'intégration à des instruments financiers, comme le prévoit, par exemple, les règles applicables au gage de compte d'instruments financiers (article L.431-4 III° C.M.F.).

2) L'obligation de restitution

158. Une restitution par équivalent dans l'analyse classique - Dans l'analyse classique, le créancier ne rend pas, en raison de la nature fongible des sommes d'argent, les sommes mêmes affectées en garantie, mais des choses équivalentes. Telle est la solution retenue par l'article 2341 du Code civil : « Si la convention dispense le créancier de cette obligation (celle de tenir séparées les sommes d'argent affectées en garantie de celle lui appartenant) il acquiert la propriété des choses gagées à charge de restituer la même quantité de choses équivalentes ». Le créancier est tenu d'une obligation de restitution par équivalent. Le mélange des choses fongibles dans le patrimoine du créancier implique que celui-ci ne peut que restituer des choses équivalentes. Rendant des choses de même qualité et de même espèce, mais non identique à celles remises, cette restitution s'analyse en une restitution par équivalent.

159. Une restitution en nature dans l'analyse renouvelée - En analysant l'objet du gage-espèces à partir de l'universalité - le contenant - et non pas des unités monétaires - éléments contenus- le créancier nanti restitue en nature et non par équivalent. Le changement dans la composition de l'universalité ne viendra pas compromettre cette restitution en nature. En effet, l'objet de la restitution est l'universalité elle-même et non pas ses éléments contenus. Dès lors que la valeur de l'universalité est identique à celle au jour de la dépossession, la restitution n'est pas compromise. Par contre, si le créancier nanti n'a pas remplacé les unités monétaires qu'il a utilisé entre le jour de la dépossession et celui de la restitution, il aura violé d'une part, son obligation de conservation, et d'autre part, corrélativement son obligation de restitution.

§2 : Les droits et obligations du constituant

Le constituant a, dans le cadre d'un nantissement avec dépossession, un droit de propriété (A) et un droit réel de conservation (B).

A) Le droit de propriété

160. Maintien du lien d'appropriation - La dépossession d'une somme d'argent entre les mains du créancier ou auprès d'un tiers ne vient pas compromettre l'existence du droit de propriété du constituant. Le droit de propriété porte sur l'universalité, c'est-à-dire sur le contenant. Le constituant conserve donc son rapport d'appropriation. L'identité de l'universalité empêchant une confusion avec les choses de même nature appartenant au créancier

161. Maintien du pouvoir de disposition - Cette conservation de son lien d'appropriation lui permet alors d'exercer ses prérogatives. Tout d'abor, il pourra effectuer tous les actes de disposition qu'il entend. La dépossession n'a pas pour effet de lui faire perdre son pouvoir de disposition. Ainsi, il peut aliéner l'universalité. Cette aliénation ne viendra pas compromettre le droit réel du créancier nanti. En effet, celui-ci, étant en possession de l'universalité, pourra opposer son droit de préférence à l'acquéreur et aussi exercer son droit de rétention. L'acquéreur ne pourra pas se prévaloir de l'acquisition de bonne foi. En effet, l'acquisition de bonne foi est fondée sur la psychologie des tiers. Les tiers peuvent se prévaloir de l'acquisition de bonne foi parce que les conditions de l'acquisition pouvaient leur faire légitimement croire que le vendeur n'était pas tenu d'un engagement réel (usufruit, hypothèque etc.). Ainsi, le fait que le vendeur soit en la possession du bien peut permettre aux tiers d'acquérir le bien de bonne foi. Mais en présence d'un nantissement avec dépossession, les tiers ne peuvent croire légitimement que le constituant n'a pas accordé un droit réel aux tiers voire qu'il en a déjà disposé. Ainsi, le créancier nanti pourra se prévaloir de son droit réel envers le tiers acquéreur.

162. Maintien du pouvoir d'exclusivité - Le constituant conserve ensuite son pouvoir d'exclusivité. Ce maintien permet alors au constituant de revendiquer le bien à l'extinction du contrat de nantissement. Il n'exercera pas une action personnelle (action en paiement d'une dette de somme d'argent) mais une action réelle : l'action en revendication.

B) Le droit réel de conservation

163. Le droit réel167(*) de conservation, volet actif de l'obligation de conservation du créancier nanti - Il semble au premier abord étrange de qualifier le constituant titulaire d'un droit réel. En effet, le constituant est propriétaire de la chose affectée en garantie. Il n'aura donc pas un droit réel sur la chose d'autrui mais sur sa propre chose. Cette analyse sera donc perçue comme contraire à la définition du droit réel comme droit sur la chose d'autrui.

Toutefois, le créancier nanti est tenu d'une obligation de conservation à raison de la chose. Cette obligation est née dans le cadre d'une situation réelle. C'est parce qu'il possède la chose d'autrui que le créancier est tenu de la conserver. A notre avis, cette obligation pourrait être analysée comme une « dette accessoire à la titularité d'un droit réel168(*) ». Le créancier nanti est titulaire d'un droit réel et il est tenu d'une obligation de conservation à cause de la chose169(*). Il n'y est pas tenu en qualité de propriétaire mais en qualité de possesseur de la chose d'autrui. Comme l'usufruitier, le créancier nanti a la « charge «  de conserver la substance de la chose sur laquelle il exerce ses prérogatives.

Comme toutes les obligations réelles, l'obligation de conservation a un sujet actif : le constituant. L'exercice de ce droit réel est assorti d'une action réelle : l'action en restitution. C'est justement le non-respect de l'obligation de conservation par le créancier nanti qui permet au constituant de réclamer la restitution du bien nanti. On retrouve une trace de cette idée dans le nouveau droit des sûretés. Dans les règles relatives au gage de meubles corporels, le nouvel article 2344 dispose que : « Lorsque le gage est constitué avec dépossession, le constituant peut réclamer la restitution du bien gagé, ..., si le créancier ou le tiers convenu ne satisfait pas à son obligation de conservation du gage ». En outre, la violation de cette obligation pourra donner lieu à une action en responsabilité civile (même article). Le créancier gagiste n'est pas tenu de cette obligation en qualité de propriétaire mais en qualité de possesseur de la chose d'autrui. Le point commun réside dans le fait que c'est la chose qui justifie l'obligation.

§ 2 : Les droits et obligations des parties en présence d'un nantissement sans dépossession

En présence d'un nantissement sans dépossession, le créancier a les mêmes droits que celui bénéficiaire d'un nantissement avec dépossession. La différence tient à l'absence de possession de l'universalité. Cette différence pose deux problèmes : le maintien de la valeur de l'universalité (I) et le droit de rétention (II).

A) Le maintien de la valeur engagée

Le créancier nanti n'ayant pas la possession de l'objet de la garantie ne peut la conserver pour son compte. L'avantage d'une dépossession ne résidait pas seulement dans l'opposabilité du droit réel aux tiers mais aussi dans la conservation. Comment régler ce problème ?

163. Une obligation de remplacement - La loi nouvelle impose une obligation de conservation au constituant lorsque le nantissement est sans dépossession. Le nouvel article 2344 alinéa 2 du Code civil dispose que : « Lorsque le gage est constitué sans dépossession, le créancier peut se prévaloir de la déchéance du terme de la dette garantie ou solliciter un complément de gage si le constituant ne satisfait pas à son obligation de conservation ». Ainsi, le constituant à une obligation de conservation. La violation de cette obligation ouvre au créancier nanti une faculté à deux branches. Soit il demande un complément de gage, soit la déchéance du terme de la dette garantie. Cette dernière faculté lui permettra alors de procéder à la réalisation du gage. En matière de sûretés sur l'argent, le nantissement sans dépossession doit s'entendre du nantissement de compte en cours de fonctionnement ou du chèque de garantie. Le constituant continue à avoir accès au compte bancaire. Mais l'affectation en garantie du compte lui impose de maintenir la valeur du compte à hauteur de la dette garantie. Ainsi, il pourra être tenu d'intégrer de nouvelles unités monétaires dans le compte nanti si, en raison de l'utilisation du compte ou de l'évolution de la dette garantie, la valeur du compte est inférieur à la dette garantie. A notre avis, cette obligation d'intégration découle de son engagement réel. En effet, le constituant a pris comme engagement, dès la constitution de la sûreté, de réserver la valeur du compte au créancier nanti afin d'assurer l'exécution de la dette garantie. Diminuer la valeur du compte revient à mal exécuter cette obligation. Dès lors, soit le constituant s'exécute par lui-même, soit le créancier peut recourir à l'exécution forcée de cette obligation. La déchéance du terme doit venir en dernier lieu.

B) Le droit de rétention

164. L'analyse classique du droit de rétention - Le droit de rétention est classiquement analysé comme un prolongement de la dépossession. Le créancier gagiste - en présence d'un gage avec dépossession - a un droit de rétention parce qu'il a la possession de l'objet affecté en garantie. Ce pouvoir de fait lui permet donc de retenir la chose jusqu'à complet paiement.

165. Une autre analyse possible - Le droit de rétention peut être analysé autrement. Il peut être fondé, non pas sur la dépossession, mais sur la finalité du droit de rétention. Le droit de rétention a pour finalité de forcer le débiteur à exécuter la dette garantie. Son exercice est facilité lorsque le créancier possède l'objet affecté en garantie. Mais la dépossession, si elle facilite son exercice, n'est pas une condition nécessaire à l'exercice du droit de rétention. Les parties peuvent prévoir que le créancier a un droit de rétention sur l'objet affecté en garantie en l'absence d'une dépossession.

Cette possibilité existe en matière de gage de compte d'instrument financier. En effet, l'article L. 421-4, III° du Code monétaire financier dispose que : « Le créancier gagiste définit avec le titulaire du compte les conditions dans lesquelles ce dernier peut disposer des instruments financiers et des sommes en toute monnaie, figurant dans le compte gagé. Le créancier gagiste bénéficie en toutes hypothèses d'un droit de rétention sur les instruments financiers et sommes en tout monnaie figurant au compte gagé ». La situation décrite par l'article L. 431-4 III° du Code monétaire et financier évoque le gage sans dépossession. Le constituant continue à faire fonctionner le compte d'instrument financier (objet du contrat de gage) dans les conditions prévues au contrat. Cette absence de dépossession n'empêche pas d'instaurer un droit de rétention au profit du créancier nanti. En effet, le droit de rétention est un pouvoir de blocage des utilités de la chose. En exerçant le droit de rétention, le créancier gagiste empêche le constituant de jouir de sa chose comme il l'entend. Il lui interdit l'accès aux utilités de la chose affectée en garantie.

En matière de compte d'instruments financiers comme en matière de compte en cours de fonctionnement, l'exercice du droit de rétention se traduit par le blocage du compte. Ainsi, il n'est pas impossible d'envisager que les parties au contrat de nantissement accorde au créancier un droit de rétention en dépit de l'absence de dépossession170(*).

166. Conclusion de la section II - La dualité contenant-contenu permet une meilleure gestion des nantissements sur somme d'argent. Les intérêts réciproques des parties sont protégés. Dans le cadre d'un nantissement avec dépossession, la dualité contenant-contenu permet une gestion optimale de l'objet affecté sans perturber l'existence des droits respectifs des parties. Dans le cadre d'un nantissement sans dépossession, les intérêts du créancier sont protégés. Toutefois, il serait judicieux de rechercher un mécanisme efficace permettant de bloquer le compte au moment venu. Une analyse finaliste du droit de rétention le permettrait.

CHAPITRE II : LES DROITS ET OBLIGATIONS DES PARTIES AU MOMENT DE LA REALISATION DU GAGE-ESPECES

La réalisation du gage-espèces dépend de la figure choisie. Dans tous les cas, elle est facilitée par la nature pécuniaire de la substance de l'universalité. Elle est simplifiée tant en présence d'un nantissement (Section I) que d'une sûreté fiduciaire (Section II).

SECTION I / LA REALISATION DU GAGE-ESPECES EN PRESENCE D'UN NANTISSEMENT

En présence d'un nantissement, la sûreté se réalise par l'attribution en propriété de l'universalité. Après avoir présenté les conditions de cette attribution (sous-section I), nous recherchons sa nature juridique (sous-section II).

§ 1 : Les conditions de l'attribution en propriété de l'assiette

L'attribution du nantissement peut être conventionnelle (I) ou judiciaire (II).

I) La réalisation du gage-espèces en présence d'un pacte commissoire

La jurisprudence antérieure (A) comme le nouveau droit des sûretés (B) permet aux parties de conclure un pacte commissoire afin de réaliser la sûreté.

A) La validité du pacte commissoire avant la réforme des sûretés

Dans l'état antérieur à la réforme du droit des sûretés, le Code civil prévoyait un principe de prohibition du pacte commissoire (1). Mais ce principe était écarté en matière de gage-espèces en raison de son objet (2).

1) Le principe de prohibition du pacte commissoire

Avant la réforme, l'article 2078 du Code civil disposait que : « Le créancier ne peut, à défaut de payement, disposer du gage : sauf à lui à faire ordonner en justice que ce gage lui demeura en payement et jusqu'à due concurrence, d'après une estimation faite par experts, ou qu'il sera vendu aux enchères. Toute clause qui autoriserait le créancier à s'approprier le gage ou à en disposer sans les formalités ci-dessus est nulle ».

167. La raison d'être de la prohibition du pacte commissoire : la protection du constituant - La justification de cette prohibition était la protection du débiteur. En effet, le constituant accordant le plus souvent un gage en même temps qu'il bénéficiait d'un crédit, on craignait qu'un « prêteur sans scrupules171(*) » (le créancier) ne profite de la situation face à un débiteur « aux abois 172(*)» pour imposer la stipulation d'un pacte commissoire.

168. Le tempérament : la validité du pacte commissoire postérieur à la conclusion du contrat de gage - Ainsi, dans cet esprit, il était permis de stipuler un pacte commissoire après la conclusion du contrat de gage173(*), car dans cette situation, le constituant pouvait avoir un consentement libre et éclairé. Mais ce n'était pas la seule raison. La prohibition du pacte commissoire est aussi justifiée par le souci d'éviter aux parties de procéder à l'évaluation de l'objet remis en garantie. Cette justification était aussi motivée par le souci de protection des intérêts du débiteur : en soumettant l'évaluation du bien affecté en garantie au contrôle judiciaire - qui procédera à la nomination d'un expert - le débiteur était protégé contre un créancier désirant sous-évaluer le bien concerné. C'est cette dernière raison d'être qui justifie l'écart de la prohibition du pacte commissoire lorsque l'objet garanti consiste dans une somme d'argent.

2) L'écart de la prohibition en matière monétaire

169. Une validité dès la conclusion du contrat de gage - En matière de gage-espèces, la prohibition du pacte commissoire est écartée en raison de la nature de son objet : la monnaie. Contrairement à tous les autres biens, sa valeur ne dépend pas de la volonté des particuliers mais de celle de l'Etat ou aujourd'hui de la Banque Centrale Européenne. La monnaie est un bien dont la valeur se confond avec sa substance. L'unité de paiement n'est pas évaluée au gré des particuliers mais d'une instance supérieure. Dès lors le problème de la fixation de la valeur du gage - justifiant la prohibition du pacte commissoire - ne se pose pas.

170. La validation jurisprudentielle de la validité du pacte commissoire en matière de gage-espèces - C'est en ce sens que par un arrêt du 4 mai 1993, la 3ème chambre de la Cour d'appel de Paris174(*) avait admis la validité du pacte commissoire en matière de gage-espèces. Selon cette juridiction : « ...la prohibition du pacte commissoire a pour but d'éviter la spoliation du débiteur qui a affecté à la garantie de sa dette un gage d'une valeur pécuniaire supérieure et prend tout son sens lorsque se pose le problème de l'évaluation du gage ; Que par sa nature, le gage constitué en espèces ne soulève aucune difficulté quant à la fixation du juste prix et rend donc inutiles les deux modes classiques de réalisation du gage ». Sur cette motivation les juges du fond admettent la validité du pacte commissoire (conclu dès la conclusion du contrat de gage) : « Que les dangers du pacte commissoire étant en l'espèce inexistants, la clause par laquelle IHM (le constituant) a autorisé la banque Worms (le créancier gagiste) à s'attribuer à due concurrence du montant de la somme impayée au titre du prêt dans la limite de la garantie conférée est valable ».

Cette décision a été validée par la Chambre commerciale de la Cour de cassation par un arrêt du 9 avril 1996 : « N'est pas prohibée par l'article 2078 du Code civil la stipulation d'attribution d'un gage constitué en espèces par le créancier, à due concurrence du défaut de paiement à l'échéance ».

171. Conclusion - Avant la réforme des sûretés, le pacte commissoire était valable en matière de gage-espèces. Son objet permettant une évaluation aisée de l'objet gagé, la justification du pacte commissoire n'avait plus à s'appliquer. Toutefois, l'attribution de l'objet gagé avait une limite : le montant de la dette garantie. Tant dans l'arrêt de la Cour d'Appel de Paris que celui de la Chambre commerciale de la Cour de cassation, les juges prennent le soin de préciser que cette attribution conventionnelle doit se faire « à concurrence du montant de la somme impayée ».

B) La validité du pacte commissoire dans le nouveau droit des sûretés

Le nouveau droit des sûretés a admis, à titre de principe, la validité du pacte commissoire (1). Sa mise en oeuvre est soumise à des formalités, dont certaines doit être écartées en raison de la nature juridique de l'objet gagé (2). Cette attribution aura lieu à concurrence de la valeur de la dette garantie (3).

1) La validité de principe du pacte commissoire

L'ordonnance du 23 mars 2006, transposant une proposition du Projet GRIMALDI, a inséré un nouvel article 2348 ainsi rédigé : « Il peut être convenu, lors de la constitution du gage (nous soulignons) ou postérieurement, qu'à défaut de l'exécution de l'obligation garantie le créancier deviendra propriétaire du bien gagé ». Dorénavant, le pacte commissoire, qu'il soit conclu au jour de la constitution du gage ou postérieurement, est valable. Cette disposition nouvelle n'apporte pas une grande nouveauté en matière de gage-espèces. La validité du pacte commissoire étant déjà admise dans le droit antérieur. La mise en oeuvre de ce pacte est soumise à des formalités.

2) La mise en oeuvre du pacte commissoire

172. L'inutilité des formalités de mise en oeuvre du pacte commissoire en matière de gage-espèces - La réforme, dans un souci de protection du constituant, impose une formalité : la fixation objective175(*) de la valeur du bien gagé. Aux termes de l'article 2348 alinéa 2 : « La valeur du bien est déterminée au jour du transfert par un expert désigné à l'amiable ou judiciairement, à défaut de cotation officielle du bien sur un marché organisé au sens du code monétaire et financier. Toute clause contraire est réputée non écrite ». En théorie, les parties à un nantissement de somme d'argent devront donc faire appel à un expert pour fixer la valeur de la « somme d'argent ». A notre avis, cette formalité devra être écartée concernant un nantissement de somme d'argent. Comme nous l'avions souligné précédemment, la valeur des unités monétaires contenues dans l'universalité est indépendante de la volonté des parties. Cette valeur est fixée par la Banque Centrale Européenne. Dès lors, la valeur est fixée de manière objective. Il serait dès lors inutile de respecter les formalités prévues.

3) L'étendue de l'attribution conventionnelle

L'attribution conventionnelle se fait à hauteur de la dette garantie (article 2348 alinéa 3 C.civ.). La loi prévoit deux solutions lorsque la valeur du bien gagé est supérieure au montant de la dette garantie. Soit le créancier devra verser la différence au constituant. Soit l'excédent sera consigné s'il y a d'autres créanciers gagistes. La question qui se pose est de savoir la nature de la restitution du surplus. Est-ce la restitution de l'universalité ou une simple dette de sommes d'argent ?

173. Une appropriation des éléments contenus et une restitution de l'universalité - Dans un souci de protection du constituant, il serait préférable d'analyser la mise en oeuvre du pacte commissoire de la manière suivante. Le créancier s'approprie non pas l'universalité dans son ensemble mais les éléments contenus à hauteur de la dette garantie. En d'autres termes, il deviendra propriétaire d'une certaine quantité d'unités monétaires à hauteur des unités de paiement dues. Par la suite, soit le créancier restitue l'universalité s'il est le seul à avoir un droit de préférence dessus, soit l'universalité est consignée pour les autres créanciers gagistes. Par exemple, en matière de nantissement de compte bancaire, le créancier prendra les sommes d'argent contenues dans le compte en laissant le compte au constituant. L'extinction du contrat de gage par l'appropriation aura aussi l'avantage de permettre au constituant de revendiquer l'universalité ainsi diminuée.

II) La réalisation du nantissement en l'absence d'un pacte commissoire

En l'état du droit positif actuel comme dans la réforme, en l'absence d'un pacte commissoire, le créancier devra recourir aux modes classiques de réalisation du gage. Ce recours à ces modes sont inutiles voire impossible. Le droit actuel prévoit deux modes distincts de réalisation du gage : la vente du gage (B) et son attribution judiciaire (A).

A) L'attribution judiciaire

174. La raison d'être de l'attribution judiciaire : rappel - Dans un souci de protection des intérêts du constituant, le législateur de 1804 avait prévu que seul le juge pouvait attribuer le gage au créancier. L'attribution judiciaire du gage avait une double vocation : protéger le constituant et contrôler la valeur du bien, la seconde servant implicitement la première. Le créancier devrait alors demander l'attribution judiciaire du gage. Au regard de ratio legis de la règle posée par l'article 2078 du Code civil, cette attribution judiciaire est sans intérêt en matière de gage-espèces. En effet, l'attribution judiciaire a pour but de donner une fixation objective de la valeur. Les biens ont une valeur variable qu'il est nécessaire de fixer. La monnaie ne connaît pas cet inconvénient. Sa valeur est fixée par la Banque centrale européenne. Sa valeur ne varie pas en fonction des volontés individuelles des particuliers mais selon une volonté unique : celle des autorités bancaires.

175. L'attribution judiciaire : un mode de réalisation coûteux et inutile - Pourtant en l'état du droit, il est nécessaire que le créancier bénéficie d'un pacte commissoire pour s'attribuer l'assiette de la garantie. En son absence, le créancier devra donc recourir au juge. Cette formalité coûteuse est inutile et embarrassera tant le juge - qui ne verra pas son utilité dans cette situation - que les parties. Dans un souci de simplification, il serait préférable que le juge prononce directement l'attribution du gage sans recourir préalablement à la nomination d'un expert. En tout cas, il est préférable aux parties de prévoir un pacte commissoire, cela évitera les complications inutiles

B) La vente aux enchères

176. La vente aux enchères : un mode de réalisation impossible - En principe, en l'absence d'un pacte commissoire, le créancier doit recourir à la vente aux enchères du gage. Cette formalité est justifiée par la même raison d'être. La vente aux enchères permettra une fixation objective de la valeur c'est-à-dire indépendante de la seule volonté des parties. Cette formalité est inutile voire impossible en présence d'un gage-espèces. Il est inconcevable que l'on puisse spéculer sur la valeur d'un gage constitué en monnaie. Cette formalité est donc inutile et impossible.

177. Conclusion de la Section I - Le pacte commissoire : mode de réalisation de toutes les formes de gage-espèces - La réalisation d'un nantissement de somme d'argent - en dépit de la forme adoptée (nantissement de compte en cours de fonctionnement, nantissement de compte bloqué, nantissement de somme d'argent) est facilitée par la nature particulière des éléments composant l'universalité. La monnaie, instrument d'évaluation de tous les biens composant notre patrimoine176(*), est d'une évaluation fixe et aisée. Dès lors, les raisons d'être (protection du constituant, indépendance des parties dans la fixation de la valeur du bien gagé) justifiant la prohibition du pacte commissoire n'ont plus de raison de s'appliquer. Cette réalisation constitue une appropriation de l'universalité. Les parties, par la conclusion d'un pacte commissoire, ont prévu que le créancier acquiert l'universalité à titre de paiement de la dette garantie. Cette réalisation ne constitue pas une compensation : il ne s'agit pas de compenser la dette garantie avec la dette de restitution. Ce mode de réalisation du gage-espèces intervient dans l'analyse classique en raison que les parties sont tenues toutes deux d'une dette de somme d'argent. Par la stipulation d'une clause de compensation conventionnelle (nécessaire en raison que la dette de somme d'argent du créancier ne devient exigible que par l'extinction de la dette garantie), les parties pouvaient, dans le cadre de l'analyse classique du gage-espèces compenser les dettes réciproques. En l'espèce, il ne s'agit pas d'un paiement réciproque mais d'une acquisition de propriété entraînant l'extinction de la dette principale. Ce mode de réalisation du gage-espèces est le même que l'on se trouve en présence d'un nantissement avec dépossession (nantissement de compte bloqué, nantissement de somme d'argent) que sans dépossession (nantissement de compte en cours de fonctionnement).

-

SECTION II : LA REALISATION DU GAGE-ESPECES EN PRESENCE D'UNE SURETE FIDUCIAIRE

La réalisation du gage-espèces suppose un fait préalable : l'extinction de la propriété fiduciaire (§1). La logique de la fiducie-sûreté implique que la réalisation de la sûreté s'opère par une acquisition définitive de l'objet de la sûreté (§2). Ce mode de réalisation pose la question de sa nature juridique (§3).

§ 1 / La condition préalable : l'extinction de la propriété fiduciaire

178. La cause d'extinction de la propriété fiduciaire : l'échéance de la dette garantie - La fiducie-sûreté est construite sur une propriété fiduciaire. Lors de la constitution de la fiducie-sûreté, le créancier n'a pas acquis l'universalité à titre de propriétaire souverain et absolu mais en qualité de propriétaire fiduciaire. Ce lien d'appropriation est un lien affecté : le créancier n'est propriétaire de l'universalité qu'afin de garantir la dette. L'arrivée de l'échéance du terme fait disparaître cette affectation. L'extinction de cette affectation a pour conséquence d'éteindre le lien d'appropriation fiduciaire. Cette extinction est un préalable à l'acquisition de l'universalité à titre de propriétaire définitif.

§ 2 / Le mode de réalisation de la sûreté : l'acquisition à titre définitif de l'universalité

La réalisation du gage-espèces se passera alors par une acquisition de l'universalité à titre définitif. Après celle-ci le créancier sera un propriétaire souverain et absolu au sens de l'article 544 du Code civil. (A). Cette acquisition a pour effet d'éteindre la dette garantie (B). En présence d'une universalité dont la valeur est supérieure à celle de la dette garantie, la notion de sûreté impose de régler le sort de l'excédent (C).

A) L'acquisition de l'universalité

179. La cause de l'acquisition de l'universalité : l'obligation de donner ? - L'acquisition de l'universalité à titre définitif de l'universalité par le créancier pose une question théorique : par quel mode d'acquisition le créancier va devenir propriétaire de l'universalité ? Une première solution pourrait être concevable. Estimer que l'échéance de la dette garantie constitue le terme de l'obligation de donner à laquelle est tenu le créancier en qualité de propriétaire fiduciaire. Et en vertu d'une sorte de pacte commissoire convenu dès la conclusion du contrat de fiducie-sûreté, le constituant s'est engagé à donner l'universalité à titre de réalisation de la sûreté. Cette analyse installerait alors une double transmission de l'universalité. Une première du créancier au constituant et une seconde du constituant au créancier. Cette double transmission permettrait alors de comprendre l'acquisition à titre définitif de l'universalité par le créancier.

180. La cause de l'acquisition de l'universalité : la qualité de bénéficiaire - Dans sa thèse, Melle KUHN propose une analyse différente en matière de fiducie-sûreté. Selon cet auteur, la qualité du bénéficiaire du transfert de propriété est conditionnelle. En d'autres termes, le créancier de cette obligation de donner est soit le constituant - s'il exécute la dette garantie - soit le créancier - si le constituant n'exécute pas la dette garantie177(*).

B) L'extinction de la dette garantie

181. La cause d'extinction de la dette garantie : l'acquisition définitive de l'universalité par le créancier fiduciaire - L'acquisition à titre définitif de l'universalité par le créancier bénéficiaire de la fiducie-sûreté a pour effet l'extinction de la dette garantie. En matière de nantissement, le pacte commissoire constitue un mode de réalisation de la sûreté et corollairement l'extinction de la dette garantie. De même, l'acquisition de l'universalité par le créancier constitue le mode de réalisation de la fiducie-sûreté et cette acquisition entraîne l'extinction de la dette garantie. Dans les deux situations, le créancier acquiert un bien et cette acquisition est réalisée afin de satisfaire le créancier. N'ayant pu obtenir une satisfaction directe - le paiement de la dette garantie - il obtient une satisfaction indirecte - l'acquisition de l'universalité -. Dans l'hypothèse où la dette garantie a une valeur supérieure à celle de l'universalité, l'acquisition ne constituera qu'une cause d'extinction partielle de la dette garantie : le créancier restera tenu pour le surplus. Pour recouvrir ce surplus, le créancier devra recourir aux modes de droit commun de recouvrement des créances. Après la réalisation de la fiducie-sûreté, il se trouve dans la situation d'un créancier chirographaire.

En revanche, lorsque l'universalité a une valeur supérieure à celle de la dette garantie, il se pose la question de la « restitution » au constituant de la différence de valeur garantie.

C) Le sort de l'excédent de valeur

182. Le fondement de la « restitution » de l'excédent de valeur : le principe de non-enrichissement du créancier du fait de la sûreté - La notion de sûreté implique un principe de non-enrichissement du créancier du fait de la sûreté. Ce principe s'applique tant au cours de la sûreté - d'où la justification de l'obligation d'intégrer dans l'assiette de la sûreté des fruits tirés de son exploitation - que lors de sa réalisation. En acquérant définitivement l'universalité, le créancier peut s'enrichir si la valeur de l'universalité est supérieure à celle de la dette garantie. Dès lors, il sera tenu de « restituer » le trop perçu au constituant (fiduciant) de la sûreté. Cette obligation pose la question de sa nature juridique : restitution ou paiement ?

183. La nature juridique de la dette du créancier : une dette de somme d'argent - Le créancier devra donc donner le surplus au constituant. Cette obligation doit s'analyser en une dette de somme d'argent. En effet, une dette de restitution suppose que la chose à restituer appartienne à autrui (restitution consécutive à une annulation ou une résolution, restitution d'un dépôt ou restitution du gage etc). Or en l'espèce, le créancier est devenu définitivement propriétaire de l'universalité et par suite des éléments contenus. Cette appropriation de l'universalité implique alors qu'il ne sera tenu que d'une dette de sommes d'argent. Il s'agira d'une dette de somme d'argent qui s'éteindra par le paiement. Dès lors, le régime du paiement d'une dette de somme d'argent s'appliquera. Plus précisément, le créancier devra créer une universalité178(*) pour exécuter cette obligation.

184. Conclusion de la section II - La réalisation de la fiducie-sûreté se rapproche de celle du nantissement de sommes d'argent pour différentes raisons. Premièrement, dans les deux cas, le mode de réalisation est simplifié : le créancier acquiert à titre définitif l'universalité ou ses éléments contenus. Le dernier établit un nouveau lien d'appropriation qui fait de lui un propriétaire au sens de l'article 544 du Code civil. Secondement, étant toutes deux des sûretés, le créancier ne devra s'approprier que le nécessaire à l'extinction de la créance garantie : le créancier ne peut s'enrichir du fait de la réalisation de la sûreté. Certaines différences demeurent. D'une part, la transmission de l'universalité ne suit pas les mêmes étapes. Dans le cadre d'un nantissement, la mise en oeuvre du pacte commissoire implique une transmission de propriété au créancier nanti : l'universalité sort du patrimoine du constituant pour entrer dans celui du créancier. Dans le cadre d'une fiducie-sûreté, la situation est différente. L'universalité ne fait plus partie du patrimoine du créancier dès la constitution de la sûreté : le créancier reçoit l'universalité sur lequel il établit un lien d'appropriation fiduciaire. Il établira un nouveau lien d'appropriation sur le bien sans que celui-ci passe par le patrimoine du constituant. D'autre part, le sort de l'universalité n'est pas le même dans les deux situations lorsque la valeur de celle-ci est supérieure à celle de la dette garantie. Dans le cadre d'un nantissement, il se peut que l'universalité soit l'objet de nantissements successifs. Dès lors la réalisation de la sûreté par un des créanciers nantis ne fait pas disparaître l'universalité : son affectation demeure. Au contraire, la fiducie-sûreté crée une situation d'exclusivité. Seul le créancier a un lien d'appropriation fiduciaire sur l'universalité. Sa réalisation suppose alors nécessairement sa disparition.

CONCLUSION

185. Nature juridique - Cette brève étude du gage-espèces a eu pour vocation principale de redonner à la volonté des parties la place qu'il lui revient.

186. L'analyse classique : un fondement naturaliste - La théorie classique donne une analyse du gage-espèces en se fondant sur la nature juridique de son objet et le classifie ainsi entre plusieurs catégories juridiques : gage translatif de propriété, gage de monnaie fiduciaire, nantissement de créance, nantissement de monnaie scripturale. Dans cette vision des choses, selon le mode de dépossession et le type de support monétaire affecté en garantie, les parties se trouvent face à plusieurs régimes juridiques distincts, compliquant ainsi la vie des affaires. La limite est fragile entre une dépossession directe (entre les mains du créancier ou sur son compte) et indirecte (compte d'affectation spéciale). Le fondement invoqué est aussi préjudiciable pour les parties : la fongibilité compromet autant le droit de propriété du constituant que celui du créancier gagiste. Cette analyse ne permet pas un changement dans l'assiette de la sûreté hormis si les parties ou le législateur prévoient une subrogation réelle entre les éléments aliénés et les éléments substitués.

Le fondement de cette classification n'est pas préjudiciable qu'au niveau pratique mais aussi au niveau théorique. Assigné à la fongibilité ou la consomptibilité des biens, la justification du transfert du droit de propriété au profit du créancier « gagiste » est contraire aux modes d'acquisitions de la propriété. De plus, la solution apportée n'est pas si certaine : un vendeur se réservant la propriété d'un bien fongible peut exercer une revendication en nature. Le bénéficiaire d'une sûreté sur sommes d'argent dans le cadre des dispositions nouvelles relatives aux garanties financières peut être autorisé à aliéner ces sommes sans recevoir la qualité de propriétaire.

Cette analyse était justifiée par deux séries de motifs : l'identification de l'assiette de la garantie et le pouvoir de disposer. En analysant, l'assiette de la sûreté à partir des « choses fongibles » remises en garantie au créancier, le gage-espèces allait dans une impasse : l'assiette devenait incertaine ainsi que le droit de propriété qui était incorporé. En analysant l'acte d'aliénation comme un acte de disposition, le créancier devenait par confusion - comme en matière d'usufruit - un propriétaire souverain et absolu. Devant exercer l'abusus pour aliéner les unités monétaires, il faut en faire un propriétaire.

187. L'analyse renouvelée : un fondement volontariste - Nous avons alors tenté une analyse renouvelée du gage-espèces à partir de la seule volonté des parties. Nous sommes passés par une institution ancienne et remise au goût du jour par la doctrine179(*) et la jurisprudence : l'universalité. Cette institution est nécessaire, utile et unifiante pour le gage-espèces.

Tout d'abord, elle est un passage obligé en raison de la qualité de choses de genre de la monnaie. Ces choses nécessitent de recourir à l'universalité pour donner au contrat de gage-espèces une assiette certaine. Ce recours permet alors aux parties de ne pas être surprise. Si elles décident de conclure un contrat de nantissement et la fongibilité des éléments contenus dans l'universalité n'y changeront rien : la sûreté ne dégénérera pas en sûreté-propriété « en raison de la nature fongible » de son objet. L'affectation donnée à l'universalité lors de sa création et confirmée lors de la conclusion du contrat de nantissement lui donne une identité propre. Ainsi, les parties auront des droits sur une chose individualisée et déterminée.

Ensuite, l'universalité permet une vision dynamique du gage-espèces : l'entrée et la sortie d'éléments contenus n'affecte pas l'objet certain du contrat et partant des droits respectifs des parties. La théorie moderne du droit de propriété et du droit des biens joue son rôle dans le gage-espèces. La souveraineté du propriétaire permet de créer une propriété spéciale : la propriété fiduciaire. Ainsi, le gage-espèces peut alors constituer une fiducie-sûreté non pas sur le fondement de la nature de son objet mais de la volonté des parties. Toutefois, il faudra pour cela de la « volonté » : admettre que la propriété fiduciaire puisse exister sans intervention du législateur et permettre un transfert de propriété à titre de garantie. L'association de l'universalité, de la théorie moderne de la propriété et de la liberté contractuelle restaure un fondement adéquat à la classification des sûretés conventionnelles sur l'argent. On passe ainsi d'un fondement naturaliste (analyse classique) à un fondement volontariste (analyse proposée). Dès lors la nature juridique du gage-espèces est calquée sur la volonté des parties : la volonté et la réalité juridique concordent en toute harmonie.

188. Le régime juridique - Cette association se retrouve aussi dans le régime juridique de ces sûretés tant au cours de vie de la sûreté qu'au moment de sa réalisation.

189. Avant la réalisation de la sûreté - La combinaison de la théorie de l'universalité et de la théorie moderne de la propriété permet une organisation des pouvoirs et obligations des parties sur l'assiette de la sûreté. La nature duale de l'universalité permet une mouvance dans sa composition sans compromettre l'existence de la sûreté dont elle en est l'objet. La rénovation de la théorie de la propriété permet l'aliénation des unités monétaires sans créer une division de la propriété. Concernant le nantissement, une conception objective de la possession permet une mouvance dynamique. En analysant la possession non pas subjectivement (corpus et animus domini) mais objectivement (possessio naturalis ou possession naturelle), il est permis de voir dans les actes d'aliénation des éléments contenus non pas comme des actes de disposition mais comme des actes d'administration. La théorie classique de la propriété ne le permettait pas : il fallait être titulaire du droit de propriété incorporé dans la chose pour le détruire. La conception objective de la possession ainsi qu'une analyse différenciée de la propriété, et partant, de la distinction des actes d'administration et de disposition le permettent. La contrepartie nécessaire de ce pouvoir d'aliéner les unités monétaires contenues dans l'universalité est l'obligation de remplacement. Au titre de son obligation de conservation de la substance de l'objet gagé, le créancier devra remplacer les unités monétaires aliénées selon les critères d'intégration voulus par les parties. Il les remplacera par des biens objectivement ou subjectivement équivalents. La fongibilité des unités monétaires supposera préalablement leur consomptibilité, c'est-à-dire que le constituant autorise le créancier à aliéner les unités monétaires. La fongibilité ne justifie pas la consomptibilité. C'est la consomptibilité qui appelle la fongibilité.

Concernant la fiducie-sûreté, le créancier peut aliéner les unités monétaires - sur le fondement de son pouvoir de disposition - à charge de les remplacer. Il a une obligation d'entretien qui lui impose de maintenir la valeur de l'universalité. A la différence du créancier nanti, il a aussi un pouvoir de disposition sur l'universalité elle-même. Il peut effectuer des actes de disposition en conformité avec les stipulations contractuelles.

190. La réalisation du gage-espèces - La nature particulière de l'objet de la convention du gage-espèces, la monnaie, facilite sa réalisation. En matière de nantissement, le créancier pourra, si la convention le permet, s'approprier soit les éléments contenus - en présence d'une pluralité de nantissement - soit l'universalité. Au titre du principe de non-enrichissement du fait de la sûreté, il devra rendre l'excédent si la valeur de l'universalité est supérieure à celle de la dette garantie. En matière de fiducie-sûreté, la réalisation est aussi simplifiée. Le créancier devient propriétaire à titre définitif en cas d'inexécution de la dette garantie. Il est dispensé de son obligation de donner. En vertu du même principe de non-enrichissement, il devra restituer l'excédent de valeur au constituant.

191. Ouverture - Pourrait-on parler de « gage-espèce » au lieu de « gage-espèces » ?

Le passage du pluriel au singulier permettrait alors d'étendre une recherche à toutes les sûretés sur choses consomptibles et fongibles. Le droit français contient plusieurs exemples : le warrant de marchandises, le gage de compte d'instruments financiers, le gage-espèces, le gage de stocks de marchandises...A l'heure actuelle, elles ont toutes des régimes juridiques propres et disparates. L'universalité pourrait constituer un point de départ pour élaborer un régime juridique commun à ce type de sûretés. Cette étude n'aurait pas qu'un intérêt national - c'est-à-dire unifier le régime juridique des nantissements (ou gages) sur choses consomptibles et fongibles - mais aussi international. Elle pourrait aussi permettre, à notre avis, une efficacité de certaines sûretés étrangères, et plus particulièrement la floating-charge.

SOMMAIRE

INTRODUCTION........................................................................................1

1ère PARTIE : LA NATURE JURIDIQUE DU GAGE-ESPECES 9

CHAPITRE I : L'ANALYSE CLASSIQUE DU GAGE-ESPECES FONDEE SUR LA QUALIFICATION JURIDIQUE DE SON OBJET 11

SECTION I / LA NATURE JURIDIQUE DU GAGE-ESPECES EN L'ABSENCE DU MAINTIEN DE L'INDIVIDUALITE DE SON ASSIETTE : UNE SURETE TRANSLATIVE DE PROPRIETE 11

SECTION II / LA NATURE JURIDIQUE DU GAGE-ESPECES EN PRESENCE D'UN MAINTIEN DE L'INDIVIDUALITE DE SON ASSIETTE : UNE SURETE NON-TRANSLATIVE DE PROPRIETE 37

CHAPITRE II : L'ANALYSE RENOUVELEE DU GAGE-ESPECES FONDEE SUR LA VOLONTE DES PARTIES 48

SECTION I / L'UNIVERSALITE : L'OBJET CERTAIN DES SURETES SUR L'ARGENT 50

SECTION II / L'UNIVERSALITE : UNE INSTITUTION RESTAURATRICE DE LA VOLONTE DES PARTIES 60

2ème PARTIE / LE REGIME JURIDIQUE DU GAGE-ESPECES. 70

CHAPITRE I / LES DROITS ET OBLIGATIONS DES PARTIES AVANT LA REALISATION DE LA SURETE 71

SECTION I / LES DROITS ET OBLIGATIONS DES PARTIES EN PRESENCE D'UN TRANSFERT FIDUCIAIRE A TITRE DE GARANTIE 71

SECTION II/ LES DROITS ET OBLIGATIONS DES PARTIES EN PRESENCE D'UN NANTISSEMENT 78

CHAPITRE II : LES DROITS ET OBLIGATIONS DES PARTIES AU MOMENT DE LA REALISATION DU GAGE-ESPECES 91

SECTION I / LA REALISATION DU GAGE-ESPECES EN PRESENCE D'UN NANTISSEMENT 91

SECTION II : LA REALISATION DU GAGE-ESPECES EN PRESENCE D'UNE SURETE FIDUCIAIRE 97

CONCLUSION....................................................................................... 101.

TABLES DES MATIERES........................................................................ 105

BIBLIOGRAPHIE....................................................................................107

BIBLIOGRAPHIE

OUVRAGES GENERAUX

C. ATIAS, Droit civil - Les biens, 7ème édition, Litec, Paris, 2003

M. CABRILLAC & Ch. MOULY, Droit des sûretés, 7ème édition, Litec, Paris, 2004.

J. CARBONNIER, Droit civil - Les biens - Les obligations, 1ère édition « Quadrige », P.U.F., 2004

A. CASTALDO & J.-P. LEVY, Histoire du droit civil, 1ère édition, Dalloz, Paris, 2002

Ch. DEMOLOMBE, Cours de Code Napoléon - volume IX - Traité de la distinction des biens - De la propriété - De l'usufruit, de l'usage et de l'habitation, Tome 1, Paris

J. GAUDEMET, Droit privé romain, 2ème édition, Montchrestien - collection « Domat - Droit privé », Paris, 2002

D. LEGEAIS, Sûretés et garanties du crédit, 4ème édition, L.G.D.J., Paris, 2004

Ph. MALAURIE & L. AYNES, Les sûretés - la publicité foncière, 1ère édition présentée par L. AYNES & P. CROCQ, Defrénois - collection « Droit civil », Paris, 2004,

Ph. MALAURIE & L. AYNES, Les biens, 1ère édition présentée par Ph. MALAURIE & L. AYNES, Defrénois - collection « Droit civil », Paris, 2004

H. et L MAZEAUD, J. MAZEAUD & F. CHABAS, Droit civil - F. BIENS. Droit de propriété et ses démembrements, 8ème édition par François CHABAS, Montchrestien, 1994

H. et L. MAZEAUD, J. MAZEAUD & F. CHABAS, Leçons de droit civil, tome III, volume 1, Sûretés - Publicité foncière, 6ème édition présentée par V. RANOUIL & F. CHABAS, Montchrestien, Paris, 1988

J. MESTRE, E. PUTMAN & M. BILLAU, Droit spécial des sûretés réelles, 1ère édition, L.G.D.J., Paris, 1995

S. PEDELIEVRE, Les sûretés, 4ème édition, Armand Colin, Paris, 2004

F. TERRE & Ph. SIMLER, Droit civil - Les biens, 6ème édition, Dalloz - collection « Droit privé », Paris, 2002

P. THERY, Les sûretés, la publicité foncière, 1ère édition, P.U.F., Paris, 1988 (collection Droit fondamental)

Ph. SIMLER & Ph. DELEBECQUE, Les sûretés, la publicité foncière, 4ème édition, Dalloz - collection « Droit privé », Paris, 2002

R. VILLERS, Rome et le droit privé, 1ère édition, Albin MICHEL - collection « L'évolution de l'humanité », Paris, 1977

F. ZENATI & Th. REVET, Les biens, 2ème édition refondue, P.U.F. - collection « Droit fondamental », Paris, 1997

MONOGRAPHIES

P. CROCQ, Propriété et garantie, préf. M. GOBERT, Bibliothèque de droit privé, tome 248, L.G.D.J., Paris, 1995.

Ph. DUPICHOT, Le pouvoir des volontés individuelles en droit des sûretés, préf. M. GRIMALDI, Edition Panthéon-Assas, L.G.D.J. Diffuseur, Paris, 2005

S. GINOSSAR, Droit réel, propriété et créance - Elaboration d'un système rationnel des droits patrimoniaux, L.G.D.J., Paris, 1960

H. HUMBERT, Essai sur la fongibilité et la consomptibilité des meubles, Thèse Paris 1940

C. KUHN, Le patrimoine fiduciaire - contribution à l'étude de l'universalité, Thèse Paris 1, sous la direction du Professeur Thierry REVET, 2003

R. LIBCHABER, Recherches sur la monnaie en droit privé, préf. P. MAYER, Bibliothèque de droit privé, tome 225, L.G.D.J., Paris, 1992

C. LISANTI-KALCZYNSKI, Les sûretés conventionnelles sur meubles incorporels, préf. F. PERONCHON, Bibliothèque de droit de l'entreprise, tome 55, Litec, Montpellier, 2001

P.-G. MARLY, Fongibilité et volonté individuelle. Etude sur la qualification juridique des biens, préf. Ph. DELEBECQUE, Bibliothèque de l'Institut André Tunc, tome IV, L.G.D.J., Paris, 2004

F. TERRE, L'influence de la volonté individuelle sur les qualifications, préf. R. LE BALLE, Bibliothèque de droit privé, L.G.D.J., Paris, 1957

M. TORCK, Essai d'une théorie générale des droits réels sur choses fongibles, Thèse Paris 2, sous la direction du Professeur H. SYNVET, 2002

F. ZENATI, La nature juridique de la propriété. Contribution à l'étude du droit subjectif, Thèse Lyon, 1981

ARTICLES, COMMENTAIRES & CHRONIQUES

ALAMOWITCH S. Le gage-espèces, Petites Affiches 28 août 1994, p.4-5

ARMAND F., PAROLAI R. et STOFFEL-MUNCK Ph., Les sûretés en matière financière projetées dans une ère nouvelle par la directive Collatéral, Banque et Droit, nov.-déc. 2005, n°104, p.3-8

AYNES L., Le gage des meubles corporels, in Rapport « Grimaldi » : pour une réforme globale des sûretés, Droit et patrimoine, n°140, septembre 2005, p.61-63

A. BAC, La position de la Fédération bancaire française sur le projet de réforme des sûretés, in Rapport « Grimaldi » : pour une réforme globale des sûretés, Droit et patrimoine, n°140, septembre 2005, p.98-100

Ph. BONFILS, La consomptibilité, Revue de la Recherche Juridique 2003, n°1, p.181 et s.

D. BUREAU, Le gage-espèces, une sûreté atteignant sa maturité ?, Droit et Patrimoine, décembre 1999, p.22 et s.

M. CABRILLAC, Les sûretés conventionnelles sur l'argent, in Les activités et les biens de l'entreprise - Mélanges offerts à J. DERRUPE, Joly Litec, Paris, 1991, p.333 et s.

C. CUNIBERNETTI, Le gage-espèces : de l'accession en matière monétaire, Les Petites Affiches 1999, n°221, p. 4 et s.

D. DOISE, Nantissement de monnaie de comptes et de valeurs mobilières, in Le gage commercial, colloque Deauville, 11-12 juin 1994, R.J.Com.1994, n°spécial, p.30 et s.

P. JAUBERT, Deux notions de droit des biens : la consomptibilité et la fongibilité, R.T.D.Civ. 1945, p.75 et s.

A. LAUDE, La fongibilité, Revue Trimestrielle de Droit Commercial 1995, p.307 et s.

F. LEDUC, Le gage translatif de propriété : mythe ou réalité ?, Revue Trimestrielle de Droit Civil 1995, p.249 et s.

R. LIBCHABER, Le portefeuille de valeurs mobilières : bien unique ou pluralités de biens ?, Rép. Defrénois 1997, art.36464, p.65-91

R. LIBCHABER, Gage sur somme d'argent, Lamy droit des sûretés, Paris, 2002, n° 269

R. LIBCHABER, Biens, Rép. Civ. Dalloz

R. LIBCHABER, La fiducie française, inutile, incertaine..., in Philippe MALAURIE - Liber amicorum, Defrénois, Paris, 2005, p.310 et s.

R. LIBCHABER, La recodification du droit des biens, in Livre du Bicentenaire du Code civil, Dalloz, 2005, p. 297 et s.

D.R. MARTIN, De la garantie monétaire (regard critique d'une offre de loi), in Les sûretés sur sommes d'argent ?, Revue de Droit Bancaire et Financier, Mars-Avril 2006, p.43 et s.

R. PAROLAI, F. ARMAND & Ph. STOFFEL-MUNCK, Les sûretés en matière financière projetées dans une ère nouvelle par la directive Collatéral, Banque et Droit, n°104, novembre-décembre 2005, p.3 et s.

Th. REVET, Usufruit d'universalité, Revue Trimestrielle de Droit Civil 2003, p.118-121

Th. REVET, Le Code civil et le régime des biens : questions pour un bicentenaire, Droit et Patrimoine, n°124, Mars 2004, p.20 et s.

Th. REVET, La prise d'effets du contrat, Revue de Droit des Contrats 2004, n°1, p.29 et s.

G. SOUSI, La spécificité juridique de l'obligation de somme d'argent, RTD Civ. 1962, p.514 et s.

SYNVET H., Le nantissement de meubles incorporels, in Rapport « Grimaldi » : pour une réforme globale des sûretés, Droit et patrimoine, n°140, septembre 2005, p.64-71

ZENATI F. La nature juridique du quasi-usufruit (ou la métempsychose de la valeur) in Le droit privé français au XXème Siècle, Etudes offertes à P. CATALA, Litec, 2001, p.605-639

ZENATI F. Pour une rénovation de la théorie de la propriété, R.T.D.Civ. 1993 p.305-323

JURISPRUDENCE

Cass. Req., 10 mars 1915, D. 1916, p.245

Cass. Req. 30 mars 1926, D. 1926.1.127

Cass. Req. 7 et 8 février 1928, D.H. 1928.129

Cass. civ. 16 juin 1936, DH 1936, 441 ; GP.II.p.443 ; RTD Civ. 1936, p.884, obs. Solus

Cass. Crim. 9 juill. 1953, D. 1953, 556

Cass.Civ.1ère, 7 Février 1984, Bull.civ. I, n°49 - Defrénois 1984, article 33427, note Ch. Larroumet

CA Paris, 4 mai 1993, RTD Com. 1993, p.554, obs. M. Cabrillac, B. Teyssié

Cass. Com., 17 mai 1994, D.1995, jur. p.125, note Ch. Larroumet

Com. 9 avril 1996 D.1996 jur.399

Com. 4 mars 1997, Contrats Concurrence Consommation 1997, n°110, note Leveneur - RTD Com. 1998. 415, obs. Martin-Serf

Com 3 juin 1997, D.1998 jur.61

1ère Civ., 12 novembre 1998, Bull.civ. I, n°315

Com. 23 avril 2003, inédit - n° de pourvoi : 02-11015 

Com. 18 janvier 2005, Bull. civ. IV, n°11

3ème Civ., 12 juillet 2005, Bull.civ. III, n°175

1ère Civ. 15 novembre 2005, Bull.civ. I, n°415, p.347-348

* 1 F. ZENATI, La nature juridique du quasi-usufruit (ou la métempsychose de la valeur), in Le droit privé à la fin du XXème siècle - Etudes offertes à P. CATALA, Litec, Paris, 2001, n°1, p.605

* 2 R. LIBCHABER, La fiducie française, inutile, incertaine..., in Philippe MALAURIE - Liber Amicorum, Defrénois, Paris, 2005, n°8, p.312

* 3 Req. 7 et 8 février 1928, D.H. 1928, p.129 : « ...toute somme d'argent, ou toute quantité de choses fongibles reçues à un titre quelconque se confond, dès lors qu'elle ne peut plus être identifiée, avec les autres valeurs composant son patrimoine de celui qui la reçoit et devient, comme ces valeurs, le gage commun de ses créanciers ».

* 4 F. ZENATI, La nature juridique du quasi-usufruit (ou la métempsychose de la valeur), in Le droit privé à la fin du XXème siècle - Etudes offertes à Pierre CATALA, Litec, 2001, p.605 et s.

* 5 B. LOTTI, Le droit de disposer de la chose d'autrui pour son propre compte, Thèse Paris XI, 1999 - C. KUHN, Le patrimoine fiduciaire - Contribution à l'étude de l'universalité, Thèse Paris I, dirigée par le Professeur Thierry REVET - M. TORCK, Essai d'une théorie générale des droits réels sur choses fongibles, Thèse Paris II, sous la direction du Professeur H. SYNVET, Paris, 2002 -P.-G. MARLY, Fongibilité et volonté individuelle - Etude sur la qualification juridique des biens, préf. Ph. DELEBECQUE, Bibliothèque de l'Institut André Tunc, tome IV, Paris, 2004 - F. ZENATI, La nature juridique du quasi-usufruit (ou la métempsychose de la valeur), précité note 2

* 6 C.C., 16 janvier 1982, D.1983, 169, note L.HAMON ; JCP 1982, II, 19788, note NGUYEN QUOC VINH et FRANCK : « ...les principes mêmes énoncés par la Déclaration des Droits de l'homme ont pleine valeur constitutionnelle tant en ce qui concerne le caractère fondamental du droit de propriété dont la conservation est l'un des buts de la société politique... »

* 7 Ph. MALAURIE & L. AYNES, Les sûretés - La publicité foncière, 1ère éd. par L. AYNES & P. CROCQ, Defrénois, collection « Droit civil », 2004, n°408, p.165 : « L'histoire technique est également dialectique. Les sûretés réelles connaissent habituellement trois étapes : l'aliénation fiduciaire, le nantissement, l'hypothèque. Actuellement, elles semblent revenir à leur forme primitive, la propriété »

* 8 P.-F. GIRARD, Manuel élémentaire de droit romain, 8ème éd., réédition présentée par J.-P. LEVY, Dalloz, Paris, 2003, p.814 : « Le droit romain primitif, ne connaissant d'autres droits réels que la propriété et les servitudes, ne pouvait atteindre ce but que par une translation de propriété ».

* 9 J.-P. LEVY& A. CASTALDO, Histoire du droit civil, 1ère éd., Dalloz, Paris, 2002, n°476, p.708 - P.-F. GIRARD, préc. Note 2, p.814 - J. GAUDEMET, Droit privé romain, 2ème éd., collection « Domat - Droit privé », Montchrestien, Paris, 2000, p.268

* 10 J.-P. LEVY & A. CASTALDO, Histoire du droit civil, 1ère éd., précité, n°476, p.709 : « Ensuite, à ce transfert est jointe une convention, reposant sur la fides, d'où le nom de fiducie. Par cette convention, que l'on appelle souvent une « loi » (lex), l'acquéreur s'engage à ne pas conserver définitivement le bien transmis... ; par différentes leges ut remancipetur (à manciper, si le transfert a été opéré par mancipation), il s'engage à rendre l'objet, soit à l'aliénateur lui-même ».

* 11 P.-F. GIRARD, Manuel élémentaire de droit romain, 8ème édition (réédition présentée par J.-P. LEVY), Dalloz, Paris, 2003, p.815

* 12 R. VILLERS, Rome et le droit privé, 1ère éd., Albin Michel, collection « L'évolution de l'humanité », Paris, 1977, p.265 et s. « en droit civil, la possession avait une autre application, celle-là tacite, dans la tradition, mode de transfert par la remise d'une chose dans les mains de l'accipiens. Or il est évident que par nature la remise d'une chose est neutre, sans signification juridique. Les Romains connaissaient très bien dans la pratique certains cas où elle n'était pas translative. Avant que ces actes ne fussent érigés en contrat, ils pratiquaient le dépôt, le commodat, le gage manuel. »

* 13 R. VILLERS, Rome et le droit privé, préc. p.265

* 14 P.-F. GIRARD, Manuel élémentaire de droit romain, préc. Note 2, p.816 - J.-P. LEVY & A. CASTALDO, Histoire du droit civil, 1ère éd., préc. note 3, n°480, p.713

* 15Contrairement au droit français, le droit romain ne connaissait pas la distinction des meubles et des immeubles. Cette distinction est issue de l'Ancien Droit.

* 16 R. VILLERS, Rome et le droit privé, p.326-327

* 17 Ph. SIMLER & Ph. DELEBECQUE, Droit civil - Les sûretés - La publicité foncière, 4ème éd., Dalloz, collection « Droit privé », Paris, 2004, n°603, p.502

* 18 Par exemple, il est difficile à un violoniste de se séparer de son Stradivarius. Le gage avec dépossession tue l'art et le maigre salaire qu'en tire l'artiste.

* 19 D.R. MARTIN, De la garantie monétaire (regard critique sur une offre de loi), in Les sûretés sur sommes d'argent ?, Revue de Droit Bancaire et Financier, Mars-Avril 2006, p.43 et s., sp.n°8, p.43-44

* 20 H. SYNVET, Les insuffisances du droit positif et les réformes proposées par le Groupe de travail Grimaldi, in « Gage-espèces, nantissement de compte bancaire : faut-il réformer les sûretés sur l'argent » - Colloque organisé par l'Association Européenne de Droit Bancaire et Financier - , disponible sur le site de l'A.E.D.B.F. : « L'absence de l'expression de gage-espèces est liée tout d'abord à un souci de clarification : cette expression pêche par insuffisance et imprécision. Ensuite elle est liée à un souci de classification. En effet, le groupe de travail a préféré faire un travail de classification, plutôt que celui de qualification, et donner ainsi une liberté de choix aux parties qu'elles effectueront en fonction de leurs intérêts et de leurs pouvoirs respectifs. »

* 21 P. CROCQ, Propriété et garantie, préf. M. GOBERT, Bibliothèque de droit privé, tome 248, L.G.D.J., Paris, 1995

* 22 M. CABRILLAC, Les sûretés conventionnelles sur l'argent, in Les activités et les biens de l'entreprise - Mélanges en l'honneur de J. DERRUPE, Litec, 1991, p.333 et s., sp.n°8, p.335 - P. CROCQ, Propriété et garantie, préf. M. GOBERT, Bibliothèque de droit privé, tome 248, n°306, p.298 - M. CABRILLAC & C. MOULY, Droit des sûretés, 7ème éd., Litec, Paris, 2004, n°696, p.580 - Ph. MALAURIE & L.AYNES, Les sûretés - La publicité foncière, 1ère éd. par L.AYNES & P.CROCQ, collection « Droit civil », Defrénois, Paris, 2004, n°508, p.202 - P.-G. MARLY, Fongibilité et volonté individuelle - Etude sur la qualification juridique des biens, préf. Ph. DELEBECQUE, collection « Bibliothèque de l'Institut André Tunc », L.G.D.J., Paris, 2004, n°275 et s., p.225 et s., sp.n°276 - Ph. DUPICHOT, Le pouvoir des volontés individuelles en droit des sûretés, préf. M. GRIMALDI, Edition Panthéon-Assas, Paris, 2005, n°938, p.705-706 - C. LISANTI-KALCZYNSKI, Les sûretés conventionnelles sur meubles incorporels, préf. F. PEROCHON, collection « Bibliothèque de droit de l'entreprise », tome 55, Litec, Paris, 2001, n°58, p.54 et n°287, p.220 - Contra : Ph. SIMLER & Ph. DELEBECQUE, Droit civil - Les sûretés - La publicité foncière, 4ème éd., Dalloz, collection « Droit privé », Paris, 2004, n°634, p.529. - D. LEGEAIS, Sûretés et garanties du crédit, 3ème éd., L.G.D.J., Paris, 2002, n°399, p.310 et n°442, p.331-332 - J.MESTRE , E. PUTMAN& M.BILLAU M. Droit spécial des sûretés réelles, 1ère éd., L.G.D.J., n°797 - F. LEDUC, Le gage translatif de propriété : mythe ou réalité ?, RTD Civ. 1995, p.307 et s. - D. DOISE, Nantissement de monnaie, de comptes et de valeur mobilières, in Le gage commercial - Colloque de Deauville du 11-12 juin 1994, RJCom. 1994, n°spécial, p.30 et s., sp.n°11, p.35

* 23 Com. 17 mai 1994, Bull.civ. IV, n°178 - Com. 3 juin 1997 (non publié) - Com. 12 janvier 2005 Bull. civ. IV, n°11, p.10-11

* 24 V. toutefois : P.-G. MARLY, Fongibilité et volonté individuelle - Etude sur la qualification juridique des biens, préc. note 15, n°277, p.227 : « ...le transfert de propriété des biens confiés à charge de restitution, dépend donc de la volonté des parties. En maîtrisant les conditions de l'individualisation, la volonté contrôle indirectement son effet translatif. ».

* 25 Th. REVET, Le Code civil et le régime des biens : questions pour un bicentenaire, Droit et Patrimoine, n°124, Mars 2004, p.20 et s., sp.p.27 et s.

* 26 C. KUHN, Le patrimoine fiduciaire - Contribution à l'étude de l'universalité, Thèse Paris I, dir. Th. REVET, 2003 ; V. auparavant : R. GARY, Essais sur les notions d'universalité de fait et d'universalité de droit dans leur état actuel, Thèse Université de Bordeaux, 1931

* 27 Ph. SIMLER & Ph. DELEBECQUE, Droit civil - Les sûretés - La publicité foncière, 3ème éd., n°643, p.529.

* 28 Ph. SIMLER & Ph. DELEBECQUE, Droit civil - Les sûretés - La publicité foncière, 4ème éd., n°643, p.529

* 29 C. KUHN, Le patrimoine fiduciaire - Contribution à l'étude de l'universalité, Thèse Paris I, dir. Th. REVET, 2003, n°62, p.51 : « Stricto sensu, les biens fongibles sont des choses de genre qui participent à une opération juridique. Leur pluralité pose le problème de l'absence de corps certain. Le choix d'inscrire des choses dans un rapport de droit demande une délimitation précise de l'objet en question. Les choses fongibles sont par nature incapables d'être un objet unique ; ...les biens fongibles trouvent dans leur intégration à une universalité la possibilité d'être envisagés comme corps certain » et n°63, p.53 : « La participation d'éléments fongibles à une opération juridique ne peut pas s'effectuer directement, leur caractère incertain l'empêche. En revanche, une universalité en tant que contenant peut constituer leur structure d'accueil et partant un bien susceptible d'être revendiqué. L'universalité devient l'objet de l'opération juridique » - Rappr. : G. SOUSI, La spécificité juridique de l'obligation de somme d'argent, RTD Civ.1962, p.514 et s.

* 30 Par nature juridique dualiste, nous entendons que le gage-espèces peut avoir deux natures juridiques différentes fondées soit sur la technique de la propriété-sûreté soit sur la technique du nantissement.

* 31Articles 587, 1246 et 1892 du Code civil.

* 32 J. CARBONNIER, Droit civil -Tome III - Les biens (monnaie, immeubles, meubles), collection « Thémis - Droit privé », P.U.F., 1995, n°52, p.107 - Ph. MALAURIE & L. AYNES, Les biens, 1ère éd. par Ph. MALAURIE & L.AYNES, collection « Droit civil », Defrénois, Paris, 2004, n°152, p.42 : « Soit une aliénation : la monnaie n'est utilisée que par son dessaisissement ». -

* 33 P. JAUBERT, Deux notions de droit des biens - La consomptibilité et la fongibilité, RTD Civ.1945, p.75 et s.

* 34 Contra : R. LIBCHABER, Recherches sur la monnaie en droit privé, préf. P. MAYER, Bibliothèque de droit privé, tome 225, L.G.D.J., Paris, 1992, n°132, p.106 : « Du reste le présupposé qui anime la qualification d'objet consomptible est certainement que la vocation essentielle de la monnaie est son utilisation dans le paiement. ....Si la monnaie est consomptible lorsqu'on la regarde au travers de la vente, elle ne l'est plus dans le prêt. La consomptibilité de la monnaie n'est pas une qualité de la chose, elle ne tient même pas à sa destination principale ».

* 35 F. TERRE, L'influence de la volonté individuelle sur les qualifications, préf. R. LE BALLE, Bibliothèque de droit privé, tome 2, L.G.D.J., 1957

* 36 F. ZENATI & Th. REVET, Les biens, 2ème éd., n°85, p.106 : « On relève une tendance doctrinale à voir dans la consomptibilité une manifestation de la nature des choses, par opposition à la fongibilité qui serait plus tributaire de la volonté. Au vrai, la consomptibilité n'est pas moins affaire de convention que la fongibilité... »

* 37 F. TERRE, L'influence de la volonté individuelle sur les qualifications, préf. R. LE BALLE, Bibliothèque de droit privé, tome 2, L.G.D.J., 1957, n°24, p.27

* 38 L'usufruit n'est pas utilisé ici dans le sens de droit d'usufruit, mais dans celui de l'objet du droit d'usufruit. C'est la raison pour laquelle il est permis de penser que le texte a voulu dire que si des choses consomptibles sont comprises dans l'assiette de l'usufruit, l'usufruitier peut s'en servir à charge d'en remettre dans l'assiette de l'usufruit des choses de même qualité et de même espèce, si la chose consomptible est aussi une chose fongible ou à défaut leur valeur, si la chose consomptible est unique.

* 39 V. par exemple : J. CARBONNIER, Droit civil - Tome 3 - Les biens (Monnaie, immeubles, meubles) - P.U.F. - collection « Thémis Droit privé », 16ème édition, Paris, 1995, n°97, p. 184 : « Si l'usufruit porte sur des biens consomptibles par le premier usage, l'usufruitier a le pouvoir de les consommer. En réalité sur de tels biens, il a des droits de propriétaire, et il est seulement tenu envers le nu-propriétaire, d'une obligation de restituer par équivalent. Cette situation de propriétaire-débiteur (nous surlignons), qui s'éloigne de l'usufruit véritable, dépourvu de l'abusus, est qualifiée de quasi-usufruit ». - Dans le même sens : H. & L. MAZEAUD, J. MAZEAUD & F. CHABAS, Leçons de droit civil - Tome II - 2ème volume - Biens, Droit de propriété et ses démembrements, 8ème édition présentée par F. CHABAS, Montchrestien, Paris, 1994, n°1652, p.384 - F. TERRE & Ph. SIMLER, Droit civil - Les biens, 5ème édition, Dalloz - collection Droit privé, Paris, 1998, n°733, p.598 - Ph. MALAURIE & L. AYNES, Les biens, 1ère édition présentée par Ph. MALAURIE & L. AYNES, Defrénois - collection « Droit civil », Paris, 2004, n°813, p.246

* 40 Pour une critique d'ensemble de cette théorie : V. ZENATI Fr., Le quasi-usufruit (ou la métempsychose de la valeur), in Le droit privé à la fin du Xxème siècle - Etudes offertes à Pierre CATALA, 2001, Litec, p. 605 et s.

* 41Parmi les auteurs anciens : V. DEMOLOMBE Ch., Cours de Code Napoléon, Vol. IX, Traité de la distinction des biens - De la propriété - De l'usufruit, de l'usage et de l'habitation, Tome I, Paris ; pour les auteurs modernes : Ph. MALAURIE & L. AYNES., Les biens, 1ère éd. présentée par L. AYNES & Ph. MALAURIE, Defrénois, collection « Droit civil », 2004, n°25 - F. TERRE & Ph. SIMLER, Les biens, 6ème éd., Dalloz, collection « Droit privé », Paris, 2002, n°120, p.116. ; Contra : F. ZENATI, Pour une rénovation de la théorie de la propriété, RTD Civ. 1993, p.305 et s., sp. p.315 : "La définition classique de la propriété ne présente dans l'ordre contemporain qu'un intérêt phénoménologique. Ces utilités pratiques (usus, fructus, abusus) ne sont pas essentielles à la compréhension de la propriété, même si certaines sont caractéristiques. Elles ne sont qu'une tentative d'inventaire exhaustif des avantages concrets que peut retirer une personne du fait d'avoir une chose en propre. Elles ne sont en réalité que des conséquences de fait de la propriété, que des vertus de l'exclusivité".

* 42Pour une explication convaincante de ce que le terme ususfructus ne désignait pas en droit romain ce que nous entendons aujourd'hui par usufruit : ZENATI Fr., Essai sur la nature juridique de la propriété : contribution à l'étude du droit subjectif, Thèse Lyon III, 198, n°348 et s., p.474 et s.

* 43 PLANIOL M., Traité élémentaire de droit civil, tome I, 3ème éd. revue et corrigée par Georges RIPERT, Paris, 1946, L.G.D.J., n°2588, p.846

* 44 AYNES L. et MALAURIE Ph., Les biens, n°433, p.112 : « Le droit de disposer de la chose qui appartient au propriétaire est un pouvoir à la fois juridique et matériel : le propriétaire peut aliéner la chose mais aussi la détruire, ... ».

* 45 Idem, n° 813, p. 246.

* 46 Ibidem, n°443, p.112 : « Le droit de disposer...est l'élément caractéristique de la propriété ».

* 47 Ce même raisonnement justifierait aussi le transfert de propriété dans le prêt de consommation. L'emprunteur devant user des choses consomptibles, il doit exercer l'abusus. Cette analyse peut être critiquée. D'une part, le prêt de consommation est avant tout un prêt de chose de genre (article 1892 C.civ.). L'objet du contrat est une universalité et non pas les choses consomptibles. Le transfert de propriété découle à notre avis de l'obligation de donner (V. article 1893 C.civ. : « Par l'effet de ce prêt, l'emprunteur devient le propriétaire de la chose prêtée... ». En effet, le transfert de propriété ne découle pas de l'effet du contrat. Le contrat a juste pour effet de faire entrer en vigueur les obligations (V. Th. REVET, La prise d'effet du contrat, RDC 2004/1, p.29 et s.). Cette prise d'effets rend exigible l'obligation de donner qui s'exécute immédiatement.

* 48 Sur la « consomptibilité » de la monnaie : v. supra n°23

* 49 CROCQ P., Propriété et garantie, Paris, 1994, L.G.D.J. Bibliothèque de droit privé, tome 248.

* 50 P. CROCQ, Propriété et garantie, préc., n°306, p.259-260

* 51 P. CROCQ, Propriété et garantie, préc., n°307, p.260 : « Il s'agit bien d'un transfert de propriété à titre de garantie, attribution d'un droit exclusif sur un bien, et on ne comprend guère pour quelle raison il serait possible de retenir la qualification de gage qui est un droit réel sur la chose appartenant à autrui » ; V. dans le même sens mais pour des raisons différentes : M. CABRILLAC, Les sûretés conventionnelles sur l'argent, in Les activités et les biens de l'entreprise - Mélanges offerts à Jean DERRUPE, Litec, Paris, 1991, p.333 et s., sp. n°9, p.336 : « En réalité, la remise pure et simple d'une somme en garantie d'une créance correspond à un concept avec lequel nous nous sommes familiarisés : celui de la sûreté-propriété. »

* 52 TROPLONG M., TROPLONG, Le droit expliqué suivant les articles du code depuis et y compris le titre de la vente - Du nantissement, du gage et de l'antichrèse - commentaire du Titre XVIII, Livre III, du Code civil, tome XIXème, Charles Hingray, Paris, 1847, n°476 : « Le nantissement n'enlève pas la propriété au débiteur. Par essence, le nantissement laisse la propriété au débiteur la chose engagé. Le créancier n'en acquiert que la possession » ; CABRILLAC M., Les sûretés conventionnelles sur l'argent, précité, n°7, p.335 ; Ph. MALAURIE & L. AYNES., Les sûretés - La publicité foncière, 1ère éd. présentée par L. AYNES et P.CROCQ, Defrénois, collection Droit civil, 2004, n°510.

* 53M. PROUDHON, Traité de l'usufruit,de l'usage personnel et de l'habitation, 2ème édition, tome 1, Dijon, 1836, n°2, p.3 : « Le quasi-usufruit portant sur des choses consomptibles n'est qu'un droit d'usufruit improprement dit, et ce n'est que par une espèce de fiction que l'obligation où il (l'usufruitier) est de restituer une valeur égale, tient lieu de droit de nue-propriété dans les mains de l'héritier ».

* 54 F. ZENATI, Pour une rénovation de la théorie de la propriété, RTD Civ. 1993, p.315

* 55 F. LEDUC, Le gage translatif de propriété : mythe ou réalité ?, RTD Civ. 1995, p.405 et s.

* 56 Idem, n°8, p.310

* 573ème Civ. 12 juillet 2005, Bull.civ. III, n°175

* 58 F. ZENATI & Th. REVET, Les biens, 2ème édition, n°105, p.128

* 59 1ère Civ., 12 novembre 1998 - Bull. civ. I, n°315 ; G.A.J.C., 11ème éd., n°71 ; D.1999.167, note Aynès ; RTD Civ.1999.422, note F. ZENATI

* 60 C. KUHN, Le patrimoine fiduciaire - Contribution à l'étude de l'universalité, précité, n°129, p.97 : « ...dans le cas d'un portefeuille de valeurs mobilières, la Cour de cassation reconnaît le droit de céder de valeurs contenues : l'acte de cession s'analyse en un acte de jouissance ». En d'autres termes, l'usufruitier ne commet pas un acte de disposition (acte de propriété) mais un acte d'administration (acte de jouissance) ;

* 61 R. PAROLAI, F. ARMAND & Ph. STOFFEL-MUNCK, Les sûretés en matière financière projetées dans une ère nouvelle par la directive Collatéral, Banque et Droit, n°104, novembre-décembre 2005, p.3 et s. - S. PRAICHEUX, La transposition en droit français de la directive européenne sur les contrats de garantie financière (commentaire de l'ordonnance n°2005-171 du 24 février 2005), Revue de Droit Bancaire et Financier, Mai-Juin 2005, p.56 et s.

* 62 R. PAROLAI, F. ARMAND & Ph. STOFFEL-MUNCK, Les sûretés en matière financière projetées dans une ère nouvelle par la directive Collateral, Banque et Droit, n°104 - Novembre-Décembre 2005, p.3 et s., sp. p.6 : « L'usufruit, spécialement l'usufruit d'universalité, paraît donc, tant en raison de convergences de forme que de fond, devoir être le modèle qui permettra de combler les lacunes légales de l'article L. 431-7-3 III, dans la mesure où la sûreté assortie d'un droit de re-use consiste en un gage et porte sur une universalité. »

* 63 C. KUHN, Le patrimoine fiduciaire - Contribution à `étude de l'universalité, Thèse Paris I, dir. Th. REVET, 2003, n°132, p.101

* 64 Toutefois, cette analyse suppose que l'on dépasse la théorie de l'incorporation du droit de propriété dans son objet.

* 65 F. ZENATI & Th. REVET, Les biens, 2ème éd., n°105, p.128 : « L'opportunité d'un acte ne s'apprécie pas selon sa nature juridique (aliénation, obligation...) mais en fonction d'une psychologie de la gestion des biens. »

* 66 1ère Civ., 12 novembre 1998 - Bull. civ. I, n°315 ; G.A.J.C., 11ème éd., n°71 ; D.1999.167, note Aynès ; RTD Civ.1999.422 : « Si l'usufruitier d'un portefeuille de valeurs mobilières, lesquelles ne sont pas consomptibles par le premier usage, est autorisé à gérer cette universalité en cédant des titres dans la mesure où ils sont remplacés, il n'en a pas moins la charge d'en conserver la substance et de le rendre... »

* 67 Nouvel article L. 431-4-3, III° Code monétaire et financier.

* 68 Pour une relativisation de l'affirmation : R. LIBCHABER, Recherches sur la monnaie en droit privé, préf. P. MAYER, Bibliothèque de droit privé, tome 225, L.G.D.J., Paris, 1992

* 69 J. CARBONNIER, Droit civil - Tome 3 - Les biens, 19ème éd., P.U.F. - Collection « Thémis - Droit privé », Paris, 2000, n°53, p.98

* 70 J. CARBONNIER, Droit civil - Tome 3 - Les biens, 19ème éd., P.U.F. - Collection « Thémis - Droit privé », Paris, 2000, n°13, p.21

* 71 Notons que dans ce texte, l'appartenance à l'espèce n'est pas une condition de la fongibilité mais de la compensation. (choses fongibles / de même espèce)

* 72 G. CORNU, Vocabulaire juridique - Association Henri Capitant, P.U.F., Paris, 2000, V° Chose, p.144 et s.

* 73 F. TERRE & Ph. SIMLER, Droit civil - Les biens, 5ème édition, Dalloz - collection Droit privé, Paris, 1998, n°15, p.15 : « Les choses fongibles sont celles qui sont envisagées dans leur genre ou espèce et non dans leur identité.... » - J. CARBONNIER, Droit civil - Tome 3 - Les biens (Monnaie, immeubles, meubles), 16ème édition, P.U.F. - collection Thémis Droit privé, n°53, p.108 - Ph. MALAURIE & L. AYNES, Les biens, 1ère édition présentée par Ph. MALAURIE & L. AYNES, Defrénois - collection « Droit civil » - Paris, 2004, n°155, p.44 : « Les choses fongibles sont les choses de genre, qui s'opposent aux corps certains et se définissent par leur espèce à laquelle elles appartiennent et par leur quantité »

* 74 Ph. MALAURIE & L. AYNES, Les biens, 1ère édition présentée par Ph. MALAURIE & L. AYNES, Defrénois - collection « Droit civil » -, Paris, 2004, n°156, p.44

* 75 Idem, p.43 : « Une chose n'est pas fongible ou non fongible en elle-même ; elle l'est avec une autre. »

* 76Ph. BONFILS, La consomptibilité, Revue de la Recherche Juridique 2003, n°1, p.181 et s., sp. n° 26 et s., p.194 et s.

* 77 A. LAUDE, La fongibilité, RTD Com. 1995, p.307 et s., sp.n°40 et s., p.329 et s.

* 78 Ph. MALAURIE & L.AYNES, Les contrats spéciaux, 1ère éd. par Ph. MALAURIE, L. AYNES et P.-Y.GAUTHIER, Defrénois, coll. Droit civil, Paris, 2004, n°887, p.567

* 791ère Civ. 7 février 1984, Bull.civ.I, n°49 ; Defrénois 1984, article 33427, note approbative de Ch. LARROUMET ; v. aussi dans le même sens : Com. 4 mars 1997 « Banque Pallas », Contrats, conc., consomm., 1997, n°110, note Leveneur ; RTD Com. 1998.415, obs. MARTIN-SERF

* 80 Pour un récapitulatif de cette discussion : V. HUMBERT H. Essai sur la fongibilité et la consomptibilité des meubles, Thèse Paris 1940

* 81R. LIBCHABER, Rép.civ. Dalloz, V.Biens.

* 82 PELTIER F., Le sort des déposants en cas de faillite de la banque dépositaire, Revue de Droit Bancaire et de la Bourse, 1991, p. 75 : « Le dépôt bancaire se caractérise par la fusion de la chose déposée dans le patrimoine du dépositaire. Cette fongibilité des fonds déposés avec les autres fonds détenus par le dépositaire transforme le droit de propriété du déposant sur la chose déposée en simple droit de créance »

* 83 Cette différence peut être effacée dès lors que l'on estime que la monnaie est constituée par les unités de paiement. Dans les deux cas, il s'agira alors d'une chose incorporelle. Afin de conserver la qualification, il est en outre nécessaire que l'on remette en cause le transfert de propriété.

* 84 Article 2079 C.civ.

* 85 F. ZENATI, La nature juridique de la propriété - Contribution à la théorie du droit subjectif, Thèse Lyon, 1981, n°387, p.521-522

* 86Dépôt, usufruit, etc.

* 87 P. CROCQ, Propriété et garantie, préf. M. GOBERT, Bibliothèque de droit privé, tome 248, L.G.D.J., Paris, 1995, n°306, p.259 - M. CABRILLAC, Les sûretés conventionnelles sur l'argent, in Les activités et les biens de l'entreprise - Mélanges offerts à Jean DERRUPE, Litec, Paris, 1991, n°6, p.335 - Ph. MALAURIE & L.AYNES, Les sûretés - La publicité foncière, 1ère éd. réalisée par L. AYNES & P. CROCQ, Defrénois, collection Droit civil, Paris, 2004, n°508, p.208 - Ph. SIMLER & Ph. DELEBECQUE, Les sûretés - La publicité foncière, 2èmé éd., Dalloz, collection Droit privé, Paris, n°546, p.449

* 88 M. CABRILLAC, Les sûretés conventionnelles sur l'argent, précité, n°7, p.335 - dans le même sens : P. CROCQ, Propriété et garantie, préf. M. GOBERT, Bibliothèque de droit privé, tome 248, L.G.D.J., Paris, 1995, n°306, p.260 : « Il s'agit effectivement d'un transfert de propriété à titre de garantie, attribution d'un droit exclusif sur un bien, et on ne comprend guère pour quelle raison il serait possible de retenir la qualification de gage qui est un droit réel appartenant sur la chose d'autrui ».

* 89 L'obligation de conservation comme l'obligation de restitution sont des obligations auxquelles est tenue une personne qui possède la chose d'autrui. Un propriétaire n'est pas tenu à ce genre d'obligations. Il doit plutôt donner la chose ou encore en maintenir la valeur en vertu d'un engagement réel.

* 90 S. GINOSSAR, Droit réel, propriété et créance - Elaboration d'un système rationnel des droits patrimoniaux -, L.G..D.J., Paris, 1956, n°38, p.100 : « l'obligation réelle n'est pas simplement un aspect accidentel ni même naturel du droit réel ; elle est le droit réel, vu côté passif » - Th. REVET & F. ZENATI, Les biens, n°192, p. 233 : « Tout droit est en principe corrélatif à une obligation (jus et obligatio sunt correlata). Il en résulte que chaque droit est un rapport binaire associant deux personnes, un sujet actif et un sujet passif. Cette structure se retrouve de manière identique dans les droits réels et les droits personnels » . Toutefois, en matière de sûretés réelles, la qualification d'obligation réelle est contestée : V. L. AYNES, note sous. Ch. Mixte, 2 décembre 2005, D. 2006, n°10, p.729 et s , sp. p. 734, n°7 : « La constitution d'une sûreté réelle crée un jus ad rem, un droit réel accessoire sur le bien du constituant, qui se traduit, pour celui-ci, par une charge. Une charge n'est pas une obligation. »

* 91 R. LIBCHABER, La recodification du droit des biens, in Le Code civil 1804-2004 - Livre du Bicentenaire, Dalloz-Litec, 2004, p.297 et s., sp. n°53 : « Dans la relation obligatoire, créancier et débiteur peuvent se manifester sous deux qualités nettement différenciées ; soit en ce qu'ils sont des individus, des personnes physiques ou morales titulaires d'un patrimoine ; soit en tant que propriétaires d'un bien, c'est-à-dire abstraction faite du reste de leur patrimoine, dans la seule considération de cette qualité de propriétaire. » et n°55 : « La relation à laquelle on est le plus habitué, c'est le droit réel stricto sensu - que l'on nomme parfois droit réel sur la chose d'autrui...Il s'agit du rapport juridique qui relie un créancier - pris comme titulaire d'un patrimoine -, à un débiteur qui intervient en sa seule qualité de propriétaire d'un bien, support du droit réel. »

* 92 F. ZENATI & Th. REVET, Les biens, 2ème éd., n°207, p.244 : « Les droits réels nécessitent comme les droits de créance une dualité de sujet, l'un passif, l'autre actif. Cette condition fait défaut lorsqu'à la suite d'un quelconque événement, tel qu'une transmission entre vifs, tel qu'une transmission entre vifs..., un seul sujet demeure, qui cumule les deux qualités. Il y a alors confusion, ou consolidation : le droit de propriété subsiste et le droit réel s'éteint »

* 93 Comparer en matière de servitudes : article 705 C.civ.

* 94 Ph. SIMLER & Ph. DELEBECQUE, Les sûretés - La publicité foncière, 2ème édition, Dalloz - collection « Droit privé », Paris, 1995, n°546, p.449

* 95 R. LIBCHABER, Le gage de sommes d'argent, Lamy - Droit des sûreté, Paris, 2002, n°269-37

* 96 En ce sens : M. TORCK, Essai d'une théorie générale des droits réels sur choses fongibles, Thèse Paris II, sous la direction du Professeur SYNVET, Paris, 2002, n°68, p.52

* 97 Com., 17 mai 1994 - Bull .civ., IV, n°178 - D.1995, jur., p.124, note Ch. LARROUMET

* 98 V. notamment : BAC A., La position de la Fédération bancaire française sur le projet de réforme des sûretés, in Rapport « Grimaldi » : pour une réforme globale des sûretés, Droit et patrimoine, n°140, septembre 2005, p.98-100

* 99 V. notamment : L. AYNES, Le gage de meubles corporels, in Rapport « Grimaldi » : pour une réforme globales des sûretés, Droit et Patrimoine, n°140, p.63

* 100 R. LIBCHABER, Recherches sur la monnaie en droit privé, préf. P. MAYER, L.G.D.J., Bibliothèque de droit privé », tome 225, Paris, 1992, n°195 et s., p.156 et s.

* 101 R. LIBCHABER, Recherches sur la monnaie en droit privé, n°200, p.160

* 102 N. AYMERIC, Essai d'une théorie du compte en droit privé, Thèse Paris 2, sous la direction du Professeur A. GHOZI, 2002 (v. résumé disponible sur le site de l'A.E.B.D.F.-France)

* 103Bull.civ.IV, n°116 ; Rapport de la Cour de cassation 1996, p.310 ; D.1996.399, note critique de Ch. LARROUMET ; D. 1996.Somm.396, obs. S. PEDELIEVRE ; JCP 1997.I.3991, n°18, obs. SIMLER et DELEBECQUE ; RTD Civ. 1996.669, obs. CROCQ

* 104Rapprocher CA Paris, 4 mai 1993, RTD Com. 1993

* 105Inédit - n° pourvoi : 02-11015

* 106 Il se pose la question du devenir de la garantie. La restitution du bien gagé, à titre de sanction, s'analyse-t-elle en une extinction du contrat de gage ou en un passage d'un gage avec dépossession à un gage sans dépossession ? En outre, comment peut-on restituer le bien gagé alors qu'il s'est confondu avec ceux appartenant au créancier. ?

* 107 Il deviendra difficile d'obtenir la restitution des sommes d'argent. La violation de l'obligation de conservation résulte de la confusion des sommes d'argent remises en garantie et des sommes appartenant au créancier. Cette confusion leur faisant perdre leur identité, il devient difficile d'obtenir la restitution du « bien gagé ».

* 108 P. CROCQ, Propriété et garantie, précité, n°306, p.259 : « L'argent est une chose de genre, la somme d'argent ne s'individualise que par une opération de compte... »

* 109 1ère Civ. 15 novembre 2005, Bull.civ. I, n°415, p.347-348

* 110 Comp. Com. 23 avril 2003, inédit, n° pourvoi : 02-11015 : « l'opposabilité aux tiers du gage portant sur des espèces consomptibles et fongibles, dont la remise emporte transfert immédiat de propriété au profit du créancier gagiste (nous soulignons), n'est pas subordonnée à l'enregistrement de l'acte sous-seing privé qui le constate »

* 111 V. toutefois : C. CUNIBERNETTI, Le gage-espèces : de l'accession en matière monétaire, LPA 1999, n°221, p. 4 et s. - Cet auteur a recherché la cause de l'acquisition des sommes d'argent dans les règles de l'accession par adjonction. Le mélange des sommes d'argent constituerait une union dans un tout : l'actif monétaire. Cette analyse est contestable. Il ne semble pas que la confusion des sommes d'argent ait pour effet de les lier entre elles par l'accessoire. En effet, l'accession suppose qu'une chose accessoire en serve une autre (article 567 C.civ.). Le mélange des choses de genre ne met pas en place un rapport hiérarchique. V. sur ce point : C. KUHN, Le patrimoine fiduciaire - Contribution à l'étude de l'universalité, Thèse Paris I, sous la direction du Professeur Thierry REVET, 2003, n°37 : « L'accession tire les conséquences d'une réunion physique. Les règles du Code consacrent l'élargissement de la propriété préexistant et ne raisonnent pas véritablement sur l'idée de création d'un bien nouveau. La référence à l'unité et à l'incorporation renvoient à la logique de l'accroissement : un bien bénéficie de l'opération au détriment des autres. Une hiérarchie s'installe alors entre les biens et la référence à la relation principal/accessoire le confirme... »

* 112 C. KUHN, Le patrimoine fiduciaire - Contribution à l'étude de l'universalité, Thèse Paris I, sous la direction du Professeur Thierry REVET, 2003, n°63, p.53

* 113 Comp. G. SOUSI, La spécificité juridique de l'obligation de sommes d'argent, RTD Civ. 1982, p.514 et s.

* 114 Article 1238 alinéa 2 C.civ. ; C. KUHN, Le patrimoine fiduciaire - Contribution à l'étude de l'universalité, sous la direction du Professeur Thierry REVET, Thèse Paris I, 2003, n°63, p.53 : « La participation d'éléments fongibles à une opération juridique ne peut pas s'effectuer directement, leur caractère incertain l'empêche. En revanche, une universalité en tant que contenant peut constituer leur structure d'accueil et partant un bien susceptible d'être revendiqué. L'universalité devient l'objet de l'opération juridique, une tonne (riz), une somme (d'argent)... »

* 115 C. KUHN, Le patrimoine fiduciaire - Contribution à l'étude de l'universalité, Thèse Paris I, dirigée par le Professeur Thierry REVET, n°313 et s., p.239 et s.

* 116 L'expression de « quantité de choses équivalentes » ne fait que préciser les critères d'intégration d'éléments dans la structure. Le constituant ne peut intégrer que des « biens équivalents » ayant la qualité de chose de genre « quantité ». Mais les parties peuvent prévoir avec plus de précision les « biens équivalents ». Par exemple, en matière de gage de comptes d'instruments financiers, l'article L. 431-4 prévoient les biens qu peuvent être intégrés dans le compte postérieurement à la constitution du gage : « Les instruments financiers et les sommes en toutes monnaies postérieurement inscrit au crédit du compte gagé....sont soumis aux mêmes conditions que ceux qui y figurait initialement.... »

* 117 Comp. : Article L. 621-122 alinéa 3, in fine C.com. : « La revendication en nature peut également s'exercer sur des biens fongibles lorsque se trouvent entre les mains de l'acheteur des biens de même espèce et de même qualité » - Article 2369 C.civ. : « La propriété réservée d'un bien fongible peut s'exercer...sur des biens de même nature et de même qualité... »

* 118 Nouvel article L. 527-1, 6° Code de commerce : « A peine de nullité, l'acte constitutif du gage doit comporter les mentions suivantes : ...Une description permettant d'identifier les biens présents ou futures engagés, en nature, qualité et valeur... »

* 119 V. supra, n°94 et s. - C. KUHN, Le patrimoine fiduciaire - Contribution à l'étude de l'universalité, précité, n°59 et s., p.49 et s.

* 120 Req., 10 mars 1915, D. 1916, p.245

* 121 Th. REVET, Usufruit d'universalité, note sous 1ère Civ., 3 décembre 2002, Baylet c/Malet, RTD Civ. 2003, n°1, janv.-mars 2003, p.118 et s.,

* 122 C. KUHN, Le patrimoine fiduciaire - Contribution à l'étude de l'universalité, précité, n°74, p.59

* 123 F. ZENATI & Th. REVET, Les biens, 2ème éd., n°90, p.117

* 124 C. KUHN, Le patrimoine fiduciaire - Contribution à l'étude de l'universalité, précité, n°74, p.60 : « Il ne s'agit pas de constater l'influence de la volonté sur les qualifications mais le pouvoir de création de la volonté. L'universalité témoigne du rôle créateur de la personne, le sujet domine son environnement qu'il soit physique ou juridique. La création d'une universalité constitue une faculté juridique offerte au seul propriétaire des éléments à intégrer l'universalité ».

* 125 Idem, n°111, p.84 : « Le désengagement de biens contenus dans une universalité est toujours possible en théorie ; car l'opération d'intégration ne fait que mettre à l'état de veille leur individualité. Leur nature juridique initiale n'est absolument pas atteinte, ni le principe même de leur individualisation. ». A notre avis, l'intégration de biens fongibles dans une universalité ne leur fait pas perdre leur nature fongible. Ils demeurent des biens interchangeables. Ainsi, si le propriétaire autorise le créancier a utiliser les unités monétaires contenues dans l'universalité, il devra les remplacer par des biens équivalents c'est-à-dire fongibles. 

* 126 C. KUHN, Le patrimoine fiduciaire - Contribution à l'étude de l'universalité, précité, n°83 et s., sp.n°83, p.65 : « La cause de l'acte de création explique pour quelles raisons une telle structure est mise en place. La création d'une universalité est un choix du propriétaire, il précise comment ses biens vont être exploités en déterminant l'affectation de la structure »

* 127 Cette opposabilité erga omnes impose un devoir (non pas une obligation) d'information des tiers. V. F. ZENATI, Pour une rénovation de la théorie de la propriété, RTD Civ. 1993, p.305 et s.

* 128 C. KUHN, Le patrimoine fiduciaire - Contribution à l'étude de l'universalité, précité, n°91, p.71

* 129 Ce qui a une identité dans le nantissement de monnaie scripturale n'est pas la somme d'argent inscrite en compte mais le compte lui-même.

* 130 C. KUHN, Le patrimoine fiduciaire - Contribution à l'étude de l'universalité, n°306, p.236 : « Le contrat de fiducie facilite l'établissement de la preuve de la connaissance par les tiers de l'existence de la structure patrimoniale »

* 131 V. en ce sens : Soc. 30 novembre 1951 - D.1952.121, note Voirin : « Les privilèges ne peuvent être établis que par la loi et les dispositions qui les établissent doivent être interprétés strictement » 

* 132 R. LIBCHABER, Une fiducie française, inutile et incertaine..., in Philippe MALAURIE - Liber amicorum, Defrénois, Paris, 2004, p.303 et s.

* 133 Comp. : Article 1125-2 du Projet Catala : « L'engagement pris en contrepartie d'un avantage convenu à un tiers a pour cause cet avantage... ». Ne serait-il pas permis de penser que le crédit constitue un « avantage » ? En contrepartie du transfert fiduciaire, le constituant ne reçoit-il pas un crédit ? - V. sur la question de la cause dans le Projet Catala : B. FAGES, Autour de l'objet et de la cause, in La réforme du droit des contrats : projets et perspectives, RDC 2006/1, p.37 et s.

* 134 R. LIBCHABER, Une fiducie française, inutile et incertaine..., précité note 128, n°9, p.313

* 135 Idem, n°9, p.313 : « Si le constituant entend rendre le fiduciaire propriétaire sans contrepartie adéquate, il n'est animé d'aucune intention libérale à son endroit. C'est l'évidence même : gratifié, le fiduciaire conserverait le bien qui lui a été remis à titre de propriété ; mais il doit dans tous les cas restituer, en le référant au constituant ou à un tiers désigné. On ne saurait donc prétendre que le transfert puisse être porté par un animus donandi qui expliquerait l'absence de contrepartie ».

* 136 Req. 16 février 1834, Caquelard ; S.1834.1.205 -, Les grands arrêts de la jurisprudence civile - Tome 1, 11ème éd. par H. CAPITANT, F. TERRE & Y. LEQUETTE, Dalloz, Paris, 2000, n°60, p.311 et s.

* 137 R. LIBCHABER, Une fiducie française, inutile et incertaine, précité, n°7, p.311

* 138 Cass., 28 mars et 22 Octobre 1934 - D.1934.1.151, note VANDAME

* 139 Cl. WITZ, La fiducie en droit privé, préf. D. SCHMIDT, Economica, 1991 - C. KUHN, Le patrimoine fiduciaire - Contribution à l'étude de l'universalité, Thèse Paris I, sous la direction du Professeur Thierry REVET, 2003, n°330, p.250 : « L'originalité de l'opération fiduciaire demeure, l'aliénation fiducia causa ne relevant pas d'un contrat translatif nommé. Toutefois, la liste des actes juridiques réalisant un transfert de propriété n'est pas limitative. Les actes translatifs ne sont pas enfermés comme en droit romain dans une nomenclature rigide et préétablie. Le contrat de fiducie trouve parfaitement sa place au sein de cette catégorie juridique. »

* 140 Cl. WITZ, La fiducie en droit privé, précité note 140, n°244, p.239 - C. KUHN, Le patrimoine fiduciaire - Contribution à l'étude de l'universalité, Thèse Paris I, sous la direction du Professeur Thierry REVET, 2003, n°330, p.250 : « L'originalité de l'opération fiduciaire demeure, l'aliénation fiducia causa ne relevant pas d'un contrat translatif nommé. Toutefois, la liste des actes juridiques réalisant un transfert de propriété n'est pas limitative. Les actes translatifs ne sont pas enfermés comme en droit romain dans une nomenclature rigide et préétablie. Le contrat de fiducie trouve parfaitement sa place au sein de cette catégorie juridique. »

* 141 Comp. : Com. 3 juin 1997, Bull.civ. IV, n°165 - D.1998.Som.104, obs. S. PEDELIEVRE - JCP G 1997.II.22891 : « ...les actes constitutifs de la sûreté dispensaient la banque, en cas de non-paiement à l'échéance, de son obligation de restituer les sommes d'argent dont la propriété lui avait été transférée à titre de garantie ; »

* 142 V. en ce sens : 1ère Civ. 15 novembre 2005, Bull.civ. I, n°415, p.347-348 : « ...ayant constaté que le gage consenti par Mme LEFEBVRE au Crédit Maritime avait été réalisé au moyen de l'inscription de sommes en espèces sur un plan d'épargne populaire, lequel constituait un compte d'épargne rémunéré dont la stabilité devait permettre l'obtention d'exonérations fiscales et d'une prime d'épargne, ce dont il résultait que les sommes d'argent n'étaient ni consomptibles ni fongibles.. »

* 143 Saleilles, La possession des meubles 1907 - F. ZENATI, La nature juridique de la propriété - Essai d'une définition du droit subjectif, Thèse Lyon III, 1981, n°351, note 147, p.475-476 : « Le créancier gagiste a pratiquement l'uti frui, si ce n'est qu'il ne peut en user de la chose que dans les limites de ce qui est prévu au contrat ». et n°387, p.521-522 : « Si le gage n'a pas vocation à conférer à son titulaire ni l'usage ni les fruits de la chose, ceci n'entre toutefois pas dans sa nature. La simple détention, ou possession naturelle, emporte une maîtrise de fait permettant de bénéficier de toutes les utilités qu'une chose est susceptible de procurer, et ce n'est que par la convention ayant été à l'origine de cette possession qui est susceptible de restreindre les effets naturels qui en résultent ». L'obligation de conservation ne constitue-t-elle pas une de ces limites ?

* 144 V. en ce sens : N. AYMERIC, Essai d'une théorie générale du compte en droit privé, Thèse Paris II, sous la direction du Professeur Alain GHOZI, 2002, n° 581, p.514-515 : « Il est loisible aux parties de convenir, lorsque le nantissement porte sur un compte, que celui-ci, selon les modalités selon lesquelles elles s'accordent, que le compte continuera à être géré. Les changements dans la composition du compte, par voie d'arbitrage entre valeurs, ne sauraient venir modifier la date du nantissement. Ce résultat est lié de manière naturelle à ce que le bien donné en gage, le compte, demeure identique ; ... »

* 145 C. KUHN, Le patrimoine fiduciaire - Contribution à l'étude de l'universalité, n°46 et s.

* 146 En vertu du principe de non-enrichissement du créancier du fait de la sûreté, le créancier devrait intégrer les fruits dans l'assiette de la garantie. V. article 2287 du Projet Grimaldi : « La sûreté garantit l'exécution d'une obligation. Elle ne peut procurer au créancier aucun enrichissement ». Malheureusement, cette disposition n'a pas été reprise par l'ordonnance du 23 mars 2006

* 147 Les parties peuvent convenir que le créancier ne pourra pas céder l'universalité.

* 148 F. ZENATI & Th. REVET, Les biens, 2ème éd., n°101, p.125

* 149 F. ZENATI, Pour une rénovation de la théorie de la propriété, RTD Civ. 1993, p.317 : « Sans nul doute, à l'instar des utilités de la propriété, est-il (le pouvoir de disposer) le fruit de l'exercice de la volonté du propriétaire, mais il produit en outre un résultat important : la modification de l'ordre juridique existant soit par la naissance d'un droit, soit par la disparition d'un droit, soit par la conjonction de ces deux phénomènes »

* 150 C. KUHN, Le patrimoine fiduciaire - Contribution à l'étude de l'universalité, précité, n°495 et s., p.356 

* 151 Tout dépendra donc des stipulations contractuelles. Par exemple, les parties peuvent prévoir que l'universalité ne pourra contenir que des unités monétaires (« sommes en toutes monnaies »), ou d'autres biens de même liquidité comme les instruments financiers. Il serait vain d'exposer toutes les situations possibles. En tout cas, cette obligation d'entretien (ou de remplacement) devra être exécuté le plus rapidement possible afin de ne pas porter atteinte à la pérennité de la structure. Cette obligation pourra être sanctionné par le constituant (sujet actif de cette obligation).

* 152 M. CABRILLAC, Les sûretés conventionnelles sur l'argent, précité, n°10, p.336

* 153 Nous pensons en effet que si le transfert de propriété résulte de la nature fongible de la monnaie, il ne s'agit pas d'une obligation contractuelle mais quasi-contractuelle. Il ne s'agit pas d'une obligation de restitution (obligation dont est tenu le détenteur de la chose d'autrui) mais d'une obligation personnelle dont le quantum a été fixé en fonction du montant de la dette garantie. En d'autres termes, le créancier est tenu d'une dette de somme d'argent en raison de l'enrichissement résultant du transfert de propriété - dès ce moment il s'enrichit d'une somme d'argent en dehors de toute cause (le fondement étant extra-contractuel) - et de l'appauvrissement corrélatif du constituant.

* 154 C. KUHN, Le patrimoine fiduciaire - Contribution à l'étude de l'universalité, précité, n°346, p.261 et n°352 et s.

* 155 C. KUHN, Le patrimoine fiduciaire - Contribution à l'étude de l'universalité, n°529, p.374 : « Le fiduciant a un droit réel de faire : l'engagement du fiduciaire est pris avec lui. »

* 156 Cass.com., 18 mai 1898, DP 1900, 1, 481, note SARRUT ; S.1898, 1, 433, note LYON-CAEN - Cass.com., 12 novembre 1958, Bull.civ. IV, n°387

* 157 Cass.civ., 18 mai 1898, DP, 1900.1.481 - 1ère Civ. 6 janvier 1994, Bull.civ. I, n°4 ; JCP E 1994, I, 365, n°18, obs. DELEBECQUE

* 158 Le mot subsister vient du latin classique « subsistere » qui signifie « rester, demeurer, séjourner » (Dictionnaire Latin-Français, réalisé par François GAFFIOT, Hachette, Paris, 1934) - Le Petit Larousse Illustré 2004, p.971 subsister : « Exister encore, continuer d'être ». Pour exister encore ou continuer d'être, faut-il avoir déjà existé ?

* 159 S. GINOSSAR, Droit réel, propriété et créance, L.G.D.J., Paris, 1960

* 160 V. en matière d'hypothèque : Article 2167 du Code civil : « Le tiers détenteur est tenu (nous soulignons)...ou de payer tous les intérêts et capitaux exigibles,...ou de délaisser l'immeuble hypothéqué... » - S. GINOSSAR, Droit réel, propriété et créance, L.G.D.J., 1960, n°35 : « Le tiers détenteur d'un immeuble hypothéqué est tenu d'une obligation alternative consistant à payer, délaisser ou purger » et n°37, p.98 : « Le droit réel donne naissance à des obligations dont une personne est tenue qu'à raison d'une chose ».

* 161 R. LIBCHABER, La recodification du droit des biens, Livre du Bicentenaire du Code civil, Dalloz, 2005

* 162 C. KUHN, Le patrimoine fiduciaire - Contribution à l'étude de l'universalité, n°119, p.90

* 163 Dans la vente de choses de genre, le vendeur a l'obligation de créer une universalité afin que les choses de genre puissent être commercialisées. La question se pose alors de savoir si le débiteur peut être forcé à exécuter cette obligation c'est-à-dire créer l'universalité.

* 164 Par exemple, en matière bancaire, le banquier a un droit de rétention sur le compte courant.

* 165 Mais en matière de dépôt, le Code admet que le dépositaire puisse user de la chose avec « la permission expresse ou présumée du déposant ». Le créancier gagiste pourrait donc se servir de l'universalité si le constituant l'y autorise.

* 166 F. ZENATI, La nature juridique de la propriété - Contribution à l'étude du droit subjectif, Thèse Lyon, 1981, n°387 et s., p.521 et s.

* 167 Nous sommes conscient que cette analyse malmène la définition du droit réel en tant que droit sur la chose d'autrui. Or en l'espèce, ce droit s'exerce sur sa propre chose. Mais c'est la chose qui justifie l'obligation de conservation et non pas un engagement personnel. Le créancier prend lui aussi un engagement réel : celui de conserver la chose.

* 168 R. LIBCHABER, La recodification du droit des biens, in Livre du bicentenaire du Code civil, in Livre du bicentenaire du Code civil, Dalloz, Paris, 2005, n°57, p.360 : « Une deuxième situation mérite mieux le qualificatif d'obligation réelle : les créances ou les dettes accessoires à la propriété d'une chose ou la titularité d'un droit réel. L'usufruitier comme le propriétaire subissent l'un et l'autre des charges accessoires à la propriété ou à l'usufruit de l'immeuble. L'un doit entretenir la chose de façon ordinaire, l'autre de manière extraordinaire ; mais ils sont l'un comme l'autre tenus propter rem, c'est-à-dire qu'ils le sont à cause de la chose sur laquelle ils exercent leurs prérogatives. »

* 169 En effet, l'obligation de conservation n'a lieu que si la chose est entre les mains d'un possesseur de la chose d'autrui. Si le bien est remis à une autre personne, c'est celle-ci qui est tenu de la conserver. A notre avis, l'obligation de conservation est une obligation réelle et non pas personnelle.

* 170 Le droit américain arrive au même résultat par une convention de contrôle signée entre le teneur du compte, le créancier et le débiteur. V. T. KAMMAN & Cl. HENRY, La garantie sur les comptes bancaires - Security Interest in a Deposit Account - De l'article 9 U.C.C., Revue de Droit Bancaire et Financier, Mars-Avril 2006, p.48 et s. , sp. n°12 et s., p.49

* 171 M. CABRILLAC & Ch. MOULY, Droit des sûretés, 7ème éd., n°524, p.444

* 172 Ph . SIMLER & Ph. DELEBECQUE, Les sûretés - La publicité foncière, 4ème éd., n°616, p.511

* 173 Cass.com., 12 janvier 1965, Gaz. Pal.1965.1.372 : « La prohibition ne s'applique pas à une convention conclue postérieurement à la constitution du gage ». V. dans le même sens : Cass.civ., 25 mars 1903, D.1904, 1, 273 - Cass. 1ère Civ., 17 nov. 1959, Bull.civ., I, n°480, Gaz. Pal. 1960, 1, 62 ; D.1960, somm.37 - Cass.com., 13 janvier 1965, JCP 1966.II.14469, note R.D.M.

* 174 CA Paris, 4 mai 1993, « Société Immobilière Hôtelière Montparnasse c/ Banque Worms », Bull. Joly, 1993, § 251, p.861, obs. Ph. DELEBECQUE

* 175 Par une fixation objective, nous entendons une fixation indépendante de la volonté des parties. En effet, la valeur du gage est fixée soit par un tiers (« expert désigné à l'amiable ou judiciairement ») soit par le marché (« cotation officielle du bien sur un marché organisé...)

* 176 Th. REVET, L'argent et la personne, in L'argent et le droit, Archives de Philosophie du Droit, Sirey, 1992

* 177 Mais cette analyse n'explique pas quel est le mode de l'acquisition de l'universalité. En effet, si l'on penche pour une acquisition dérivée, il est difficile de l'expliquer. Qui est le débiteur de l'obligation de donner ? Il ne peut pas s'agir du constituant car il n'est plus propriétaire depuis la constitution de la sûreté. Ce ne peut être aussi le créancier. Il est inconcevable que le créancier s'aliène la chose. La question du mode d'acquisition de l'universalité par le créancier reste à résoudre.

* 178 V. supra n°25 et les références citées

* 179 C. KUHN, Le patrimoine fiduciaire - Contribution à l'étude de l'universalité, Thèse Paris I, sous la direction du Professeur Thierry REVET - R. LIBCHABER R., Le portefeuille de valeurs mobilières : bien unique ou pluralités de biens ?, Rép. Defrénois 1997, art.36464, p.65-91 - F. ZENATI, Universalités, note sous 1ère Civ. 12 novembre 1998 « Baylet », RTD Civ. 1999, p.422 et s. - Th. REVET, Usufruit d'universalité, note sous 1ère Civ. 3 décembre 2002 « Baylet », RTD Civ. 2003, p.118 et s. - Th. REVET, Revendication des choses fongibles, note sous Com. 5 mars 2002 « Du Buit », RTD Civ. 2002, p.327 et s.






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein