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Le gage-espèces

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par Fouad HAMIDI
Université Paris I - Master 2 Recherche Droit patrimonial approfondi 2006
  

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II) L'universalité, une institution nécessaire à la conservation des droits des parties

L'argument principal avancé par la théorie classique pour admettre le transfert de propriété des sommes d'argent au créancier résidait dans la perte d'identité de l'objet du droit de propriété du constituant. Si on penche désormais l'analyse vers l'universalité et non pas ses éléments contenus, le raisonnement ne peut plus être le même.

95. L'universalité : un bien distinct de ses composantes - Par la création de l'universalité (comme nous le verrons ultérieurement), le constituant imprime une affectation à celle-ci. Cette affectation lui donne son individualité : elle pourra être discernée du reste du patrimoine du créancier gagiste. L'identification par l'universalité de l'assiette du nantissement permet au constituant (A) et au créancier gagiste (B) de conserver leurs droits sur l'universalité. Cette conservation ne sera pas perturbée par la mouvance intrinsèque de l'universalité (C).

A) La conservation du droit de propriété du constituant

96. L'insuffisance de l'analyse classique - Analysée le gage-espèces à partir des unités monétaires elles-mêmes créait un obstacle technique que l'on a résolu par l'attribution de la propriété au détenteur. Le créancier gagiste devenait propriétaire des « sommes d'argent » en raison de leur nature fongible. Cette attribution de propriété résidait dans le fait que le constituant ne pourrait prouver l'identité des sommes remises lors d'une action en revendication.

97. L'avantage d'un raisonnement à partir de l'universalité - Si on déplace le curseur de l'analyse sur l'universalité, en tant que contenant, le fondement du raisonnement, à savoir l'absence d'identité, ne sera plus valable. Le constituant conserva son lien d'appropriation qu'il avait établit en créant l'universalité115(*). Dès lors, que cette universalité reste entre ses mains (nantissement sans dépossession) ou qu'elle soit remise en la possession du créancier (gage avec dépossession), le constituant conservera son droit de propriété. L'intérêt sera plus grand lorsque le gage sera avec dépossession. D'une part, il pourra agir en restitution si le créancier gagiste ne respecte pas son obligation de conservation. D'autre part, il pourra agir en revendication après le paiement de la ou des dettes garanties.

B) La conservation des droits du créancier

98. L'insuffisance de l'analyse classique en présence d'un nantissement sans dépossession - Le créancier conserve tous ses droits sur l'universalité. L'universalité aura surtout un intérêt lorsque le nantissement ou le gage est sans dépossession. Lorsque le nantissement est sans dépossession, le constituant conserve la possession de la somme d'argent affectée en garantie. Si l'on estime que l'objet du nantissement réside dans les unités monétaires, le créancier ne pourrait les identifier lors de la mise en oeuvre de son droit de préférence. Le droit réel comme le droit de propriété doit avoir un objet certain. Le raisonnement justifiant la perte du droit de propriété dans le nantissement avec dépossession de choses fongibles devrait conduire à la même conclusion lorsque le nantissement sans dépossession a aussi pour objet de telles choses. Dès lors le raisonnement devient préjudiciable lorsque le gage est sans dépossession.

99. L'intérêt de l'universalité en présence d'un nantissement sans dépossession - Si l'objet du contrat de nantissement, et partant celui des droits des parties (droit de propriété, droit réel) consiste dans l'universalité, les droits du créancier seront conservés en toute hypothèse. Il pourra exercer son droit de préférence sur un objet certain : l'universalité.

Cette conservation des droits des parties perdure même en cas de mouvance dans la composition de l'universalité

C) L'absence d'effet d'un changement dans la composition de l'universalité sur les droits des parties

100. L'intérêt attaché à la nature duale de l'universalité - Les parties au contrat de nantissement peuvent prévoir que le créancier ou le constituant peuvent user de la chose, notamment en aliénant les unités monétaires (ou autres choses fongibles) comprises dans l'assiette de l'universalité. Cette mouvance dans la composition de l'universalité ne viendra pas perturber l'existence des droits des parties sur l'assiette de la sûreté. II y a des exemples législatifs et jurisprudentiels de cette analyse.

101. Les exemples légaux - En matière législative, plusieurs textes consacrent une indifférence d'un changement dans la composition de l'universalité sur les droits des parties. Tout d'abord, comme nous l'avions souligné précédemment, en matière de garanties financières, l'autorisation accordée au bénéficiaire d'une sûreté sur l'argent d'aliéner les unités monétaires affectées en garantie ne vient pas perturber l'existence du droit réel du bénéficiaire. Son droit se reporte sur « les biens équivalents ainsi restitués » (Article L.431-7-3, III° Code monétaire et financier).

Ensuite dans la réforme des sûretés, on retrouve deux exemples significatifs.

102. Le gage sans dépossession de choses fongibles - Premièrement, dans les règles relatives au gage de meubles corporels, le nouvel Article 2342 du Code civil prévoit que : « Lorsque le gage sans dépossession a pour objet des choses fongibles, le constituant peut les aliéner si la convention le prévoit à charge de les remplacer par la même quantité de choses équivalentes116(*) ». Ainsi, l'aliénation des choses fongibles contenues dans l'assiette du nantissement ne fait pas disparaître le droit réel du créancier gagiste. Cette possibilité s'explique par l'universalité. Le changement dans la composition de l'universalité ne compromet pas le droit réel du gagiste.

103. Le gage de stocks - Secondement, en matière de gage de stocks, le nouvel article L. 527-5 alinéa 2 du Code de commerce dispose que : « Le privilège du créancier passe de plein droit des stocks aliénés à ceux qui leur sont substitués ». Cette disposition, certes, pourrait faire croire que nous sommes en présence d'une subrogation réelle légale. Pourtant, il n'en est rien. Le gage de stocks de marchandises constitue un gage d'universalité composée de choses fongibles. Pour preuve, concernant l'obligation de « conservation » du constituant, le nouvel Article L. 527-6 du Code de commerce prévoit que : « Le débiteur est responsable de la conservation des stocks en quantité et en qualité117(*)... ». La référence aux termes de « quantité » et de « qualité » ne témoigne-t-elle pas que les marchandises sont considérées comme des choses fongibles ? Les marchandises sont des choses de genre118(*) c'est-à-dire des choses qui se pèsent, se comptent ou se mesurent. Généralement, ce sont des choses produites en séries. Cette appartenance à cette série fait qu'elles sont quantifiables. La référence à la quantité fait partie de la définition des choses de genre. Les choses de genre sont des choses quantifiables. Quant à la qualité, c'est une deuxième caractéristique de la chose de genre. Pour qu'une chose appartienne à un genre, il est nécessaire qu'elle ait la même qualité que les autres choses du genre. Les marchandises étant des choses de genre, le recours à l'universalité est nécessaire119(*) pour la constitution de la sûreté. Par suite, le gage de stocks est un gage ayant pour objet non pas les marchandises mais une universalité dans laquelle elles sont intégrées. Cette intégration aura lieu soit au moment de la conclusion de la sûreté (biens présents), soit en cours de vie de la sûreté (biens futurs) (Article L. 527-1 6° C.com.).

104. L'exemple jurisprudentiel : le warrant de marchandises - La jurisprudence a eu aussi parfois recours à l'universalité pour expliquer la conservation des droits du créancier nanti sur l'assiette de la sûreté malgré une substitution de nouveaux biens à ceux existants au jour de la constitution de la sûreté. Par un arrêt du 10 mars 1915120(*), la Chambre des Requêtes de la Cour de cassation était confronté à la question de savoir si une clause par laquelle les parties prévoyaient que les marchandises substituées à celles sorties de l'assiette permettait de maintenir le droit réel du créancier. La Cour de cassation y a répondu par l'affirmative par l'attendu de principe suivant : « Attendu que si, aux termes de l'article 2076 c.civ., reproduit, en matière commerciale, par l'article 92 c.com., le privilège ne subsiste sur le gage qu'en tant que ce gage est mis et resté en possession du créancier ou d'un tiers convenu entre les parties, il n'en est ainsi qu'autant que les objets donnés en gage sont des corps certains devant être individuellement restitués ; mais que la règle ne peut pas être applicable dans sa rigueur lorsque les marchandises warrantées sont destinées, dans l'intention des parties et suivant la convention elle-même, à être aliénées au fur et à mesure de leur vieillissement et à être remplacées par d'autres de même nature et en égale quantité ; que dans ce cas , lorsque, par l'effet de cette clause emportant respectivement aliénation et acquisition, les marchandises sortent du gage, elles y sont, en vertu d'une subrogation réelle, qui trouve son fondement dans leur fongibilité, remplacées par les marchandises acquises qui entrent et restent, comme celles auxquelles elles sont substituées, dans la possession du créancier ». Cette solution est motivée par le fait que le créancier n'a jamais perdu la possession de l'objet gagé, en dépit de cette mouvance. Et cela tient à ce que l'objet du contrat de gage est une universalité : « ...l'arrêt, qui est dûment motivé, a pu, dans ces conditions, décider à bon droit que la Banque de France (le créancier) ne s'était pas dessaisie de la possession juridique de son gage...puisque les Magasins généraux (tiers convenu) n'ont cessé de détenir l'universalité de la marchandises warrantée pour le compte de la Banque de France ».

105. Conclusion - Ces exemples légaux et jurisprudentiels témoignent de l'intérêt conservateur que la double dimension de l'universalité permet. Malgré la sortie des éléments contenus et le remplacement par d'autres de même nature et en égale quantité, la sûreté - et les droits des parties - demeure aussi bien dans le cadre d'un nantissement sans dépossession qu'avec dépossession. Ce maintien du droit réel du créancier nanti est lié à la stabilité de l'assiette de la sûreté : l'universalité. Les ingrédients de cette institution (indépendance entre les éléments contenus et la structure, subrogation réelle, obligation de remplacement...) permettent de donner une dynamique aux sûretés sur choses fongibles, dynamique nécessaire en présence de biens tel que la monnaie, les marchandises ou encore les instruments financiers121(*).

* 115 C. KUHN, Le patrimoine fiduciaire - Contribution à l'étude de l'universalité, Thèse Paris I, dirigée par le Professeur Thierry REVET, n°313 et s., p.239 et s.

* 116 L'expression de « quantité de choses équivalentes » ne fait que préciser les critères d'intégration d'éléments dans la structure. Le constituant ne peut intégrer que des « biens équivalents » ayant la qualité de chose de genre « quantité ». Mais les parties peuvent prévoir avec plus de précision les « biens équivalents ». Par exemple, en matière de gage de comptes d'instruments financiers, l'article L. 431-4 prévoient les biens qu peuvent être intégrés dans le compte postérieurement à la constitution du gage : « Les instruments financiers et les sommes en toutes monnaies postérieurement inscrit au crédit du compte gagé....sont soumis aux mêmes conditions que ceux qui y figurait initialement.... »

* 117 Comp. : Article L. 621-122 alinéa 3, in fine C.com. : « La revendication en nature peut également s'exercer sur des biens fongibles lorsque se trouvent entre les mains de l'acheteur des biens de même espèce et de même qualité » - Article 2369 C.civ. : « La propriété réservée d'un bien fongible peut s'exercer...sur des biens de même nature et de même qualité... »

* 118 Nouvel article L. 527-1, 6° Code de commerce : « A peine de nullité, l'acte constitutif du gage doit comporter les mentions suivantes : ...Une description permettant d'identifier les biens présents ou futures engagés, en nature, qualité et valeur... »

* 119 V. supra, n°94 et s. - C. KUHN, Le patrimoine fiduciaire - Contribution à l'étude de l'universalité, précité, n°59 et s., p.49 et s.

* 120 Req., 10 mars 1915, D. 1916, p.245

* 121 Th. REVET, Usufruit d'universalité, note sous 1ère Civ., 3 décembre 2002, Baylet c/Malet, RTD Civ. 2003, n°1, janv.-mars 2003, p.118 et s.,

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