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Le gage-espèces

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par Fouad HAMIDI
Université Paris I - Master 2 Recherche Droit patrimonial approfondi 2006
  

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§2 : Le nantissement d'actif monétaire

Le gage-espèces souffrait un problème au niveau de l'identité de l'assiette des droits des parties sur les sommes d'argent remises en garantie. Tout d'abord, l'argument principal pour justifier le transfert de propriété des sommes d'argent au profit du créancier résidait dans le fait que le constituant, en qualité de propriétaire, ne pourrait pas les identifier après leur confusion avec celles appartenant au créancier. L'insertion des unités monétaires imposant, en raison de leur qualité de choses de genre, la mise en place d'une universalité, cette argumentation doit dès lors être écartée. Ainsi, l'universalité est l'objet certain du contrat. La certitude de l'objet du contrat permet aux parties d'avoir une assise à leurs droits respectifs (droit de propriété, droit réel). Cette stabilisation de l'assiette du nantissement redonne à la volonté son empire. Les parties vont pouvoir exprimer leurs volontés et celles-ci seront respectées. Le souffle de liberté généré par la réforme des sûretés permet aux parties d'opter pour un nantissement avec (I) ou sans dépossession (II).

I) Le nantissement avec dépossession

Dans leur manuel de droit des sûretés, les professeurs CABRILLAC & MOULY font une distinction entre remise directe et remise indirecte de sommes d'argent au créancier. Nous reprendrons cette distinction - sans y attacher les mêmes effets - dans notre exposé. Il y a d'une part, le nantissement ayant pour objet un compte spécial affecté en garantie (A), et d'autre part, le nantissement ayant pour objet une somme d'argent remise directement au créancier (B).

A) Le nantissement de compte bloqué

124. Le compte d'affectation spéciale : une universalité créée par les parties - Le nantissement de compte d'affectation spéciale était selon l'analyse classique le seul mode concevable de gage-espèces. Par cette technique issue de la pratique bancaire, le constituant remet des sommes d'argent au créancier en les déposant sur un compte bloqué au profit du créancier. Ce compte peut être tenu par le créancier lui-même ou par un tiers. Ce nantissement a pour objet le compte lui-même et non pas les sommes qui y sont déposées. Comme nous l'avions souligné précédemment, le compte bancaire peut être analysé comme une universalité. L'acte devra préciser les conditions d'intégration des unités monétaires dans le compte. Ces conditions devront être mentionnées dans l'acte constitutif. Cette mention sera le « montant des fonds » à inscrire en compte. L'intégration des unités monétaires dans le compte ne sera pas une condition de validité du nantissement. Dès l'ouverture du compte, le contrat a un objet certain.

125. Le blocage du compte : une modalité de la limitation des pouvoirs respectifs des parties - Le blocage du compte a un double effet. D'une part, il témoigne de la dépossession du constituant. Par cette modalité, le constituant ne pourra pas jouir des unités monétaires intégrées dans le compte. En d'autres termes, l'universalité est indisponible : le constituant ne peut en user. D'autre part, le blocage du compte a pour but aussi d'empêcher le créancier d'accéder aux unités monétaires inscrites dans le compte. Il ne pourra pas les aliéner. Dans cette situation les unités monétaires ne sont ni fongibles ni consomptibles142(*). Les parties en effet conviennent d'une part, que le créancier devra restituer l'universalité composée des mêmes éléments, et d'autre part, que le créancier ne pourra utiliser les unités monétaires qu'elle contient. C'est en ce sens que nous entendons que les unités monétaires (ou les sommes d'argent) ne sont ni fongibles ni consomptibles.

Cette modalité de nantissement n'est pas la seule envisageable.

B) Le nantissement de somme d'argent

Les parties peuvent aussi convenir d'un nantissement avec dépossession dans lequel la somme convenue (l'universalité) sera remise directement au créancier. S'il s'agit de monnaie fiduciaire, cette remise aura lieu de main à la main. S'il s'agit de monnaie scripturale, elle aura lieu par virement bancaire ou par encaissement d'un chèque.

126. L'absence de transfert de propriété en cas de remise directe d'une somme d'argent - La remise de monnaie fiduciaire ou de monnaie scripturale n'aura pas un effet translatif. L'objet de la dépossession sera l'universalité les contenant. Le nouvel article 2341 du Code civil ne sera pas applicable. L'affectation imprime une identité à l'universalité. Par cette identité, l'universalité est un objet certain. Le constituant ne remet pas un ensemble d'unités monétaires mais une somme d'argent. C'est cette somme d'argent qui constitue l'universalité. Dès lors, l'universalité étant un objet certain, elle ne pourra se confondre dans le patrimoine du créancier.

127. La dépossession directe : un mode d'accès aux utilités de l'universalité - En se dépossédant directement entre les mains du créancier, le constituant laisse implicitement celui-ci accéder aux utilités de la chose c'est-à-dire à sa substance. Ainsi, le créancier a un pouvoir d'usage sur l'assiette du nantissement plus élargi que dans le cadre d'un nantissement de compte bloqué. Le créancier en ayant accès à la substance de la chose établit un rapport d'appropriation économique143(*). Les éléments de l'universalité sont alors des choses fongibles et consomptibles. D'une part, le créancier pourra utiliser les éléments contenus dans l'universalité ; en d'autres termes il pourra les aliéner. C'est en ce sens que les unités monétaires seront consomptibles. D'autre part, le créancier devra les remplacer par des choses équivalentes. La fongibilité des éléments contenus facilitera leur remplacement.

128. La conservation du droit de propriété du constituant sur l'universalité - En revanche, le créancier, n'ayant pas la propriété de l'universalité et a fortiori un pouvoir de disposition sur celle-ci, il ne pourra effectuer aucun acte de disposition à son égard. Il ne pourra donc ni la nantir, ni l'aliéner. Quant au constituant, il pourra soit demander la restitution de l'universalité, s'il constate que le créancier ne pourvoie pas à son obligation de conservation (Nouvel article 2344 C.civ.), soit la revendiquer si il exécute la dette garantie (l'extinction de la dette éteint le contrat de gage par la voie de l'accessoire).

* 142 V. en ce sens : 1ère Civ. 15 novembre 2005, Bull.civ. I, n°415, p.347-348 : « ...ayant constaté que le gage consenti par Mme LEFEBVRE au Crédit Maritime avait été réalisé au moyen de l'inscription de sommes en espèces sur un plan d'épargne populaire, lequel constituait un compte d'épargne rémunéré dont la stabilité devait permettre l'obtention d'exonérations fiscales et d'une prime d'épargne, ce dont il résultait que les sommes d'argent n'étaient ni consomptibles ni fongibles.. »

* 143 Saleilles, La possession des meubles 1907 - F. ZENATI, La nature juridique de la propriété - Essai d'une définition du droit subjectif, Thèse Lyon III, 1981, n°351, note 147, p.475-476 : « Le créancier gagiste a pratiquement l'uti frui, si ce n'est qu'il ne peut en user de la chose que dans les limites de ce qui est prévu au contrat ». et n°387, p.521-522 : « Si le gage n'a pas vocation à conférer à son titulaire ni l'usage ni les fruits de la chose, ceci n'entre toutefois pas dans sa nature. La simple détention, ou possession naturelle, emporte une maîtrise de fait permettant de bénéficier de toutes les utilités qu'une chose est susceptible de procurer, et ce n'est que par la convention ayant été à l'origine de cette possession qui est susceptible de restreindre les effets naturels qui en résultent ». L'obligation de conservation ne constitue-t-elle pas une de ces limites ?

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