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Le gage-espèces

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par Fouad HAMIDI
Université Paris I - Master 2 Recherche Droit patrimonial approfondi 2006
  

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§2 : LES OBLIGATION DU CREANCIER

Le créancier bénéficiaire d'une sûreté fiduciaire est certes un propriétaire mais pas un propriétaire au sens de l'article 544 du Code civil. En raison de l'affectation assignée à cette propriété et du transfert futur de l'universalité au constituant, le créancier a d'une part, une obligation d'entretenir l'universalité (A), et d'autre part, une obligation de donner l'universalité au constituant si celui-ci exécute la dette garantie (B).

A) L'obligation d'entretenir l'universalité

Le créancier peut en vertu de sa propriété fiduciaire effectuer des actes de jouissance et des actes de disposition. Ainsi, il pourrait aliéner les unités monétaires contenues dans l'assiette de l'universalité. Cette faculté d'aliénation lui impose en retour une obligation de remplacer les unités monétaires au fur et à mesure. A l'image d'un usufruitier de valeurs mobilières, il devra remplacer les unités monétaires car il doit entretenir la substance de l'universalité.

137. L'obligation d'entretien : une obligation réelle - Cette obligation s'analyse en une obligation réelle150(*). Le créancier fiduciaire doit entretenir l'universalité car sa propriété est affectée. Cette obligation est le pendant de l'obligation de conservation dans le gage (article 2280 du Code civil ; nouvel article 2344 C.civ.) Cette obligation réelle est de faire. Le créancier doit accomplir une prestation s'analysant à conserver la substance de l'universalité. Cette obligation sera le plus souvent le corollaire de sa faculté d'aliéner les éléments contenus (les unités monétaires). Le créancier devra remplacer les éléments contenus par des éléments de même qualité et de même espèce (les unités monétaires étant fongibles). Cette obligation de remplacement devra se faire dans le respect des critères d'intégration151(*).

B) L'obligation de donner l'universalité

138. L'analyse classique : une obligation personnelle - L'analyse classique du gage-espèces analyse l'obligation du créancier comme une obligation de restitution. Cette obligation de restitution ne serait qu'une obligation personnelle. Le constituant est un créancier chirographaire. Dès lors, la « restitution » de la somme d'argent devrait s'exécuter selon le droit commun des obligations. On retrouve une trace de cette idée sous la plume du Professeur CABRILLAC : « La seule particularité de la sûreté-propriété sur l'argent par rapport aux autres sûretés-propriétés tient au double caractère de fongibilité et de consomptibilité de ce bien. La propriété ne revient pas dans le patrimoine du constituant lorsque la créance garantie est éteinte ; ce dernier a seulement contre le bénéficiaire une créance d'un montant identique à la somme qu'il a versée, créance qu'il lui appartient de faire valoir dans les conditions de droit commun152(*) ». Cette analyse est logique dès lors que l'on a postulé que le créancier devient propriétaire des sommes d'argent « en raison de leur nature fongible ». Ce transfert de propriété ne résulte pas de la volonté des parties mais de la « nature des choses ». Dès lors, sur le fondement de l'enrichissement sans cause153(*), le créancier est tenu d'une dette de somme d'argent. Le transfert de propriété n'a pas été aménagé par les parties : elles n'ont pas pu organiser le sort de la somme d'argent affectée en garantie en cas d'exécution de la dette principale. Cette obligation monétaire devra être dès lors recouverte selon les modalités du droit commun. Le débiteur devra donc mettre en demeure le créancier et recourir à une voie d'exécution si le créancier ne veut pas exécuter son obligation.

139. L'analyse moderne : une obligation réelle - En restaurant un fondement contractuel à l'acquisition de la somme d'argent, les parties peuvent donc organiser un transfert de propriété ultérieur de la somme d'argent qui sera suspendu à l'exécution de la dette garantie. Le contrat de fiducie-sûreté a créée une propriété fiduciaire qui est une propriété à terme : « La propriété fiduciaire connaît ab initio un terme : le lien est par nature limité dans le temps154(*) ». L'acquisition de l'universalité par le créancier est donc limitée dans le temps. Un transfert de propriété ultérieur est inscrit dans la logique de la fiducie-sûreté. En effet, le créancier acquiert l'objet du contrat de fiducie qu'à titre temporaire. Le constituant a légitimement droit à redevenir propriétaire de l'universalité s'il exécute la dette garantie. Ainsi, dès la conclusion du contrat de fiducie-sûreté, un transfert de propriété ultérieur y est inscrit. Ce transfert de propriété se réalisera par l'exécution d'une obligation de donner.

140. Une obligation à terme ou sous condition ? - La question qui se pose est alors de savoir si cette obligation est conclue sous condition suspensive ou à terme. Les réponses données par la doctrine sont variables.

Pour une partie de la doctrine, cette obligation de donner serait conclue sous condition suspensive. Le créancier deviendrait propriétaire de l'objet du gage-espèces sous condition résolutoire. L'événement érigé en condition réside dans l'exécution de la dette garantie.

Pour d'autres auteurs, l'obligation de donner est conclue à terme. Il s'agit d'un terme suspensif et incertain résidant dans l'exécution de la dette garantie. La différence entre le terme et la condition tient au moment de la naissance de l'obligation. Si on penche pour l'analyse en condition suspensive, l'obligation de donner n'est pas encore née et le créancier peut dès lors faire ce qu'il veut entre le moment de la constitution de la sûreté et celui de l'exécution de la dette garantie. En revanche, si on analyse l'exécution de la dette garantie comme un terme futur incertain, l'obligation de donner naît dès la conclusion du contrat, seul son exigibilité serait reportée. Ainsi, la situation du créancier bénéficiaire d'une fiducie-sûreté se rapprocherait de celle d'un vendeur qui s'est réservé la propriété du bien vendu. De plus, elle permet de maintenir la validité des actes juridiques conclus entre le jour de la constitution de la sûreté et son extinction. Le terme n'est pas comme la condition rétroactive. Il ne fait que suspendre l'exigibilité d'une obligation.

* 150 C. KUHN, Le patrimoine fiduciaire - Contribution à l'étude de l'universalité, précité, n°495 et s., p.356 

* 151 Tout dépendra donc des stipulations contractuelles. Par exemple, les parties peuvent prévoir que l'universalité ne pourra contenir que des unités monétaires (« sommes en toutes monnaies »), ou d'autres biens de même liquidité comme les instruments financiers. Il serait vain d'exposer toutes les situations possibles. En tout cas, cette obligation d'entretien (ou de remplacement) devra être exécuté le plus rapidement possible afin de ne pas porter atteinte à la pérennité de la structure. Cette obligation pourra être sanctionné par le constituant (sujet actif de cette obligation).

* 152 M. CABRILLAC, Les sûretés conventionnelles sur l'argent, précité, n°10, p.336

* 153 Nous pensons en effet que si le transfert de propriété résulte de la nature fongible de la monnaie, il ne s'agit pas d'une obligation contractuelle mais quasi-contractuelle. Il ne s'agit pas d'une obligation de restitution (obligation dont est tenu le détenteur de la chose d'autrui) mais d'une obligation personnelle dont le quantum a été fixé en fonction du montant de la dette garantie. En d'autres termes, le créancier est tenu d'une dette de somme d'argent en raison de l'enrichissement résultant du transfert de propriété - dès ce moment il s'enrichit d'une somme d'argent en dehors de toute cause (le fondement étant extra-contractuel) - et de l'appauvrissement corrélatif du constituant.

* 154 C. KUHN, Le patrimoine fiduciaire - Contribution à l'étude de l'universalité, précité, n°346, p.261 et n°352 et s.

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