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La protection des données personnelles face aux nouvelles exigences de sécurité

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par Sami Fedaoui
Université de Rouen - Master 2 Droit public approfondi 2008
  

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Chapitre 2 : Un ajustement "à petits pas" aux nouvelles technologies de sécurité.

Le paradigme de l'identification comme instrument de contrôle et de surveillance face au risque prend une dimension encore plus importante dès lors que se met en oeuvre tout un appareil scientifique et technologique à même de garantir cette aspiration. Or, c'est bien ce qui se présente désormais avec ce qu'on appelle communément les "technologies de sécurité", et la biométrie à titre principal. En effet, comme le souligne à juste titre Ayse Ceyhan, l'intérêt de la biométrie réside clairement dans sa capacité à mesurer « l'unicité d'un individu à partir des parties inchangeables de son corps. »30(*) Aussi, sous l'impusion de l'Union européenne et des États-Unis, la France tend à introduire ces mutations d'ordre sociétal dans son système juridique mais on voit ici que cette évolution se caractérise aussi par son caractère modéré. Dans une certaine mesure, on peut affirmer qu'il existe bien une tendance à ajuster son droit concernant les données à caractère personnel aux exigences nouvelles d'identification dès lors que cet ajustement se met en oeuvre à la périphérie du cadre normatif de droit commun. Autrement dit, la France a consacré le traitement des données biométriques sur des points épars du corpus juridique régissant les données personnelles. C'est ainsi en matière d'identité des personnes, avec des dispositifs spécifiques ou à titre expérimental, et surtout en matière de coopération européenne dans laquelle la France prend une place importante à plusieurs niveaux.

Tout d'abord, la France a opéré une évolution qui a son importance au regard de cette question car la loi de 2004 confère à la CNIL un pouvoir d'autorisation en ce qui concerne les traitements automatisés comportant des données biométriques nécessaires au contrôle de l'identité des personnes. C'est ici une avancée qu'il faut prendre en considération car cela témoigne du développement en cours des données biométriques dans les dispositifs de contrôle de l'identité des personnes, que ce soit des dispositifs sous la responsabilité de personnes publiques ou privées. Cet état de fait suppose qu'un contrôle préalable minimum puisse avoir lieu, dès lors le législateur français a pris acte de cette nouvelle donne pour lui assurer une certaine lisibilité, c'est l'objet du dernier alinéa du paragraphe I de l'article 25 nouvellement rédigé. Parallèlement, le système juridique français tend à développer les fichiers et bases de données automatisées utilisant la biométrie, ainsi par exemple les empreintes génétiques deviennent un instrument de plus en plus utilisé dans certains fichiers nationaux d'identification. La reconnaissance du Fichier national automatisé des empreintes génétiques ou FNAEG, notamment avec les lois de 2001 et 2003, en est une illustration certaine. En effet, ce type de fichier vise à l'identification des auteurs d'infractions pénales par la centralisation de données génétiques issues de « traces biologiques ».31(*) L'adoption d'un tel type de fichiers de données à caractère personnel présentant des informations génétiques des individus dont la participation à la commision à une infraction apparaît "vraisemblable"32(*) est révélatrice de la tendance française à transcrire dans son système juridique les conséquences de l'exigence suivant laquelle les données personnelles doivent pouvoir servir d'instrument d'identification dans une perspective de certitude face au risque et à l'insécurité. Et dans une certaine mesure, on peut rapprocher cette évolution de celle qui consiste à faire des données biométriques un élément d'identité. L'évolution présente consiste en effet à assurer l'identification des individus par la donnée personnelle biométrique, or ce qu'on peut aussi observer dans le même ordre d'idées est l'émergence de ce principe en vue d'assurer l'identité même de l'individu. Mais il convient de nuancer ce propos car le système juridique français n'a pas matérialisé une telle tendance du fait de certaines résistances aux documents d'identité biométriques.

Ensuite, on peut observer c'est aussi et surtout dans le domaine de la coopération transfrontalière que le système juridique français s'est imprégné de cette exigence de certitude à l'appui de l'identification. Son modèle juridique a fait l'objet d'aménagements importants dans la mesure où la coopération transfrontalière s'est opérée essentiellement sur l'espace Schengen et les systèmes d'informations qui y sont mis en oeuvre. Or ce sont ces systèmes qui ont largement favorisé et donné l'impulsion pour que les États entreprennent les ajustements nécessaires à ce que la coopération soit effective. C'est ce que l'on a pu souligner précedemment s'agissant de l'orientation donnée dans le cadre du troisième pilier de l'Union européenne, et il s'agit d'un élément qui ne peut être ignoré concernant les évolutions juridiques ayant trait à la biométrie. Sylvia Preuss-Laussinotte avait déjà perçu cette évolution en France, avant même l'adoption par le Conseil de la proposition de décision-cadre de 2005. Elle estimait que « la France en créant un fichier d'empreintes génétiques met de fait son système pénal et policier en conformité » avec les exigences européennes qui sont définies dans l'optique d'une coopération transfrontalière.33(*) Or son constat ne manque pas de pertinence puisque c'est cette impulsion européenne, surtout à travers l'espace Schengen, qui a permis le développement en France du traitement de données biométriques ou plutôt de la constitution de différentes bases de données automatisées comportant des informations de type biométrique. En effet, l'exigence d'un réseau d'informations qui puissent circuler à des fins de coopération pénale a été la ligne directrice de l'espace Schengen et plus générallement des dispositifs juridiques adoptés dans le cadre du troisième pilier. C'est précisement dans ce contexte qu'a émergé la biométrie dans la sphère juridique des données personnelles. Deux points d'impact majeur peuvent être relevés, à savoir d'une part l'évolution induite par le principe d'accessibilité des données et d'autre part l'évolution liée à la "question migratoire".

Tout d'abord, on peut avancer que le principe d'accessibilité des données personnelles a contribué à cette évolution dans la mesure où la logique d'efficacité de la coopération est au centre de ce principe. Or, cet objectif ne peut être assuré que si les informations communiquées en vertu de ce principe sont suffisament fiables et certaines, c'est pourquoi les données biométriques font figure de références à cet effet. On peut voir ici qu'à travers les données biométriques, les logiques d'efficacité et de certitude liée à l'identification se rejoignent, c'est dans cet esprit que les États membres se sont attachés à faciliter leur circulation. Ainsi ce sont principalement les données indexées de fichiers d'analyse ADN qui font l'objet d'une disponibilité, le traité de Prüm de 2005 ayant determiné le régime applicable à un tel type de traitement.

Ensuite, on doit souligner que cette évolution s'est également opérée dans le cadre de la maîtrise des flux migratoires avec le développement de la biométrie dans les données personnelles des étrangers. Sur ce point, il apparaît que les empreintes digitales ont constitué un élément qui s'est progressivement instauré dans les fichiers relatifs aux étrangers. Le fichier EURODAC concernant les demandes d'asile témoigne de cette tendance puisque le réglement n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 qui l'a institué, entend clairement organiser l'échange et la comparaison des empreintes digitales des demandeurs d'asile et des étrangers à l'occasion du franchissement irrégulier d'une frontière extérieure d'un État membre. Il s'agit ici du renforcement de la Convention de Dublin de 1990 que la France a transposé dans son système juridique, notamment avec la loi de 1997.34(*) En substance, il est question de permettre le traitement de données dactyloscopiques dès lors qu'il s'agit de vérifier le caractère frauduleux ou non de la demande de délivrance d'un titre de séjour pour les ressortissants étrangers n'ayant pas la nationalité d'un des États membres de la Communauté européenne. On peut donc considérer que la question biométrique a encore apporté un ajustement du système juridique relatif aux données personnelles sous l'impact de l'exigence d'identification certaine, "authentique" pour ainsi dire.

Dès lors, ces différents éléments peuvent nous conduire à affirmer qu'en matière de données prsonnelles une certaine évolution du régime juridique français s'est effectuée afin d'adapter le modèle existant à des exigences exogènes. Toutefois, il serait excessif de considérer ces évolutions comme de véritables "révolutions" au sens où elles seraient de nature à altérer structurellement le système juridique de protection des données personnelles en France. A cet égard, on observe que ces évolutions n'ont pas affecté les principes fondamentaux entourant la matière.

* 30 Ayse Ceyhan, « Enjeux d'identification et de surveillance à l'heure de la biométrie », Cultures & Conflits, n° 64, 2006, pp. 33-47.

* 31 Cf art. 706-54 du Code de Procédure Pénale.

* 32 On retrouve ici le même mécanisme que le STIC.

* 33 Sylvia Preuss-Laussinotte, Les fichiers et les étrangers au coeur des nouvelles politiques de sécurité, Paris, Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence, tome 209, 2000, p. 61 et s.

* 34 Loi du 24 avril 1997 ou loi»Debré».

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams