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conflits de compétence judiciaire et arbitrale

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par Sana Soltani
Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis - Mastére en droit privé 2005
  

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CHAPITRE II : LES TEMPÉRAMENTS APPORTÉS AU PRINCIPE DU DESSAISISSEMENT DES TRIBUNAUX JUDICIAIRES

Le dessaisissement de la juridiction étatique de sa compétence créée par la convention arbitrale est, bien entendu, limitée par celle- ci (Section I).

En effet il existe une hypothèse où la compétence des tribunaux officiels demeure parce qu'elle n'empiète pas sur celle des arbitres habilités à connaître le fond du litige en raison de l'urgence (Section II).

Il reste qu'il s'agit ici d'une des rares entorses au principe qui reconnaît l'incompétence des tribunaux ordinaires qu'a pour but la bonne administration de la justice c'est l'indivisibilité des litiges (Section III).

Section I : Les tempéraments au principe du dessaisissement en raison de la convention elle-même

Le principe émis ci- avant doit normalement aboutir à une exclusion absolue de la compétence judiciaire. Toutefois la pratique conduit à une approche plus nuancée. Les tribunaux redeviennent compétents dans deux hypothèses bien conscrites, celle de la nullité « manifeste » de la convention d'arbitrage (Paragraphe I). L'autre, s'agissant de l'arbitrage international la solution est différente, l'article 52 du code de l'arbitrage annonce que l'incompétence du juge la tempère une convention d'arbitrage « nulle, inopérante ou non susceptible d'être exécutée » (Paragraphe II).

Paragraphe I: Caractère manifeste de la nullité de la convention d'arbitrage

L'alinéa 2 de l'article 19 du code de l'arbitrage dispose que  « si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi du litige, la juridiction doit aussi se déclarer incompétente à moins que la convention d'arbitrage ne soit manifestement nulle ». On dégagera, en premier lieu, la définition du caractère manifeste de la nullité (A) puis on indiquera la mise en oeuvre de la notion (B) enfin seront analysées le pouvoir du juge de soulever d'office la nullité manifeste (C).

A) Définition du caractère manifeste de la nullité :

L'article 19 dudit code fait une distinction entre deux hypothèses où le tribunal arbitral est déjà saisi et l'hypothèse où le tribunal arbitral n'est pas encore saisi. Dans cette dernière hypothèse (19 al. 2), la juridiction étatique peut se reconnaître compétente en cas de nullité manifeste de la convention d'arbitrage, la notion de nullité manifeste en droit d'arbitrage tunisien est nouvelle. L'article 19 al. 2 (86(*)) ne fait que reprendre l'indication de l'article 1458 du nouveau code de procédure civile Français qui énonce « Si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi, la juridiction doit également se déclarer incompétente [Sauf si] la convention d'arbitrage ne soit manifestement nulle »(87(*)). Seule la nullité manifeste de la convention d'arbitrage permet à la juridiction étatique de se déclarer compétente (88(*)).

L'obligation de se dessaisir de sa compétence est soumise à une importance restriction. La juridiction étatique ne doit pas se déclarer incompétente si la convention d'arbitrage est manifestement nulle. On n'a pas rencontré cette expression dans le code de l'arbitrage Tunisien avant l'article 19 alinéa 2. Tandis que l'expression « manifestement nulle » ainsi employée à l'article 1458 N.C.P.C. Français apparaît déjà avec l'article 1444 alinéa 3 à propos des difficultés surgissant lors de la constitution du tribunal arbitral.

La notion de nullité manifeste doit être précisée. Tous les commentateurs s'accordent sur la nécessité d'interpréter strictement cette notion (89(*)). En fait, quant à la compétence de la juridiction du droit commun tel que le lui confère l'article 19 al. 2 dans le cas particulier où le tribunal arbitral n'est pas encore saisi, le terme « manifestement » oblige à l'interpréter restrictivement pour le limiter à la constatation d'une nullité proprement dite telle que le ferait apparaître un examen extrinsèque de la convention. Ce ne serait pas le cas d'une caducité, dont l'appréciation obligerait, à l'inverse, à un examen intrinsèque de la même convention.

Par ailleurs, malgré la démarche pédagogique du législateur Tunisien (90(*)) aucune définition n'est prévue dans le code même dans les délibérations parlementaires ce qu'est remarquable que le législateur tunisien s'est contenté de reprendre les dispositions de l'article 1458N.C.P.C. Français sans indication. L'absence d'une définition législative peut être rattrapé par le recours à la doctrine qui les font habituellement. Pour eux, il s'agit « d'une nullité évidente et incontestable qu'aucune argumentation sérieuse n'est en mesure de mettre en doute »(91(*)). La jurisprudence confirme cette interprétation (92(*)). Elle se présente comme ce qui ressort de l'évidence et ce qui peut être constaté prima facie sans autre examen (93(*)). Comme le relève M. De Boisséson (94(*)) « manifeste » signifie à la fois « évident » (95(*)) et en un sens secondaire « grave ». Par analogie, la notion de nullité manifeste évoque la procédure de référé lorsque le juge des référés doit faire cesser « un trouble manifestement illicite ».

En outre, la notion de nullité manifeste implique une référence par analogie aux règles classiques d'interprétation que la cour de cassation a mises en oeuvres à l'occasion de son contrôle de la dénaturation des conventions et qu'ils relèvent de la théorie de « l'acte clair ». Il demeure que cette notion n'est en odeur de sainteté auprès de tous les praticiens et qu'elle ouvre une marge d'incertitude qui peut autoriser bien des manoeuvres.

Le législateur Tunisien ainsi son homologue Français n'ont autorisé les tribunaux de l'ordre judiciaire à se reconnaître compétents que dans une hypothèse particulière celle de la « nullité manifeste » de la convention d'arbitrage. C'est une garantie supplémentaire pour les parties contre les procédures dilatoires, que les juges ne puissent ainsi se déclarer compétents que lorsqu'ils sont amenés à « constater » la nullité manifeste de la convention d'arbitrage. Ils sont invités en effet, avant de se prononcer sur leur compétence, à procéder à un examen de l'apparence de la clause et non à une herméneutique de son contenu.

En effet, la compétence donnée au juge étatique en la matière n'a pour finalité que de neutraliser les manoeuvres dilatoires de l'une des parties qui engagerait un arbitrage, dont on est sûr qu'il conduira à une impasse. Cette compétence permet aussi aux parties de faire l'économie d'une procédure longue et coûteuse, qui n'aurait aucun résultat si la clause compromissoire ou le compromis étaient entachés de nullité.

Au fil des idées, la notion de nullité manifeste appelle l'utilisation de la notion d'apparence. La clause d'arbitrage dont la validité est apparente, ne sera jamais considérée comme manifestement nulle. Cette théorie de l'apparence devrait présider également, en matière d'arbitrage, à la constatation par les juges de la nullité manifeste de la clause compromissoire. C'est le sens, notamment de la réponse de M. Drai (96(*)) à M. Delvolvé qui s'inquiétait des manoeuvres auxquelles pourrait donner lui cette possibilité de contrôle de la validité de la clause compromissoire.

Pour cette raison, ce n'est pas non plus à une simple constatation mécanique de la nullité qui invite le texte de l'article 19 alinéa 2 puisque toute constatation est déjà, en un sens, une interprétation, ne serait- ce qu'à travers le recours aux textes législatifs dont les juges n'autoriserait pour déclarer, dans des cas d'espèces, la nullité de la convention mais leur méthode consistera à réduire le plus possible leur raisonnement pour dégager la nullité apparente ou formelle de l'acte litigieux, ou, au contraire à se reconnaître incompétents s'il s'avère nécessaire de procéder à une analyse par induction, comparaison ou interprétation complexe de cet acte. Dans cette perspective, les juges sont volontairement prisonniers d'une apparence qu'ils sont habilités à qualifier (97(*)).

Il faut constater que la nullité manifeste de la convention d'arbitrage ne peut jouer pleinement qu'en cas où le tribunal arbitral n'est pas encore saisi. En revanche le législateur a limité le domaine d'application de l'article 19 al. 2. Il importe alors à cet égard de déterminer la condition requise pour autoriser le juge étatique à reconnaître un litige visé par l'arbitrage. Le juge étatique n'est autorisé à être compétent que dans le seul cas où le tribunal arbitral « n'est pas encore saisi ». La date de la saisine des arbitres sera donc le moment ultime à partir de la date de signature du compromis, ou au jour de la requête de la partie la plus diligente. Avant, cette date, au contraire l'article 19 al. 2 doit trouver application. On peut cependant, se demander si le tribunal arbitral n'est pas véritablement saisi qu'au seul jour de l'acceptation par les arbitres de leur mission.

Aux termes de l'article 11 al. 1, la constitution du tribunal arbitral n'est parfaite que si l'arbitre accepte la mission qui lui est confiée. « L'acceptation de la mission par l'arbitre est établie par écrit, par la signature du compromis ou par l'accomplissement d'un acte qui indique le commencement de sa mission ».

En conséquence, jusqu'à cette acceptation le tribunal arbitral n'est pas encore constitué. Il n'est donc pas encore juge de l'action et donc de l'exception. Comme l'écrit très justement M. De Boisséson « à la différence des juges qui sont automatiquement saisis dès l'accomplissement par les parties d'une demande formelle, les arbitres doivent accepter leur mission »(98(*)). La désignation des arbitres n'est donc pas exactement une saisine puisqu'elle prend la forme d'une sollicitation, laquelle suppose une acceptation ou un refus.

Dans ce sens, comme le droit Tunisien de l'arbitrage, la loi anglaise(99(*)) permet au juge saisi de se déclarer compétent quant au fond malgré l'existence de la clause arbitrage s'il existe une raison suffisante. On pense à des motifs tel que la nullité manifeste. La question la plus délicate à résoudre est celle concernant la mise en oeuvre de la notion de nullité manifeste.

* 86 La loi libanaise de 1983 ne comporte pas de texte similaire à l'article 19 alinéa 2 code de l'arbitrage Tunisien.

* 87 V.C. Cass. Française, 2e civ., 27 juin 2002 : juris-Data n° 2002- 14970. JCP G 2002. IV, n° 2424.

* 88 Cour de Cass. Française, 1er civ. , 1er déc. 1999, Rev. arb. 2000, p. 96, note Ph. Fouchard ; C. Cass. 2e civ.,31 mai 2001 : juris-Data n°2002- 014970

* 89ROBERT (J.) et MOREAU (B.), «  L'arbitrage droit interne, droit international privé »,

5e éd.,  Dalloz 1983,p.106

* 90 AMMAR (M.), art. précité, p. 246 et ss.

* 91 FOUCHARD (PH.), « La coopération du président du tribunal de grande instance à l'arbitrage », Rev. arb.1985, p. 275

* 92 En prenant l'exemple de l'arrêt Jaguar, Sociéte v2000 c/société project x J 220 ITD et autre, Paris 7 décembre 1994, Rev. arb.1996, p. 240, note Ch. Jarrosson.

* 93 C.A Paris, 14 déc. 1987, Rev. arb. 1989, p. 240, note Vasseur.

* 94 DE BOISSÉSON (M.), « Le droit Français de l'arbitrage interne et internationale », 2e éd., GLN- JOLY, Paris, 1990, n°93.

* 95 Dans ce sens 1er civ., 26 juin 2001,  RTD com.2002, p. 49, obs. E. Loquin. Cet auteur relevant le caractère très hypothétique d'une « nullité manifeste » c'est à dire « évidente » de la convention d'arbitrage, dans l'arbitrage international.

* 96 Drai : qui était vice- président du tribunal de grande instance de Paris, discours prononcé à Strasbourg le 21/04/1992, cité par G. DELEVAL, « Le juge et l'arbitre », R.D.I.D.C 1993, p.27

* 97 DE BOISSÉSON (M.),  op.cit. , n° 96.

* 98 DE BOISSÉSON (M.), op.cit., p.178

* 99 art.4, § 1er et § 2

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