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Prospective de la demande de transport dans l'Aire Métropolitaine de Port-au-Prince

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par Theuriet DIRENY
Université d'Etat d'Haiti (CTPEA) - Maîtrise en Développement urbain et régional (spécialité : Gestion urbaine) 2004
  

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INTRODUCTION

L'accélération de l'urbanisation dans l'Aire Métropolitaine de Port-au-Prince (AMP) impose un mode de fonctionnement, à ses résidents, dont l'un des éléments qui le constitue est le système de transport en commun qui met en rapport l'offre et la demande de transport. A ce sujet l'offre laisse à désirer en raison du mauvais état, de l'insécurité, de l'inconfort qui caractérisent les moyens de transport. Et la demande reste insatisfaite du fait que les captifs du système sont non seulement victimes de la mauvaise qualité de l'offre mais aussi de la congestion routière qui implique une très faible vitesse, une diminution du débit, un coût social (celui de la surconsommation de carburant et surtout des pertes de temps qu'elle occasionne). C'est dans cette ambiance qu'évolue le transport en commun et son image, selon toute vraisemblance, est une projection de la réalité de l'offre des services dans l'AMP.

L'une des scènes les plus humiliantes à assister, dans le décor port-au-princien, surtout aux heures de pointes, est la manière utilisée par les captifs des moyens de (TC) pour y accéder. D'aucuns pensent que cela devait attirer l'attention des pouvoirs publics, puisque partout ailleurs, le (TC) caractérise le dynamisme de la mobilité de masse, assure l'accessibilité minimale aux centres et est moins coûteux, sur les angles économique, spatial, social et environnemental.

De ce point de vue, il participe à la forme urbaine ou à l'organisation spatiale en termes de répartition géographique de la population par rapport aux différents centres d'activités économiques de la ville. Les pouvoirs publics, dans cette logique, doivent être incités à le considérer comme un élément indispensable de développement et d'organisation de l'espace urbain et en conséquence mérite (au même titre que les composantes de l'emploi et de la démographie) des études, enquêtes et analyses tendant à assurer de façon durable, le droit au transport des résidents de l'Aire Métropolitaine de Port-au-Prince.

Cette finalité de l'étude nous amène à deux objectifs : a) Montrez l'urgence de planifier l'urbanisation de l'AMP pour faciliter d'ici 15 ans une meilleure accessibilité aux centres b) Soulignez à l'attention des pouvoirs publics la voie à suivre (en termes de modèles) pour assurer le droit au transport des captifs du transport en commun.

Trois (3) parties, regroupant sept (7) chapitres, explicitent globalement les objectifs de l'étude :

A la première partie - où le cadre méthodologique de l'étude est élaboré - deux (2) chapitres sont rédigés. Le premier fait ressortir l'ensemble des problèmes confrontés par des utilisateurs de la voirie, particulièrement des captifs du TC tout en présentant, succintement, la situation de l'offre des TC dans l'AMP. C'est aussi dans ce chapitre que sont présentées les hypothèses de notre étude. Le second chapitre traite de la revue de littérature où quatre (4) oeuvres de trois (3) auteurs différents ont fait l'objet d'une analyse critique qui nous a orienté vers deux méthodes en guise de marche à suivre pour donner un caractère scientifique à l'étude. Il s'agit de : `' la méthode de l'étude des traces'' et la méthode prospective qui résident, respectivement, dans l'observation ou la recherche et dans la prévision en termes de projection sur le temps.

A la deuxième partie - où le cadre théorique et conceptuel est bâti - deux (2) autres chapitres sont conçus. Le troisième chapitre développe la théorie des lieux centraux et la théorie des services publics. Il évoque en ce sens l'approche socio-économique et spatiale qui fait de la distance à franchir un élément fondamental dans les interactions de la ville en raison des coûts qu'elle entraîne. Le quatrième chapitre fixe les idées concernant l'utilisation de certains concepts qui, dans l'étude, peuvent prêter à confusion.

A la troisième et dernière partie de l'étude nous arrivons à notre cadre d'analyse. Trois (3) chapitres y sont insérés. Le cinquième analyse les structures démographique, urbaine et économique de la ville de Port-au-Prince. Dans ce chapitre, on a considéré tout ce qui est susceptible de faire croître la population de l'AMP dans les dix à quinze années à venir. Cela a amené au sixième chapitre où la demande de TC des personnes, eu égard à la tendance démographique future de Port-au-Prince, est projetée. Cette projection, au septième chapitre, est analysée dans un contexte de simulation et a permis de prévoir les éventuelles mesures à adopter par les pouvoirs publics pour l'efficacité de la fourniture du service des TC. En effet, le droit au transport relève de la compétence des pouvoirs publics. Tout un train de mesures est, alors, analysé et suggéré.

PREMIERE PARTIE : CADRE MÉTHODOLOGIQUE

CHAPITRE I : PROBLÉMATIQUE ET HYPOTHÈSES.

1.1.- Introduction

L'étalement de l'AMP se fait sentir au jour le jour avec pour corollaire l'allongement des distances à parcourir. Contrairement à des régions métropolitaines d'autres pays, elle s'étale dans un grand désordre urbanistique. Mais, comme toutes les régions métropolitaines, elle étend toujours plus loin sa domination. Dès lors, se pose le problème de la mobilité (le rapport de l'offre et de la demande de transport). Ses résidents sont obstinés à trouver, d'abord comment relier dans un temps relativement court leur lieu de résidence et le Centre des Affaires et, ensuite, le moyen de transport qui leur permettrait d'arriver plus vite à destination.

L'automobile conçue à cette fin malheureusement, n'est pas à la portée de tous. De plus Port-au-Prince est une ville à faible revenu. Même la possibilité de payer le service d'un moyen de transport en commun serait très limitée dans cette ville où le ratio de dépendance économique (inactifs +chômeurs/actifs occupés) est de 156.4%1(*). Mais tous ont des motifs de déplacement différents qui nécessitent le service d'un mode de transport. Alors, il est à se demander, si le système de transport en commun, lui même, répond convenablement à l'attente des usagers ?

Une tentative de réponse à cette question renvoie aux différents problèmes qu'affronte et pose le transport urbain à Port-au-Prince.

1.2.- Diagnostic de la situation actuelle du transport urbain à Port-au-Prince.

Le transport urbain à Port-au-Prince aurait concerné environ une population de plus de 2.000.000 habitants selon les données tirées de l'IHSI. De zéro à 65 ans et plus, cette population utilise la voirie à des heures et des jours donnés selon des motifs différents via des modes de transport. Actuellement, 2003 on ne peut pas se dire exactement le nombre de déplacement quotidien ni le choix de mode prioritaire. Toutefois, des études antérieures menées par une firme d'étude étrangère pour le compte de l'Etat haïtien évaluent la demande de TC des résidents de Port-au-Prince à des taux de croissance annuelle de 8.1% entre (1975 - 1981) et de 7.9% entre (1981 - 1991). Alors que les taux de croissance pour la demande de transport par véhicule privé, pour les mêmes années, sont de 10.4% et 10.2%.2(*)

Les déplacements, au moyen de ces modes de transport pour Port-au-Prince étaient respectivement de 39% pour les véhicules privés et de 47% pour les véhicules de transport en commun.3(*)

A propos de ces derniers, il faut mentionner un laisser aller ; les véhicules y afférents sont pour la plupart inappropriés, inconfortables. Jusqu'à date à notre humble connaissance il n'y pas de mesures étatiques ou gouvernementales qui rappellent ou définissent les limites de la qualité de l'offre. Au contraire, l'inconfort de l'offre s'empire avec des moyens de transport comme le « rachepwèl et le kokorat4(*) ». Deux titres significatifs de l'entière déception et de la résignation des usagers. Parallèlement, des services de transport du type de `' Service Plus'' `'Transter'' et `'Transvert''5(*) viennent offrir, apparemment un meilleur service aux usagers de T.C avec un nombre limité de véhicules. A cela il faut ajouter un nombre considérable de motocyclettes et de bicyclettes non recensées. Il faut mentionner que, même pour le parc automobile, on a que des données approximatives quant à l'effectif réel des différents modes de transport et qui ne sont pas à jour. Toutefois, le tableau 1.1 donne une idée de ce qu'il aurait été.

Tableau 1.1.- Parc d'automobile de l'AMP en nombre et % respectifs des différents modes et de leur augmentation (années 1975, 1996).

Modes de transport

Année 1975

Année 1996

Augmentation

Nomb

%

Nombre

%

%

Voiture privée

13624

66.33

36454

70.16

167.57

Véhicule T.C

4163

20.27

8954

17.23

115.08

Autres*

2751

13.40

6552

12.61

138.16

Total

20538

100

51963

100

153

Sources de données : MTPTC et Service de la Circulation

*Autres : désigne les véhicules affectés aux transports de marchandises, au service de certaines institutions etc.

Si le nombre de véhicules motorisés n'intéresse pas trop des institutions créées à cet effet, pour la marche à pieds cela est pire.

La carence de données récentes, à ce propos, fixe d'avantage les observations et recherches sur la circulation des véhicules et sur le réseau routier défonçé de l'AMP. Lionel F. Henriquez dans un de ses textes datés de Septembre 1998 intitulé : Infrastructures et équipements de transport urbain présente le réseau routier de Port-au-Prince comme étant le plus sollicité des réseaux du pays mais qui fait face à des problèmes de capacité.

A contrario, écrit-il, les voies créées au cours de récents processus d'urbanisation sont construites avec des largeurs d'emprise beaucoup plus faibles et remplissent une fonction ne correspondant pas à leur géométrie. Il les caractérise en des voies remplissant des fonctions d'artère urbaine principale, de collectrice, de voie de quartier, (...) trop souvent sans trottoir. Et dans son souci de comparer les réseaux urbains des pays développés et des pays non développés, il a présenté le tableau que voici :

Tableau.1. 2.- Comparaison de la hiérarchie des composantes d'un réseau routier urbain et des équipements de transport entre pays développés et pays non développés

Niveau hiérarchique

Transports individuels

Automobiles

Transports collectifs

Transport non motorisés

Supérieur


·Autoroute


·Voies Express

Inexistantes à Port-au-Prince


·TC en site propre : Tranway,

Métro, Train de banlieu.

Inexistants à Port-au-Prince


·Pistes cyclables


·Rues piétonnes

Inexistantes à Port-au-Prince

Principal


·Voirie principale

Existante mais sans les caractéristiques physiques qui conviennent


·TC partiellement protégé.

Autobus sur couloir réservé, tramway

Inexistants à Port-au-Prince


·Cheminement principal piétonnier, piste cyclable

Inexistants à Port-au-Prince

Secondaire


·Collectrices

Existantes mais sans les standards correspondant à de telles voies


·TC sur site banal : autobus urbain, minibus, transports semi-collectifs

Port-au-Prince : tap-tap, camion, pickup taxi, moto-taxi


·Cheminement collecteur

Inexistant à Port-au-Prince

Local


·Voirie de desserte de quartier.

Voirie existante, très souvent non revêtue, avec des emprises réduites ou très faibles.


·Minibus et autres transports semi-collectifs.

Port-au-Prince peu ou pas


·Cheminnement de desserte locale

Inexistant à Port-au-Prince

Source : Lionel F. Henriquez, Infrastructures et équipements de transport urbain « tiré dans Ph. H. BOVY, Ecole Polytechnique de Lausanne, Suisse. 1981 »

Le réseau routier de l'AMP jusqu'en 1996 comptait 600 kilomètres de voie dont 240 kilomètres de rues revêtus (2/3 en bicouche, 1/3 en béton bitumeux, béton hydraulique et adoquins)6(*). Maintenant avec les travaux d'amélioration de la route de carrefour jusqu'à Bizoton 53, les travaux de réhabilitation de plusieurs rues, les travaux de reconstruction et de prolongement de la rue du Champs de Mars, de Delmas 33, de la route rail à carrefour, de la rue Bois Patate à Canapé Vert, de la route de l'Aéroport, reliée à celle du 15 Octobre, le réseau s'agrandit.

Cela n'a pas pu toutefois enrayer la congestion des voies principales, ni non plus atténuer la pénibilité des trajets. Aucun espace n'a jamais été aménagé à la circulation des cyclistes, bien que la topographie de Port-au-Prince ne s'y prête pas trop. En 1975 déjà, le mouvement des véhicules dans l'AMP dessinait le spectre de la congestion d'aujourd'hui en l'absence d'infrastructures adéquates. Il est à noter qu'à l'époque Port-au-Prince produisait 64% de tous les voyages en Haïti et presque la moitié du total des transports se faisait dans Port-au-Prince.

Tableau 1.3.- Répartition du mouvement des véhicules par type de transport

 

Véhicule privé

%

Véhicule publics

%

Véhicules de marchandises

%

Total

Nombre

%

Port-au-Prince - Autre*

39%

47%

14%

5888

16

Autre - Autre

34

48

18

8402

22

Intériur - Port-au-Prince

26

62

12

18150

48

Intérieur - Autre

35

44

21

5165

14

Total

11680

20326

5599

37605

100

Pourcentage

31

54

15

100

Sources : MTPTC

* Autre désigne les villes de province chefs lieux d'arrondissement des principaux départements.

Sans parler, en profondeur, du trafic induit par le transport des villes de province, une enquête menée auprès d'un échantillon représentatif de chauffeurs de tap-tap sur la route de carrefour a permis d'identifier aux heures de pointe les causes suivantes comme responsable de l'embouteillage du réseau routier de Port-au-Prince : l'indiscipline des chauffeurs, l'étalage de marchandises à même la chaussée dans les zones de marché, des tas d'immondices jetés sur la chaussée et/ou apportés par des averses ; l'occupation des trottoirs par des cahutes ou étalages (à ce propos voir annexe I et II), le dépôt des matériaux de construction sur la chaussée, l'insécurité des rues (le banditisme social), le dysfonctionnement des feux de signalisation, les nids de poule créés par les travaux de la CAMEP et de la TELECO, l'exiguïté de certaines voies du réseau et enfin, l'improvisation çà et là de gares routières en des lieux non appropriés. L. F. Henriquez, dans son texte : Le transport et la circulation dans l'agglomération de Pétion-Ville, fait ressortir que « les principaux problèmes du transport collectifs ne sont pas seulement liés à la déficience de la gestion de la circulation, à la carence d'une bonne régulation, à l'absence de la coercition mais aussi et surtout au mode d'exploitation des TCU ». Des handicaps tout à fait inconcevables dans la circulation routière ajoutés aux "pointes normales" causées par des migrations alternantes.

D'autres motifs de déplacements sont aussi responsables des pointes. Ils ne représentent qu'une minorité mais constituent la part majeure de la mobilité tout au long de la journée. Ce sont : les déplacements scolaires, les déplacements effectués dans le cadre de la vie professionnelle, les déplacements d'achat, les déplacements de loisirs et les déplacements d'accompagnement

Tout cela complique le déplacement des captifs du tap-tap. Anxieusement, aux heures de pointes, sur tous les circuits du réseau routier de TC à Port-au-Prince, ils espèrent prendre place à bord d'un tap-tap. Ils se bousculent, s'injurient tout en bondissant massivement vers le ou `'les lieux'' (portes et fenêtres) y accédant. Et le chauffeur ne perd pas son temps à observer leur calamité. Il s'en soucie guère. Seulement, il veut s'assurer que son tap-tap soit rempli d'usagers (au-delà de sa capacité d'accueil) qu'il espère débarquer au plus vite, afin qu'il ait le temps de réaliser un autre voyage. Voilà pourquoi souvent il scinde et rescinde le circuit "légalement proposé". Et, si son calcul lui permet de percevoir qu'avec l'embouteillage il ne fera pas le voyage dans le temps escompté, il triple ou quadruple le "tarif légal "que l'usager aurait dû lui payer au trajet.

Il procède, ainsi, à l'instar du vendeur ou de l'employeur sur un marché monopolistique qui essaie de tirer profit de la situation désespérée d'un affamé ou d'un chômeur. (cf. L-N Tellier, 1994,81-84). En effet, à certaines heures du jour, quelque soit le jour, le chauffeur de tap-tap (témoin des difficultés auxquelles s'expose l'usager et imbu de ses anxiétés quant aux risques éventuels encourus selon l'heure, l'origine et/ou la destination) entreprend des tractations pour faire payer aux usagers le tarif le plus élevé. Ainsi de cinq (5) gourdes, le chauffeur fait payer le trajet à vingt et cinq (25) gourdes.

Un surplus du consommateur évalué à vingt (20) gourdes. Vingt gourdes de plus, sur le marché concurrentiel du TC à Port-au-Prince, que l'usager accepte ou est prêt à payer pour arriver à destination plutôt que de rester bloqué. Or, d'après l'IHSI, "le revenu annuel par tête vaut, pour l'ensemble du pays, huit mille cinq cent trente -six gourdes (8,536.6 gourdes) et se situe en-dessous du revenu annuel par unité de consommation, soit douze mille cinq cent quatre-vingt -trois gourdes (12,583.7 gourdes)." 7(*) Qu'adviendra t-il de la mobilité d'un nombre d'usagers dont leur revenu vaudrait leur salaire et quand on sait que le salaire de base est à soixante et dix gourdes (70 gourdes) par jour ?

1.3.- Hypothèses

Les résultats préliminaires du quatrième recensement affirment que l'AMP absorbe plus d'un tiers (39%) de la population totale du pays. Selon l'Enquête budget - consommation des ménages (EBCM 1999-2000) publié par l'Institut Haïtien de Statistique et d'Informatique (IHSI) ; la population de l'AMP est estimée à 59,3% de la population urbaine du pays. Les autres villes ne comptent, seulement, que 15% et le monde rural 64%. Cette même publication permet de constater que loin de vieillir la population de l'AMP présente toutes les caractéristiques d'une jeune population. Elle compte 31.2% d'individus qui ont moins de 15 ans, 65.1% de ceux dont l'âge est compris entre 15 à 64 ans et 3.7% de ceux âgés de 65 ans et plus. Comparée aux autres milieux de résidence, l'AMP connaît le taux de chômage ouvert le plus élevé (20.4%) contre (9.7%) pour les autres villes et (2.7%) pour le milieu rural.

Même dans deux (2) décennies la tendance peut être, encore, la même surtout si l'on tient compte du flux migratoire (en raison de l'effet revenu et des opportunités de services) et du taux de natalité (eu égard aux progrès de la science médicale sur le MST/SIDA). En conséquence la demande de transport en commun sera à la hausse. Alors si l'évolution spatiale de l'AMP continue dans le non-respect des normes d'urbanisme et si le système de transport en commun n'est assujetti à aucune forme de gestion partenariale : public- privé (PPP) d'ici 15 ans le droit au transport des usagers ira de mal en pis jusqu'à provoquer une réduction de la mobilité en raison de la mauvaise qualité des services de l'offre, de l'insuffisance de l'offre et, du bas revenu des ménages.

Ces hypothèses s'inscrivent dans une démarche prospective de la demande de transport. A ce sujet, nous avons passé en revue des textes complémentaires mais qui approchent différemment le transport routier urbain.

CHAPITRE II.- CHAMP THÉMATIQUE ET APPROCHES MÉTHODOLOGIQUES.

2.1.- Introduction

Les textes et livres consultés permettent de circonscrire la démarche de l'étude dans un cadre scientifique de transport urbain. Ils sont tour à tour méthodologique, du fait qu'ils ont tracé les étapes indispensables à franchir pour arriver à une bonne gestion du transport urbain et, théorique en raison des idées et réflexions émises par chaque auteur dans sa démarche pour structurer `'la pensée du transport'' en proposant des paradigmes à des fins d'analyse du système de transport dans les villes.

Des oeuvres de quatre auteurs sont alors analysées. Il s'agit des oeuvres : a) Effet du vieillissement démographique sur la demande de transport dans la région métropolitaine de Montréal, 1986-2011 de Yves Bussière, b) Démogaphie et prospective de la demande de transport des personnes : le cas de Marrakech de Yves Bussière et Jeanne M. Wolfe c) Les transports urbains de Pierre Merlin et, d) Economie urbaine et régionale (Logique spatiales des mutations économiques) de Mario Polèse.

L'analyse résumée de ces oeuvres nous a permis, d'abord, de dégager l'orientation de notre méthodologie et, ensuite, de situer théoriquement l'analyse de notre étude.

2.2.- Revue de littérature

2.2.1.- Analyse des textes de Yves Bussière

Yves Bussière dans deux (2) de ces textes publiés tour à tour, en 1990 et 1995, dans les `'cahiers québécois de démographie'' et dans l'ouvrage collectif intitulé : `'L'urbanisation des pays en développement''  avec la collaboration de Sylvain Lefebvre sous la direction de Mario Polèse et Jeanne M.Wolfe a pu développer en guise de méthode : le modèle de projection de la demande de transport.

Dans les deux (2) textes, il est alors question des comportements de transport des populations Montréalaise et de Marrakech qui sont déterminants dans la demande future de transport laquelle, dans une région métropolitaine, ne dépend pas de la simple croissance ou décroissance démographique. D'autres facteurs, comme les caractéristiques socio-économiques des ménages, les motifs de déplacement etc. sont pris en compte et des modélisations, en guise de scénario, sont émanées de ces facteurs là pour pouvoir dégager un certain nombre de tendances. Ainsi, l'auteur arrive à schématiser la relation entre démographie et comportements de transport en faisant interagir les variables : âge, sexe, région, mobilité et mode de transport. Tout ceci, intègre la formule mathématique (cf p.18) de la demande de transport pour différentes régions à partir d'une année de base en comparaison avec des années futures.

Cependant, bien que les habitudes de transport semblent être les mêmes « tant dans les villes du Nord que dans les grandes villes du Sud » (Montréal et Marrakech par exemple) les prévisions ne s'articulent pas autour des mêmes paramètres en raison surtout des conditions socio-économiques différentes. Si pour Montréal une croissance démographique liée à la poursuite de l'étalement urbain peut stimuler la progression de l'automobile au détriment du transport en commun, pour Marrakech, l'ampleur des pressions démographiques et sociales met en rapport les orientations des déplacements et la forme urbaine.

2.2.2.- Analyse de l'oeuvre de P. Merlin

Le livre de Pierre Merlin " Les transports urbains" édité par les Presses Universitaires de France en 1992 dans la collection Que Sais-je ? permet de cerner plusieurs dimensions du transport urbain.

Depuis l'Antiquité à nos jours, on a pu comprendre que le transport joue un rôle déterminant dans la dimension spatiale des villes et en conséquence entraîne des enjeux humains, économiques et environnementaux. En ce sens, des méthodes de planification urbaine sont nécessaires pour l'adéquation du système de fonctionnement de la ville. Des données de l'offre et de la demande sont alors importantes pour assurer le droit au transport de tous les citadins. Entendons par là, une réduction des inégalités qui consiste dans un système de transport commode pouvant faciliter aux citadins l'accessibilité à tous les secteurs de la ville. C'est pourquoi, au niveau de la demande, la démarche classique est imparfaite puisqu'elle permet de recenser par enquête auprès des ménages que les déplacements réalisés tout en négligeant les déplacements éludés (latents). Il faut pouvoir connaître la demande réelle résultante des demandes réalisée et latente. De même que pour l'offre, la démarche classique n'est pas suffisante. Pour trouver des informations adéquates, en ce qui concerne le transport en commun, il faut recourir surtout à des sociétés d'exploitation du système et en ce qui concerne les transports individuels, faute de source fiable, il est recommandé de procéder à partir des ventes annuelles.

Ainsi, la planification du transport urbain implique l'étude et l'analyse économiques d'un ensemble de projets qui doivent prévoir des flux de déplacements incorporés à la capacité des infrastructures existantes pour pouvoir déterminer les infrastructures supplémentaires souhaitables. Il devient évident, à ce niveau, de définir l'ordre de priorité des infrastructures et de tester leur rentabilité. L'auteur souligne que la rentabilité financière ne suffit pas. Il faut la dépasser, en mettant au point ou en adoptant des méthodes de jugement adaptées comme les méthodes : coûts-bénéfices, coûts-avantages, analyses multicritères.

En effet, il ne saurait être question de simple profit financier. Il faut, dans le domaine des transports urbains, déduire des profits à caractères sociaux et humains, environnementaux et spatiaux. Le rôle du planificateur des transports sera de faciliter l'utilisation qui concilie au mieux les intérêts collectifs (limiter les investissements, assurer le meilleur usage de l'espace public, réduire les nuisances, accroître la sécurité et les intérêts des usagers, gagner du temps, voyager confortablement, dépenser le moins possible).

2.2.3.- Analyse de l'oeuvre de Mario Polèse.

`'Economie urbaine et régionale (Logique spatiale des mutations économiques), publié en 1994.'' Ce livre, dégage l'importance des moyens de transport urbain par rapport à l'interaction spatiale et l'interaction sociale. Les deux sont sensibles à la distance et de ce fait impliquent des coûts de transport qui sont explicables par les coûts de communication de l'information, par les coûts de déplacements des personnes et par les coûts de transport des marchandises. Tous sont assumés par le consommateur sous forme de déplacements, ou par le producteur sous forme de coûts réels de transport et de distribution. Donc, dans leurs échanges économiques et leurs contacts interpersonnels, les hommes franchissent une distance qui comporte un ensemble de coûts dont le coût d'option du temps consacré aux transports.

Tout ceci traduit l'impact de la distance sur les activités humaines tant économiques que sociales et la nécessité pour les particuliers comme pour les entreprises de la réduire au maximum.

Les concepts «agglomérations géographique» et «centralité géographique» expriment en peu de mots la possibilité qu'ont les agents économiques pour réduire leurs coûts de transport et d'interaction sociale. En un seul lieu, ils peuvent arriver à effectuer un ensemble d'activités (de production, d'achats) qui leur favorise des gains de productivité à partir d'économie d'échelle réalisée en raison du regroupement des entreprises. La possibilité de partager des frais fixes est, donc, l'un des avantages de l'agglomération urbaine. Dans ce cas-ci, les gains de productivité ne proviennent pas uniquement d'économies d'échelle internes véritables, mais aussi des économies de localisation ou de juxtaposition.

On comprend, aisément, qu'avec la localisation des entreprises se développe une approche de proximité entre entrepreneur et consommateurs. Ainsi, l'entrepreneur cherche à minimiser la distance ou en d'autres termes cherchent à réduire ses coûts de transport. De cette approche, découlent : la théorie économique de la rente foncière, la théorie des économies d'agglomération ... et la théorie des lieux centraux. Toutes ces théories, sont étroitement liées à la localisation, à la distance franchie et au temps écoulé. Mais, celle qui explique le mieux l'apport du transport urbain par rapport aux activités des agents économiques est la théorie des lieux centraux.

Selon la théorie des lieux centraux, les entreprises s'arrangent à s'installer là où, d'après leurs calculs, elles peuvent attirer le plus grand nombre de consommateurs. Elles se regroupent alors dans un même lieu pour former une place centrale. Leur regroupement se fait à partir d'une économie basée sur une gamme diversifiée de produits (biens et services) dont chacun a sa fonction de production propre. Le résultat de ce processus aboutit à une hiérarchie de lieux centraux de taille différente. Plusieurs espaces de production ou plusieurs `'marchés'', en ce sens, sont créés pour desservir les mêmes populations.

Alors, le consommateur, dans son souci d'exploiter au maximum son temps et réduire le coût de ses achats et celui des interactions spatiales, se déplace pour effectuer simultanément plusieurs activités. En agissant de la sorte, il maximise le rendement de son déplacement. Selon la terminologie économique il y a là : la notion de coût d'option qui se dégage. Entendons par-là un usage rationnel du temps face à des transactions de toutes sortes. Les consommateurs comme la société dans son ensemble, `'écrit l'auteur'' réalisent une économie de temps si plusieurs besoins exigeant des déplacements peuvent être satisfaits à partir d'un seul lieu.

L'analyse des oeuvres de Bussière, de Merlin et de Polèse permet de dégager trois approches différentes mais complémentaires sur le transport urbain. Riches en méthodologie et en théorie, ces oeuvres ne réduisent, pas pourtant, le champ de notre documentation. Elles permettent, tout au contraire, de contextualiser les argumentations qui sont élaborés dans le cadre des approches théoriques et analytiques de notre démarche.

2.3.- Méthodologie

La démarche de l'étude se situe dans le champ de la Gestion du transport urbain et, fait référence à l'utilisation du sol urbain qui suppose la répartition dans l'espace port-au-princien de toutes les activités économiques et de loisirs à des distances de desserte accessibles à toute la population. Le transport en commun un des facteurs de cette accessibilité est l'objet de l'étude.

Les informations y relatives sont insaisissables par le sens d'un simple observateur. C'est pourquoi nous adoptons la « méthode de l'étude des traces8(*) » considérée comme une forme d'observation différée résidant dans l'analyse de documents appropriées et de statistiques officielles aptes à nous procurer des informations nécessaires. Dans ce contexte, des visites de bibliothèques sont réalisées et des personnes ressources sont entretenues. Toutes les données découlant des visites et entretiens sont abordées sous l'angle évolutif en vue de réaliser ou d'obtenir certaines projections dans l'espace et dans le temps. Car il s'agit de faire, une analyse prospective de la demande de transport en commun. Cela suppose une mise en relation des projections de population avec des comportements de transport. Ceux-ci, selon Y. Bussière, sont schématisés en deux composantes, la mobilité, c'est-à-dire le nombre de déplacement par personne et le choix de mode. A ce niveau, des méthodes statistiques de calcul concernant la croissance d'une population et le taux de croissance sont utilisées. Ainsi, nous-nous sommes mis à envisager l'avenir de la demande de transport en commun à Port-au-Prince. Ce qui nous a amené à concevoir deux scénarios qui nous ont permis d'explorer des futurs possibles, de délimiter des futurs réalisables et de spécifier des futurs souhaitables. Il est évident que la méthode prospective offre une double face : d'un coté, elle construit des représentations des artefacts de situations futures, (...) de l'autre, elle décline au présent, les voies à suivre ou mieux, les embûches à contourner pour atteindre des objectifs. Le cas échéant, elle décrit, avec plus ou moins de précisions les modalités opératoires des actions à engager . (S. Wachter, 1998,196) En effet, faute de données actualisées et/ou inexistantes, surtout, en matière de mode de transport et de déplacement par mode, par personne et par jour, nous avons procédé par approximation en considérant des données vieilles entre 8 à 21 ans

En résumé, grâce à la prospective nous avons aussi formulé des recommandations, c'est-à-dire nous avons proposé la voie à suivre pour assurer le droit au transport et surtout au transport collectif des personnes. Dans ce contexte nous avons fait intervenir la théorie des services publics et la théorie des lieux centraux pour pouvoir, d'abord, situer et ou fixer les recommandations dans une logique urbaine (celle de Port-au-Prince) ensuite, dégager l'impact socio-économique d'une bonne gestion du transport collectif dans le développement et l'étalement futur de l'AMP et enfin bâtir un cadre de partenariat public-privé(PPP) selon la formule recommandée par la Banque Mondiale incluant les pouvoirs publics et la société civile tout en se basant sur le degré de commercialisabilité du service offert par les tap-tap.

DEUXIEME PARTIE : CADRE THÉORIQUE ET CONCEPTUEL

CHAPITRE III.- DÉMARCHE THÉORIQUE

3.1. Introduction

La question du transport urbain suscite des idées qui ne datent pas d'aujourd'hui. De l'antiquité à la modernité, le besoin de relier deux lieux distincts (origine - destination) le plus rapide se faisait toujours sentir. L'objectif primordial pour l'homme résidait dans un gain du temps élément indispensable à tout procès de production de services et de biens lesquels sont tantôt à caractères privés, tantôt à caractères publics. Mais ils visent tous deux à satisfaire les besoins de l'homme. Franchir la distance est un besoin qui, selon M. Polèse, exige des efforts, des ressources et du temps. Comment peut-on concilier la distance et le temps pour arriver à la satisfaction de ce besoin humain ?

3.2. La distance : base de la théorie des lieux centraux.

Avec les nomades dans les sociétés pré-historiques, la distance consiste dans un aller. Dans les sociétés historiques ou sédentaires, la distance comporte un aller et un retour. La distance est donc devenue, pour l'homme, une contrainte de la quotidienneté qui participe à la vie active. Elle comporte des coûts dont les coûts de déplacement des personnes. Ces coûts sont variables et sont en règle générale d'autant plus élevé que la distance à franchir est grande9(*). Contrecarrer les coûts de la distance fait naître chez l'homme, l'idée d'agglomérer autour d'un espace vital à son existence. Et là, sous l'effet de générations de nouvelles vies urbaines prennent de la propension à travers un élément central. « L'élément peut-être un centre urbain, un équipement polarisant plus spécialisé (...). L'accessibilité est une condition majeure ». (Cf, Dictionnaire de l'urbanisme et de l'aménagement).

Donc les vies urbaines ou les nouvelles villes ne sauraient être conçues de façon indépendante à la ville originelle qui incarne le Centre lequel regroupe traditionnellement les lieux du pouvoir, les mouvements, les commerces rares et de nombreuses activités spécialisées. (...) Son rôle est double : il permet aux habitants de s'identifier à la communauté des citoyens d'une même ville ; il constitue pour le visiteur une image résumée de la ville. (J.P.Lacaze,1995,15). En raison de sa position et de son aire d'influence, ce centre constitue aussi la Métropole régionale d'un réseau de villes lesquelles s'auto-influencent tout en exerçant elles-mêmes leur influence sur des zones restreintes. C'est dans ce contexte que J. Beaujeu a parlé de centralités de premier, deuxième et troisième modes. Abondant dans le même sens P. Merlin et F. Choay avancent que "la centralité peut être unique (agglomération) ou polynucléaire (cornubation). Elle varie en fonction des changements techniques, économiques ou politiques". (Dictionnaire de l'urbanisme et de l'aménagement).

Selon M. Polèse, l'agglomération géographique des populations dans des villes ou villages tire, dans un premier temps, ses origines de la possibilité qu'elle donne aux agents économiques de réduire leurs coûts de transport et d'interaction sociale. 1(*)0

« En effet, l'ensemble des problèmes urbains, les localisations de diverses activités et des logements impliquent des problèmes de déplacement. Plus s'accroissent les unités urbaines en dimension et en complexité, plus s'approfondit la ségrégation fonctionnelle de l'espace et plus les liaisons internes prennent de l'importance1(*)1 ». Sur ce point de vue F.Ascher et J.Giard n'ont pas d'avis différents. « La crise des transports urbains, écrivent-ils, est donc d'abord le produit de la crise urbaine dans son ensemble. Elle présente une acuité particulière dans la mesure ou la majeure partie des déplacements dépend du choix de localisation.»1(*)2

Donc les coûts qu'entraîne la distance engendrent une localisation qui évoque toujours l'esprit de centralité géographique lequel sous-tend la fulgurance du temps par rapport au centre des activités, et des besoins ou intérêts de la population urbaine. La maximisation des déplacements ou de préférence la maximisation du rendement de chaque déplacement voilà ce qui ressort de l'esprit d'agglomération : corollaire du principe de la centralité géographique. Ce principe, « ne se limite pas aux activités marchandes. Il s'applique dès qu'il s'agit de desservir efficacement une population (...). Par efficacité, nous entendons ici la maximisation du temps de déplacement et des autres coûts d'interaction spatiale pour le plus grand nombre d'utilisateurs.»1(*)3

Qualifié de théorie des places centrales ou des lieux centraux, ce principe réfère à la compétence des pouvoirs publics qui seuls ont les moyens et la capacité d'organiser l'espace à de telles fins.

3.3.- La distance : une implication de la théorie des services publics

Le temps, l'espace, le lieu sont des concepts qui s'organisent en un tout autour de la distance pour former et expliciter la sphère d'action de l'homme dans ses échanges socio-économiques. Cette spatio-temporalité rend obligatoire l'interaction spatiale et l'interaction sociale. Pierre Bourdieu parle des effets de lieu comme pour stigmatiser ces interactions qui sont manifeste à partir des luttes pour l'appropriation de l'espace tant physique que social. « L'espace, ou plus précisément, les lieux et les places de l'espace social réifié, et les profits qu'ils procurent, sont des enjeux de luttes. »(P.Bourdieu, 1993, 256) La possession du capital est pour Bourdieu l'élément déterminant pour la jouissance de ces profits et pour la conquête de l'espace. Le pouvoir que le capital, sous ses différentes formes, donne sur l'espace est aussi, du même coup, un pouvoir sur le temps. Ceux qui en sont dépourvus sont tenus à distance, soit physiquement, soit symboliquement, des biens socialement les plus rares et condamnés à côtoyer les personnes ou les biens les plus indésirables et les moins rares.(P. Bourdieu, 1993, 258).

Donc le succès dans ces luttes dépend du capital détenu (économique, social, culturel ...). C'est pour atténuer ces effets de lieu ou de distance provoqués par la possession du capital que les kénesiens et les libéraux se prononcent pour l'intervention de l'Etat dans l'allocation et la distribution des richesses. En effet, certains biens et services n'auraient été bénéfiques à une large majorité sans cette intervention. « La notion de service public (...) contient l'idée de finalité sociale, de satisfaction des besoins collectifs et peut donc être appréhendée comme pivot du rôle de l'Etat. »(G.Dupuis et M-J Guedon, 1993, 439). Le transport urbain fait référence au besoin collectif de déplacement des citadins. Il engendre un ensemble de services qui sont tous à caractères collectifs puisqu'ils sont indivisibles et s'imposent à tous. Les plans et règlements d'urbanisme en sont de bons exemples. Le transport en commun dans l'AMP est aussi dans la lignée des services collectifs puisqu'il vise la justice sociale. Mais, n'est pas pur.

La théorie des services publics, qui entend restreindre le domaine de l'action administrative à la satisfaction des besoins collectifs hors du jeu du marché économique, fait obligation aux pouvoirs publics à assumer leurs responsabilités, pour pouvoir permettre aux captifs du TC à banaliser la distance, réduire le temps de voyage et atteindre leur destination à moindre coût.

CHAPITRE IV : DÉMARCHE CONCEPTUELLE.

4.1.- Introduction

La démarche conceptuelle vise la définition de certains concepts utilisés tout au cours de l'étude en question. Leur portée et leur signification sont dégagés afin d'éviter des interprétations différentes de celles intrinsèques à l'étude même. Bien que le caractère de l'étude ne soit pas sociologique, notre démarche s'y apparente. Alors, comme la sociologie, la Gestion des transports urbains en tant que discipline scientifique «  a affaire à des objets construits, contre le sens commun, les apparences, les explications trompeuses (...). Le donné doit être soumis à un travail parce que premièrement, il est infini, chaotique et nécessite un choix en fonction d'un point de vue, deuxièmement, il induit en erreur du fait qu'il a été fondé sur des préjugés, troisièmement, il dissimule des relations cachées qu'il a pour fonction de masquer. Il s'avère alors nécessaire de le déconstruire et de le reconstruire en le situant dans un réseau conceptuel qui lui restitue son sens caché ou simplement un sens.»1(*)4

4.2 Définition des concepts.

4.2.1 Aire Métropolitaine de Port-au-Prince.

L'Aire Métropolitaine de Port-au-Prince désignent l'organisation spatiale de Port-au-Prince, la capitale, qui entretient des rapports d'interdépendance socio-économiques avec des communes avoisinantes dont leur rayonnement urbain favorise l'évolution réciproque de leur aire d'influence caractérisée par des flux de personnes, de marchandises, de communications immatérielles et de capitaux qu'elles échangent les unes avec les autres. Elles constituent ainsi un réseau urbain dont Port-au-Prince est le centre autour duquel évoluent : Pétion-Ville, Delmas, Carrefour, Kenscoff, Gressier ... Elle est, dans le cadre de l'étude, synonyme de Port-au-Prince et par extension d'Arrondissement de Port-au-Prince.

4.2.2.- Transport en commun (TC).

Système « organisé du transport» qui fournit un service collectif selon un tarif déterminé par les pouvoirs publics et qui assure la mobilité (origine-destination) de tous ceux-là qui ne sont pas propriétaire, au moins d'une automobile ou qui n'ont pas à leur disposition un véhicule motorisé quand vient le moment de se déplacer pour quelque soit le motif.

4.2.3.- Captif du transport en commun

Tout résident de l'AMP qui pour se déplacer sur une distance n'a d'autre choix que de solliciter le service d'un moyen de transport en commun (tap-tap)

4.2.4.- Moyens de transport en commun. (tap-tap)

Ce sont à Port-au-Prince des camionettes, autobus, voitures etc. qu'on désigne sous des dénominations d'origine populaire telles que : yole, bwafouye, bisjon, rachepwèl, kokorat... Dans la terminologie du transport en commun à Port-au-Prince, tap-tap1(*)3 est l'expression générique qui désigne tous les véhicules du système. ( voir Annexe IV )

4.2.5.- Motifs de déplacement d'une population.

Ensemble de contraintes qui suscitent, bon gré, malgré, le déplacement d'une population. Elles sont de divers ordres et traduisent le dynamisme et le degré de modernité d'une société. En fait, il n'est pas toujours aisé de fixer un motif unique à un déplacement et on devrait parler de motif à l'origine et de motif à la destination.1(*)5 Par contre, au nombre de ces contraintes il y a habituellement :

les déplacements entre le domicile et le lieu de travail,

les déplacements scolaires (entre le domicile et le lieu d'études)

les déplacements pour achat

les déplacements pour affaires professionnelles

les déplacements à titre professionnel

les déplacements de loisirs (spectacles, visites, promenades, sports, activités sociales, etc.)

les déplacements d'accompagnements (des enfants en particulier.)

4.2.6.- Mobilité

La mobilité est la propension de la population de l'AMP à se déplacer. Elle est un corollaire du motif de déplacement et varie selon le développement socio-économique d'une région et du revenu des ménages.

4.2.7.- Les pouvoirs publics

Ensemble d'institutions étatiques responsables des questions de transport, de circulation, de signalisation, de voirie dans l'Aire Métropolitaine de Port-au-Prince à savoir :

le Ministère des Travaux Publics transport et Communication (M.T.P.T.C),

le Service de la Circulation et de Contrôle des Véhicules (S.C.C.V),

l'Office Assurance des Véhicules Contre Tiers (OAVCT),

le Service de signalisation routière (S.S.A)

les municipalités de l'AMP

le Ministère de la Planification.

4.2.8.- Centres des Affaires (Centre)

Zones d'intenses activités économiques de production et de vente de biens et services dans l'AMP qui regroupent : les industries, tout le commerce, les activités export-import, les bureaux de services etc. En raison de l'effet revenu qu'ils dynamisent, les centres des affaires attirent quotidiennement et pendant des heures des résidents de presque toutes les régions d'Haïti. (voir Annexe III )

TROISIÈME PARTIE : CADRE D'ANALYSE

CHAPITRE V.- PORT-AU-PRINCE: STRUCTURE DÉMOGRAPHIQUE, URBAINE ET ÉCONOMIQUE.

5.1.- Introduction

Dans la structure hiérarchisée, de dominance entre les villes d'Haïti, Port-au-Prince en raison de son aire d'influence et de son rayonnement économique est la seule capitale. Autour de cette capitale évoluent : huit (8) métropoles simples, trente et six (36) villes moyennes et quatre et vingt et huit (88) petites villes. Elle reste jusqu'à date (2003) la seule ville d'Haïti dotée de certaines infrastructures proches de la modernité. Elle incarne, en ce sens, le mieux être, le rêve d'un lendemain meilleur, l'espace de transition de mobilité sociale. Les habitants de toutes les villes, dans ce contexte déferlent sur Port-au-Prince. Elle « absorbait déjà en 1990 plus de 75% de la population des principales villes du pays.»1(*)6 En 1997 sa population représentait 95.02 % 1(*)7de la population urbaine du département de l'Ouest dans lequel elle est située. Actuellement 59 %1(*)8 de la population urbaine du pays s'y retrouvent. Qu'adviendra t-il de son urbanisation, de ses structures urbaines et économiques d'ici 2018 soit dans 15 ans ?

5.2.- Urbanisation de Port-au-Prince.

De par sa position dans l'armature urbaine ou dans le réseau des villes d'Haïti Port-au-Prince représente une métropole régionale. En tant que telle elle a une force d'attraction qui va au-delà même de son site du fait de la volonté de la population haïtienne à ne pas y vivre trop distante. Graduellement et à un rythme effréné on assiste à l'augmentation de sa population.

D'aucuns pensent qu'actuellement (2003) l'estimation démographique de cette ville excède l'ordre de 2.000.000 habitants. Il faut, tout de même, attendre le résultat des derniers recensements (2002) de la population pour le confirmer. Toutefois, l'IHSI dans un document sorti en 1997 compta 1.556.588 habitants1(*)9 pour Port-au-Prince. Avec un taux de croissance annuelle positive de l'AMP on s'étonnerait en effet que l'effectif de population soit en deçà des 2.000.000.

 Les fondements de l'urbanisation, nous dit M. Polèse, sont en grande partie économique. (1994,11) Présentant toutes les caractéristiques d'un centre régional, Port-au-Prince est loin de connaître une faible croissance démographique. Toutes les projections le démontrent. D'ailleurs depuis plusieurs années déjà, une tendance très nette se dégage dans la distribution spatiale de la population urbaine du pays : les principes villes de province perdent graduellement de leur importance au profit de Port-au-Prince, la Capitale et ses satellites »2(*)0... Ainsi, les populations des villes de province cherchent à éviter les coûts et à maximiser les gains. C'est à dire, les déplacements des populations des villes de province vers la capitale s'inscrivent dans la logique d'une recherche de meilleures conditions d'existence socio-économiques. D'ailleurs, il est vérifié par les enquêtes de l'IHSI que les limites des déciles du revenu diffèrent entre l'AMP, les villes de province et le milieu rural. Ainsi les ménages appartenant à un décile quelconque dans l'AMP sont nettement mieux lotis que les ménages correspondants dans les villes de province et en milieu rural. La limite de revenu du premier décile de la capitale est trois fois plus élevée que celle des autres villes et six fois plus que celle du milieu rural. Et le revenu médian par unité de consommation de la capitale vaut environ deux fois celui des villes de province et 4.4 fois celui du milieu rural. Cela traduit un type de rapport entre la population et le revenu.2(*)1

En effet, « La relation positive entre le revenu moyen par habitants et taille urbaine a, maintes fois, été confirmée par des études tant pour les pays industrialisés que pour les PED. Manifestement, l'agglomération urbaine exerce un impact positif sur la capacité de production de plusieurs secteurs d'activités économiques. Ce gain de productivité se répercute sur les salaires qui sont en moyenne plus élevés dans les grandes villes » (ibid, P.69) C'est ce que prouve le tableau 5.1 reproduit à partir de l'oeuvre de Polèse.

Tableau 5.1. - L'importance économique des villes : quelques indicateurs, divers pays, diverses années. a

 

(A)

(B)

(C)

 

Zones urbaines

Pays

Population % b

PNB ou revenu national (% b)

Rapport B/A

Sao Paulo

Brésil

8.6

36.1

4.20

Lima

Pérou

28.1

43.1

1.53

Guayaquil

Equateur

13.1

30.1

2.30

Mexico

Mexique

14.2

33.6

2.37

Toutes villes

Mexique

60.1

79.7

1.33

Port-au-Prince

Haïti

15.1

38.7

2.56

Toutes villes

Haïti

24.2

57.6

2.38

Casablanca

Maroc

12.1

25.1

2.07

Abidjan

Côte-d'Ivoire

18.1

33.1

1.83

Nairobi

Kenya

5.2

20.1

3.87

Toutes villes

Kenya

11.9

30.3

2.55

Karachi

Pakistan

6.1

16.1

2.64

Toutes villes

Inde

19.9

38.9

1.95

Shanghai

Chine

1.2

12.5

10.42

Manille

Philippines

12.1

25.1

2.07

Bangkok

Thaïlande

10.9

37.4

3.43

Toutes villes

Turquie

47.1

70.1

1.49

Sources : M. Polèse, Economie urbaine et régionale (logique spatiale des mutations économiques) « tiré dans, Banque Mondiale (1991) ; Coopération française pour le développement urbain (1989). »

a) L'année sur laquelle portent les données n'est pas toujours la même, mais se situe entre 1970 (Sao Paulo) et 1985 (Casablanca). Ces chiffres sont des estimations, que le lecteur doit interpréter avec prudence.

b) Part du total national.

Partant de cette réalité, la richesse de Port-au-Prince, comparée à celle d'autres villes du monde est, en rapport à sa population, son agglomération. Apparemment on aurait tendance à croire que les externalités contribueraient beaucoup plus aux déséconomies de l'espace port-au-princien plutôt qu'à des gains de productivité. L'affluence des migrants combinée aux différents types d'entreprises de biens et services prouvent tout à fait le contraire.

En dépit de l'insalubrité et de l'insécurité, sous toutes ses formes, Port-au-Prince continue encore à hanter des résidents tant du monde rural que des villes de province et sera en conséquence, pendant longtemps, le seul espace urbain en Haïti où la massification urbaine, pour répéter Claude souffrant, sera produite à un degré significatif. En effet les projections réalisées par l'IHSI prouvent la supériorité démographique de Port-au-Prince par rapport aux autres villes de province jusqu'en 2015. Une publication du système des Nations-Unies en Haïti écrit : « L'Aire Métropolitaine de Port-au-Prince héberge plus de 60% de la population urbaine totale avec un effectif 15 fois supérieures à la 2ème ville du pays, le Cap-Haïtien »2(*)2. Cette population qui ira grandissante (voir figure 5.1) fera déborder le cadre physique de Port-au-Prince en repoussant chaque jour plus loin les limites de sa périphérie. Et, graduellement, selon un processus de substitution certaines activités du centre intégreront la périphérie et feront d'elle une ville émergente celle où se dessinent les comportements urbains du futur. 2(*)3

Fig 5.1

La figure 5.1 traduit en fait l'évidence de ce que sera en 2018 la population de Port-au-Prince. Mais cette évolution démographique sera t-elle en harmonie avec une structure urbaine où tous les résidents auraient la possibilité d'avoir accès à tous les services, particulièrement, le service du transport en commun ?

5.3.- Structure urbaine de Port-au-Prince

L'urbanisation de Port-au-Prince passe par le bidonville. C. Souffrant dans sa sociologie prospective d'Haïti résume ainsi la structure urbaine de Port-au-Prince. Ce résumé renvoie à la non application des lois d'urbanisme (même dépassées) dont les premières datent de 1937. Toutes les communes de Port-au-Prince ou de l'Aire Métropolitaine ont leurs bidonvilles respectifs. Et parfois même elles s'y confondent. Carrefour, dit-on, est un vaste bidonville. Même dans les milieux officiels (exemple les études notariales ) elle est ainsi considérée. En témoigne sa valeur foncière qui selon la Direction Générale des Impôts (DG I) est la plus basse. A 275 gourdes le m2 du sol la DGI ne voit aucun inconvénient à accepter l'affaire (vente ou achat) et à prélever des taxes. Contrairement à une affaire passée à Pétion-Ville ou à Delmas, si la déclaration de vente est en deçà de 400 ou de 350 gourdes le m2 elle est contestable et peut être refusée par le Service des Impôts Directs de la DGI.2(*)4 Bref, toutes les zones urbanisées de Port-au-Prince font face aujourd'hui à un phénomène de non-ségrégation spatiale. « Nous sommes là, confrontés à deux formes d'aménagement spontanés et / ou non réglementés qui se partagent les mêmes espaces et qui produisent les mêmes effets. Les interstices abandonnés et laissés inoccupés entre les propriétés des classes aisées, sont remplis par des constructions érigées par les classes sociales les plus défavorisées. Ainsi, dans cette agglomération, il n'est pas rare d'observer dans certaines zones d'urbanisation récente, de somptueuses villas côtoyées des poches d'habitat précaire et très précaire. ( D.Bazabas, 1997,36) L'impact physique du bidonville sur l'espace port-au-princien peut être apprécié à partir du tableau 5.3.

Tableau 5.3.- Importance spatiale des aires bidonvillisées de cinq communes de l'Aire Métropolitaine de Port-au-Prince.

Aire bidonvillisée

Superficie

% *

% **

Port-au-Prince

598.65

33.16

7.34

Pétion-ville

146.28

8.11

1.78

Delmas

574

31.81

1.05

Carrefour

403.20

22.34

4.94

Croix des bouquets

82.75

4.58

1.01

Aire bâtie totale de type bidonville

1804.88

100

22.15

Aire bâtie totale de l'aire urbaine

8146.04

 

100

* Pourcentage par rapport à l'ensemble des bidonvilles

** Pourcentage par rapport à l'aire bâtie totale de l'aire urbanisée

Source : G. Lhérisson, Logement et bidonvilles, « tiré dans Projet HAI-94-003 : évaluation de la population de l'Aire Métropolitaine de Port-au-Prince »

Les rues à l'instar des maisons, mis à part les collectrices sont improvisées. Les rues locales sont dimensionnées et conçues suivant le caprice de lotisseurs informels qui, à l'insu de toutes normes élémentaires d'urbanisme et de circulation érigent de nouveaux quartiers bidonvillisées. En ce sens, toutes les infrastructures de base sont absentes dans ces quartiers là. C'est ce qui fait qu'à chaque averse, circuler dans les rues de Port-au-Prince devient une gageure. Cela handicape la desserte du transport en commun et met à nu l'incapacité de Port-au-Prince à satisfaire tant la demande de transport que celle de l'offre de transport. D'aucuns disent de 1950 à aujourd'hui, rien n'a été fait, en matière infrastructurelle, pour que Port-au-Prince puisse répondre à la croissance démographique actuelle.

5.4.- Structure économique de Port-au-Prince

Dans la logique de la théorie des lieux centraux, l'AMP comprend trois (3) grands centres d'activités économiques qui se localisent en des lieux précis créant ainsi différents Centres des Affaires équivalent au District Business Center (CBD) des USA :

A.- le premier se situe au Coeur de la ville historique de Port-au-Prince il regroupe indistinctement toutes les activités de production de biens et de services,

B.-le second à caractère industriel avoisine le centre historique et se situe dans une zone ; il y a cinquante années de cela, considérée comme étant périphérique,

C.-le troisième situé dans une zone autrefois de renommée bourgeoise regroupe en par ticulier des activités de services relatifs à l'enseignement primaire, secondaire, universitaire et autres.(voir annexe)

Ces Centres de regroupement des entreprises engendrent une forte augmentation de la valeur foncière des espaces en question au point qu'il en résulte d'abord, une augmentation de la population au m² c'est-à-dire une forte densité occupée par des locataires à faible revenu, ensuite l'abandon graduel ou la délocalisation forcée, au profit des entrepreneurs de tout espace vital par ceux-là dont les conditions sociales et/ou économiques d'existence ne permettent pas d'en supporter les coûts financiers et/ou environnementaux, et enfin, la transformation de certaines maisons familiales en micro entreprises. Ainsi la rente foncière et la rente de localisation tout en convoitant les entrepreneurs font émerger d'autres espaces intermédiaires et périphériques où résident toutes les couches sociales en dehors des heures d'activité de production, de vente et d'achat de biens et services. Pourtant, distant des Centres, ces gens sont condamnés, quotidiennement, à se déplacer en leur direction, via différents modes de transport, particulièrement le transport en commun pour divers motifs. Tous y vont pour effectuer, simultanément, plusieurs activités car le regroupement des entreprises leur facilite la réalisation d'économies d'échelle.

S.Wachter parle de ville émergente pour désigner ce processus de mutations socio-spatiale et spatio-économique qui affecte les périphéries de l'AMP par des activités industrielles et commerciales dont les plus

caractéristiques selon l'IHSI sont réparties en huit branches :

les activités de fabrication (fabrication de produits alimentaires, de boissons et du tabac ; industries textiles et habillements ; fabrication de produits chimiques ; imprimerie édition- industries annexes ; autres activités de fabrication)

gaz et eau

construction

commerces, restaurants et hôtels

transports, postes et communications

intermédiations financières,

immobiliers, locations et services aux entreprises.

« Ces industries de la zone métropolitaine emploient un effectif de 33081 salariés repartis en 55% d'hommes et

45% de femmes avec un salaire moyen de 20 000 gourdes. Près de 90 % des emplois industriels sont des emplois d'ouvriers.(...)

«De plus l'industrie utilise un pourcentage non négligeable de main- d'oeuvre temporaire qui représente 3300 emplois environ »2(*)5. En somme elle permet à beaucoup plus de ménages dans l'AMP d'avoir un emploi quand on la compare à la fonction publique qui embauche pour l'ensemble du pays, 34671 personnes dont l'AMP à elle seule absorbe 16 026 soit 41% des employés.2(*)6

Tout compte fait, cette structure formelle embauche très peu de gens contrairement à la structure informelle qui dans presque toutes ses dimensions reste insaisissable.  `'La nature même de l'informel, selon J.M Hoerner, implique l'impossibilité structurelle de pouvoir sérieusement l'évaluer. On considère généralement qu'il représente au moins les deux tiers de l'économie des grandes villes du tiers monde.'' (1995,125)

A ce propos, les données disponibles pour Haïti font état pour l'année 1999 d'un effectif de 1432678 soit 51.4% dans l'emploi d'Haïti.2(*)7 L'auto emploi qui comptait pour 42.3 % des effectifs occupés selon l'EBCM de 1986-1987 devient la principale catégorie socioprofessionnelle en 1999-2000 (48.7 %), loin devant les catégories salariées prises séparément, et, en particulier, loin devant les employés et ouvriers (37.1 %). 2(*)8

A supposer que l'ensemble des activités informelles puisse être approximé par le travail à compte propre, indépendamment de toute considération sur le statut juridique et la taille des entreprises, cette extension de l'auto- emploi peut être interprétée comme la poursuite et l'approfondissement du processus de l'informalisation de l'emploi urbain.2(*)9

Au regard de ce processus évolutif des structures port-au-princiennes que sera, d'ici 15 ans, la demande de transport collectif des personnes dans l'AMP?

CHAPITRE VI.- LA DEMANDE DE TRANSPORT EN COMMUN A L'HORIZON 2018.

6.1.- Introduction

Ce titre évoque l'avenir de la demande de transport collectif des personnes dont la méthode d'appréhension la plus sûre, dans le cadre de notre étude, reste la prospective. Tout le cheminement démographique, urbain et économique de Port-au-Prince est alors considéré pour bâtir des scénarios et / ou choisir un modèle. `'Dans le vocabulaire de la prospective, souligne C. Souffrant, le mot scénario désigne une méthode d'analyse d'évolution d'une situation en fonction des données de base variant d'une époque à l'autre et sous certaines contraintes impossibles à modifier ou à éviter.'' (1995, 53).

Le modèle choisi, dans le cadre de notre démarche, est le modèle de prospective de la demande de transport, proposé par Y. Bussière, qui met en relation des projections de population avec des comportements de transport. Ce modèle a été appliqué à Montréal, plus particulièrement dans la région métropolitaine et à Marrakech une agglomération des PED en Afrique. Cela traduit déjà les nuances qui peuvent en découler en raison des différences de données. Le cas de Port-au-Prince nécessite bien des considérations, puisque, `' toute démarche prospective fait appel à des choix au niveau des hypothèses de base. `'3(*)0

A la lumière des hypothèses formulées (cf. p.4) nous allons observer et projeter des données démographiques tout en décrivant, d'abord, le modèle utilisé.

6.2.- Description du modèle

Il s'agit d'appliquer des comportements de transport à des populations futures à partir de projections démographiques. Ceux-ci sont schématisés en deux composantes : la mobilité, c'est-à-dire le nombre de déplacement par personne et le choix de mode.

On peut schématiser la relation entre démographie et comportement de transport à l'aide de deux relations :

1) Demande de transport = f (population, comportement de transport)

2) Comportement de transport = f (mobilité, choix de mode)

On obtient ainsi :

Demande de transport = f (population, mobilité, choix de mode)

Posons que :

D= Demande de transport (nombre de déplacement)

P = Population

PM = Population mobile

a = Groupe d'âge (varie de 1 à k)

m = Mode de transport

r = Région ou strate socio-économique

S = Sexe (1,2)

t = année

n = Période projetée (années)

Pour ce qui concerne notre étude :

a) m, le mode de transport reste invariable,

b) r, la région ou strate socio-économique est considérée pour la commune.

c) s, le sexe est négligeable

Les relations précédentes peuvent s'exprimer sous forme algébrique. Ainsi, la demande totale de transport d'un groupe d'âge « a » pour un mode de transport « m » au temps « t + n » est égal (dans le cas de comportements constants au temps « t ») à :

D = P x (1)

Par ailleurs, l'indice de mobilité générale (D/P) peut également être décomposé en deux volets : la proportion de mobile et la mobilité des mobiles. La mobilité pour un mode « m » au temps « t » est alors égale à :

= x (2)

C'est-à-dire le produit de la proportion de personnes mobiles et de la fréquence des déplacements des personnes mobiles, ou de la mobilité des mobiles (). Ces deux ratios peuvent, au besoin, être introduits dans le modèle et désagrégés par âge, sexe et mode. Ils peuvent servir également dans le cas de manque de données.3(*)1

Alors (1) et (2) deviennent :

D = P x

6.3.- Données démographiques observées et projetées
6.3.1.- Situation observée

Actuellement 2003 la population de l'AMP âge et sexe confondus est de 2.010.600 habitants. Cette population, selon les communes (villes) composant l'espace port-au-princien est répartie de la façon relatée au tableau 6.1. La structure par âge de cette population, si l'on respecte les données de l'EBCM 1999-2000, serait de 31.2% pour les moins de 15 ans, de 65.1% pour le groupe d'âge 15-64 ans et de 3.7% pour les 65 ans et plus. Toutefois, dans l'hypothèse que ces données macro soient aussi vraies pour chaque entité communale, elles sont distribuées à toutes les communes pour les besoins de notre démarche.

Tableau 6.1.- Répartition de la population de l'AMP suivant ses communes et grands groupes d'âge en nombre (année 2003)

Communes

Groupe d'âge

Port-au-Prince

Carrefour

Delmas

Pétion-Ville

Gressier

Kenscoff

0 - 14

359 257

126 102

107 602

30 823

1753

1700

15 - 64

749 604

263 115

224 663

64 313

3657

3548

65+

42 604

14 954

12 769

3656

208

202

Total

1 151 465

404 171

345 104

98 792

5618

5450

Source de données : IHSI

Comme on peut le constater, la proportion des moins de 15 ans est très élevée comparativement à celle des 65 ans et plus.

Le comportement de transport en commun pour l'année 2003 à appliquer sur les populations futures pour évaluer la demande future du transport en commun fait défaut. En conséquence, il revient de procéder par approximation tenant compte des données vieilles entre 16 et 12 ans tirées des études réalisées par Louis Berger International Inc. Pour le compte du Ministère des Travaux Publics Transport et Communication (MTPTC). En effet, selon ses études la demande de transport routier aurait connu entre 1975 et 1991 un taux de croissance annuelle de 8.4% pour l'ensemble du pays. L'AMP ou l'arrondissement de Port-au-Prince aurait été à l'origine de 64% de tous ces déplacements et presque la moitié du volume total de ses déplacements auraient été faites à l'intérieur de cet arrondissement.1(*) Il en ressort que Port-au-Prince entre 1975 et 1991 connut un flux de déplacement interne qui avoisinerait annuellement 57% du nombre total des déplacements du pays et que le transport en commun interne à Port-au-Prince aurait représenté, à lui seul, 62%. Un article paru dans Le nouvelliste du 4 Août 1997 sous le titre : Le plan directeur de la circulation de Port-au-Prince quel sort ? écrit ceci : « il y a chaque jour environ un million (1000 000) de déplacements motorisés qui entrent et sortent du Centre-ville dont 80% en transport collectif.

«  (...) selon les estimations grossières qu'on peut faire le nombre de déplacement pourrait être multiplié par un coefficient entre 2 à 3 dans les dix prochaines années. »2(*)

Si l'on considère ces différentes données on peut se rendre à l'évidence de l'ampleur de la mobilité au cours des dernières décennies dans l'AMP et du brusque changement qui serait intervenu en moins de dix ans. En effet, alors qu'entre 1975 et 1991(16 ans) la mobilité dans l'AMP connut une augmentation de 265.14% entre 1991-1997, au regard comparé des sources de données sus-mentionnées elle aurait atteint une augmentation de 2455 %.

Tableau 6. 2 .- Tendances de la croissance approximative des déplacements motorisés et part du TC en

nombre et % dans l'AMP (1975 - 2003).

Année

Dépl.*

(tout le pays

% dépl. induit

par l'AMP

Flux dépl. induit

par l'AMP

% dépl. interne

à l'AMP

Flux dépl. interne

dans l'AMP

Part du TC

%

Flux dépl. Du TC dans l'AMP

1975

6861244

64

4391196

57

3910909

62

2424763

1991

25 053274

64

16034095

57

14280366

62

8853827

1997

n.d* *

n.d

365000000

100

365000000

80

292000000

2003

n.d

n.d

547500000

100

547500000

80

437600000

Sources de données : les nombres résultent à partir des calculs d'un ensemble de données de l'IHSI, MTPTC, SCVC et Le nouvelliste

*Dépl : déplacement

** n.d : non disponible

En ce qui à trait à la population mobile de l'AMP, particulièrement celle du TC, faute de données, plusieurs considérations peuvent être faites. En revenant au tableau 1.1 (p. 3) le nombre de véhicules privés et Autres seraient d'une grande utilité. Par exemple, en négligeant la double motorisation des ménages et en tenant compte d'une constance dans l'augmentation annuelle des véhicules privés (7.9%) et Autres (6.48%) et en admettant que ceux qui sont des auto-passagers, ceux qui marchent, voyagent à bicyclette et à moto représenteraient 40% du nombre restant, on arrive à déterminer la population des captifs du TC pour l'année 2003.

Tableau 6. 3 .- Augmentation en % et en nombre des différents modes de transport et de la population mobile par approximation (année 2003)

Mode de transport

Augmentation en %

Nombre des différents modes

Population mobile

Voiture privée

7.9

56 607

56 607

Autres*

6.57

9 565

9 565

APBM**

40

n.d ***

777 771

Véhicule de TC

5.48

12 384

1 166 657

Source : Les données sont des résultats de calculs faits à partir de considérations de certaines données en provenance de MTPTC et du Service de Contrôle de la Circulation des Véhicules.

· Autres : Véhicules de transport des marchandises, des véhicules affectés à des Institutions etc.

** APBM : Auto-passager, Piéton, Bicyclette, Motocyclette.

*** n.d : non disponible

A partir de ces considérations, 1 166 657 personnes seraient des captifs du transport en commun pour l'année 2003 soit 58.02 % de la population totale. Suivant cette logique, il y aurait beaucoup plus de personnes à solliciter le service du système de transport en commun que le système serait en mesure à satisfaire leur besoin de mobilité quotidienne. Beaucoup de déplacements sont , dans ce contexte, éludés si l'on doit se fier à l'article du Nouvelliste. De ce fait, la mobilité mécanisée dans l'AMP par jour et par personne, via le système, serait de 1.04 déplacement pour l'année 2003.

Il faut s'attendre déjà à une hausse importante de la demande de transport et surtout du transport collectif en raison des conditions socio-économique des port-au-princiens. L'indice de dépendance démographique ou le rapport entre l'ensemble des jeunes de moins de 15 ans et des personnes âgées de 65 ans et plus d'une part et la population de 15-64 ans d'autre part est élevé pour l'ensemble du pays. Selon l'EBCM, 54 personnes, dans l'AMP sont à la charge de 100 personnes d'âge actif.3(*)

6.3.2.- Situation projetée

Les comportements de transport selon l'approche de notre étude sont réduits seulement au transport en commun. En ce sens, c'est bien la propension à exploiter le service offert par ce dernier, aux port-au-princiens, qui sera appliquée sur des données démographiques projetées jusqu'à 2018. le sexe, puisqu'il n'est pas considéré dans le document de référence inédit de l'IHSI et puisque aussi pour nous il s'agit d'une demande globale basée sur un comportement constant la ventilation par sexe est superflue. En effet, si l'on suppose les comportements de mobilité et de choix de mode constants, les projections qu'elles soient effectuées avec ou sans ventilation par sexe, seront identiques tant que le poids des hommes et des femmes seront identiques dans chacune des cohortes d'âge. (Y. Bussière et al, 1987, 358). Cependant, l'âge et l'espace, pour notre démarche sont d'une grande importance. Revenons à nos hypothèses de départ (cf. p.4). Deux scénarios sont alors envisageables :

? Scénario 1 (S1) : durant les périodes quinquennales (2003-2008), (2008-2013) et (2013-2018) les taux de croissance respectifs de la population de l'AMP sont ceux considérés par l'IHSI et qui sont dans l'ordre de 4% à la première période quinquennale, de 3.8% à la deuxième et, de 3.7% à la troisième. Ce scénario étant officiel frise la réalité démographique sans trop grand risque de biais.

? Scénario 2 (S2) : nous supposons, que Port-au-Prince dans les quinze (15) années à venir, d'abord, ait eu le temps de se doter d'équipements infrastructuraux très modernes, générateurs d'emplois et de revenus, qui renforcent sa centralisation au détriment des villes de province ; ensuite bénéficie des progrès de la science médicale sur le MST/ SIDA. Avec un tel scénario les taux de croissance pour les périodes (2003-2008), (2008-2013) et (2013-2018) peuvent être de l'ordre de 6% à la première, de 5% à la deuxième et de 4% à la troisième. Ainsi, la réalité démographique serait toute autre par rapport au scénario1. Cela amènera Port-au-Prince à un accroissement de population qui excèdera l'ordre des quatre millions (4 000 000) contrairement aux trois millions (3 000 000) du scénario1.

Ces scénarios simulent une situation de croissance forte dans un contexte d'évolution urbanistique désordonné de l'espace de Port-au-Prince.

Tableau 6. 4 .- Evolution de la population totale et des grands groupes d'âge de l'AMP selon les deux scénarios (en

nombre et en %) 2003-2018

Nombre

2003 2008 2013 2018

S1 2010600 2450911 2960047 3562427

S2 2010600 2671066 3434810 4338339

Population de 0-14

S1 627307 764684 923535 1111477

S2 627307 833373 1071661 1353563

Population de 15-64

S1 1308901 1595543 1926990 2319140

S2 1308901 1738864 2236061 2824258

Population de 65 et plus

S1 74392 90684 109522 131810

S2 74392 98829 127088 160518

Source de données : IHSI

Le tableau suivant (6.5) reprend les données du tableau 6.4 mais avec des nuances démographiques de certaines communes de l'AMP qui nous sont utiles pour dégager, spécifiquement, ce que pourraient représenter la population mobile de chaque groupe d'âge à travers ces communes et alors trouver la proportion de personne mobile pour chacune de ces communes-là.

Tableau 6. 5 .- Taux de croissance Projetés de la population de l'AMP par commune selon le scénario1 et poids en nombre de chaque groupe d'âge (2018)

Communes

Taux de croissance

2003-2018

Population

0-14 15-64 65+

Port-au-Prince

3.4

600761

1253511

71224

Carrefour

4

229758

479398

27247

Delmas

4

195366

407639

23168

Pétion-Ville

4.7

61822

128995

7332

Gressier

4.6

3446

7191

409

Kenscoff

5.6

3890

8115

461

Source de données : IHSI

6.5.- Simulation à l'horizon 2018.

La demande future de transport en commun, tout âge confondu, au regard du modèle défini :

D = P x sera comme indiquée au tableau 6.6

Tableau 6.6.- Evolution globale de la demande de TC suivant les deux scénarios (2008, 2013, 2018)

Année

Scénario 1

Scénario 2

2008

533 171 179

581 063 697

2013

643 691 821

746 933 782

2018

774 400 318

943 068 131

Source : les nombres résultent à partir des calculs d'un ensemble de données de l'IHSI, MTPTC, SCVC et Le nouvelliste

Globalement, à chaque croissance de la population de l'AMP les déplacements en transport en commun subissent une fluctuation en rapport à la population mobile qui ne cesse à son tour d'augmenter.

Tableau 6.7 ..- Croissance de la population mobile par rapport à la demande de TC et fréquence de déplacement (2003-2018)

Année

Population

Population mobile

Demande TC

D/PM (an)

D/PM (jour)

2003

2 010 600

1 166 657

437 600 000

375.08

1.04

2008

2 450 911

1 422 018

533 171 179

374.93

1.04

2013

2 960 047

1 717 419

643 691 821

374.80

1.04

2018

3 562 427

2 066 920

774 400 318

374.66

1.04

Source : les nombres résultent à partir des calculs d'un ensemble de données de l'IHSI, MTPTC,

SCVC et Le nouvelliste

Cette légère constance - observée entre 2008 à 2018 dans la fréquence annuelle de déplacement des captifs du TC si elle ne traduit pas, tout à fait la réalité - permet tout de même de constater une tendance à la réduction de la fréquence de déplacement par personne dans l'AMP pendant qu'on assiste à une croissance de la population mobile des captifs. L'effet de la distance lié à l'effet spatial que sous-tend l'expansion géographique de l'AMP en serait, peut-être, deux des éléments explicatifs. Une explication qui n'ira pas dans le sens d'une organisation de l'espace port-au-princien où la proximité des activités de service sera prédominante. Mais de préférence, elle est à rechercher d'abord dans l'insécurité du système de TC et dans le désordre urbanistique auxquels est assujettie l'AMP ; et ensuite dans l'absence d'une volonté des classes dominante et dirigeante de contribuer au changement structurel (socio-économique et environnemental du pays). Mis à part ce contexte, la motorisation des ménages et/ou des personnes est aussi à écarter. Elle ne peut pas non plus dans les quinze année à venir être responsable de la baisse de la fréquence de déplacement des captifs du TC pour la simple raison que les jeunes d'âge actifs sont pour la plupart des chômeurs et l'infime pourcentage de ceux qui ont un revenu ne peut pas se procurer une voiture vu le faible niveau de leur revenu. Or, en 2018, selon les projections, la population de l'AMP sera majoritairement une jeune population. Si dans les pays riches à partir de 20 ans, les jeunes ont une mobilité relativement élevée et sont en général de gros utilisateurs d'automobile à Port-au-Prince, la motorisation ne concerne qu'une minorité privilégiée et restera longtemps encore dans cette situation. Cependant, d'une commune à l'autre, selon l'ampleur de la motorisation des résidents et la proportion de personnes mobile les difficultés liées au déplacement peuvent être variables. A ce sujet, revenons au tableau 1.1 (p.3) où les voitures privées représenteraient 70.15% du parc automobile de l'AMP en 1996 soit 36454 véhicules dont les communes de Port-au-Prince absorbaient 73.16%, Pétion-Ville et Kenscoff 16. 22%, Carrefour et Gressier 3.9%, Delmas 6.4%. Avec une constance de 167.57% d'augmentation on arriverait en 2018 à 61 086 voitures privées qu'on suppose être reparties dans le même ordre. Donc, cela ne pourra en rien contribuer à la baisse des fréquences de déplacement annuel des captifs du TC dans l'AMP voire dans les communes.

Cependant comme les données du parc automobile en provenance du MTPTC et du Service de la Circulation et de Contrôle des véhicules ne sont pas distribuées par groupe d'âge mais le sont pour certaines communes on considère que de 0 à 14 ans, les déplacements motorisés sont dus à des motifs d'accompagnement. Ainsi 35% de ce groupe font partie de ceux-là qui dans toutes les communes sont soit des auto-passagers, des piétons etc. Ces 35% comme les propriétaires de voitures privées et ceux-là qui conduisent des voitures et/ou camions d'institutions privées/ publics et autres sont exclus du lot des captifs de transport en commun et en conséquence sont exclus de la population mobile des usagers de tap-tap. Cependant dans la commune de Port-au-Prince vu la proximité plus ou moins partagée entre les services et les résidences cette même catégorie représente 42.94%. Donc ces exclus de la population des captifs du transport en commun, qualifié par nous de APBM (Auto-passagers, Piéton, Byicyclette, Moto) sont beaucoup plus nombreux dans la commune de Port-au-Prince que dans les autres communes de l'AMP. Cela s'explique du fait que la commune de Port-au-Prince se confond avec le centre même des activités économiques dans l'AMP. Ceux-là qui y résident font un choix d'exploitation rationelle du temps qui est une ressource rare et une ressource économique propre selon M.Polèse. Ce n'est pas sans raison que cette commune soit, démographiquement la plus dense et la plus bidonvillisée en témoignent les tableaux 5.3 et 6.1 de notre essai.

Dans les groupes d'âge 15-64 ans et 65 + tous les modes sont inclus tenant compte des mêmes considérations au tableau 6. 3 (p. 20)

Tableau 6.8.- Population mobile approximative par grand groupe d'âge et par commune pour les différents modes de transport dans l'AMP (2018)

Mode de trans

Port-au-Prince

Pétion-Ville & Kenscoff

Carrefour&Gressier

Delmas

0 - 14 15 - 64 65+

0 - 14 15 - 64 65+

0 - 14 15 - 64 65+

0 - 14 15 - 64 65+

V.privée

 

43796

894

 

9710

198

 

2335

47

 

3831

78

Autres

 

7955

81

 

567

6

 

127

2

 

311

3

APBM

257966

538257

30583

22999

47988

2727

81621

170306

9679

68378

142673

8108

TC

342795

663503

39666

42713

89122

2931

151583

313821

17928

126988

260824

14979

Source : les nombres résultent à partir des calculs d'un ensemble de données de l'IHSI, MTPTC, SCVC et Le nouvelliste

La proportion des personnes mobile un des paramètres de la demande, au regard du tableau 6.8, ne serait pas la même dans toutes les communes et varierait à l'intérieur même des communes dépendamment du groupe d'âge.

Tableau 6.9.- Proportion des personnes mobiles du TC par commune et groupe d'âge (2018)

Groupe d'âge

Port-au-Prince

Pétion-ville & kenscoff

Carrefour & Gressier

Delmas

Pop. P. mobile PM/P

Pop. P.mobile PM/P

Pop. P.mobile PM/P

Pop P.mobile PM/P

0 - 14

342795

600761

1.75

65712

42713

.65

233204

151583

.65

195366

126988

.65

15 - 64

1253511

663503

.52

147387

89122

.60

486589

313821

.64

40769

260824

.63

65+

71224

39666

.55

5862

2931

.5

27756

17928

.64

231

14979

.64

Total

1669530

1303930

2.82

218961

134766

1.75

747449

483332

1.93

626173

40271

 

1.92

Source : les nombres résultent à partir des calculs d'un ensemble de données de l'IHSI, MTPTC, SCVC et Le nouvelliste

A souligner que la proportion des personnes mobiles aurait traduit la dépendance forte ou faible du groupe vis-à-vis des moyens de transport en commun. Ainsi, dans la commune de Port-au-Prince les captifs du transport en commun les plus dépendant appartiendraient au groupe d'âge (0 - 14 et 65+). Dans les communes de Pétion-Ville et kenscoff, les plus dépendant se retrouveraient dans les groupe d'âge(0-14 et 15-64), à Carrefour et Gressier dans le groupe d'âge (0-14) et à Delmas dans les groupes d'âge (0-14 et 65+).

La proportion des personnes mobiles n'est pas une variable de la fréquence mais elle fait varier la demande. Alors, le taux de la demande de mobilité, via le transport en commun serait beaucoup plus grand chez les groupe d'âge (0-14 et 65+) dans la commune de Port-au-Prince que chez le groupe (15-64) et, ainsi de suite selon l'ordre PM /P des communes susmentionnées. C'est peut être dans cet esprit que Y. Bussière a avancé : « une population croissante n'implique pas nécessairement une hausse de la demande de transport des personnes et inversement, une population décroissante n'entraîne pas automatiquement une baisse de la demande.» ? (Y.Bussière, 1990, 326)

De toute façon pour faciliter l'accès minimal aux Centres des Affaires de l'AMP, les planificateurs urbains doivent tenir compte d'un ensemble de paramètres dont l'espace de notre essai, en raison de ses limites, est incapable d'approfondir. Toutefois, cela ne peut nous empêcher de faire certaines recommandations.

CHAPITRE VII.- POUR LE DROIT AU TRANSPORT EN COMMUN DES PERSONNES.

7.1.- Introduction.

La distance à parcourir implique l'interaction spatiale manifeste par les déplacements des personnes ; déplacements qui ne sont pas toujours faciles en raison de plusieurs facteurs liés à la spontanéité et à la ségrégation de l'espace port-au-princien qui rendent difficile l'accès à presque tous les secteurs de la ville.

Tous les résidents de l'AMP sont victimes de cette situation. Mais ceux-là qui ne peuvent pas se procurer d'une automobile le sont encore davantage du fait de l'incommodité des moyens de TC, de la "tarification excessive", de la modification des itinéraires, et surtout du désordre urbanistique qui s'accentue au jour le jour. Ils sont nombreux voire majoritaires, car l'automobile est de l'apanage exclusif de gens à grand revenus. P. Merlin , citant Alfred Sauvy, a dénoncé le rôle de prestige social joué par l'automobile depuis longtemps. Elle est, dit-il, le mode privilégié des déplacements hors du centre et aux heures creuses. Alors, le confort, l'intimité et l'accès aux multiples possibilités de la ville ne sont réservés qu'à une minorité de privilégiés.(P.Merlin, 1992, )

Cette situation prévaudra longtemps encore. Cependant comment doivent réagir les pouvoirs publics pour assurer une bonne desserte aux captifs des moyens de TC de tous les secteurs de l'AMP ?

Une analyse succincte, des réalités évoquées eu égard à la théorie des lieux centraux et à la théorie des services publics, va nous permettre de dégager des possibilités qui seront profitables à tous les usagers du système de T.C de l'AMP.

7.2.- Le droit au transport en commun des port-au-princiens.

Le droit au transport fait appel à un ensemble de règles de conduite qui doivent régir les rapports d'une part, entre conducteurs et usagers de T.C, d'autre part, entre utilisateurs de la voirie mais aussi, elle renvoie, surtout, à la finalité du transport en commun qui consiste à offrir à tous ces usagers l'accessibilité minimale. Entendons par-là, une desserte de tous les quartiers de la ville, à des tarifs accessibles à toutes les couches de la société port-au-princienne.

Mais la structure urbaine de Port-au-Prince, dans ce contexte, ne s'y prête pas trop. Toute sa problématique condamne la majorité des port-au-princiens, quand ils ne résident pas dans le centre ou dans la zone intermédiaire, à effectuer de longues marches à pieds pour pouvoir atteindre l'une des lignes principales du TC. Cela traduit non seulement l'absence d'une bonne politique de transport mais aussi et surtout l'absence et / ou le non-respect des normes d'urbanisme. Le rôle de l'Etat haïtien, en ce sens, laisse à désirer. Car, il est de son ressort de concevoir la forme urbaine et de faire implanter et édifier des infrastructures pouvant donner corps à la ville. La tracé des rues, par exemple, quelque soit le patron routier adopté est l'une des démarches fondamentales qui peut témoigner de la volonté des pouvoirs publics à faciliter l'accès à la ville.

Or, depuis la fin des années cinquante le tracé des rues de l'AMP épouse la spontanéité des quartiers érigés par des lotisseurs informels en marge de toutes normes d'urbanisme. De Pétion-ville à Carrefour en passant par le Centre historique de l'AMP le bâti précède toujours le tracé. En conséquence, les voies de circulation deviennent le fruit de l'improvisation et sont presque souvent implantées au mauvais endroit avec des largeurs d'emprise nettement irrégulières. D'où « l'expression de rues corridors » évoquée en Haïti pour traduire dans ces quartiers-là les difficultés des conducteurs de véhicules motorisés. En effet il est souvent impossible à deux conducteurs arrivant en sens inverse à pouvoir circuler, aisément, dans ces rues. De ce fait l'entente ou la mésentente, entre les conducteurs, tient lieu de normes et de signalisation routière. Des corrections de cet état de chose sont nécessaires car `'la disposition du réseau routier (la trame des rues) détermine très largement la morphologie générale du tissu urbain, la localisation des activités ainsi que la rentabilité et l'efficacité des autres services et infrastructures.'' (P. Y. Goay, 1987, 162)

Selon la théorie des lieux centraux, eu égard à la demande de transport en commun qui dans 10 à 15 ans sera à la hausse, l'espace de Port-au-Prince devra s'organiser de sorte que, de la périphérie au centre en passant par la zone intermédiaire, les port-au-princiens puissent se déplacer sans trop grande difficulté. Mis à part la grandeur de la distance, le temps du trajet ne doit pas être pénible. Pour cela, les pouvoirs publics ont tout intérêt à faire respecter des normes d'urbanisme pour susciter un type d'aménagement qui, en matière de classification de l'espace, trouvera le juste équilibre entre le bâti, les fonctions urbaines et la circulation. `'La création de quartiers intégrant dans un même ensemble plusieurs fonctions urbaines, écrit P. Goay, permet de réduire les temps et les frais de déplacement ( ... ) et de rendre plus accessible la centralité urbaine.'' (1987, 143)

Il est évident que la population de l'AMP augmentera considérablement dans 15 ans. Avec sa forte densité d'occupation, l'AMP mérite d'être reconstruite ou du moins d'être retracée tout en surveillant la proximité des aires à haute densité et des voies de circulation importante. Ces aires doivent bénéficier d'un accès direct aux voies collectrices ou principales afin que la circulation qu'elles engendrent n'encombre pas les rues locales des aires à plus basse densité. L'intervention de l'Etat dans, ce sens, devra se rapprocher de la méthode d'Haussmann. En effet, il faudra à partir de l'existant modifier la structure urbaine en associant le plus étroitement possible les ensembles résidentiels au réseau du TC de l'AMP afin de desservir le mieux possible le plus grand nombre de personnes. Cela ne pourra pas être réalisé en l'absence d'une certaine forme de violence. Par contre, les coûts d'expropriation qu'entraînera une telle initiative seront moindres par rapport aux avantages que la société port-au-princienne tout entière en tirera. Les effets externes d'une telle initiative seront à la fois positives et négatives mais beaucoup plus positif. A ce sujet, L-N Tellier parle d'effet externe de répartition comme pour expliquer le bon côté, pour l'ensemble de la communauté, d'un ou de plusieurs changements qui ne sont aucunement associés à des changements dans la capacité de l'économie de répondre aux besoins des citoyens.

En conséquence il serait bon que l'intervention, des pouvoirs publics, soit faite sous l'égide du principe de l'amélioration potentielle de Pareto. Suivant ce dernier : `' Un projet contribue à s'approcher de l'optimum social s'il permet d'augmenter l'efficacité générale de l'économie tout en offrant la possibilité de dédommager ceux qui sont affectés par le projet à l'aide de contributions payées par ceux qui tirent profit du projet, ce qui implique qu'une fois ces contributions payées, ceux qui bénéficient du projet pourraient encore jouir d `une meilleure situation qu'auparavant.'' (L-N Tellier, 1994, 169)

L'approche parétienne, à notre avis est correcte et peut renforcer la démarche haussmanniene, avec bien entendu une certaine nuance, car L-N Tellier dans le même paragraphe souligne : `' Le critère de l'amélioration potentielle n'exige aucunement que les transferts soient effectués réellement ; il exige uniquement que ces transferts soient possibles. `' (idem)

L'accès au centre, via le transport en commun, doit s'inscrire dans la catégorie des projets qui pourront contribuer à l'optimum social. Tous les enjeux relatifs au transport dans l'ambiance port-au-princienne peuvent garantir cet optimum, il suffit que les pouvoirs publics s'y engagent :

sur le plan humain, les inégalités face au transport sont patentes. Seulement 17.20% du parc des véhicules de l'AMP étaient consacrés aux véhicules publics contre 70.15% de véhicules privés. Or ce pourcentage de véhicules privés ne représentait qu'un effectif de 36454 véhicules pour une population de 1498686 habitants de l'AMP en 1996. Déjà en 1977, l'Etude nationale des transports, réalisée par Louis Berger International pour le compte du MTPTC, prévoyait que le nombre de propriétaires de véhicules dans la capitale, à partir de 1991, devant croître moins vite que dans les autres régions du pays. Cela impliquera, d'abord, des taux de pourcentage moindre de disponibilité complète d'une automobile et de ménage motorisé (captivité relative) et, ensuite, l'augmentation du taux de ménage non motorisé (captivité absolue) et d'exclus (ceux n'ayant pas d'accessibilité minimale). Les captifs du TC, en conséquence, seront en très grande quantité dans l'AMP.

sur le plan économique l'utilisation de l'automobile est trois à quatre fois plus coûteuse en énergie que celle des transports en commun.

sur le plan environnemental le coût social des nuisances (bruit et pollution de l'air) est au moins dix fois (bruit), voire vingt fois (pollution de l'air) plus faible pour les transports en commun que pour l'automobile.

sur le plan spatial l'automobile consomme au moins quinze fois plus (migrations alternantes) ou sept fois plus (déplacements pour d'autres motifs) d'espace que les transports en commun.

Le rôle régulateur de l'Etat doit pouvoir garantir l'optimum social du service public de transport en commun qui, sur les plans économique, environnemental, spatial, est d'un grand intérêt pour l'espace port-au-princien mais qui surtout satisfait un droit au transport aux foyers non motorisés et plus généralement à toutes les personnes ne pouvant jouir le privilège offert par un véhicule individuel (à l'instant où elles ont besoin de se déplacer). `'Les pouvoirs publics, écrit Jacqueline Marchand, « détenteurs du pouvoir de coercition, semblent même seuls capables d'imposer les solutions collectives les plus efficaces pour transformer des équilibres non satisfaisants, agir sur les comportements d'acteurs privés, répondre à des demandes non satisfaites, et ainsi, modifier l `allocation des biens, la redistribution des revenus et réguler l'activité.`' (1999, 20)

En effet dans une synthèse de leurs fonctions (affectation, redistribution et stabilisation) les pouvoirs publics pourront participer à l'efficacité économique de la production du service public des transports à Port-au-Prince.

Vu l'incapacité du marché de transport à satisfaire convenablement les déplacements des port-au-princiens, les pouvoirs publics, dotés des attributs budgétaires et fiscaux, pourront suppléer les carences et les défaillances de ce marché en intervenant au niveau de l'offre de TC par un mode d'affectation ou d'allocation des ressources.

Les plus nécessiteux ou en d'autres termes les captifs absolus du TC se sentiront, alors, assistés ou protégés par l'Etat providence qui est acteur et partenaire des politiques d'assistance sociale et des opérations de sécurité qui échappent en grande partie au marché.

Les mécanismes spontanés du marché du transport en commun à Port-au-Prince méritent, en effet, d'être améliorés. En raison de leur fonction de stabilisation ou de régulation les pouvoirs publics ne pourront pas laisser évoluer l'offre de TC dans la situation actuelle.

L'instrument de justice sociale que représente la fiscalité garantit toutes les marges de manoeuvre de l'Etat et son efficacité.

A ce niveau intervient la question des finances publiques. C'est de là que peut venir l'instrument de justice social que représente la fiscalité (outil de redistribution des revenus et / ou des patrimoines). Cependant, les pouvoirs publics s'en serviront tout en tenant compte du dilemme efficacité équité. C'est-à-dire, ils procèderont à partager l'impôt soit en suivant la conception de l'équivalence, (au prorata des bénéfices ou des coûts), soit en fonction des capacités contributives, donc des revenus et / ou des patrimoines.

L'efficacité économique, écrivent G. Gilbert et A. Guengant implique de rattacher les paiements aux avantages de consommations collectives retirés ou aux coûts induits par les usagers. Dans cette perspective, la tarification (ou plus exactement la souscription) constitue le mode de financement le plus performant. " (1998, 22-23)

A Port-au-Prince l'intervention des pouvoirs publics, en matière de TC, accepte cette logique, sans, pourtant, la faire respecter. Les usagers du TC paient un service dont la production est de très mauvaise qualité et dont le tarif fixé par les pouvoirs publics n'est pas respecté. Nous avons, déjà, évoqué `'le surplus du consommateur''comme pour expliquer le côté inique dont sont victimes, particulièrement, les captifs du TC dans l'AMP et, comme, aussi, pour dégager le paradoxe de ce qu'ils n'auraient pas dû consentir sur un marché conccurrentiel à l'instar de celui du TC dans l'AMP. Cependant, il est évident que les pouvoirs publics n'ont rien fait pour l'organiser, c'est un système abandonné à lui-même. Dans ce contexte les règles de fonctionnement du système dépendent des caprices du conducteur et le tarif ne fait pas exception à la règle. L'accessibilité minimale devient un casse-tête. Captifs et non-captifs du TC jouissent des avantages qui sont sous-payés et/ou qu'ils payent exagérément si on reste dans la logique du surplus du consommateur. Il y a un manque à gagner pour toutes les collectivités du fait que les pouvoirs publics de l'AMP n'ont pas su concilier efficacité et équité dans la gestion du TC en laissant, aux mains des conducteurs et propriétaires de tap-tap, un ensemble de décisions vitales au bon fonctionnement du système.

La logique de l'optimum social doit inspirer les pouvoirs publics de l'AMP quant aux décisions à adopter en faveur de la collectivité. Aux dire de G. Gilbert et A. Guengant, ils doivent savoir que `'les transports collectifs urbains procurent de l'utilité à la fois directement aux voyageurs, sous la forme d'un service de déplacement mais également indirectement aux automobilistes, en réduisant la circulation des véhicules individuels, donc la congestion du trafic et la pollution. Or l'usager des Transports collectifs n'acceptera pas de payer le service rendu au-delà du bien-être personnel retiré du déplacement et donc de financer volontairement les économies, dites externes, créées au profit des non-utilisateurs. Un financement fiscal complémentaire devra par conséquent être institué pour répartir les charges effectivement au prorata des services rendus conformément aux règles de l'efficacité économique; même si la tâche s'avère dans la pratique délicate faute de pouvoir toujours évaluer avec précision le partage des avantages personnels et collectifs. `' (1998, 23)

Donc le transport collectif à Port-au-Prince doit être repensé et pris en charge par les pouvoirs publics. Ils peuvent ne pas vouloir ou n'avoir pas la capacité financière de s'impliquer entièrement dans le financement et la gestion du système. Mais ils doivent pouvoir mobiliser les financements privés pour alléger la charge imposée aux finances publiques et, plus encore, pour favoriser un partage des risques, renforcer les mécanismes de responsabilité et de suivi et améliorer la gestion dans la fourniture du service. Un cadre de partenariat, alors, se dessine et s'impose. Mais, quelle forme doit-il revêtir ?

7. 3.- Partenariat pour le droit au transport en commun des port-au-princiens

Le transport collectif urbain est classé dans la catégorie des services publics urbains avec externalités. Le mode de financement approprié résulte de la combinaison de tarifs et d'impôt (tarifs subventionnés) selon l'importance des externalités. Partout, où les pouvoirs publics subventionnent le transport en commun deux motifs sont visés :

favoriser son utilisation à la place des modes individuels de transport (automobile, motocyclettes, etc.) plus souples, plus rapides et souvent plus confortables mais qui créent de la congestion et de la pollution ;

le rendre accessible aux usagers les plus pauvres qui ne disposent pas d'autres moyens de déplacement.

Donc les tarifs relèvent des fonctions de l'Etat particulièrement de sa fonction de redistribution qui vise l'équité sociale. Car, partout ailleurs, la tarification est décisive à partir de la capacité de payer relativement faible des usagers. Elever le niveau de financement par une hausse du tarif pénaliserait directement les usagers les plus pauvres. On comprend alors pourquoi les tarifs ne permettent pas de récupérer les coûts d'investissements et, dans certains cas les coûts d'exploitation surtout dans l'AMP où les conditions d'insalubrité, jointes aux inconvénients infrastructuraux de la chaussée (problèmes d'urbanismes), hativent l'épuisement mécanique de tout véhicule motorisé. Une telle situation ne fait qu'attiser la méfiance de l'investisseur privé.

Pourtant, il est prouvé que les captifs du TC sont prêts à payer beaucoup plus, soit pour gagner du temps, soit pour voyager confortablement. Le coût d'option en ce sens est très fort. Il serait, alors, opportun que les pouvoirs publics exploitent cet esprit de surplus du consommateur pour favoriser une meilleure mobilité des port-au-princiens en l'insérant dans un type de partenariat qui pourra réunir le public et le privé (PPP).

La Banque Mondiale, à ce sujet, a défini cinq (5) types de partenariats (la sous-traitance, la concession d'exploitation, le leasing , la construction-exploitation-transfert et la privatisation) dont le type de partenariat approprié à notre démarche est : la concession d'exploitation (Contrat par lequel une entreprise privée prend la responsabilité de financer l'acquisition d'équipements, de gérer l'exploitation et de collecter les recettes. Selon le cas, l'entreprise privée verse une redevance à la municipalité ou reçoit une subvention)

Evidemment notre choix tient compte du mode de propriété des moyens de TC qui est à caractère privé mais atomisée. Les pouvoirs publics doivent intervenir dans le sens de favoriser une transformation de la propriété privée atomisée en propriété privée collective ou associative. Voilà pourquoi aussi, parmi les quatre options stratégiques (ABCD) définies par la Banque Mondiale pour faciliter une bonne coopération entre les différents partenaires nous proposons l'option `'C'' qui prévoit : la propriété privée et l'exploitation privée et dont les conditions d'exploitation exigent :

la restructuration éventuelle des secteurs concernés en fonction des impératifs de la concurrence,

l'élimination des entraves matérielles et juridiques à la privatisation ( par exemple, élimination des restrictions d'accès au crédit et des systèmes d'allocation de devises),

la mise en place d'une réglementation visant à sauvegarder l'intérêt public lorsque la discipline imposée par les lois de la concurrence n'est pas suffisante et à garantir au besoin l'accès aux réseaux des entreprises privées nouvellement implantées dans le secteur.

Dans ce contexte, nous proposons aussi aux pouvoirs publics de mettre en oeuvre une politique qui viserait à inciter l'investissement de capitaux privés (autochtones et/ou étrangers) dans les infrastructures de transport. Bien entendu, il faut qu'ils soient capable de prouver aux investisseurs, à partir des critères d'analyses qui reflètent le potentiel plus ou moins grand de gestion d'un service public sur une base commerciale, la possibilité qui leur est offerte de participer à la fourniture des services d'infrastructure comme le transport collectif. La Banque Mondiale a établi cinq (5) critères caractéristiques qui déterminent la commercialisabilité des activités d'un secteur d'infrastructure. La moyenne des notations portées à chaque caractéristique correspond à l'indice de commercialisabilité variable de 1 (très peu commercialisable) à 3 (très commercialisable). Pour le TC le tableau 7.1 illustre ce que pourrait être l'indice de commercialisabilité au regard des cinq critères.

Tableau 7.1.- La cote de l'indice de commercialisabilité du service offert par les tap-tap* de l'AMP.

Type de service

Potentiel

de concurrence

Caractéristiques du service

Potentiel de recouvrement des coûts par la tarification

Obligations de service public (souci d'équité)

Externalités environnementales

Indice de commercialisabité

Tap-Tap*

Elevé

Collective

Elevé

Beaucoup

Moyennes

2.4

Source : Banque Mondiale (1994), Rapport sur le développement dans le monde.(une infrastructure pour le développement)

*Tap-Tap : Terme générique désignant des moyens de TC routier dans l'AMP

L'indice de commercialisablité à valeur 2.4 dégage la possibilité de participation du secteur privé à la fourniture des services d'infrastructure du transport en commun (tap-tap)dans l'AMP. Pour assurer l'efficacité des services d'infrastructure, la Banque Mondiale pense que : `'Lorsque les conditions de l'activité économique sont incertaines ou en pleine mutation(ce qui est le cas dans les économies à faible revenu et dans les économies de transition), il peut être plus facile d'inciter les entreprises privées à s'implanter dans les secteurs d'infrastructure en leur proposant des arrangements contractuels - d'une part, parce que les clauses des contrats peuvent être spécifiées par avance et, d'autre part, parce que la formule n'implique aucun transfert de propriété. Cette formule limite aussi le volume des capitaux privés exposés.''(1994, 124)

CONCLUSION.

Le transport en commun à Port-au-Prince dans l'état actuel des choses exige une remise en question systématique de l'urbanisation et de l'urbanisme de cette ville. De ce fait, les pouvoirs publics doivent chercher à établir à moyen et long terme une certaine cohérence entre le spatial, le social, l'économique et la mobilité. Ceci dit, planifier le TC passe par la planification de la forme urbaine pour pouvoir assurer l'accessibilité minimale.

Dans ce contexte, la distance entre les zones résidentielles et de services doit être calculée en fonction du temps à parcourir à pieds et/ou au moyen de véhicules motorisés. L'espace port-au-princien, peut-on se dire, est saturé au point qu'il ne laisse pas de marge à ce type de calcul. Mais, les pouvoirs publics ne peuvent pas continuer à assister à l'évolution désordonnée de l'espace dans le sens de la bidonvillisation. L'impact d'une pareille situation sur le TC est négatif. L'indicateur de base est sans conteste l'insalubrité de cette ville qui renforce, au moindre averse, la paralysie totale de la circulation. Deux (2) à trois (3) heures de trajet et parfois plus en véhicules motorisés pour une distance qu'on aurait dû franchir, même à pieds, dans une durée moindre. Les captifs du TC en sont les principales victimes. Ils sont pénalisés, non seulement, par l'incommodité des moyens de TC mais aussi, ils paient, parfois, un tarif trois (3) à quatre (4) fois plus que celui "légalement proposé". Cela peut être interprété comme le surplus du consommateur ou le maximum qu'ils seraient prêts à payer, perfas et nefas, pour arriver à destination.

Voilà qui traduit l'absence quasi totale du droit au transport des port-au-princiens. Cet état de non justice sociale est appelé à perdurer si les pouvoirs publics n'agissent pas vite et avec efficacité. Car, la population de l'AMP, non seulement, augmente mais restera jeune pendant des decennies. Or avec le bas revenu per capita l'automobile pendant longtemps encore sera de l'apanage exclusif d'une infime minorité. Cela implique que la tendance à la demande deTC sera à la hausse.

En conséquence, les pouvoirs publics ont tout intérêt à agir dans le sens de l'optimum social. Leur cadre d'intervention peut s'adapter aux conditions de l'efficacité des services d'infrastructures définis par la Banque Mondiale. La concession d'exploitation, dans ce contexte, est le type de partenariat approprié au regard de l'option stratégique : la propriété privée et l'exploitation privée.

Alors, pour une nette efficacité du système, il faut dès à présent, à partir d'enquête, auprès des transporteurs et des ménages, obtenir des informations quant à l'offre et la demande pour une analyse de la mobilité et du `'choix modal''. Le comportement du transport, ainsi obtenu, servira de modèle à être projeté sur des données exogènes au transport à savoir : l'évolution démographique, économique et l'étalement de l'AMP. A ce niveau s'impose toute une démarche prospective sur l'évolution probable des comportements en guise de prévisions de la mobilité globale, de la distribution géographique des déplacements, de la répartition horaire, de la répartition par itinéraire. Cette démache suppose être globale et itérative et se traduira par la fixation des paramètres, des modèles mathématiques, en vue de leur application aux prévisions exogènes.

Voilà comment on peut arriver à connaître sinon planifier, la demande future qui exigiblement fera appel à des réseaux de transport optimaux. Ces derniers seront déterminés `'par comparaison de la demande prévue à l'offre actuelle puis par une évaluation des gains de coût généralisé et des accessibilités, l'étude de la rentabilité des infrastructures nouvelles ainsi envisagées, la préparation d'une décision de réalisation(ou non) et d'un échelonnement dans le temps des investissements.''(cf. Dictionnaire de l'urbanisme et de l'aménagement)

On ne saurait prévoir ou planifier tout cela sans envisager des études d'impact de façon à pouvoir limiter les dégâts pour les générations futures.

Tout cela constitue la démarche à suivre pour que dans dix (10) à quinze (15) ans, les pouvoirs publics ne soient pas pris au dépourvu par une demande de mobilité excessive occasionnée par des facteurs exogènes et qui pourraient, éventuellement, inciter certaines personnes à éluder des déplacements, qu'elles auraient souhaité effectuer, faute de moyen de transport commode, faute des difficultés de la circulation et faute d'argent suffisant pour payer les frais de transport.

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37) Textes de cours.

A- il embrasse le Blvd Jn-Jacques Dessalines à partir de Portail Léogane Côté Nord et fini au Carrefour de l'Aviation côté Sud. A partir de ces deux extrémités, ce centre des affaires s'étend à l'Ouest sur le Blvd Harry Truman, le Blvd La Saline qui rencontre le Blvd Jn Jacques Dessalines au Sud, longeant la route de Delmas jusqu'à Delmas 2, franchit la rue St-Martin, la zone du Belair, la rue Lamarre, l'Avenue Magloire Ambroise, la rue Nicolas, l'Avenue Monseigneur Guilloux, la rue Oswald Durand pour se refermer sur le Blvd Jn Jacques Dessalines (Portail Léogane). C'est aussi dans ce centre qu'on retrouve les marchés publics aux rayonnements national et régional (croix-des-bossales, vallière ou en fer, Hyppolite, tête boeuf et marché Salomon),

B- . Il commence au Blvd Jn-J. Dessalines côté sud, particulièrement au carrefour de l'aviation longeant à l'ouest la route de Delmas jusqu'à Delmas 31 se dirigeant au Nord-Est sur la route nationale 1 jusqu'au niveau de poste cazeau, bifurque vers la route de l'Aéoport et se referme sur la route de Delmas carrefour de l'Aéoport,

C- le troisième occupe les quartiers de Pacot, Turgeau, Bas Peu de Chose, autrefois de `'renommée bourgeoise'', il y a plus d'un demi-siècle. Il regroupe en particulier des activités de services relatifs à l'enseignement primaire, secondaire, universitaire et autres.

* 1 IHSI, EBCM 1999-2000 (population, ménages et emploi), Port-au-Prince, Nov 2000, Vol.I. P.

* 2 MTPTC, Etude Nationale des Transports, Rapport définitif (Le secteur des transports en Haïti), Louis Berger International inc, Août 1977, Tome II.

* 3 ibid tome 3

* 4 Nom donné à un moyen de transport en commun dans l'AMP (Cf. T. Direny, Le tap-tap bwafouye face à l'urbanisation de Port-au-Prince, Mémoire de licence, UEH, Faculté d'ethnologie, Novembre 1999)

* 5 Transter et Transvert furent deux compagnies éphémères de TC disparues avec les coopératives 15% le mois

* 6 Coordination des Unités Techniques de Planification et de Programmation (MTPTC), Diagnostic sectoriel, Janvier 1999.

* 7 IHSI, EBCM 1999-2000, Revenus, dépenses et consommation des ménages, Janvier 2001, Vol. II

* 8 R. Ghiglione et B. Matalon, Les enquêtes sociologiques (Théories et pratiques), Armand colin, Paris 1978, P.11

* 9 M. Polèse, Economie urbaine et régionale (Logique spatiale des mutations économiques), Economica, Paris, 1994. P.39

* 10 ibid P.40

* 11 F. Ascher et J.Giard, Demain la ville (Urbanisme et politique), Ed. Sociales, Paris, 1975, PP. 25, 100

* 12 idem

* 13 M. Polèse, ibid P.50

* 14 J.P. Durand et R. weil, Sociologie contemporaine, Vigot, Paris, 1978, P.226

* 15 P. Merlin et F. Choay, Dictionnaire de l'urbanisme et de l'aménagement, PUF, Paris, 1996. P.243

* 16 IHSI, Tendances et perspectives de la Population d'Haïti au niveau régional (département, arrondissement et commune 1970-2005), Port-au-Prince, 1992. P.27

* 17 IHSI, Haïti : Projection de la population totale par arrondissement et par commune, Port-au-Prince, 1997

* 18 IHSI, EBCM 1999-2000 (Population, ménages et emploi), Port-au-Prince, Novembre 2000.Vol. I

* 19 IHSI, op cit

* 20 ibid

* 21 IHSI, EBCM 1999-2000 (Revenus, dépenses et consommation des ménages), Port-au-Prince, Janvier 2001, Vol. II, P. 27

* 22 Système des Nations Unies en Haïti, Haïti bilan commun de pays, Imp. Henri Deschamps, Port-au-Prince, décembre 2000, P.39

* 23 S. Wachter, Economie politique de la ville (les politiques territoriales en question). L'Harmattan, Paris, 1998, P.55

* 24 C'est ce que nous a révélé une enquête auprès du Service des Impôts de la DGI et de 15 études notariales de l'AMP.

* 25 IHSI, Enquête industrielle de 1999 (Résultats définitifs), Port-au-Prince, Septembre 2000. P.3

* 26 IHSI, Recueil de statistiques sociales, Port-au-Prince, Août 2000. P. 39

* 27 Système des Nations Unies en Haïti, op. cit. P.3

* 28 IHSI, EBCM 1999-2000, Novembre 2000, op cit

* 29 ibid

* 30 M. Godet, Crise de la prévision essor de la prospective (exemples et méthodes), PUF, Paris, 1977. P.51

* 31 Le modèle est inspiré de Y. Bussière et est tiré de l'ouvrage : L'Urbanisation des pays en développement, sous la direction de M. Polèse et J. M. Wolfe avec la collaboration de Sylvain Lefèbre, Editions Economica, Paris 1995, pages 355 -357.

* 1

* 2 E. André, Le nouvelliste, 4 août 1997, p.10

* 3 IHSI, EBCM 1999-2000, vol. I, p. 53






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