WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Agriculture et croissance économique au Cameroun

( Télécharger le fichier original )
par Hervé BELLA
Institut Sous-régional de Statistique et d'Economie Appliquée (ISSEA) - Ingénieur d'Application de la Statistique 2009
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

1.2 Agriculture au service du reste de l'économie

L'élément central des modèles de développement expliquant le rôle de l'agriculture sur la croissance est la notion de surplus, généré dans le secteur agricole. À cet effet, les physiocrates reconnaissaient que l'importance d'un surplus agricole était essentiel pour la bonne santé des finances publiques et le niveau de l'activité économique.

Trois préoccupations majeures ressortent de la littérature sur le rôle de l'agriculture dans la croissance et le développement économique7(*) :

· les déterminants de la génération d'un surplus dans le secteur agricole à travers des gains de productivité dus à l'investissement et aux innovations ;

· les différents mécanismes de transfert de ce surplus ;

· l'utilisation de ce surplus pour réaliser le développement industriel via les investissements publics, lorsque ce surplus est transféré par les taxes.

Avant 1950, de nombreux auteurs affirmaient que la croissance du secteur agricole a précédé ou peut être causé la révolution industrielle. En 1767, à l'aube de la révolution industrielle, J. S. MILL affirmait que la productivité de l'agriculteur limite la taille du secteur industriel. Les historiens de la révolution industrielle ont noté la récurrence d'une certaine logique par laquelle la révolution agricole a précédé la révolution industrielle par un décalage de cinquante à soixante années.

Mais à partir de 1950, les économistes considéraient de plus en plus le secteur agricole comme un secteur retardé dans l'économie, générateur d'un surplus de main d'oeuvre tel que l'a formalisé LEWIS (1955). L'intérêt était porté sur la croissance résultant dans le secteur non agricole. Le secteur agricole devait fournir à ce dernier les éléments nécessaires à son expansion.

En s'inscrivant dans cette logique, l'économiste KUZNETS (1964) distingue quatre voies par lesquelles l'agriculture concourt au développement économique8(*) :

· Les produits

Le secteur agricole fournit la nourriture permettant d'alimenter les travailleurs des autres secteurs. Il fournit également à l'industrie les matières premières. Un secteur agricole productif fournira des produits bon marché, d'où une amélioration du niveau de rémunération réel et donc une possibilité d'accumulation pour les autres secteurs. De plus, l'augmentation de la production agricole a un effet sur la croissance du Produit Intérieur Brut (PIB).

· Le marché

Le secteur agricole peut constituer une demande de biens industriels et de services. Une amélioration de la productivité dans ce secteur devrait permettre l'amélioration des revenus du monde paysan et par conséquent l'accroissement de leur consommation. Le secteur agricole peut ainsi faciliter l'émergence de nouvelles débouchées pour les industries.

· Les devises

L'exportation de produits agricoles est une source de devises pour l'économie. Dans un contexte où l'activité agricole est importante, ces devises peuvent servir à l'importation des machines et matières premières dont a besoin l'industrie pour se développer. D'un autre côté, l'agriculture peut permettre l'économie de devises en produisant des denrées qui étaient autrefois importées.

· Facteurs de production

L'agriculture fournit aux autres secteurs le surplus de main d'oeuvre dont elle dispose.

Ces analyses de KUZNETS se retrouvent dans différents travaux des économistes du développement d'alors. L'accent était mis sur le développement industriel, car lui seul était à même de fournir des conditions d'un véritable développement économique. Cette fascination pour la modernisation leur a fait avoir une « doctrine de primauté de l'industrialisation sur le développement agricole, qui a sapé du même coup les possibilités de contribution de l'agriculture au développement global »9(*). A. KRUEGER10(*) a résumé ces premières théories du développement comme composées de plusieurs fils directeurs :

· le désir et la volonté de «modernisation»;

· l'interprétation de l'industrialisation comme la voie de la modernisation;

· la conviction qu'une politique de «substitution des importations» était nécessaire à la protection des industries «naissantes»;

· la méfiance à l'égard du secteur privé et du marché et la conviction que le gouvernement, en sa qualité de tuteur paternaliste et bienveillant, devrait prendre la direction du développement;

· la méfiance vis-à-vis de l'économie internationale et le manque de confiance dans les possibilités de développement des exportations des pays en développement.

Nous présentons ci-dessous en détail les implications d'un développement du secteur agricole sur des pans particuliers de la réalité économique selon les économistes du développement de la première génération.

1.2.1 Agriculture, offre de produits alimentaires et croissance de la population

L'agriculture subvient au besoin le plus important de l'homme : l'alimentation. En effet, bien que tous les produits alimentaires ne soient pas agricoles, il existe tout de même un lien très étroit entre produits alimentaires et produits agricoles.

La ration alimentaire d'un individu est un indicateur direct de son bien être, et elle peut expliquer de façon indirecte ses aptitudes et capacités au travail. La théorie du capital humain développée entre autres par SCHULTZ et BECKER présente la composante santé de l'individu comme un élément contribuant à augmenter sa productivité. Cet état de santé est largement tributaire de nombreux éléments dont la qualité des aliments consommés par l'individu. MELLOR (1970) note l'effet que peut avoir une situation de malnutrition sur la productivité des travailleurs. La malnutrition qu'il faut distinguer de la faim entraîne des déficiences, ce qui élève le taux de morbidité et diminue la résistance aux parasites.

Une offre de produits alimentaires en qualité et en quantité en provenance du secteur agricole, couplé de politiques de redistribution, augmente les chances d'avoir des travailleurs en bon état de santé et donc plus productifs. Certes, l'offre de produits alimentaires peut provenir des importations, sans que le secteur agricole n'y contribue énormément. Mais dans les premières phases du développement, les économies manquent d'assez de ressources financières ; le secteur agricole doit ainsi produire abondamment pour permettre l'économie de devises qui pourraient être affectées à d'autres investissements. De plus, GILLIS M. et autres11(*) soulignent l'importance que pourrait recouvrir la notion d'autosuffisance alimentaire pour une économie. Ils attirent l'attention sur le danger pour la santé économique, que représente la dépendance à l'égard des importations alimentaires. L'alimentation tend de plus en plus à devenir un bien stratégique, quasiment du même ordre que l'armement. Ainsi, un pays dépendant des autres pour sa nourriture pourrait subir des pressions de différents ordres par ces derniers. De plus, la croissance démographique faisant fondre les excédents alimentaires mondiaux, les pays fortement importateurs des produits alimentaires feraient par conséquent face à des prix élevés pour satisfaire leur demande. Et plus récemment, avec le développement des biocarburants, de vastes superficies cultivables sont utilisées à cet effet, au détriment des produits agricoles destinés à la consommation alimentaire. Dans le même ordre d'idées, l'explosion des classes moyennes dans les économies chinoises et indiennes s'est faite avec une augmentation de la demande alimentaire en terme qualitatif. Le besoin de consommer de la viande et des produits dérivés est allé croissant. Pour des pays d'Asie de l'est à l'exemple de la Thaïlande, grand producteur de riz, il devenait plus rentable de cultiver pour nourrir le bétail. La hausse des prix du riz dans les pays d'Afrique subsaharienne, importateurs nets de ce produit, et plus généralement la crise alimentaire sont des conséquences de ce changement de conjoncture mondiale.

Une augmentation de l'offre de produits alimentaires est aussi nécessaire pour faire face à la croissance démographique. L'accroissement de la population est sans aucun doute le mieux connu de tous les problèmes du développement économique12(*). Il constitue l'argument le plus souvent avancé en faveur de l'augmentation de la production agricole. En plus de l'accroissement de la population en terme quantitatif, un accroissement des besoins de la population est souvent observé au fur et à mesure que s'installe le développement économique. Les besoins alimentaires vont croissants. La production se doit d'évoluer à un rythme au moins égal. À défaut, des risques de survenance d'une crise alimentaire se font plus grands. L'offre de produits alimentaires émanant du secteur agricole a ainsi un rôle pour contribuer à assurer la sécurité alimentaire.

* 7 WINTERS P., DE JANVRY A., SADOULET E., STAMOULIS K. (1997), The role of agriculture in economic development: visible and invisible surplus transfers, p. 2

* 8 BRASSEUL J., Introduction à l'économie du développement, Armand Colin, Paris, 1989.

* 9 NORTON R. D., Politiques de développement agricole: concepts et expériences, p. 3

* 10 Anne O. Krueger, Policy Lessons from Development Experience since the Second World War, dans: Jere Behrman et T. N. Srinivasan, éd., Handbook of Development Economics, vol. IIIB, North-Holland Publishing Company, Amsterdam, 1995, p. 2501. cité par NORTON (2005), p. 4

* 11 GILLIS M., PERKINS D. H., ROEMER M., SNODGRASS D. R., Économie du développement, 2e édition, Nouveaux Horizons, Bruxelles, 1998, p. 553.

* 12 MELLOR (1970), p. 37

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite