WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La problématique de la rénovation des sciences sociales africaines;lecture et reprise de la théorie searlienne de la construction de la réalité sociale

( Télécharger le fichier original )
par Barnabé Milala Lungala Katshiela
Université de Kinshasa et université catholique de Louvain - Thèse de doctorat 2009
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

4.4.3. De l'Afrique aujourd'hui

Quelle est la situation actuelle de l'Afrique ? « Jamais les disparités entre riches et pauvres en termes d'opportunités à l'échelle mondiale n'ont été aussi importantes qu'aujourd'hui. A en croire le programme des nations unies pour le développement (PNUD), le cinquième de la population mondiale vivant dans les pays les plus riches se partage 86 % du PIB mondial contre à peine 1 % pour les pauvres ; 82 % des marchés d'exportation contre à peine 1 % pour les plus pauvres ; 68 % des investissements directs étrangers contre à peine 10 % pour les plus pauvres ; 75 % des lignes téléphoniques mondiales contre à peine 1,5 % pour les plus pauvres ».760(*) Alors les gens se posent des questions : « cet accoisement des disparités est-il la conséquence inévitable de l'intégration économique mondiale ? Certains le disent, pour qui l'inégalité est consubstantielle au mode de production capitaliste. (...) Verra -t-on, au contraire, un renversement de tendances ? Certains l'affirment, pour qui la convergence est au bout des efforts de coopération et de partenariat à intensifier, et le développement humain durable « la nouvelle frontière »la lueur d'espoir sur laquelle il faut mettre le cap ».761(*)

Dans tous les cas de figure, il y « la nécessité de mener un combat vigoureux contre l'idée, d'autant plus pernicieuse qu'elle n'est pas toujours formulée de façon explicite, selon laquelle l'Afrique peut être mise entre parenthèses, oubliée dans les scenarios globaux, car placée ou s'étant placée en position de hors-jeu économique ».762(*) Et : « La tendance au déclin, qui se donne à lire dans la faible productivité du travail et du capital en Afrique, et le recul de la part de l'Afrique dans la production manufacturière mondiale et le PIB mondial, ne serait pas prêt de s'inverser ».763(*)

Pour nous « dans le contexte actuel (d'une crise profonde du capitalisme )où les enjeux géoéconomiques et géopolitiques d'hier se redéfinissent en même temps que se renégocient les nouvelles relations en matière de commerce international, qui élaborent de nouvelles normes globales et un calendrier de mise en oeuvre de celles-ci », il faut un nouveau cahier de charge , notamment celui que nous avons essayé d'ébaucher dans cette réflexion critique ,auto -critique et prospective, pour la mise en place d'un grand lobbying africain afin d'être présent dans toutes les arènes où se négocient l'ordre nouveau et faire prévaloir la pensée et la vision africaine du futur.

Du point de vue de l'Afrique « la mondialisation de l'économie nécessite des structures, des processus et des styles de gouvernance nouveaux dans  lesquels la transparence, la collecte, le traitement et la dissémination de l'information, l'adaptabilité aux changements dynamiques, la souplesse, le dynamisme et l'innovation sont plus importants que jamais » 764(*). Il est également également autre chose : « bien que les gouvernements africains doivent éliminer tous les obstacles inutiles sur la voie de l'investissement privé, national et étranger, et des échanges , un cadre réglementaire adéquat , et à l'abri de la corruption ,est également nécessaire pour protéger l'intérêt public ,tant pour les générations actuelles que futures, et éviter la volatilité élevée des flux financiers ».765(*)

Notre thèse est la suivante : ce dont l'Afrique a besoin c'est une orientation unique de fédération de ses problématiques et de ses recherches. Pouvoir regarder dans la même direction pour consolider ses divers atouts. La pensée kheperienne offre cette possibilité. Toute division apparente en Afrique est d'abord au niveau plus profond, celui de la segmentation des savoirs endogènes. Avec cette division c'est toute l'efficacité du savoir qui est en question. Mais comment mettre les africains ensemble ? La réponse est soit autour des grands travaux soit à partir des savoirs fédérateurs des enjeux communs.

Par ailleurs, la question de fond de notre analyse est présentée par Jean Kinyongo: « Comment corriger ce que Brunetière qualifiait, au 19 è siècle, de « faillite de la science » à cause de l'impuissance de recherches positives de l'époque à résoudre les problèmes fondamentaux de l'homme et de l'entente entre les hommes ? »766(*) Et il continue, « si René Girard citant Durkheim a raison de soutenir que le spirituel doit être à l'origine de tout (cfr. Les choses cachées depuis l'origine du monde) et si Malraux, prophète d'un XXI ème siècle spirituel, a lui aussi raison, alors il nous faut, dit-il, chercher de ce côté -là une manière qui puisse combler le vide de l'humain dans ce monde et, par là, permettre d'appeler une convergence planétaire des peuples et des nations plus responsables que par le passé. »767(*) Après l'exposition d'une manière africaine de percevoir l'identité et la vocation historique de l'homme et des peuples ,puisée dans le célèbre mythe de la création de l'univers et de l'homme dans la tradition de Komo chez les Bambara, Kinyongo conclut de cette manière- ci : « ce que doit être notre mission au 3 ème millénaire dépend de la manière dont nous nous comprenons maintenant , de la nouvelle compréhension que nous avons de nous-mêmes, de notre monde , de notre façon de devenir de plus en plus présent au monde ,et de rendre celui -ci de plus en plus présence ».768(*)

« Notre vocation historique, poursuit Kinyongo, en tant que présence fut surtout de bien nommer le monde, les choses et de les appeler à l'existence, nous les avons effectivement appelés à l'existence, mais de manière inadéquate. Nous devons maintenant les appeler et nous appeler à une nouvelle existence pour plus de présence et plus de participation en vue de rendre la vie de nos semblables plus humaines. »769(*) Il faut finalement joindre à l'entreprise de la recherche pour combler le vide de l'humain dans le monde, la construction subséquente d'une réalité sociale à jamais dynamique. « Le stade le plus élevé de la réflexion coïncide avec un progrès dans l'autonomie de l'individu, avec la suppression de la souffrance et avec l'avènement d'un bonheur concret ».770(*)

Ces questions que nous abordons pourraient passer pour être non scientifiques pour au tant que la science s'occupe des questions de comment, mais ne faudrait -il pas reposer aujourd'hui dans le contexte des sciences la question véritable du pourquoi ? Parce que pour nous africains en tout cas, la maîtrise de notre espace vital et institutionnel reste sujette à caution. Parce que comme le rappelle Pierre Mutunda avec la docte ironie qui le caractérise : notre « société est engagée dans une dérive qui à tout moment peut culminer dans une implosion mentale collective. Désemparés, les hommes et les femmes ne savent plus à quel saint se vouer. (...) Le peuple dépouillé de son identité et du patrimoine ancestral, affamé part ses propres fils qui lui imposent un nouvel esclavage sous l'oeil indifférent de la communauté internationale, voire avec la complicité de l'Occident, chosifié par l'escroquerie de sa classe politique, la cupidité des `opérateurs économiques', la roublardise de ses intellectuels diplômés jusqu'aux dents ,mais incapables de résoudre un seul petit problème sans le concours du ''Blanc'' ,ne sait plus à quels idéaux souscrire, quel prophète suivre ,quels lendemain espérer ».771(*)

Sommes - nous en Afrique Noire installés dans une philosophie de la crise qui, finalement n'a pour mérite que d'être, comme le dit Pierre Mutunda Mwembo, une «  tâche d'une remontée archéologique aux sources d'une historicité qui se chiffre de manière déficitaire. (...) Une telle situation est déjà provoquée par l'afro- pessimisme, cette attitude défaitiste et démobilisatrice qui, `'sur le marché des écrits médiatiques et idéologico -scientifiques,...est une valeur sûre depuis plusieurs décennies'' ».772(*)

Puisque nous évoquons l'histoire, nous dirons dans le même sens avec Jürgen Habermas que « l'irrationalité de l'histoire trouve son fondement dans le fait que c'est nous qui la « faisons », sans pouvoir jusqu'à présent le faire en toute conscience. C'est pourquoi on ne fera pas progresser la rationalisation de l'histoire en étendant le pouvoir de contrôle d'hommes..., mais seulement en élevant le niveau de réflexion et en aidant la conscience des individus agissant à progresser dans l'émancipation. »773(*) Paradoxalement, « les potentialités sociales des sciences, dit Jürgen Habermas, se sont réduites à l'exercice d'un pouvoir technique et ne peuvent plus être considérées comme les potentialités d'une action éclairée ».774(*)

Quelle est pour nous la tâche urgente ? Comme le dit encore si bien Mutunda, il a s'agit « de déblayer des voies et moyens pour une reprise de l'initiative historique par l'Africain, une mobilisation des énergies en vue d'assumer l'existence, de l'infléchir en une destinée voulue et maîtrisée, orientée vers une réalisation positive de la vie ».775(*)

4.5. Conclusion partielle :

La question du réalisme chez Searle et le kheper

Poser la question du réalisme et du constructivisme, c'est poser la question de la fondation de notre connaissance, ou encore de l'a priori ontologique du constructeur. Le réalisme searlien dont nous parlons est consécutif au fait justement que la construction sociale scientifique ou ordinaire suppose toujours déjà un a priori à partir de quoi on a construit. Il y a en effet toujours du Réel (au sens ontologique), dans la construction sociale. John Searle se situe au milieu d'une activité qui porte sur deux démarches extrêmes. Du point de vue des modernes, la démarche semble répondre au mot d'ordre de détranscendataliser l`idéalisme d'Emmanuel Kant par son extrême, c'est-à-dire par le matérialisme, la naturalisation ou biologisation de la connaissance. Nous notons justement qu'à l'opposé de la construction, le paradoxe de la déconstruction est à la suite de Pierre Bourdieu que « «  la déconstruction » (...) omet de « déconstruire »  le « déconstructeur ». (...) Le philosophe sans lieu ni milieu, atopos, entend échapper, selon la métaphore nietzschéenne de la danse, à toute localisation, à tout point de vue fixe de spectateur immobile et toute perspective objectiviste, s'affirmant capable d'adopter, en face du texte soumis à la « déconstruction », un nombre infini de point de vue inaccessibles tant à l'auteur qu'au critique.» 776(*) Cette conception de Bourdieu n'est pas loin de celle de Searle.

Nous soulignons le fait que le réalisme searlien s'imbrique dans la théorie du Devenir greffé du langage et de la conscience. L'ossature complète de cette doctrine est déjà bien présente dans la tradition africaine.

Le potentiel théorique dont regorge le concept de kheper, notion essentielle pour l'avenir des sciences sociales africaines, peut encore être exploité pour les crises qui assaillent notre monde commun, qu'il s'agisse de la crise du capitalisme, de la crise alimentaire, de la crise de l'environnement, et autre. Cette notion est née du sol africain. La dimension du divin que recèle le kheper , dimension prophétique à en croire d'André Maulraux devait être théorisée pour une foi nouvelle dans la « réalité sociale », qui est en danger de s'effondrer puisqu'encore fragile. La leçon pour nous africains, c'est la confiance en nous-mêmes comme créateurs et promoteurs de notre destinée dans le concert du village planétaire.

* 760Alionne SALL (Dir.), La compétitivité future des économies africaines, Actes du Forum de Dakar 5 du 3 au 5 mars 1999 ,organisé par l'équipe de Futur africain, éd. Khartala, Sankoré, Futur africain, Abidjan, Dakar, Paris, 2000, p.9.

* 761 Ibidem ,p.9.

* 762 Ibidem, p.12.

* 763 Ibidem.

* 764 Ibidem, p.377.

* 765 Ibidem.

* 766 Jean KINYONGO JEKI, « L'histoire d'un drame », dans Philosophie et destins des peuples, Actes des journées philosophiques de Canisuis, Mars 1999, éditions Loyola, 2000, p.24.

* 767 Ibidem.

* 768 Ibidem, p.26.

* 769 Ibidem.

* 770 Jürgen HABERMAS, Théorie et pratique, p.320.

* 771 Pierre MTUNDA MWEMBO, art.cit. p.47.

* 772 VERLEY, « Crise économique » dans Encyclopédie Univesalis, p.770, cité par Pierre MUTUNDA MWEMBO, art.cit. p.51.

* 773 Jürgen HABERMAS, Théorie et pratique, Payot, Hermann Luchterhand Verlag, 1963, éditions Payot et Rivages, 2006, Paris, p.340.

* 774 Ibidem, p.320.

* 775 Pierre MUTUNDA MWEMBO, art.cit.,  p.51.

* 776 Pierre BOURDIEU, Méditations pascaliennes, éditions du Seuil, Paris, 1997, p.129.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots"   Martin Luther King