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La problématique de la rénovation des sciences sociales africaines;lecture et reprise de la théorie searlienne de la construction de la réalité sociale

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par Barnabé Milala Lungala Katshiela
Université de Kinshasa et université catholique de Louvain - Thèse de doctorat 2009
  

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CONCLUSION GENERALE

Nous aimerions dans cette conclusion présenter les résultats, auxquels nous sommes arrivé après l'application de notre méthode de reconstruction philosophique au-delà du fait qu'une bonne partie de notre exposé a tout simplement été réflexive. Notre réflexion a voulu après la présentation de l'exigence de rénovation des sciences sociales en Afrique, restituer la double doctrine du « réalisme et du constructivisme ». L'objectif était d'étudier la réalité sociale, telle que reprise en sciences sociales aujourd'hui, à partir des traditions philosophiques antiques, et de sa reconstruction comme philosophie de la Nature, de sa reprise dans l'approche structuro-fonctionnaliste. En effet, ceci importe car le fonctionnalisme d'Emile Durkheim et l'anthropologie structurale de Claude Lévi-Strauss ont constitué une double approche est restée paradoxalement encore dominante en Afrique ; et leur réplique dans la double approche pragmatique et cognitive chez John Searle nous a servi de réflecteur.

Dans le prolongement des approches structuro-fonctionnaliste et dialectique en sciences sociales, le débat essentiel actuellement est entre l'holisme et le naturalisme, dans la mesure où il s'agit bien là de deux formes de « causalisme (externe /interne) ».777(*) En effet, « le débat avec les sciences cognitives et le naturalisme a pris beaucoup d'ampleur (...) l'holisme lui-même réapparaît ou tend à réapparaître, au moins dans nombre d'études philosophiques...le contexte d'une critique des sciences cognitives ...cela veut dire aussi que le débat avec (...) le constructivisme social n'est pas le seul débat actuel ».778(*) Tel a été le contexte actuel de notre discussion.

Pour une étude plus approfondie, nous avons abordé plusieurs questions théoriques, en l'occurrence, la construction scientifique ad hoc tant bien sur la causalité que concernant les quatre méthodes dominantes en sciences sociales (le structuralisme, le fonctionnalisme et/ou systémique et la dialectique). Ces quatre méthodes peuvent être subsumées en sociologie, en démographie, en ethnologie ou anthropologie structurale et en psychologie sociale, tout cela avec un statut explicatif problématique pour l'Afrique Noire. Cette situation appelle une vision relativiée des sciences sociales qu'une approche réaliste réfute. Nous sommes tout de même parti de la théorie du relativisme avec pour fond ou filigrane cette autre théorie de la mentalité primitive de Lucien Lévi -Bruhl dans un contexte de philosophie du langage.

Chemin faisant, nous nous sommes particulièrement attelé à l'étude critique de la pensée d'Emile Durkheim dans son livre intitulé : Les règles de la méthode sociologique. Justement le chapitre IV qui se focalise sur : les règles relatives à la constitution des types sociaux. Ce chapitre vise à montrer les parties constitutives dont est formée toute la société. Ainsi, pour Durkheim « l'évolution sociale commence par de petits agrégats simples ; qu'elle progresse par l'union de quelques-uns de ces agrégats en agrégats plus grands, et d'après s'être consolidés, ces groupes s'unissent avec d'autres semblables à eux pour former des agrégats encore plus grands ».779(*) Il s'agit des fameux éléments minimaux qui structurent le mental, le langage et l'interaction au moyen des systèmes de règles et de l'Arrière-plan intentionnellement ou pas. Comme on pourra l'apercevoir, à la lecture de ce chapitre, Durkheim n'en donne qu'une ébauche sommaire, tout en affirmant le fait que « ce problème trop complexe pourrait pouvoir être traité ainsi (tel qu'il le fait), comme en passant ; il suppose, au contraire, tout un ensemble de longues et spéciales recherches ».780(*) Searle tente de continuer justement ces recherches, nous par ailleurs aussi.

Jean-Michel Berthelot présente une périodicité topologique des repères chronologiques à propos des sciences sociales dont la reconstruction de Searle essaie de tenir compte. En effet, «l'histoire des sciences sociales donne le spectacle d'un passage d'une polarité à l'autre (par exemple de structuralisme (pôle II) à l'individualisme méthodologique et au « au retour  de l'action» (pôle II) dans les années 1970- 1990 ; de ces dernières à un possible retour au naturalisme causal ou fonctionnel (pôle I) (Van Parijs, 1981 ; Kincaide, 1996 ; Sperber ,1996) dans la période actuelle ».781(*) Searle réunit en un seul système ces deux grandes périodes.

La portée de la théorie analytico- cognitiviste de la construction de la réalité sociale de John Searle a permis de reconstruire plusieurs autres approches mêmes non analytiques. La réflexion s'est poursuivie vers des reconstructions des « sciences sociales et des philosophies » diverses et de « sciences sociales africaines » en particulier.

Toutefois, notre thèse est partie de ce que nous appelons les limites institutionnelles actuelles face à l'enjeu de domestication des crises sociales, et de la nécessité pour nous de recourir à l'onto-théologie pour saisir le changement drastique de la réalité sociale. Aujourd'hui, le contexte général des théories de la « construction de la réalité sociale » se situe à notre sens dans la recherche de ce genre de ressources onto-théologiques. Notre thèse s'est ressourcée fondamentalement dans les traditions africaines millénaires et plus ou moins récentes qui ont un impact certain sur la philosophie et la science sociale. Nous avons présenté les aspects aussi bien ontologiques qu'épistémologiques parce que la philosophie des sciences sociales, par rapport à quoi nous nous situons, contient en son sein une ontologie sociale, une épistémologie sociale et une méthodologie. Une des idées sous-jacentes à notre position fait prévaloir, c'est que la philosophie et la science restent inextricablement liées.

Notre exposé a présenté ainsi les différents aspects, liés aux phénomènes sociaux, de l'existence de la « réalité sociale » en général. Il a fallu définir le constructivisme en opposition avec le réalisme, le fameux dualisme entre la forme et la matière, les particularités du constructivisme et du réalisme. Le livre de John Searle intitulé La découverte de l'esprit qui se penche sur la question de la philosophie des sciences sociales en problématise la question du dualisme cartésien, la question se développe aussi dans d'autres de ses livres : L'Intentionnalité et dans La construction de la réalité sociale. Les chapitres VII et VIII de La construction de la réalité sociale sont consacrés à cette question particulière du réalisme, Searle y réfute les autres conceptions concurrentes du réalisme pour présenter sa propre conception, étayant « l'un des buts de ce livre (...) montrer comment cela est possible, comment le monde des institutions fait partie du monde « physique » ».782(*) Ainsi, le réalisme est chez lui un outil méthodologique sur l'analyse de la réalité sociale, le réalisme nous renseigne sur l'Arrière-plan qui est une condition d'intelligibilité de la réalité sociale. Pour arriver à montrer l'apport et la faiblesse de John Searle, nous avons tenté de déconstruire sa pensée en la démontant pour la reconstituer enfin ; nous avons démontré « les théories dont on entreprend l'appropriation critique » et « sa pensée propre se retrouvant à l'horizon d'une (interprétation) des théories critiquées ».783(*)

La méthodologie de la reconstruction que John Searle a utilisée ne lui est pas exclusive ;elle a été thématisée et pratiquée abondamment par plusieurs auteurs dont Rudolf Carnap dans son livre La construction logique du monde et Jürgen Habermas. Il a fallu expliquer le concept de la réalité sociale en le redéfinissant. Rudolf Carnap : « entends, par reconstruction rationnelle la recherche des nouvelles définitions pour d'anciens concepts. ( ...) Les nouvelles définitions doivent l'emporter sur les anciennes en clarté et en exactitude et surtout mieux s'intégrer dans un édifice conceptuel systématique. Une telle clarification conceptuelle, poursuit-il, souvent nommée aujourd'hui « explication », me semble demeurer l'une de tâches les plus importantes de la philosophie, notamment lorsqu'elle se rapporte aux principales catégories humaines. »784(*)Une telle clarification peut se faire soit avec un concept unique soit avec plusieurs concepts.

John Searle a utilisé plusieurs concepts au niveau théorique et conceptuel, les règles constitutives, l'intentionnalité, l'intentionnalité collective, l'Arrière-plan, etc. Nous avons tenté un dépassement par le concept de kheper en faisant l'inverse, présenter une clarification des nouveaux concepts par des anciens. C'est justement dans la ligne de l'ontologie sociale que les chercheurs en sciences sociales, John Searle compris, tentent une reprise à nouveau frais de l'étude la réalité sociale avec la notion centrale de back ground ou d'Arrière-plan. La transformation épistémologique searlienne de plusieurs approches en sciences sociales et humaines, tient à l'opérationalité et à la fécondité de ce concept et outil central qu'il utilise, tel qu'il se trouve être au centre de son entreprise programmatique. L'effort épistémologique que nous déployons tente de dégager les lignes de force des constructions théoriques de l'approche analysée. Notre explicitation devait avoir pour but de tenter de montrer aussi son innovation.

Il s'agissait également de chercher des relations soit observables soit conceptuelles : il s'agit en fait de réduire les concepts des choses à des concepts psychiques ou d'autres concepts des choses au moyen des artifices mathématico-logiques. John Searle passe du langage organiciste au langage logique à l'instar de Charles Sanders Peirce à l'instar de ses trois grandes catégories de priméité, secondéité et de tierceité. Les règles de coordination liant les termes théoriques aux termes observationnels, ceux du psychisme à ceux du monde vécu dans son approche pragmatico- cognitiviste.

Jürgen Habermas utilise également cette méthode. Chez lui la méthodologie a deux acceptions. La première acception se comprend comme une recherche du caché et comme une mise en évidence de l'implicite. 785(*) Elle fonctionne à cette étape comme une restitution. La deuxième acception de la méthode de la reconstruction est liée à tous les philosophes de génie qui ont pratiqué pareille reconstruction systématique et/ou historique des philosophies et des traditions scientifiques antérieures. A cette étape l'auteur utilise les concepts centraux restitués ou construits. La reconstruction philosophique se fait en Egypte( à l'école Memphitique ou Héliopolitainne ou autres ) avec la concept de kheper, chez Anaximandre avec l'apeiron, chez Aristote autour du couple Matière et Forme, René Descartes dans la philosophie de la Nature autour de l'espace homogène et de mouvement local, chez Leibniz avec le concept d'entéléchie , la force qui remplace la forme , Placide Tempels en philosophie africaine autour de la « force vitale », John Searle avec la bipolarité de « forme et matière » ou du constructivisme /réalisme qui traverse sa logique illocutoire , sa théorie de direction d'ajustement de l'esprit vers le monde ou vice-versa, son réalisme non relativiste, son Arrière-plan, en tant que capacité , aptitude non représentationnelle, etc.

L'intérêt d'une réflexion de ce genre, à notre avis, rejoint, pour le rappeler une fois de plus, les contributions parues en 2007 réunies dans le livre intitulé Les sciences sociales au Congo -Kinshasa : Cinquante ans après : quel apport ?786(*) En effet, les spécialistes en sciences humaines au Congo-Kinshasa en appellent aujourd'hui à une recherche urgente de l'innovation sur le terrain africain. Pour nous, repenser fondamentalement les sciences sociales devrait revenir à subsumer leurs présupposés philosophiques. Ces liens ne semblent suffisamment pas pris au sérieux par beaucoup de scientifiques pour rénover leurs approches.

Des problèmes épistémologiques des sciences sociales en Afrique sont de plusieurs ordres, nous nous sommes contenté d'en esquisser quelques uns, du moins quelques concepts centraux des études sociales africaines en mettant au clair, dans le cas d'espèce, les structures théoriques sous- jacentes ou l'ontologie sociale de ces courants et écoles. Plusieurs théories de la société se chevauchent, l'effort de les distinguer à partir de certains concepts opératoires ou schèmes théoriques distincts liés à chaque école théorique, se ferait justement sous le nom générique de la reconstruction philosophique. Une telle tâche que nous nous sommes assignée a demandé de dialoguer avec d'autres experts de la théorisation sociale afin de prendre acte de la multidimentionnalité d'une telle recherche.

John Searle est entré dans notre stratégie argumentative, il nous a servi de balise et de cadre. Le nom de Searle est repris constamment dans notre travail, il n'a cessé de revenir. En fait, cet auteur est philosophe analytique et aujourd'hui cognitiviste, de l'Université California Berkeley des Etats-Unis d'Amérique ;sa pensée nous a prêté un dispositif essentiel dans notre stratégie argumentative. Son importance est qu'il retourne théoriquement aux sciences sociales classiques et aux fondateurs pour remonter jusqu'à aujourd'hui. Le Professeur John Searle traverse, dans l'optique analytique et cognitivistes tous ou presque tous les grands débats philosophique et scientifique contemporains inhérents. Il nous a servi d'accompagnateur pour visiter critiquement certains de ces grands débats qui ont trait à la « réalité sociale » qu'il aborde sérieusement depuis 1995. Il nous servi en fait de partenaire de discussion sinon de réflecteur.

Du point de vue de la question de la décolonisation intellectuelle, pour dépasser le langage de la philosophie moderne qui présuppose la colonialité , il nous a fallu un auteur analytique qui se situe dans la continuité de cette ligne et qui aborde notre problématique directement ou indirectement. Il se fait que John Searle se situe dans cette ligne ; il oeuvre dans la pragmatique prise ici au sens des théories de signification à la suite de la tradition américaine de Charles Sanders Pierce (de sa sémiotique et de son naturalisme) ou plus immédiatement à la suite de John Austin. Nous devons dire que John Searle nous a servi ainsi à cette fin et nous a servi également comme pierre de touche de l'approche de la construction analytique et cognitiviste de la réalité sociale.

Nous sommes parti des reconstructions théoriques que nous supposons les plus « avancées » entant que paradigme dominant, puis en descendant vers les théories dont celles-là se démarquent et,en ,en situant le courant dans lequel les théories dites les plus avancées se trouvent. Dans le cas d'espèce, la théorie pragmatico-cognitiviste de la construction de la réalité sociale de John Searle se démarque des philosophes- sociologues fondateurs des sciences sociales, i.e., de la sociologie classique, et se situe elle-même dans la révolution sémiotique de Peirce (qui anticipe la révolution linguistique et pragmatique de Ludwig Wittgenstein) ,qui est construite sur des relations cosmologiques et logique de priméité , de secondéité et de tierceité. Toutefois, sont restés des aspects eurocentriques que nous nous sommes évertué de relever.

La philosophie des sciences sociales mobilise aujourd'hui des philosophes qui s'efforcent d'être informés de l'état des recherches empiriques , de leurs limites mais aussi de leurs résultats ; en tant que telle, elle n'est plus seulement une méthodologie, elle reconnaît des relations à l'épistémologie générale et prend au sérieux les questions que l'on appelle aujourd'hui l'ontologie sociale, une redéfinition des concepts centraux en sciences sociales : fait social, action sociale, etc. Repenser fondamentalement les sciences revient aussi à subsumer les présupposés philosophiques.

Ces constats ne préjugent pas une sorte de supériorité de la philosophie par rapport aux sciences. Il y a des liens de réciprocités ou de discontinuité. L'inspiration durkheimienne ou même celle de Pierre Bourdieu sont de plusieurs côtés puisées entre autre dans la philosophie ; ces liens doivent être pris en compte pour rénover les approches, ce que la plupart des spécialistes en sciences humaines en Afrique ne semblent pas mettre suffisamment à profit.787(*)

En effet, sans vouloir placer la philosophie dans une position illusoire de supériorité ,rappelons des propos qui nous conviennent parfaitement dans ce contexte, avec Renée Bouveresse , une « controverse a semblé évidente entre l'activité philosophique et celle des praticiens des sciences humaines, aboutissant à un accord à l'amiable et à une répartition des rôles :les sciences humaines fournissent des matériaux ,la philosophie confronte ces matériaux entre eux ,et essaie de les intégrer dans des schémas conceptuels unitaires ,schémas qui d'ailleurs peuvent ,une fois élaborés, répartir vers les sciences humaines et servir à découvrir de nouvelles régions de l'expérience ».788(*) Tel nous semble être le cas ici. Le paradigme cognitiviste prend au sérieux  l'idée que la science et la philosophie forment une unité inextricable. Francisco Varela prenait « au séreux l'idée qu'il n'y a pas de distinction très nette entre la science et la philosophie, des philosophes comme Descartes, Locke, Leibniz, Hume, Kant et Husserl ont revêtu une nouvelle importance : on pourrait les considérer, être autres, comme des protocognitivistes ».789(*)

En effet, le courant analytique a le plus insisté sur la complémentarité de la philosophie et des sciences humaines, cela pour deux raisons :

Il y a un accord de sensibilité entre les sciences humaines « compréhensives » et la philosophie analytique. Le principe le plus fondamental de l'activité analytique consiste à décrire les activités psychologiques des agents (entendus comme des actes de pensée ayant la même structure que les actes de langage) en termes de modifications du monde visé intentionnellement ou représenté langagièrement par eux.

Sur base de cette convergence des analyses, la philosophie analytique croit aussi pouvoir affirmer que son projet est nécessairement complémentaire des sciences humaines.

Au demeurant, la philosophie telle qu'elle se pratique globalement encore dans notre Université est perçue globalement par les autres collègues enseignants comme un discours « dépassé » ; philosopher serait s'enfermer dans des concepts que seuls nous philosophes comprenons. Le contexte dans lequel prend forme la réflexion que nous proposons. Nous trouvons à propos qu'il y avait un besoin d'échange théorique réel qui demandait de jeter des ponts pour relier les sciences sociales et humaines ; en général - le travail de Pierre Bourdieu par exemple offre un modèle de ce genre. Pierre Bourdieu n'est pas très connu dans une tradition où l'essentiel du personnel vient des grands séminaires. Un tel contexte contrastait avec l'épistémologie telle qu'elle s'enseigne dans notre Université qui semble rester plutôt « générale », alors que autres chercheurs semblent attendre un échange théorique « compréhensible » de notre part pour qu'ils se dédouanent des multiples « impasses » qui ont jeté leurs sciences dans une véritable routine, en même temps que si de notre côté leurs calculs statistiques et méthodes quantitatives pour les enquêtes sociales de tous ordres nous laissaient pantois. En témoigne leur cri de coeur ; qu'il suffise pour cela de citer plus récemment Bongeli Yeikelo Ya Ato : « Le moment présent, marqué par une crise multiforme et en apparence cyclique, se prête le mieux à la réflexion épistémologique ».790(*) Et : « L'impasse dans laquelle se trouve plongées les connaissances produites face à une crise rebelle et le blocage actuel en sciences sociales sur l'Afrique en général et le Congo en particulier nécessitent que l'on s'interroge sur la validité des méthodes classiques »791(*). Et : « Les réalités sociales africaines, par exemple, peu ou mal étudiées sont difficiles à reconstituer à partir de ses seules techniques dominantes de recherche ».792(*) Sans avaliser l'ensemble de ces propos, il faut dire que là gisait notre motivation. C'est avec la volonté de tenter de rencontrer ces multiples attentes que nous avons, bien au delà de ces trois années de thèse de Doctorat, ces recherches diverses qui attendaient une hypothèse adéquate pour les mettre en ordre : le kheper.

Le thème de notre étude a été justement La problématique de rénovation des sciences sociales, lecture et reprise critique de la théorie searlienne de la construction de la réalité sociale. Il faut avouer que les différents sous- titres de cette dissertation que nous proposons devenaient, au fil des recherches et par la force de développement de la réflexion, des chapitres. Nous voulions traiter du statut des normes dans le contexte de la mondialisation, le thème s'est retrouvé en arrière-plan par rapport à un examen critique nécessaire de la doctrine du constructivisme ; l'essai de reconstruction des thèses de John Searle est un thème s'est qui retrouvé « mis en minorité » par la profondeur des traditions africaines qu'il contribue à illustrer qui le justifient en « arrière-plan ».

Notre démarche a consisté donc à déployer critiquement la théorie la reconstruction de John Searle. Le défi était de taille devant la pluralité des théories : évolutionnisme, fonctionnalisme, structuralisme, la mouvance marxienne à laquellle Searle s'oppose, le constructivisme radical, etc. Cette pluralité des démarches en sciences sociales entraîne à coup sûr ce que Marc Maesschalck appelle la « recomposition des cadres théoriques ».793(*) Sans être exempte d'indéterminations, notre hypothèse a été de montrer que toute reconstruction épistémologique et rationnelle des sciences sociales dépend des outils théoriques indispensables qui appellent chaque fois une évaluation. Le problème c'est que, à la suite de Marc Measschalck, nous sommes à « la fin de l'ordre conventionnel (qui) se marque par la multiplicité des conflits de frontières entre les régimes de justification ».794(*) C'est « l'aboutissement naturel de la modernisation sociale caractérisée par le polythéisme des valeurs et la différenciation du monde vécu en fonction de cette pluralisation des régimes axiologiques ».795(*) Ceci nous ouvre à d'autres formes de recherches : dans ce contexte on peut mesurer le sens réel du temps social, le régime historique capable de réaliser un ordre juridique durable et les conditions cognitives. En fait, démocratie et formation juridique par exemple pourraient supposer un régime historique au niveau génétique. Nous pouvons nous référer au concept de réciprocité  et de répétition dans l'arbre conceptuel de la normativité des normes chez Marc Maessschalck.796(*)

Notre approche a été ainsi globale,en déphasage la conception continentale de l'épistémologie d'inspiration cartésienne. La question concerne les différentes distinctions de critiques intra et extra- épistémologiques. La critique extra -épistémique touche les domaines suivants797(*): L'Histoire des sciences qui tente de retracer la succession, le développement des interprétations, le déroulement et/ou la croissance des idées et des débats scientifiques, et même des ruptures théoriques ; la Sociologie des sciences qui ouvre l'enquête autour des questions sociales, des options politiques d'exigence des normes de rationalité, des discussions sur le financement et la recherche scientifique, de la localisation des sociétés savantes ou des clubs des savants ; la Psychologie de la connaissance qui s'occupe de l'origine subjective des formes de la connaissance.  La question rejoint aussi la critique intra -épistémique de la Méthodologie qualitative et de la Philosophie des sciences. Cette réflexion peut donc faire partie de la philosophie des sciences qui comprend outre la méthodologie, l'Ethique des applications scientifiques et l'ontologie.

Le Professeur Marc Measschalck résume le cadre pour repenser ces enjeux : il englobe la situation des conditions institutionnelles nouvelles en tant que conditions d'une démocratie d'acteurs collectifs, telles qu'elles se structurent sur l'approche pragmatique, cognitive, génétique et dans le domaine épistémologique. Il pose au niveau génétique la question de la sortie de la colonialité du pouvoir, question de la modernité/colonialité, la question des rapports intergroupes dans la création du droit social, de l'épistémologie frontalière, et donc de la construction des nouvelles arènes publiques, de l'apprentissage comme coopération intellectuelle et auto-gouvernante au niveau cognitif, c'est-à-dire des ressources cognitives qui accompagnent la génétisation ( une génétisation de l'agir ,de l'activation de puissance ou de l'immanence de l'action recherchée) des acteurs collectifs, de l'intelligence collective des formes de vie possibles, et du temps social dans lequel elles peuvent se réaliser, et enfin au niveau épistémologique , c'est-à-dire de l'interprétation de la normativité propre à l`identification des ressources , du point de vue immanent et de la transformabilité des affects.798(*)

Epistémologiquement parlant, l'heure parait à plusieurs égards comme le moment de sauvetage général qui est propice à la définition d'une nouvelle réalité sociale : « dans la position constructiviste, l'organisation du réel fait appel à l'équilibre entre les extrêmes. Ainsi, elle reconnait une gamme de possibilités entre la séparation et la connexion, entre l'inclusion et l'exclusion ; c'est la pensée intégrée ».799(*) Et : « Les constructivistes valorisent les stratégies objectives et les stratégies subjectives dans leur façon de connaître selon les contextes et les situations (...) (et) deux aspects distinguent la position constructiviste des autres positions : l'intégration des voix intérieures et extérieures et l'émergence d'une parole authentique ».800(*)

Fabrice Clément et Laurence Kaufmann concluent au fait qu'  une fois réagencé, le système de Searle peut malgré tout rendre de grands services aux sciences sociales en permettant de réconcilier des démarches souvent conçues comme radicalement antagonistes. 801(*) Les concepts principaux sont moulés dans un seul réceptacle théorique. Ce réceptacle est élaboré par John Searle sur plus de trois décennies en suivant l'évolution de la science sociale et humaine. « Bien que, pensent Fabrice Clément et alii, pendant fort longtemps, Searle n'ait pas véritablement organisé ses interrogations dans une démarche systématique, il est néanmoins possible de décomposer son oeuvre en une série d'étapes qui, sans avoir été nécessairement planifiées, dessinent en creux une construction théorique qui se révèle remarquable à plus d'un titre ».802(*) Nous nous sommes attelé à cette tâche.

Cette façon de procéder a rejoint la question de la fondation théorique des connaissances, en partant des sciences sociales. Tiercelin, dans le post face de l'ouvrage de John Searle intitulé La construction de la réalité sociale signale sans ambages le fait que Searle rappelle toutes les sciences humaines à l'ordre de leur fondation.803(*) Tout cela parce que, « dépourvues d'une fondation théorique (...), les diverses recherches tendent à générer leur propre typologie et à faire coexister les instruments d'analyse qui, force de se régler sur leur objet, deviennent des « simples » outils descriptifs ».804(*)

L'effort épistémologique que nous avons déployé en tant que critique de l'objectivité scientifique a tenté de dégager les lignes de force des constructions théoriques de chaque approche analysée. Cette activité de recherche essaie ainsi de mettre au clair, par ricochet, la structure théorique sous - jacente ou l'ontologie sociale des courants et écoles.

Au demeurant , d'un point de vue concret et pratique, nous sommes parti du fait que le constructivisme social en général est un démenti d'une longue tradition des sciences sociales et humaines qui ont élu domicile ,sous le prétexte d'une réponse aux mutations sociales et culturelles profondes aussi bien en Europe qu'en Afrique (la décomposition des normes et leurs différents modes de gestion qui appelle des médiations diverses, la différenciation de mondes vécus et de systèmes, le désajustement des classes sociales ,les sociétés très différenciées, la rationalisation téléologique selon le terme de Jürgen Habermas que Lukacs assimile au capitalisme, le passage des institutions aux dispositions, l'exclusion sociale, bref, le désordre social et culturel, etc.). Le constructivisme est une réponse aux problèmes liés au statut épistémologique des savoirs, entendez (l'absolutisation des savoirs et des normes venus de l'Europe).805(*)

A la question théorique et conceptuelle de dépassement de la double approche structuro-fonctionnaliste, le concept de kheper est notre paradigme de dépassement du conflit réalisme -constructiviste. John Searle s'inscrit dans ce programme, il le reconstruit ou l'enveloppe au point de vue de la double approche linguistico-pragmatique et cognitiviste. L'icône ressemble au mode de reproduction de la symbolique de « scarabée égyptien » qui exprime le Devenir et le sacré. Le constructivisme searlien est donc un programme a priori dans un contexte onto- théologique au quel on fait recours et qui prend en compte théoriquement  les concepts centraux de : matière, forme, langage, parole, actes de langage, états mentaux, et enfin le divin.

En Afrique, spécifiquement, il s'est agi des problèmes de l'ethnocentrisme occidental persistant, de la « pauvreté », du déficit interne de la gestion publique, etc. Les mutations sus - évoquées forment le prétexte du renouvellement des théories et des approches en sciences sociales :la norme est dès lors analysée dans une approche globale qui implique la philosophie de droit, la philosophie politique et la philosophie morale.

En somme, le constructivisme apparaît dans son usage dominant comme une reconstruction épistémologique complexe de reprise critique des acquis méthodologique, conceptuelle et théorique à propos de la réalité sociale. Tout part de la nécessité de la reconstruction de l'espace théorique qui joue le rôle de fondement théorique pour saisir la nature profonde de ces mutations, afin de considérer finalement sous un nouveau jour l'ensemble des démarches antérieures.

Il faut cadrer le monde social bien plus complexe, on peut schématiquement le présenter en trois sphères, toutes traversées par une raison processuelle :

- La sphère stratégique des marchés, de l'Etat lié au droit positif (positivisme juridique), de la connaissance objective scientifique et de la technique, un monde qui se situe dans une position de colonisateur par rapport à ces autres sphères ;

- la sphère normative du monde vécu (appropriation symbolique, production culturelle et institutions traditionnelles et sociales), où nous trouvons la société civile (tissu associatif, communautés, personnalités, espace public), et ses usages sociaux : les droits de l'homme (jusnaturalisme), l'opinion publique, la coutume, etc. et son arrière plan de mémoire culturelle ;

- la sphère intentionnelle de la subjectivité, le monde dramaturgique esthétique de l'art.

D'un point de vue de la philosophie africaine, nous avons voulu faire nôtre cet appel de Crispin Ngwey qui pense que nous devons maintenant penser autrement : « la philosophie africaine sortie des revendications de sa possibilité, fatiguée d'ethnophilosophie ne se sent-elle pas obligée ces derniers temps de prendre à bras le corps le vécu réel des africains.( ...) Plus fondamentalement, ne sera-t-elle pas obligée de s'esquisser systématiquement en termes de révision, de métaphysique, de l'éthique, de l'épistémologie et même de la cosmologie plus élargies et plus susceptibles de nous offrir un cadre conceptuel, spéculatif et même métaphorique susceptible de permettre de penser l'homme de cette fin de XX è siècle à nouveau frais ? »806(*) Une partie de notre analyse avait l'ambition de participer à un tel élan. Pour nous, d'un point de vue théorique, l'onto-théologie est le suppôt à partir de quoi reposer le problème de l'Afrique. Il s'agit aussi de montrer les dessous des sciences sociales. Nous avons tenté de reconstruire et dégager les schèmes, les concepts centraux, les notions et structures sous-jacentes et finalement d'aller à la genèse de cette science pour identifier justement les acteurs, le leitmotiv, la nature, la valeur de cette connaissance, les intérêts en jeu, etc.

En sciences sociales au Congo, la première période pourrait être caractérisée par la science du lointain. Ces sciences sont parties des grands travaux géographiques des découvertes du bassin du fleuve Congo, dont notre destin en tant que pays va dépendre ; ceci offre la structure et les conditions de possibilités pour l'émergence de la science coloniale : l'ethnologie, la colonisation comparée, l'administration indirecte, le droit indigène, etc.

La science sociale congolaise est pourtant globalement désajustée par rapport aux problèmes du pays. Déjà, selon Poncelet, au lendemain de la deuxième guerre mondiale, et à la suite d'un important activisme scientifique au Congo, l'ensemble du dispositif métropolitain des savoirs coloniaux avouera son extrême indigence quant à son accès sur le terrain. Face à une crise sociale sans précèdent et à la nouvelle attention internationale sur les colonies, on découvrira un Congo dépourvu de toute possibilité d'appareillage scientifique susceptible de reconfigurer l'image de la colonie, de donner à ses responsables publics le sentiment qu'une direction nouvelle est à donner à l'évolution sociale. Ce n'est guère qu'entre 1950 et 1955 que les universités descendront sur le terrain807(*). En fait, déjà dans les années 1920-30, durant ce que Poncelet appelle l'âge d'or de la science coloniale, seuls professaient des notables coloniaux, les diplômés proprement dits portant le titre de licenciés sont très peu nombreux.

L'indépendance du Congo fut en n'en point douter ce moment qui consacra enfin la catastrophe épistémologique du dispositif colonial savant. Le travail de la déconstruction à entreprendre était, déjà alors, fort immense parce que « dans les universités (belges), les centres de recherche, les filières de cours, les diplômes, (aujourd'hui) les dispositifs de coopération, etc., sont les héritiers directs de l'institutionnalisation de sciences coloniales ».808(*)

Après la décennie 60 au Congo, les gros travaux lancés furent une occasion manquée pour entamer collectivement une reconstruction des présupposés théoriques et idéologiques de cette science sociale coloniale qui a élu domicile chez nous. Aujourd'hui, les gros travaux de reconstruction sociale devraient être ce lieu d'évaluation du chemin parcouru et de l'orientation théorique à prendre.809(*) Seulement ce genre d'enjeux ne semble pas présent dans le processus d'élaboration de notre science. Et qu'en dire pour un Etat qui octroie à la recherche une allocation modique déjà difficile à décaisser sauf pour des programmes bidons du secrétariat général au Ministère de la recherche scientifique et technologique, qui se l'est appropriée longtemps, un Etat qui ne prend pas en compte, avec son Ministère , la vision de la science qui devait être élaborée par le Conseil Scientifique National comme partout au monde, un Conseil qui par ailleurs n'a même pas de bureaux. A se référer aux administratifs entêtés, la science semble répondre plutôt à une exigence exclusivement spéculative, éparse et venue d'ailleurs ou de nulle part.

Quelle leçon faudrait-il tirer du travail et des revers d'une bonne partie des sciences ? Ecoutons un avis pertinent : « même une civilisation scientifique ne se trouve pas dispensée de résoudre les problèmes pratiques, ajoute Habermas ; c'est pourquoi l'on court un risque certain lorsque le processus de scientifisation dépasse les limites des questions pratiques sans se libérer pour autant de la rationalité bornée qui caractérise une réflexion technologique. (...) La théorie, lorsqu'elle se rapportait encore à la pratique en son sens original, concevait la société comme l'ensemble composé par les actions de sujets parlants qui intégraient leurs relations sociales à un contexte communicationnel conscient et devaient s'y constituer en sujet collectif apte à l'action ; sinon leur destin, au sein d'une société qui dans le détail est de plus en plus rigoureusement rationnalisée, échapperait à la discipline rationnelle dont ils ont justement le plus besoin. Mais une théorie qui confond le pouvoir d'agir et le pouvoir de manipuler les choses est incapable de se placer dans cette perspective ».810(*)

Nous avons pris la question des « sociétés sans écriture » comme prétexte pour aborder les présupposés épistémologiques généraux des sciences sociales en Afrique. Il y a lieu de montrer la trame discontinue des traditions théoriques des sciences sociales telles qu'elles structurent et déstructurent nos sociétés. A ce moment là, il faudra identifier les différentes conceptions théoriques à partir de quoi reconstruire philosophiquement. Plusieurs théories de la société se chevauchent, l'effort de les distinguer à partir de certains concepts opératoires ou schèmes théoriques distincts liés à chaque école théorique, se ferait justement sous le nom générique de « reconstruction philosophique ». C'était notre méthodologie.

Avant même de procéder à reconstruire une approche théorique à travers ses schèmes généraux, ses concepts principaux, il était logique de par notre méthodologie, de dire les problèmes qu'elle pose. Les problèmes épistémologiques (théoriques et idéologiques) des sciences sociales sont de plusieurs ordres, nous nous sommes contenté d'en esquisser quelques uns, du moins concernat quelques approches dominantes des études africanistes.811(*)

Il était aussi possible de constater les innovations qui ont permis des ruptures ou des continuités plus opératoires de ces notions. Ces notions théoriques centrales sont , hélas restées, les mêmes mais leur signification peut différer, on peut s'en douter, selon les champs d'application ce qui veut dire selon qu'il s'agissait de l'Occident ou de l'Autre de l'humanité. Notre explicitation devait avoir pour but de tenter de montrer l'innovation qui survient avec chaque concept opératoire et être ainsi une matrice théorique capable de présenter plusieurs niveaux d'analyse et de donner des traits généraux aux adaptations théoriques.

Finalement il nous faudra dire en liminaire à propos des sciences sociales qu' « il devient presque banal de le rappeler -, les données relèvent d'une mise en forme à travers des catégories et des relations déterminées : répartition statistiques, descriptions d'interactions, les récits d'histoires (...), les matériaux du chercheur peuvent être aussi bien « données »-dans des archives, par exemple -que « construits »- par observation, entretien, questionnaire, etc. Dans les deux cas, ils sont structurés, « parlent », suggèrent des raisons, des mécanismes ; ils sont déjà porteurs d'une intelligibilité qui n'est pas foncièrement différente de celle du chercheur. »812(*) Et :« Le travail de l'analyse n'est pas de « faire parler » une nature muette, ( ) mais d'opérer les confrontations entre les données, déjà signifiantes et organisées, et une structure d'explication possible. (...) L'expérience des sciences sociales prouve que le résultat - c'est-à- dire la structure explicative proposée, quels que soient sa forme et ses ressorts - est considérée comme recevable dès lors qu'il peut être soumis à la discussion argumentative et empirique, c'est - à- dire être confrontée à une explication autre, qui paraisse plus raisonnable, et à des données complémentaires et nouvelles ».813(*) Ceci est notre hypothèse, pour autant que, de ce qui précède dépend le statut même épistémologique des schèmes reconstructeurs.

En effet, les problèmes épistémologiques en sciences sociales et humaines ne sont pas liés qu'aux problèmes théoriques, ils sont aussi de problèmes de leur l'origine. Il a fallu par exemple interroger le fondement des découpages disciplinaires : ils ne résultent ni d'une segmentation « naturelle » de l'ordre des choses, ni d'un plan rationnel de connaissance ; ils sont les héritiers et les produits continûment retravaillés d'une histoire , qui n'est pas seulement une histoire des idées , mais également une histoire de la production sociale des connaissances et des savoirs , de la construction de dispositifs pratiques de connaissance, dans lesquels se sont moulées des procédures , se sont dessinés de schèmes de pensée et d'action , et qui, par-delà leur renouvellement et leurs frottements permanents , continuent d'être vivants. 

Que de théories et de paroles ! Voilà le reproche qui nous sera adressé si nous en restons à une approche théorique. La réflexion a débouché sur l'ontologie du droit et la nécessité de penser l'opérationnalisation de la pensée africaine, comme des institutions. Il reste à construire une autre Afrique dans la pratique aussi. Bien entendu, déjà cette attitude ethnologique que nous avons stigmatisée est aujourd'hui fortement nuancée dans plusieurs domaines : l'herméneutique, l'anthropologie et la sociologie des catégories, etc. Sur le terrain africain, cela est bien utile, mais il faut passer à l'action. Nous avons présenté un essai de reconstruction de quelques aspects des sciences sociales sur l'Afrique ;tout cela s'est avéré nécessaire et pertinent parce que , aujourd'hui encore, nous pouvons continuer d'affirmer qu'il existe une relation étroite, par ailleurs nouée il y a bien longtemps, dans le cas d'espèce entre la science coloniale et une construction et les institutions actuelles chez nous : « les institutions...qui survivent aux confins de quelques disciplines ou filières universitaires,...étaient des héritages des sciences coloniales, ou, plus généralement, étaient de l'institutionnalisation des rapports politico -savants entre la métropole et l'Afrique belge ».814(*)

* 777 Alban BOUVIER, La philosophie des sciences sociales, Puf, Paris,1999, p.107.

* 778 Ibidem, p.107.

* 779 Emile DURKHEIM, op.cit., p.81.

* 780 Ibidem, p.84.

* 781 Ibidem, p.460.

* 782 John SEARLE, La construction de la réalité sociale, p.158.

* 783 Jürgen HABERMAS, Après Marx, Fayard, 1985, Paris, p.9.

* 784 Rudolf CARNAP, La construction logique du monde, Librairie philosophique J. Vrin, Paris, 2002, p.45.

* 785 Voir Jürgen HABERMAS, Après Marx, p.11.

* 786 Voir Sylvain SHOMBA KINYAMBA (Dir.), Les sciences sociales au Congo -Kinshasa : Cinquante ans après : quel apport ?, L'Harmattan, Paris, 2007.

* 787 Voir Sylvain SHOMBA KINYAMBA (Dir.), Les sciences sociales au Congo -Kinshasa , 2007.

* 788 Renée BOUVERESSE, La philosophie et les sciences de l'homme, Ellipses/édition Marketing S.A., Paris, 1998, p.15.

* 789 Francisco VARELA, Quel savoir pour l'éthique ? Action, sagesse et cognition, Editions La découverte, Paris, 1996, 2004, p.46.

* 790 BONGELI YEIKELO YA ATO, Sociologie et sociologues africains: pour une recherche sociale citoyenne au Congo- Kinshasa, L'Harmattan, Paris, 2007 ,p.43.

* 791 Ibidem, p.44.

* 792 Ibidem, p.61.

* 793 Marc MEASSCHALCK, Normes et contextes, p.7.

* 794 Ibidem,p.2.

* 795 Ibidem.

* 796 MAESSCHALCK Marc, Démocratie et acteurs collectifs ou « comment construire les conditions d'une démocratie d'acteurs collectifs ?», Note interne, CPDR, UCL, 2009, p.23.

* 797 Ceci corrobore la topologie de Joseph N'KWASA BUPELE, Cours d'épistémologie des sciences de la communication, Unikin ,2008.

* 798 MAESSCHALCK Marc, Démocratie et acteurs collectifs ou « comment construire les conditions d'une démocratie d'acteurs collectifs ?», Note interne, CPDR, UCL, 2009, pp.14-16. 

* 799Ibidem, p.90.

* 800 Ibidem, p.89.

* 801 Voir Fabrice CLEMENT et Laurence KAUFMANN, « Esquisse d'une ontologie des faits sociaux », p.125.

* 802 Ibidem, (Avant-propos).

* 803 Voir John Rogers SEARLE, La construction de la réalité sociale, p. 1995.

* 804 Fabrice CLEMENT et alii, op.cit., p.125.

* 805 Ces mutations affectent par ailleurs l'Afrique.

* 806 Crispin NGWEY NGOND'A NDENGE, « Pour une pensée et une praxis autonomes des sociétés africaines », dans Philosophie et destins des peuples, Actes des journées philosophiques de Canisius, Mars 1999, Editions Loyola, 2000, p.109.

* 807 Marc PONCELET, Sciences sociales, colonisation et développement, p.365.

* 808 Ibidem.

* 809 Les recommandations de la Conférence Nationale Souveraine se focalisent sur la réhabilitation du Conseil Scientifique National comme « intelligence nationale » pour piloter tous les Instituts et Centres de Recherche en RD Congo.

* 810 Jürgen HABERMAS, Théorie et pratique, p.321.

* 811 Cette notion est évoquée ici sans connotation péjorative, il s'agit tout simplement des études sur l'Afrique.

* 812 Jean-Michel BERTHELOT, «  Programmes, paradigmes », p.488.

* 813 Ibidem, p. 488.

* 814 Marc PONCELET, Sciences sociales, colonisation et développement, p.25.

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