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Rôle des langues dans la construction de l'identité des immigrés italiens et de leurs descendants

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par Sylvie ROBERT
Université Stendhal Grenoble 3 - Master 1 Français Langue Etrangère 2009
  

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A- Rôle de la langue maternelle dans la construction de l'identité.

La langue maternelle ou première a un rôle primordial dans la construction de l'identité car elle est indissociable de la pensée, comme l'affirme Henri Delacroix :

"la pensée fait le langage en se faisant par le langage".

C'est lorsqu'il commence à parler, que l'enfant pense. Mais bien avant d'être capable de parler, donc de penser, l'enfant entend la langue de ses parents et comprend ou plutôt établit des liens entre les actions de sa mère et les mots qu'elle prononce. Dès les premiers mois de sa vie, l'enfant est très sensible aux sons, aux couleurs, aux formes de ce qui l'entoure.

C'est la raison pour laquelle le lieu où l'on naît est déterminant dans la construction de l'identité.

La langue est également un marqueur d'identité : les locuteurs d'une même langue appartiennent au même groupe, ils se comprennent entre eux et sont facilement identifiés par les autres. Le fait de parler un dialecte définit plus précisément l'identité du locuteur, puisque sa langue trahit sa provenance régionale. Un Napolitain ne s'exprime pas du tout comme un Milanais : il parle plus fort, accompagne son discours de gestes, son accent est plus prononcé, les consonnes sont redoublées, la langue est chantante. Le dialecte Milanais, moins exubérant, a une toute autre musicalité, transmet moins de chaleur et d'allégresse. La langue et l'attitude du locuteur sont donc en accord parfait et s'influencent mutuellement. Ce n'est pas par hasard que nous avons choisi de comparer les dialectes de deux régions très éloignées géographiquement : le lieu de naissance influence certainement notre mode de vie, notre façon d'être et notre façon de penser.

Par ailleurs, la langue n'est pas seulement un outil de communication, un système de signes et de sons. Elle permet de formuler la pensée et d'exprimer la vision du monde d'un peuple :

"On ne peut pas dissocier une langue de sa culture et du contexte de la société dans

laquelle elle existe. Tout interagit : la langue fait la société, c'est-à-dire les rapports qui, à

Notre façon de concevoir les choses, de voir le monde qui nous entoure, de structurer de notre pensée est liée à notre langue maternelle. Il s'agit du concept de relativité linguistique qu'Edward Sapir et Benjamin Lee Whorf ont exprimé sous forme d'une hypothèse :

"L'hypothèse énonce que le langage n'est pas seulement la capacité d'exprimer oralement des idées, mais est ce qui permet la formation mr me de ces idées. Quelqu'un ne peut pas penser en-dehors des limites de son propre langage. Le résultat de cette analyse est qu'il y a autant de visions du monde qu'il y a de langages différents."

En effet, chaque langue a des structures qui lui sont propres, ce qui signifie que le cheminement de la pensée de locuteurs de langues différentes ne sera pas le même. Dans chaque langue, il existe des expressions que l'on ne peut pas traduire littéralement dans une autre langue. Les expressions imagées reflètent la vision du monde d'un peuple, elles ne peuvent par conséquent être identiques, d'une langue à l'autre même lorsqu'elles expriment le même concept, comme le prouve l'exemple suivant : Quand les poules auront des dents / quando gli asini voleranno70.

Comme nous l'avons évoqué précédemment, le lieu de naissance exerce une grande influence sur notre façon d'être et sur notre vision du monde. On remarque en effet, des différences de perception sensorielle entre les individus qui ont une langue maternelle différente : chaque langue transcrit les onomatopées - les cris des animaux par exemple - en fonction des sons dont elle dispose et qu'elle utilise le plus fréquemment.

Les langues possèdent un vocabulaire plus ou moins riche pour désigner les couleurs. Le caractère chinois ts'ing peut désigner le bleu ou le vert. Le même terme russe peut traduire le jaune ou le vert. Les Japonais, par exemple, sont plus sensibles à l'aspect mat ou brillant. Les occidentaux distinguent les couleurs chaudes des couleurs froides tandis que les Africains font la même distinction entre couleur sèche et humide.

Les confusions ou au contraire, les nombreuses dénominations d'une même couleur dans certaines langues, ont amené les linguistes et les anthropologues à s'intéresser à l'influence de la langue maternelle sur la perception des couleurs.

69 Philippe BLANCHET, Parlons provençal, p.34.

70 Littéralement : « Quand les ânes voleront »

On ne peut pas affirmer avec certitude que ces différences de perception proviennent du langage ou du milieu, mais force est de constater que les différentes populations ne nomment pas les choses qui les entourent de la même façon. Il semble donc évident qu'elles ne les voient pas de façon identique : tandis que les Français parlent du jaune d'uf, les Italiens parlent du « rouge d'oeuf » rosso dell'uovo.

L'exemple le plus fréquemment donné pour illustrer les différentes interprétations du monde est celle de la langue inuit qui possède plus de vingt termes pour désigner la neige sous ses différentes formes. Ces distinctions n'existent pas dans les autres langues parce qu'elles ne renvoient à aucune réalité connue pour les autres peuples. Selon Boas, les mots d'une langue sont adaptés à l'environnement dans lequel ils sont utilisés.

Dans le même ordre d'esprit, le symbolisme lié aux fleurs, aux couleurs, aux animaux varie selon les cultures : le chrysanthème associé à la mort dans les cultures occidentales est une fleur sacrée au Japon, liée à la joie.

On s'habille de noir en Europe pour porter le deuil tandis qu'au Viêt Nam, en Corée du Sud ou en Inde, on revêt des habits blancs.

En comparant des expressions familières italiennes et françaises, qui associent des couleurs aux émotions, on constate qu'elles ne recourent pas à la même couleur, bien que leur signification soit la même :

Français

Italien

Rire jaune

Ridere verde71

Avoir une peur bleue

Avere una fifa verde72

Être rouge de colère

Essere arrabbiato nero73

Enfin, la langue véhicule la culture d'un peuple, au sens large du terme, c'est-à-dire, l'ensemble des connaissances (historiques, littéraires, religieuses, populaires...) partagées par le plus grand nombre.

Les expressions populaires se nourrissent de ces références, difficiles à comprendre pour des étrangers.

71 Traduction littérale: "rire vert"

72 Traduction littérale : "avoir une trouille verte"

73 Traduction littérale: "Être noir de colère"

Citons quelques exemples :

C'était Waterloo (référence historique)

Pleurer comme une Madeleine (référence biblique) Un repas gargantuesque (référence littéraire)

Nous pouvons donc affirmer que la langue maternelle n'est pas un simple constituant de l'identité, mais qu'elle la construit et qu'elle influe sur notre conception du monde. La pluralité des langues implique donc une pluralité de visions du monde.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon