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Approche participative et utilisation du logiciel QUEFT pour la gestion de la fertilité des sols

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par Damigou Lamboni
Université de Lomé - Ingénieur agronome 2003
  

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ABSTRACT

Various Integrated Soil Fertility Management (ISFM) related technological packages, are developed and proposed to farmers to preserve their soils and at the same time increase their yields. Unfortunately, many technological options do not take into account farmers's realities. PLAR appears as an approach, which places more emphasis these realities. The implementation of PLAR-ISFM was made easier at Seve-Kpota through the use of QUEFTS model. After adaptation to the conditions of the village of Sévé-Kpota, the model was used to evaluate the fertility of soils, in order to detect nutrients's deficiencies and make fertilizer recommendations for maize.

A socioeconomic study (supported by a survey) was also undertaken in the village to know and understand the practices and realities of farmers.

Discussions with farmers have shown there are 3 types of soils in the village (black and red soils are plinthic acrisols and white soils; the f irst being the most fertile). A split plot design was established on the three types of soils (8 replications per each type); NPK 15-15-15 and urea which were fertilizers available in the region were used under test of three fertilizer rates : the actual recommendation 150 kg NPK + 50 kg urea (T3), 100 kg urea + 50 kg NPK (T4) and 150 kg of urea (T5).

From socio-economic study revealed that : maize-cassava association constitutes the most popular practice in the village; few farmers use fertilizers and cover crops; most of farmers don't store the products in the village warehouse.

The results of the trials reported in term of profitability reveal that T3 is adapted to red soils because it produces highest income whereas on black and white soils, T4 is most optimal. Moreover farmers have reckoned that best yields are obtained on black.

As for QUEFTS, it presents farmers with the best advantages by buying only NPK if they don't have enough money to pay 4 bags of 50 kg of fertilizer. If however, they can buy 4 bags or even more, they are advised them to include TSP in fertilizers on all types of soil.

This study shows the need to adapt the fertilizer's rates to specific condition of soils and involve farmers in research.

INTRODUCTION

La destruction des sols et la diminution de leur productivité prennent des proportions alarmantes partout dans le monde. Dans les pays tropicaux et subtropicaux, on assiste à la dégradation irréversible de surfaces de plus en plus importantes, faisant disparaître des terres agricoles. Actuellement, 0,3 à 0,5% des surfaces agricoles utilisées sont perdues annuellement en raison de leur exploitation agricole (Steiner, 1996). De plus, des résultats de simulations sur la dégradation des terres ont prédit un pourcentage de terres dégradées qui passerait de 14,7% en 1995 à 42,6% en 2035 avec près de 16% de terres fortement dégradées contre 1,6% en 1995 (Brabant et al., 1996). La forte croissance démographique des pays situés dans les zones tropicales, de même que l'intensification de l'exploitation des sols qu'elle entraîne, constitue l'une des causes principales de cette dégradation. Sa progression, en entraînant la diminution de la productivité des terres et l'augmentation des charges pour maintenir le niveau de production, menace l'approvisionnement alimentaire de la population humaine mondiale (Steiner, 1996).

La Région Maritime du Togo, où le maïs occupe une part importante dans le régime alimentaire quotidien des populations, n'échappe malheureusement pas à ce phénomène. Dans cette zone, cette dégradation a entraîné rapidement la chute des rendements de maïs (0,8 t ha-1 contre 1,3 t ha-1 pour le reste du pays ; Agboh-Noaméshie, 2002).

Pour améliorer la productivité des terres, diverses doses d'engrais ont été proposées. Ces doses ne tiennent, malheureusement, pas compte de la spécificité des sols des différentes régions voire des localités voisines. Or apporter des doses d'engrais non appropriées aux sols et aux besoins des cultures constitue une perte d'éléments nutritifs et un gaspillage de devises et peut même conduire à une pollution de l'environnement (Struif-Bontkes, 2002). De surcroît, le prix des engrais est assez élevé (coût aggravé par la dévaluation du FCFA1 ; Sokpoh, 1997) ; les paysans se trouvent parfois dans l'impossibilité de respecter les doses recommandées.

C'est dans ce contexte que les services de vulgarisation agricole ont proposé
sous culture de maïs, diverses doses d'engrais pour tout le territoire togolais ;

parmi celles-ci, la dose de 150 kg de NPK 15-15-15 et 50 kg d'urée pour les sols ferrugineux de la zone sud-ouest de la région maritime. Cela a entraîné des pratiques paysannes très diverses : apport de doses insuffisantes, apport unique de NPK ou d'urée,...Ce fut un échec car les populations ne furent pas associées à l'étude et leurs préoccupations n'étaient pas prises en compte.

Ainsi, la tendance actuelle est d'accroître la participation des paysans, non seulement dans la mise en oeuvre physique des essais mais aussi dans l'identification des besoins de la recherche et dans la conception et l'évaluation des programmes (Werner, 1996) puisqu'il est clair que la participation active des paysans est indispensable pour le développement de systèmes d'utilisation durable des sols ; la recherche d'approches nouvelles s'est fortement orientée vers le développement de méthodes insistant sur la nécessité d'une interaction étroite entre les trois systèmes de savoir notamment la recherche, la vulgarisation et la pratique (Steiner, 1996).

L'approche « Apprentissage Participatif et Recherche-Action » (APRA) préconise une interaction entre ces trois systèmes et stimule la recherche paysanne en valorisant leurs connaissances spécifiques. Cette approche, qui apparaît ainsi être indiquée pour promouvoir l'adoption des technologies de gestion intégrée de la fertilité des sols, sera utilisée pour développer des recommandations de doses d'engrais en tenant compte des expériences, des observations et des critiques paysannes.

Par ailleurs, dans le but d'optimiser les apports d'engrais et de rentabiliser les doses apportées, de raccourcir le temps de recherche et de rendre durable cette exploitation des terres, des outils d'aide à la décision (modèles) sont couplées à la mise en oeuvre de cet apprentissage participatif.

Dans le cas de notre étude, le modèle QUantitative Evaluation of Fertility of Tropicals Soils (QUEFTS) est utilisé pour évaluer la fertilité des sols.

Notre étude a pour but de développer avec la participation des paysans des recommandations de doses d'engrais spécifiques aux sols du village de SévéKpota2 pour permettre leur utilisation optimale.

2 la carte présentant la zone d'étude est en annexe 10

Le présent document comporte trois parties :

· La revue bibliographique consacrée à la présentation de l'approche APRA utilisée pour la gestion intégrée de la fertilité des sols et à celles du modèle QUEFTS ;

· La section «matériel et méthodes» décrit le cadre physique de l'étude et présente la méthodologie et le matériel utilisés pour cette étude ;

· et enfin la présentation des résultats obtenus suivis de leur interprétation et de leur discussion.

I. REVUE BIBLIOGRAPHIQUE 1.1 Le maïs

Le maïs (Zea mays L.) appartient à la famille des Poaceae tout comme le mil, le sorgho et la canne à sucre. Il constitue la seule espèce cultivée du genre Zea (Dossa, 1991). On connaît cependant plusieurs variétés de maïs qui se distinguent les unes des autres par certaines caractéristiques notamment la précocité, la couleur du grain, la texture du grain, ... (FAO, 1993).

Le maïs serait originaire de l'Amérique Centrale notamment du Mexique d'où il s'est propagé vers le Nord jusqu'au Canada et vers le Sud jusqu'en Argentine. Dans les langues indiennes d'Amérique, maïs signifie littéralement « ce qui maintient en vie » ; en effet le maïs occupe une bonne part des rations alimentaires de nos populations. Après le blé et le riz, c'est la céréale la plus répandue dans le monde (FAO, 1993).

Le maïs préfère un sol profond, bien meuble, bien drainé, sablo-limoneux, riche en éléments fertilisants et ayant un pH de 6-7 (Westphal et al., 1985 ). Il est très sensible à la fertilité du sol et répond bien aux apports d'engrais.

Au Togo la production de maïs représentait en 1999 un peu moins de 1% de la production totale de l'Afrique (qui réalise elle-même 6% de la production mondiale) (Dzotsi, 2002). Dans la Région Maritime, le maïs est la culture vivrière de base et tout facteur affectant sa production affecte aussi directement ou indirectement la subsistance des populations rurales.

Le maïs représente l'aliment de base pour nos populations tant en zones rurales qu'urbaines. Aussi, la principale source de revenu des paysans reste essentiellement le maïs qui contribue pour près de 25 à 52% au revenu monétaire des paysans de la région (MAEP, 1998).

1.1.1 Les besoins en eau du maïs

Le maïs est une plante exigeante en eau surtout à certaines périodes-clés de sa croissance ; il absorbe des quantités considérables pour la constitution de ses tissus. Ces besoins sont surtout importants au moment de la floraison et immédiatement après (Agate, 1999). Un déficit en eau ressenti par la culture durant la pollinisation et la formation des grains cause des pertes sévères de

rendement, surtout lorsque le sol est peu profond. Selon Dzotsi (2002) qui cite la FAO, les besoins en eau du maïs varient entre 500 et 800 mm par saison de culture. Rouanet (1991) estime, quant à lui que 500 mm d'eau bien répartis suffisent pour un maïs de 90 jours en zone guinéenne.

1.1.2 Le rôle des éléments nutritifs chez maïs

1.1.2.1 Les macro-éléments

Ce sont principalement l'azote, le phosphore et le potassium. Ils interviennent à différents niveaux de croissance de la plante.

a. L'azote (N)

L'azote sert à la formation de la chlorophylle, à la production photosynthétique des hydrates de carbone et à la synthèse des protéines en se combinant au métabolisme des hydrates de carbone pour donner des acides aminés dont la polymérisation donne des protéines (FAO, 1980) ; moteur de la croissance végétale et aliment de base de la plante, il est déterminant pour l'obtention de bons rendements.

Le maïs préfère la forme nitrique. Cette forme est dissoute dans la solution du sol et est très mobile. Les risques de pertes étant grands, il faut alors l'apporter aux dates les plus rapprochées de la période d'utilisation (montaison et floraison). Selon Arnon (1975), durant la période d'initiation florale, toute faim d'azote peut se traduire par une réduction sensible du nombre de rangées de grains dans l'épi, conduisant ainsi à un faible rendement

Selon Rouanet (1991), les besoins du maïs en azote sont assez élevés. Les exportations d'azote par les parties aériennes de la plante s'élèvent à 105 kg pour une production de grains de 5 t ha-1 (les 2/3 sont exportés par les graines). Pour Steiner (1996), ces exportations des grains sont plus élevées et tournent autour de 100 kg pour la même quantité de grains produits.

Les symptômes de carence en N sont les suivants : plantes malingres et rabougries ; feuilles réduites et vert-pâle ou jaunâtres : les vieilles feuilles sont les premières à subir ce symptôme. Si la carence se prolonge et s'avère particulièrement grave, elle peut entraîner la mort de ces feuilles. La chlorose se manifeste chez les feuilles les plus âgées et elle commence par les pointes et elle

est suivie de nécrose ; dessèchement et mort prématurée des feuilles plus basses ; rendements faibles dus à l'appauvrissement des épis en grain.

Par contre, une trop forte dose d`azote entraîne des retards de maturation, une végétation trop luxuriante par rapport à la production de graine et le phénomène de verse chez les céréales (Clerc et al, 1982).

Les concentrations en azote3 varient entre 4,8 et 11,4 g kg-1 dans la paille et 6,7 et 26,7 g kg-1 dans les grains (van Duivenbooden, 1996 ; Fofana et al., 2002).

Bien que l'importance des engrais azotés ait été bien établie, leur utilisation reste très limitée en Afrique de l'Ouest à cause du coût élevé de l'azote, l'inefficacité du système de distribution, les politiques agricoles inadéquates, le faible taux de recouvrement des engrais azotés et d'autres facteurs socio-économiques (Bationo, 1994).

b. Le phosphore (P)

Le phosphore joue un rôle moteur dans le phénomène de la photosynthèse par le transfert d'énergie à l'intérieur des tissus cellulaires. Il prend également une part importante dans le métabolisme des substances azotées dans la plante. Elément de qualité, il est considéré comme un facteur de croissance qui favorise particulièrement le développement racinaire (élément important de la nutrition des plantes) (Sautier et al., 1989). Le phosphore sert également à la composition des chromosomes ARN et ADN (Tel, 1981).

Les exigences du maïs en phosphore sont moins importantes que celles en azote ; les exportations de P par les parties aériennes de la plante ont été estimées par Rouanet (1991) à 50 kg pour une production de grains de 5 t ha-1 (les 3/5 dues aux graines ; Steiner -1996- évalue les exportations des grains seuls à 75 kg).

Les symptômes de carence en phosphore sont variés : croissance ralentie, plante rabougrie; feuilles vert-sombre et violacées ou cuivrées au bout ou sur les bords ou, feuilles rigides avec tâches rouges sur les plus âgées ; maturation lente, les plantes restent vertes ; fruits malformés ou grains peu remplies.

Les concentrations en phosphore varient entre 0,2 et 1,4 g kg-1 dans la paille et 1,6 et 8,1 g kg-1 dans les grains (van Duivenbooden, 1996 ; Fofana et al., 2002).

3 Voir les concentrations du maïs en N, P et K en annexe 9.

c. Le potassium (K)

Il est considéré comme un élément d'équilibre, de santé et de qualité. Le potassium intervient dans la synthèse des protéines, des hydrates de carbone et de la chlorophylle, dans le transfert et dans la conservation des hydrates de carbone (Tel, 1989) et comme régulateur dans l'assimilation chlorophyllienne. Le potassium améliore le régime hydrique de la plante et accroît sa tolérance à la sécheresse, au gel et à la salinité. Il lui donne plus de rigidité pour lutter contre la verse et accroît la résistance de la plante aux maladies cryptogamiques (Sautier et al., 1989 et Gros, 1979).

Les besoins du maïs en potassium sont aussi élevés mais plus modérés que ceux en azote ; les exportations de K par les parties aériennes de la plante ont été évaluées par Rouanet (1991) à 75 kg pour une production de grains de 5t.ha-1. Par contre Steiner (1996) estime que les quantités de potassium prises par les grains avoisinent les 125 kg ha-1.

Les symptômes de carence en K commencent par les feuilles les plus âgées et se manifestent par une chlorose suivie d'une nécrose sale de bord. La turgescence de la feuille est réduite, le taux de respiration et de transpiration s'élève, la résistance de la plante à la sécheresse est réduite de même que la résistance au froid car le K économise l'eau et réduit aussi le point de congélation de la plante.

Les concentrations en potassium varient entre 7,8 et 21,6 g kg-1 dans la paille et 3,1 et 11,3 g kg-1 dans les grains (van Duivenbooden, 1996 ; Fofana et al., 2002).

d. Taux de recouvrement apparent des engrais azotés, phosphatés et potassiques

Le taux de recouvrement mesure le rapport entre la quantité d'éléments nutritifs prélevés par la culture et celle apportée par les éléments fertilisants. Il détermine la fraction de la quantité totale des engrais apportés réellement absorbée par les cultures. Les taux de recouvrement des engrais varient en fonction des sols et des modes de gestion de ces sols.

Une revue de littérature sur l'utilisation des engrais a permis d'évaluer le taux de recouvrement de l'azote à 0,35 et celui du phosphore à 0,15 (Breman et Sissoko, 1998). Par expérience, le taux de recouvrement du potassium est identique à celui de l'azote. Les essais de l'IFDC, eux, situent les taux de recouvrement de N et K à 50% et celui de P à 10% dans les régions tropicales (van Reuler, 1997).

Fofana et al. (2002) ont réalisé à partir de 1999 des essais à Sévé-Kpota pour mesurer l'efficacité des engrais azotés et phosphatés après l'amélioration du sol par le mucuna. Ces essais nous ont permis de déterminer pour ce village des taux de recouvrement pour l'azote compris entre 1 et 49%. Ces taux sont inférieurs à 38% en ce qui concerne le phosphore.

Tableau 1.1 : Taux de recouvrement de l'azote et du phosphore à Sévé-Kpota

Type de
parcelle

Apport
de
fertilisants

 

1999

 
 
 

2000

 
 

Absorptions
totales (Grains +
paille)
en kg ha-1

Taux de
recouvrement

Absorptions totales
(Grains + paille)
en kg ha-1

Taux de
recouvrement

N

P

N

P

N

P

N

P

 

N0P0

65,33

13,08

-

-

58,82

16,67

-

-

Avec

N50P0

65,37

14,58

0,1%

-

83,17

22,61

49%

-

jachère
courte
de

N100P0
N0P20

78,82
63,99

15,49

19,61

13%
-

-
-

90,26
59,13

22,69
19,58

31%
-

-

mucuna

N50P20

77,94

20,49

28%

4%

72,89

25,83

28%

31%

 

N100P20

98,99

20,40

35%

4%

82,01

27,13

46%

38%

 

N0P0

66,90

11,96

-

-

71,37

15,92

-

-

Sans

N50P0

73,69

12,58

14%

-

88,56

19,57

34%

-

jachère
courte
de

N100P0
N0P20

81,90
79,12

14,25
22,78

15%
-

-
-

100,09
64,95

21,26
19,27

29%
-

-
-

mucuna

N50P20

102,03

27,90

46%

26%

81,96

22,01

34%

14%

 

N100P20

81,52

21,53

2%

6%

79,60

22,95

29%

18%

Source : Fofana et al. (2002)

1.1.2.2 Le rôle des éléments secondaires

Le magnésium (Mg) est le constituant central de la chlorophylle. Il participe aussi à des réactions enzymatiques liées au transfert d'énergie.

Le soufre (S) est le constituant essentiel des porteurs intervenant dans la formation de la chlorophylle

Le calcium (Ca) est indispensable pour la croissance des racines et en tant que constituant des matériaux de la membrane cellulaires

L'importance des macro-éléments (N, P, et K), ne doit pas nous amener à sous- estimer les autres éléments secondaires qui interviennent en moindre quantité, certes, mais qui jouent un rôle déterminant quant à la qualité du produit Il est donc important de tenir compte aussi de ces éléments dans l'alimentation minérale des plantes. Par conséquent, l'idéal serait de réaliser une étude analytique du sol avant de procéder à la mise en place de toute culture, afin de déterminer le niveau de sa fertilité.

1.2 Les sols

1.2.1 Définition

Le sol, en agriculture, est la couche la plus superficielle de l'écorce terrestre qui s'est transformée lentement par la dégradation sous l'action des agents atmosphériques, de la végétation et de l'homme et qui peut produire des plantes utiles à l'être humain. Le sol est donc le site de la production agricole et de la production économique. Le sol est une ressource non renouvelable qui une fois détruit, l'est définitivement.

1.2.2 Les sols de la zone d'étude

Les sols de la zone d'étude (Sévé-Kpota) sont de type ferrugineux tropicaux sur gneiss et granito-gneiss (Lamouroux, 1969). Les sols tropicaux se distinguent par leur stabilité et leur capacité à supporter les nombreuses interventions humaines ; ils ont subi une évolution plus longue et une altération plus intensive que les sols des pays tempérés. Les sols ferrugineux tropicaux se caractérisent par une altération poussée avec une perte de bases entraînées en profondeur. D'après Worou (1998), les sols ferrugineux, à eux seuls, représentent plus de 50% des sols du Togo.

Dans cette zone, de nombreuses subdivisions de la sous-classe des sols ferrugineux tropicaux peuvent être observées. Cette subdivision en groupes est basée sur le lessivage des argiles. On y trouve particulièrement les sous-groupes lessivés à concrétions et lessivés indurés qui représentent à eux seuls près de 70% de l'ensemble des sols ferrugineux tropicaux.

présence de concrétions ferrugineuses au sein du profil. Selon les cas, les concrétions peuvent être observées à l'intérieur des profils ou dans les horizons de surface.

Les sols ferrugineux lessivés indurés s'observent sur les mêmes positions topographiques que les ferrugineux à concrétions. Les profils présentent les mêmes morphologies dans les horizons supérieurs.

Dans ce vaste ensemble de sols ferrugineux lessivés, il peut exister des variations locales où on observe des sols peu évolués comme les sols d'apport colluvial. Ces sols présentent un volume de sol plus important que les sols ferrugineux précédemment cités car les formations indurées se situent le plus souvent à des profondeurs importantes (souvent plus de 2 mètres ; Lévêque, 1979).

Le sol est détruit peu à peu par cause des multiples dégradations qu'il subit.

1.2.3 La dégradation des sols

La dégradation, selon Brabant et al. (1996), est un processus résultant de certaines activités humaines et qui perturbe une, plusieurs ou toutes les fonctions essentielles du sol. Elle est la diminution de la capacité d'une terre à atteindre un certain rendement pour un type de sol (Douglas cité par Steiner, 1996) ; en d'autres termes, cette dégradation des terres s'accompagne d'une diminution de la productivité des terres ; Elle se présente sous plusieurs formes : épuisement des éléments nutritifs, perte des matières organiques et érosion du sol.

Au cours des 50 dernières années, 20% des terres agricoles ont été dégradés de manière irréversible (Steiner, 1996) ; 64% des terres agricoles exploitées en Afrique subsaharienne sont considérés comme faiblement productives (Steiner, 1996).

Au Togo, cette dégradation est plus ressentie au sud dans la région maritime (au sud-est sur les terres de barres). L'évolution de l'état de dégradation des terres estimée sur une période de 45 ans est de 3 % par an si 1960 est prise comme année de référence (Brabant et al., 1996).

La restitution au sol de la matière organique et des éléments nutritifs perdus grâce à l'utilisation des fumures, particulièrement des engrais minéraux, permet de freiner cette dégradation et, concomitamment, d'augmenter la productivité des terres.

1.2.3.1 Le rôle de la matière organique dans le sol

La matière organique du sol est l'ensemble des substances carbonées provenant des débris végétaux, des déjections et des cadavres d'animaux ainsi que des apports méthodiques de l'agriculteur -épandage de fumier, incorporation d'engrais organiques, etc (Lawson, 1993).

a. Effet sur les propriétés physiques du sol

La teneur en MO du sol affecte les propriétés hydrodynamiques, soit indirectement à travers l'effet sur sa structure soit directement à travers la capacité de rétention d'eau des substances humiques qui peuvent théoriquement retenir 15 fois leur poids d'eau (FAO, 1995). La matière organique joue un rôle très important dans la stabilisation de la structure du sol et son fonctionnement : elle améliore leur structure ; elle les protège contre la battance, l'érosion et le lessivage ; par sa teinte noire, elle conserve la chaleur du sol.

b. Effet sur les propriétés chimiques du sol

La matière organique est une réserve d'éléments nutritifs pour les plantes. Par sa réaction acide, elle entraîne la solubilisation des minéraux par complexation. Dans les sols tropicaux, la MO fournit la grande partie de l'azote et du soufre et 50% du phosphore prélevé par les cultures non fertilisées. On remarque aussi des effets régulateurs de croissance produits dans les sols par la matière organique dont les effets antibiotiques contre certaines maladies bactériennes (IFA, 1992).

c. Effet sur les propriétés biologiques du sol

La matière organique stimule l'activité biologique du sol. Elle est le support et l'aliment des êtres vivants du sol qui participent d'une manière très active à la nutrition des plantes (Lawson, 1993). Elle peut libérer des activateurs de croissance qui favorisent la nutrition des plantes et leur résistance au parasitisme et maladies.

d. Effet de la MO sur le rendement des cultures et la qualité des récoltes

Selon Pichot (1985), sur sols ferralitiques à Madagascar, la matière organique (MO) a une influence bénéfique sur la fertilité, les propriétés biologiques, chimiques et physiques du sol contribuant ainsi à une production efficace des cultures et à la conservation des sols. D'après Agboh (1991), la restitution de la paille a un effet positif sur le rendement en grain de maïs mais pas moins important que celui du compost (voir Figure I.1.)

 

4
3.5
3
2.5
2
1.5

 
 

paille enlevée paille restituée compost

1991 1992 1993

années

Figure 1.1 : Rendement en grains de maïs à Davié (Agbo' 1994)

Sur sols ferrugineux au Burkina-Faso avec 10 t ha-1 de fumier, des rendements en grain de maïs de l'ordre de 2,5 t ha-1 sont obtenus alors que le témoin sans fumier donne à peine 1,5 t ha-1 pour les mêmes traitements (Kekeh, 1999).

De plus, les travaux de Tamélokpo et al. (2002), sur les sols ferrallitiques de 1998 à 2001, montrent que l'apport de matière organique au sol par l'utilisation du mucuna (système cultural rotation maïs-mucuna-engrais) permet d'obtenir des gains de rendements (de plus de 2 t ha-1) par rapport aux témoins qui ne comporte pas de mucuna (voir tableau I.5.)

Tableau 1.2 : Rendements et gains dus à l'utilisation des options technologiques

Options de gestion de la fertilité du sol

Rende-
ment
(t ha-1)

Gain par rapport Gain rapport

aux PP1 (t ha-1)

aux PP2 (t ha-1)

Pratique paysanne (PP1)

0,8

-

-

Pratique paysanne + Engrais (PP2)

1,8

-

-

Maïs Mucuna Continu

1,9

1,1

0,1

Maïs Mucuna Continu + Engrais

3,8

3,0

2,0

Rotation Maïs Mucuna

2,7

1,9

0,9

Rotation Maïs Mucuna + Engrais

4,2

3,4

2,4

Rotation Maïs Manioc

2,6

1,8

0,8

Rotation Maïs Manioc + Engrais

4,1

3,3

2,3

CV = 24.5 PPDS 5% = 0.8

Source : Tamélokpo et al. (2002)

On sait désormais qu'un apport régulier et notable de MO (résidus végétaux, fumier), combiné à des applications chimiques, permet de développer des systèmes de production intensifiés et durables (Breman et Sissoko, 1998).

1.2.3.2 Le rôle des engrais chimiques dans le sol

D'après Tel (1981) l'absorption des éléments nutritifs du sol par les cultures ne peut s'opérer indéfiniment. Il faut rendre au sol ce qu'il a perdu par l'apport d'engrais organiques ou inorganiques ; les quantités apportées correspondant aux quantités absorbées par les plantes et celles perdues par lessivage, érosion ou fixation (par dénitrification dans le cas de l'azote). Les carences en éléments nutritifs affectent la croissance des végétaux et réduiront leurs rendements agricoles

Selon Pieri (1989) et Stoorvogel et Smaling (1990), près de 100 millions d'hectares de savane auraient perdu au cours des trente dernières années, 700 kg ha-1 de N, 100 kg ha-1 de P et 450 kg ha-1 de K. L'utilisation des engrais organiques et minéraux devient donc une impérative pour accroître la production agricole. Agbo (1994) va plus loin en affirmant que l'augmentation de rendement n'est possible que si les éléments minéraux exportés du sol sont régulièrement remplacés). Selon Sokpoh (1997), l'usage des engrais constitue l'une des approches de conservation des sols dans nos pays où le problème de la dégradation et de la rareté des terres cultivables se pose de plus en plus avec

acuité ; ce manque relatif de terres cultivables, ne permettant plus la pratique de l'agriculture extensive, exige que nos agriculteurs optent pour l'intensification.

Les engrais chimiques ont pour rôle essentiel d'apporter les éléments nutritifs aux plantes. Ils sont appréciés pour leur effet rapide et leur facilité d'emploi. On connaît cependant certaines limites à leur utilisation : selon Kekeh (1999) qui cite Tandon, l'efficacité des engrais se révèle souvent inférieure aux attentes escomptées. Pour les cultures en milieu tropical, les pertes d'azote peuvent atteindre 50% ; en riziculture irriguée elles sont rarement inférieures à 30% (Wopereis et al. 1999).

En situations plus défavorables telles que les fortes pluviométries, les périodes sèches prolongées, les sols érodés ou pauvres en matière organique, les engrais contribuent à accentuer l'effet de la sécheresse et donc entraînent une baisse du potentiel de production. De plus selon Kekeh (1999), l'utilisation continue et exclusive d'engrais chimiques de type NPK entraîne l'acidification du sol, son appauvrissement en oligo-éléments et à moyen terme, la diminution de la production. Ainsi leur utilisation doit être couplée à des amendements et particulièrement organiques (apport de matière organique) pour une agriculture durable. En effet, les travaux de Lamboni (2000) sur les terres de barre dans le sud du Togo montrent que la fertilisation azotée et phosphatée du maïs présente une grande efficacité agronomique sur les parcelles améliorées avec du mucuna (riches en MO) que sur celles non améliorées soumises à des cultures continues de maïs (pauvres en MO). Il a été aussi démontré qu'une utilisation efficace des engrais dépend du niveau de fertilité du sol et que les sols dégradés peuvent être régénérés par des applications de MO et/ou par l'amélioration de sa qualité. Pour les sols encore suffisamment fertiles, cette fertilité peut être maintenue par une gestion de la MO.

Dans les pays de l'Afrique sub-saharienne, les sols sont exploités sans ou avec très peu d'apport d'engrais organiques et minéraux. C'est pourquoi certains auteurs comme Bationo (1994), caractérisent l'agriculture africaine de minière « en ce sens qu'elle prélève du sol, chaque année, plus d'éléments nutritifs qu'elle n'en retourne au sol » ; c'est l'une des causes de dégradations des sols.

1.3 La fertilité du sol et notion de GIFS

1.3.1 Définition de la fertilité du sol

La fertilité du sol a été définie et redéfinie par de nombreux auteurs.

Adjétey-Bahun (1991) la définit comme l'aptitude des sols à fournir (en quantité optimale et au moment opportun) aux plantes cultivées tous les facteurs nécessaires à leur croissance et à leur production. Autrement dit, elle est la combinaison de toutes les propriétés physiques, chimiques et biologiques des sols qui conditionnent la croissance des plantes, en général, et des cultures en particulier.

La fertilité du sol est habituellement vue en tant qu'équivalent de la capacité du sol à fournir des nutriments aux plantes. En un sens plus étroit, la fertilité du sol traite seulement des aspects nutritifs du sol, et plus souvent seulement des macro-éléments, habituellement l'azote et le phosphore et parfois le potassium. Wopereis et Maatman (2002) parlent plutôt du « capital d'éléments nutritifs » qui se définit comme les stocks d'azote, de phosphore et d'autres éléments essentiels du sol qui deviennent disponibles aux plantes pendant une période de 5 à 10 ans.

Selon Agboh (1994), la fertilité du sol est l'aptitude d'un sol à produire des récoltes en fonction de ses qualités intrinsèques et des techniques culturales utilisées. Il identifie deux types de fertilités : la fertilité actuelle qui est l'aptitude à produire dans des conditions actuelles de culture ; elle se mesure sur le rendement obtenu. La fertilité potentielle, par contre, est cette aptitude à produire dans les conditions optimales de nutrition (par suite de l'activité humaine sur les facteurs modifiables de la fertilité). Elle mesure le rendement maximum.

La couleur du sol est un important facteur pour déterminer le niveau de fertilité d'un sol. La couleur des sols vient le plus souvent des oxydes de fer ou de la matière organique qui recouvrent les surfaces de particules du sol. Les sols riches en MO sont de couleur brune à noire. Les sols noirs sont, en général plus fertiles que les sols qui ont une couleur moins foncée, à cause d'un taux de MO plus élevé (Defoer et al., 2002).

1.3.2 La gestion intégrée de la fertilité du sol (GIFS)

La GIFS est une notion assez complexe et plusieurs définitions sont proposées pour définir ce concept

Dans un sens plus large, la gestion intégrée de fertilité du sol (GIFS) se réfère à la meilleure utilisation des stocks d'éléments nutritifs du sol, des amendements localement disponibles et des engrais minéraux dans le but d'augmenter la productivité des terres tout en maintenant (voire en augmentant) la fertilité du sol (Wopereis et Maatman, 2002).

La FAO (2000) parle plutôt de Integrated Soil Nutrients Management (ISNM) ou Gestion Intégrée des Nutriments du Sol, un terme voisin de la GIFS et propose une définition qui semble beaucoup plus vaste. ISNM est défini dans un sens holistique beaucoup plus large du concept de « gestion conservatoire des terres» ; il embrasse le sol, les aliments, l'eau, les récoltes et les procédés de gestion de la végétation adaptés à un système particulier d'emblavage et d'exploitation des terres, entrepris dans le but d'améliorer la fertilité du sol et d'augmenter leur productivité. L'ISNM vise à optimiser l'état du sol, en ce qui concerne ses propriétés physiques, chimiques, biologiques et hydrologiques, afin d'augmenter sa productivité tout en réduisant au mieux la dégradation des terres.

Selon Janssen (1993), la gestion intégrée de la fertilité des sols comprend l'emploi combiné des engrais minéraux et organiques de façon à appliquer les nutriments nécessaires et à maintenir la MO du sol. Ceci relève du fait que ces deux formes d`engrais ne sont pas concurrentes mais complémentaires.

La GIFS est une stratégie regroupant un certain nombre d'options technologiques :

· l'amendement du sol à travers l'amélioration du taux de matière organique (engrais vert, agroforesterie, résidus de récolte, ...) ; du capital du phosphore (phosphates naturels, engrais phosphatés solubles) et/ou du pH du sol (dolomies, gypse, ...)

· les méthodes d'élévation de la fertilité des sols à des niveaux de production agricole plus intensive à travers une combinaison optimale des fertilisations organiques et minérales ;


· les méthodes complémentaires pour améliorer la productivité des terres, de la main-d'oeuvre et du capital investi (méthodes de conservation des eaux et des sols, variétés améliorées, traction animale, ...)

Bien que beaucoup de technologies en nos jours en matière de GIFS aient, cependant, été développées dans la zone semi-aride de l'Afrique de l'Ouest, y compris au Togo, très peu de paysans les utilisent. C'est pourquoi certains chercheurs comme Werner (1996) ont suggéré qu'à l'avenir, l'accent soit mis sur la recherche en milieu réel, avec la participation des paysans. L'une des approches de recherche en milieu paysan est l'apprentissage participatif recherche-action.

1.4 L'apprentissage Participatif et Recherche-Action

(APRA)

De nombreux projets d'utilisation durables des sols ont échoué pour à cause de l'approche sectorielle de ces projets, du manque d'intégration dans les structures existantes, d'une durée opérationnelle assez courte, du manque de technologies disponibles et principalement à cause du manque de participation des groupes-cibles (Steiner, 1996). Selon ce même auteur, le transfert de technologies que l'on encourageait autrefois et qui consistait à développer des solutions au niveau de la recherche, puis à les diffuser au travers de systèmes de vulgarisation s'est révélé inadéquat

Vers la fin des années 70, plus d'attention a été prêtée aux contraintes paysannes et à la complexité des réalités rurales (Struif-Bontkes et Wopereis, 2003 ; Werner, 1996). La recherche d'approches nouvelles s'est fortement orientée vers le développement de méthodes et insiste sur la nécessité d'une interaction étroite entre les trois systèmes de savoir (recherche, vulgarisation, pratique). Ainsi, Les recherches en station ont été remplacées par les recherches in situ et les fermiers sont devenus des partenaires au lieu d'être simplement des récepteurs passifs d'information. Il s'agit de l'approche participative.

Ce développement, quoique louable, faisait malheureusement face à des problèmes, pour tenir compte des variabilités paysannes : les solutions qui fonctionnent dans une situation particulière peuvent ne pas fonctionner dans une autre (Struif-Bontkes et Wopereis, 2003). En d'autres termes, il n'existe pas de solutions passe-partout ; les technologies développées dans le cadre de certains

projets ne peuvent être que partiellement généralisées et transférées à des situations particulières. Ce que l'on souhaite, ce sont des solutions spécifiques à des situations particulières ; le développement de telles solutions nécessite une connaissance précise des conditions locales (Steiner, 1996).

Dans de telles conditions, les approches traditionnelles de recherche ne conviennent plus, et doivent, par conséquent être remplacée par une capacité d'analyse et de compréhension des situations pour offrir des options alternatives afin de résoudre un problème. C'est dans ce contexte que l'approche « Apprentissage Participatif et Recherche-Action » constitue une approche de solution pour une utilisation durable des sols.

L'Apprentissage Participatif et Recherche-Action est basé sur l'établissement d'un dialogue permanent entre les populations et les agents techniques, sur le respect mutuel et le principe de partenariat ainsi que sur la reconnaissance du savoir-faire local. Il est une approche d'éducation paysanne axée sur la formation des adultes en groupe, exploitant les expériences des paysans-membres de ce groupe.

L'APRA met un accent particulier « sur la valorisation des connaissances et savoirs des populations locales et leur combinaison avec la connaissance scientifique moderne » (Gueye et Freudenberger, 1991). Selon Steiner (1996) qui cite Habarurema, les paysans possèdent une très bonne connaissance de leurs sols et utilisent leur propre classification. Celle-ci s'appuie sur des critères tels que la structure, la couleur du sol, les capacités de drainage et de rétention en d'eau et l'aptitude pour certaines cultures, pour n'en citer que quelques-unes. La connaissance de la classification locale des sols facilite la discussion avec les paysans et avec le personnel local de vulgarisation.

Ces populations ont développé diverses techniques d'amélioration de la fertilité du sol.

Le curriculum APRA dure toute la saison et les activités suivent les stades de développement de la culture et les pratiques culturales. Les paysans analysent eux-mêmes leurs pratiques, découvrent les problèmes et cherchent des solutions. Au lieu de diffuser ou de transférer des technologies issues des services de recherche/vulgarisation, les animateurs/facilitateurs aident les paysans à découvrir eux-mêmes des solutions et ainsi à augmenter leur capacité de « bons » gestionnaires de leurs cultures.

APRA ne cherche pas les meilleures solutions du point de vue scientifique, mais celles qui sont pratiques, applicables et adaptées à des situations spécifiques. (Defoer et al., 2002).

En Côte d'Ivoire, cette approche a été utilisé pour la Gestion Intégrée de la Riziculture en Afrique sub-saharienne (APRA-GIR) et y a donné des résultats satisfaisants par une exploitation optimale et durable des rizières et une maîtrise des eaux d'irrigation.

L'approche APRA a pour objectifs :

· de développer la capacité paysanne d'observation et d'analyse de sa gestion des cultures afin d'identifier les contraintes majeures et de tester, d'adapter, d'innover des possibilités d'amélioration pour une gestion intégrée de la fertilité des sols ;

· de faciliter l'apprentissage pour mieux prendre des décisions raisonnées ; décisions qui aboutiront à une GIFS afin de rendre les sols plus productifs et ce, de façon durable.

APRA-GIFS est une activité financée dans le cadre du projet FIDA coordonné par le Programme Intensification Intégrée (PII) de l'IFDC-Division Afrique4 Il a pour but de coupler la GIFS à l'approche participative paysanne afin de rendre les agriculteurs capables de gérer effectivement leurs terres pour une agriculture durable. Il se base sur une gamme d'outils d'apprentissage ayant pour but principal d'inciter à échanger les expériences, à observer, à stimuler la réflexion des paysans, à analyser, à conceptualiser et à expérimenter. Les outils d'apprentissage de APRA-GIFS, sont largement inspirés par les manuels APRA-GIR de Defoer et al. (2002) et Wopereis et al. (2002). Ce sont le calendrier agricole, la carte de terroir, le transect, les sessions plénières d'échange, l'observation de terrain, la synthèse et restitutions d'observations, les parcelles d'apprentissage, l'expérimentation, la fiche de suivi et l'évaluation des acquis :

· le calendrier agricole permet aux paysans d'avoir une vue globale des périodes d'activités agricoles (semis des différentes cultures, sarclages, apports d'engrais, ...) afin de mieux planifier les bonnes pratiques culturales. Il permet

de comprendre les changements qui s'opèrent tout au long de l'année (Gueye et Freudenberger, 1991) ;

· la carte du terroir villageois donne une vision aérienne de l'espace. C'est une représentation des éléments clés relatifs à la forme, la morphologie, l'hydrologie, la pédologie, la végétation et l'occupation du terroir ; elle permet aux paysans d'avoir une vue globale de leur terroir afin de pouvoir analyser les contraintes et potentialités de celui-ci en vue des actions d'amélioration. Gueye et Freudenberger (1991) vont plus loin en disant qu'elle donne une idée sur la perception des populations de leur environnement et des ressources qui y existent ;

· le transect : C'est une coupe horizontale de l`espace villageois (Gueye et Freudenberger, 1991). Il consiste à parcourir de façon longitudinale et transversale le terroir. Le parcours peut aussi être circulaire ou un peu tortueux. Le groupe faisant le transect s'arrête à chaque unité identifiée par les paysans et discute des types de sols et leurs caractéristiques, la végétation dominante, les cultures, les pratiques,... Il complète la carte de terroir. Il consiste à prendre comme point de départ une limite du village ou de la zone étudiée et de marcher jusqu'à la limite opposée. Il est très important d'atteindre les limites extrêmes du village car certaines activités qui s'y déroulent sont souvent ignorées (Gueye et Freudenberger, 1991) ;

· les sessions plénières d'échange d'expériences et l'introduction de nouvelles idées par l'équipe : le premier module se base sur les connaissances et pratiques paysannes et consiste en un échange d'expériences entre les paysans ; il permet aux facilitateurs que sont les chercheurs de mieux saisir les éléments qui ne sont pas maîtrisées par les paysans et ainsi d'ajuster le contenu du module pour compléter les connaissances paysannes. Le second module s'inspire du premier et traite d'un ou de plusieurs idées non maîtrisées par les paysans et qui nécessitent des explications des facilitateurs ;

· l'observation de terrain en sous-groupes : les observations se font aux différents stades de développement de la culture. Elles concernent les essais, les problèmes de mauvaises herbes, le comportement de la culture ;

· La synthèse et restitution d'observations : Après les sorties de terrain, une restitution est faite au lieu choisi par les paysans pour les rencontres (« Centre

APRA-GIFS ») pour faire des restitutions et synthèses. Les résultats sont présentés et analysés. Ceci dans le but de comprendre les causes ou les facteurs qui sont à la base de ce qu'on voit

· Les parcelles d'apprentissage : après la synthèse, il est choisi des parcelles pour permettre aux paysans d'appliquer les nouvelles techniques apprises ;

· l'expérimentation : les paysans sont encouragés à se décider à tester les nouvelles idées sous forme d'expérimentation. C'est une manière de tester de façon systématique un ensemble d'options, normalement en comparaison avec la technique conventionnelle. Elle comprend plusieurs aspects notamment : la conceptualisation, la mise en place, le suivi, les visites d `observations, l'analyse des données et la restitution des résultats qui se font d'une façon concertée entre les paysans eux-mêmes et entre l'équipe de facilitateurs et les paysans. Les expérimentations jouent un rôle important dans l'adaptation des technologies aux conditions locales ;

· la fiche de suivi : le suivi et l'évaluation de la mise en place des nouvelles techniques sont nécessaires pour analyser l'efficacité des techniques GIFS et d'obtenir des renseignements permettant d'améliorer les techniques et l'approche APRA-G IFS ;

· L'évaluation des acquis : à la fin de chaque module une petite évaluation est faite. Elle comprend l'appréciation de ce qui est apprécié ou non par les paysans, l'apprentissage (évaluation des connaissances avant et après le module) et l'utilité des nouvelles connaissances (les paysans comptent-ils les appliquer ?) ;

Au cours de la saison où nous avons travaillé, les modules de APRA-GIFS n'ont pu être systématiquement suivis.

Les connaissances indigènes jouent certes un rôle important, dans un monde changeant rapidement mais les solutions empiriques et efficaces du passé peuvent ne pas s'appliquer dans la situation actuelle ; ce qui fait appel à l'utilisation de la connaissance scientifique (Struif-Bontkes et Wopereis, 2003) et tout particulièrement aux outils d'aide à la décision que sont les modèles.

1.5 Les modèles

1.5.1 Qu'est qu'un modèle ?

Un modèle, dans le domaine agricole, est un outil qui intègre les connaissances acquises sur les systèmes agricoles. Il permet de décrire et de comprendre un système donné. C'est selon Dzotsi (2002) qui cite plusieurs auteurs (Hétier et al, O'Callaghan et Struif-Bontkes), une représentation statique ou dynamique, subjective, simplifiée et sélective de la réalité faisant intervenir des formules mathématiques pour définir les relations entre certains éléments. Le modèle ne peut donc avoir la prétention de représenter parfaitement la réalité puisqu'il n'est issu que de la connaissance que son concepteur possède de cette réalité et du but que celui-ci poursuit

Ils peuvent permettre aussi de fournir rapidement des solutions de rechange faites sur mesure pour la gestion des cultures et du sol dans un environnement particulier, ils sont très appropriés pour être employés dans le développement et la diffusion participatives des options de GIFS (Struif-Bontkes et Wopereis, 2003).

Plusieurs modèles d'utilité agricole sont connus mais il est possible de les regrouper selon plusieurs critères. Le plus simple des critères permet de distinguer deux grandes catégories : les modèles dynamiques et les modèles statiques.

Les modèles dynamiques simulent la dynamique de croissance, de développement, le rendement des cultures voire les différents stress environnementaux ayant agit sur ces cultures. On peut citer le DSSAT (Decision Support System for Agrotechnology Transfer), APSIM (Agricultural Production Systems Simulator), EPIC-Phase (Erosion/Productivity Impact Calculator), COTONS,...

Les modèles statiques définissent l'état d'un système réel à un moment donné, indépendamment des variations qui peuvent intervenir dans ce système en fonction du temps. Ils ne tiennent pas compte de l'influence des facteurs environnementaux (mauvaises herbes, insectes et autres) sur les rendements de la culture. Nous pouvons citer à part le modèle QUEFTS que nous avons utilisé, Nu MaSS (Nutrient Management Support System), NUTMON (Monitoring nutrient flows and economic performance in tropical farming systems), etc.

1.5.2 L'utilité des modèles

L'utilité des modèles peut être envisagée sous différents aspects : comme outils de recherche, d'aide à la décisions ou d'enseignement

1.5.2.1 Les modèles comme outils de recherche

Les modèles permettent d'identifier les lacunes dans nos connaissances ; les fausses hypothèses et de fournir de nouveaux aperçus. Ils permettent aussi de générer et tester des hypothèses et aider à concevoir les expérimentations, ... (Ezui, 2001 ; Sinclair et Seligman, 1996). Ainsi, les modèles sont utilisés dans la recherche fondamentale où ils aident à faire des prévisions de récolte, des analyses de risques (effets des dates de semis), à mettre au point des priorités pour la recherche appliquées, à réduire les coûts de la recherche empirique et même à mener des expériences théoriques au cas où les expériences pratiques ne sont pas faisables.

Les modèles comme SIG (Système d'Information Géographique) peuvent aussi être utilisés comme outils d'exploration pour trouver les sites idéaux pour certains types de recherche après avoir précisé les critères de sélection. Par exemple comme critères, nous pouvons demander au modèle de nous trouver les zones ayant une pluviométrie comprise entre 900 et 1100 mm/an dont les sols sont ferrugineux avec une profondeur supérieure à 40 cm et où la densité de population est inférieure à 10 habitants au km2. Ceci requiert, cependant l'établissement d'une base de données fiable.

Certains modèles peuvent également détecter des anomalies dans les donnés recueillies, par exemple quand des rendements élevés sont obtenus sans engrais sur des sols pauvres (Struif-Bontkes et Wopereis, 2003).

1.5.2.2 Les modèles comme outils d'aide à la décision

Selon Matthews et al. (2000), beaucoup de modèles utilisés dans la recherche sont promus pour leur aptitude à faciliter les prises de décision : exemples du choix des pratiques de gestion optimale des terres, aider les paysans à déterminer le niveau optimal de semis, les doses d'engrais et les protections sanitaires. Ils peuvent intervenir, d'après Penning de Vries (1990), dans trois types de décisions définies à l'échelle temporelle : les décisions opérationnelles

(prises au cours d'une saison de culture), des décisions tactiques (prises une fois par saison) et les décision stratégiques (prenant effet sur plusieurs saisons).

Les modèles peuvent également aider :

· à réduire les pertes d'élément nutritifs par une meilleure évaluation des flux de nutriments (cas de NUTMON) ;

· à une meilleure utilisation des ressources disponibles en identifiant par exemple les sources de matières organiques qui peuvent être facilement compostées ou directement appliquées comme mulch et source d'approvisionnement en nutriments ;

· à accroître une utilisation plus efficace des fertilisants. Les modèles comme DSSAT peuvent permettre d'identifier les périodes idéales pour les apports de fumure en fonction de la variété cultivée et de la date de semis.

· à faire des analyses de risques et de bénéfices qui sont très importants pour l'agriculteur. Le modèle DSSAT permet par exemple de prendre une décision sur les variétés qui peuvent être semées par le paysan lorsque celui-ci a pris du retard sur le début de la saison agricole.

· etc.

Cependant, en raison de leurs limites (voir plus loin), les outils d'aide à la décision doivent être employés avec précaution et il est important de garder en l'esprit que les outils d'aide à la décision ne peuvent suppléer l'activité de prise de décision ; ils constituent juste une aide pour orienter la prise de décision.

1.5.2.3 Les modèles comme outils d'enseignement

L'utilisation des modèles est de grande importance aussi bien pour l'étudiant que pour l'enseignant ; nous ne citerons ici que quelques exemples de l'utilité des modèles. Les modèles de simulations peuvent être utilisés pour étudier le cycle de développement d'une plante (trop long à suivre pour la durée d'un cours) ou pour contrôler l'effet des facteurs environnementaux -climats, ravageurs, maladies, ...-(exemple de modèles : COTONS, DSSAT,).

L'utilisation des modèles n'est cependant pas sans risques. Les modèles présentent certaines limites auxquelles les scientifiques doivent remédier (Penning de Vries et Rabbinge 1995) : degré de précision des résultats inconnus, contrôle de qualité insuffisant par manque de critères devant justifier cette qualité

et une trop grande simplification des phénomènes réels. A ces limites, nous pouvons également ajouter, la rareté des données d'entrée des modèles, en particulier dans nos pays, la difficulté ou l'absence de collecte de données pour l'évaluation des modèles, le manque d'outils informatiques adéquats, le nombre insuffisant de scientifiques formés en la matière, etc. Aussi un modèle est-il souvent développé par rapport à des conditions environnementales spécifiques d'une zone et sa simplification signifie que ces conditions, qui sont difficilement trouvées dans la réalité, soient remplies avant que ces résultats ne puissent être fiables. Nous pouvons enfin citer comme limites le manque de fiabilité de certaines données (résultats d'essais, analyses chimiques de sol, analyses végétales,...) et la pertinence de la structure du modèle (le modèle QUEFTS par exemple ne tient pas compte de la pluviométrie, de la densité de semis, de la variété, de l'influence des mauvaises herbes, ...).

1.5.3 L'utilisation des modèles en Afrique

La notion de modèle en agriculture est encore nouvelle en Afrique. En 1999, IFDC-Division Afrique dans le cadre du projet COSTBOX5, a commencé par promouvoir l'utilisation d'un certain nombre d'outils d'aide à la décision pour la gestion de la fertilité du sol et des cultures par les petits producteurs de l'Afrique sub-saharienne. Malgré tous les efforts fournis, l'utilisation des modèles demeure toujours très faible en Afrique. Plusieurs raisons sont évoquées pour expliquer la faible expansion de l'utilisation des modèles en Afrique (Struif-Bontkes et Wopereis, 2003) :

· les outils d'aide à la décision ne cadrent pas suffisamment avec la complexité des exploitations des petits producteurs en Afrique sub-saharienne ;

· certains de ces outils nécessitent beaucoup de données qui sont souvent soit indisponibles, soit peu fiables ;

· le manque de connaissances sur leur utilisation ;

· Et enfin, beaucoup d'institutions qui doivent promouvoir l'utilisation de ces outils se cantonnent sur un outil particulier alors que, la complexité et la diversité des

5 COSTBOX (A Client-Oriented Systems Toolbox for Technology Transfer Related to Soil Fertility Improvement and Sustainable Agriculture in West Africa) est un projet financé par et a été exécuté en collaboration avec un certain nombre d'instituts de recherche agronomique et d'universités de la sous-la région. Il a pris fin en décembre 2002.

exploitations des petits producteurs de l'Afrique sub-saharienne requièrent, pour une approche plus souple et plus orientée, une sélection d'un ensemble d'outils d'aide à la décision à partir desquels on peut choisir un outil ou une combinaison d'outils qui peut, avec succès, s'attaquer au problème.

COSTBOX a aussi montré que le problème ne résidait pas dans la manipulation de l'outil, mais plutôt dans tous les processus d'identification du problème et de l'outil approprié, dans la collecte des données et leur application au modèle afin d'obtenir des résultats pouvant conduire à la solution au problème posé. De plus de ces raisons, il faut souligner que peu d'agronomes africains connaissent l'utilisation des modèles. Il est donc impérieux de promouvoir la formation des utilisateurs potentiels des modèles (chercheurs, consultants, éducateurs et formateurs, vulgarisateurs).

1.5.4 Le modèle QUEFTS

1.5.4.1 Présentation de QUEFTS

Le modèle QUEFTS a été mis au point à la suite d'expérimentations portant sur la culture de maïs de 1971 à 1983 au Kenya et au Suriname. La version actuelle (version 1.1.) sortie en 1990 est calibrée pour le maïs sous les conditions agro-écologiques des deux pays sus-mentionnés et fonctionne sous MS-DOS®. Mais il est possible de l'adapter pour d'autres cultures (Janssen et al.., 1992) et de le traduire en version Excel 2000 (Struif-Bontkes, 2002)6. Il permet de déterminer indépendamment du temps, les relations entre certaines caractéristiques du sol, l'application de l'engrais et le rendement des cultures. Pour prédire le rendement de la culture, le modèle évalue la capacité d'approvisionnement en N, P et K du sol et estime l'absorption de ces éléments. C'est l'un des modèles qui prennent simultanément en compte l'effet des trois éléments sus-mentionnés dans la prédiction de rendement. Il est idéal pour les sols tropicaux (Ezui, 2001). Par son aptitude à évaluer la fertilité du sol, il est souvent utilisé dans les recommandations de doses d'engrais à appliquer (cas des rizières irriguées au Vietnam rapporté par Tran Thuc, 2003).

6 Struif-Bontkes, 2002 : communication orale

1.5.4.2 Les potentialités de QUEFTS

QUEFTS est une approche d'évaluation de la fertilité des sols qui, selon EZUI (2001), a plusieurs utilités :

· estimation de l'approvisionnement potentiel du sol en azote, phosphore7 et potassium (N, P et K) sur la base des données relatives à la composition chimique de ce sol.

· estimation de l'absorption actuelle du N, P K par la culture

· estimation du rendement de la culture à l'aide des rapports rendement/absorption8

· quantification de la contribution de la fertilisation (engrais) à
l'approvisionnement en azote, en phosphore et en potassium, à leur absorption et à l'accroissement relatif du rendement

· l'optimisation des doses d'engrais azotés, phosphatés et potassiques à apporter. Ceci peut se faire de deux manières :

· Optimisation nutritionnelle : les doses de N, P, K les plus équilibrées sont calculées en tenant compte de l'actuel approvisionnement en N, P, K dans le sol et de l'argent disponible pour les dépenses pour l'engrais à l'hectare. Cette procédure augmente l'efficacité de l'absorption puisque absorption et rendements sont directement liés dans le modèle ;

· Optimisation économique : cette procédure vise à déterminer les doses d'engrais azotés, phosphatés et potassiques les plus profitables. Le même budget est dépensé mais de préférence, ce sont les engrais moins chers qui sont les plus utilisés. L'équilibre des nutriments (N, P, K) est modifié par rapport au cas précédent, mais le profit augmente normalement. C'est une optimisation qui correspond seulement à des aspects de coût des engrais et de la valeur du rendement

7 Pour la détermination du phosphore assimilable, le modèle requiert le P-olsen ; P-Olsen est une méthode d'extraction de la quantité de phosphores assimilables présents dans un sol. Elle utilise comme réactif le bicarbonate de soude 0.5 N

8 Les rapports rendement/absorption font partie des paramètres du modèle QUEFTS. C'est la valeur de la production pour 1 kg d'élément absorbé. Sa valeur varie selon que la quantité de l'élément absorbé est concentrée (valeur faible), ou diluée dans la culture (valeur élevée).

Le principe de détermination (prédiction) du rendement concerne surtout les cinq grands premiers points (cf. figure I.2).

Données de sol

· C-org

·

Engrais
apporté

 

Taux de
recouvrement
maximum

 
 

(N-total)

· P-Olsen

· (P-total)

· K-éch

·

Approvisionnement de
l'engrais en N, P, K

pH

Approvisionnement
du sol en N, P, K

Disponibilité en N, P, K ou
approvisionnement total

Rapports
rendement/absorption

 
 
 

Absorption N, P, K

 

Production

Figure 1.2 : Principe de détermination du rendement d'une culture par QUEFTS

1.5.4.3 Les modules de QUEFTS

QUEFTS comporte cinq grands modules qui sont de véritables programmes séparés et indépendants. Mais, au cours d'une prédiction, tous sont intégrés à partir du module principal :

· Le module principal ou fonction principale (Main module)9 : les prédictions de rendements s'y font essentiellement

· Le module des paramètres (Edit Parameters)10 avec 25 niveaux de paramètres : permet de créer et d'éditer un fichier de paramètres ;

· Le module factoriel (Factorial) : exécute des opérations similaires à ceux du module principal ; il ne permet cependant pas une rentrée rapide des données et ne considère pas non plus la combinaison de plusieurs traitements ;

· Le module des prix (Edit Prices) : pour créer, éditer ou retrouver un fichier de prix ;

· le module d'optimisation ou de programmation linéaire (Optimization) : permet de déterminer les doses optimales d'engrais pour un certain sol connaissant les prix des engrais et du produit récolté et sur la base d'un budget donné.

NB : La présentation ci-dessus concerne la version MS-DOS de QUEFTS. Notre étude s'est servie de cette version traduite en Excel que nous appellerons QUEFTS EXCEL. Les principes de prédiction et de calcul sont les mêmes que pour la version MS-DOS. QUEFTS EXCEL a été choisi à cause de sa manipulation assez aisée et des possibilités qu'il offre de travailler sous Windows.

1.5.4.3 Le calibrage, l'évaluation et la validation du modèle QUEFTS

QUEFTS, a été développé à la suite d'essais au Kenya en Afrique orientale et au Surinam et en Amérique du Sud comme écrit plus haut Autrement dit, il a été élaboré dans des conditions agro écologiques différentes de celles de notre étude. Pour qu'il puisse prédire des résultats « conformes » à ceux des expériences réalisées en milieu réel, il nécessite un étalonnage ou calibrage

9 Cf. annexe 2, Ecrans 8 à 10

10 Voir annexe 2, Ecrans 3 à 7

destiné à le corriger afin qu'il « reflète bien la réalité » (Penning de Vries et Rabbinge, 1995).

· Ce calibrage consiste à ajuster les valeurs des paramètres aux données pour que les valeurs de sortie (simplifiées) du modèle correspondent aux valeurs expérimentales obtenues sur le champ ou au laboratoire. Ceci implique la mise en place et la conduite des essais en milieu réel pour la collecte des données indispensables pour faire tourner le modèle (cultures, climat, analyses de sols, ...) et l'évaluer. Il faut cependant se méfier de ce processus d'ajustement car il aboutit à des paramètres qui sont plus liées aux données réelles actuellement disponibles qu'à celles des observations futures (Ezui, 2001). C'est pourquoi Aboudrare et al. (1999) proposent plutôt le terme calage qui consiste à ajuster un petit nombre de paramètres du modèle de manière à obtenir une simulation satisfaisante. Le calibrage fait dans des conditions climatiques et édaphiques bien déterminées n'aura de valeurs prédictives que localement. Une fois calibré, le modèle doit être évalué.

· L'évaluation consiste à comparer les valeurs des observations avec celles de la simulation. Du Toit et al. (2001) puis Kiniry et Jones (1986) rappellent que le test ultime d'un modèle est la précision avec laquelle il décrit un système réel d'où la nécessité de comparer les prédictions du modèle avec les mesures réelles ; elles doivent avoir les mêmes tendances.

· La validation est la phase ultime de généralisation du modèle ; il est le test du modèle dont on veut faire un usage plus général dans des conditions environnementales différentes de celles ayant servi à le calibrer. il consiste à établir les lois de variation des paramètres en fonction du type de sol et du climat. D'après Coulibaly et al. (1995), elle consiste en une comparaison entre le modèle et la réalité perçue par une série de résultats expérimentaux. Mais le plus souvent, la conformité des résultats simulés est rare après validation. C'est pourquoi, certains auteurs comme Thornton (1991) et Konikow et Bredehoeft (1992) se rejoignent en considérant que le modèle parfait ne sera jamais construit et que la validation d'un modèle sur une grande échelle n'est pas évidente. Autrement dit, un modèle peut se révéler valider au Sud du Togo, par exemple, et ne pas l'être au Nord. C'est pour ces raisons que dans les jargons de la modélisation, le terme validation est de plus en plus soustrait.

La détermination des doses d'engrais pour les différents sols de Sévé-Kpota, la formulation de recommandation qui implique le calibrage du modèle et son évaluation nécessitent des essais. Ces essais ainsi que la connaissance du milieu d'essai (c'est-à-dire le terroir villageois) requièrent une méthodologie de travail et l'utilisation de certains matériels qui seront présentés dans le chapitre suivant

II. MATERIEL ET METHODES 2.1 Cadre géographique de l'étude

Ce travail a été conduit à Sévé-Kpota, un village situé au nord-ouest de la Région Maritime du Togo, à 3,5km de la Nationale No5 à l'est de Kévé. Selon un recensement effectué en 2002 la population de Sévé-Kpota compterait 365 habitants dont 47% d'hommes. La principale activité économique est l'agriculture. Les activités agricoles concernent les cultures de maïs, de manioc (en association avec le maïs ou en culture pure), l'arachide, le niébé11 et le maraîchage avec la tomate et le piment. L'élevage est une activité secondaire mais non négligeable dans le village. On y élève des volailles et des chèvres et peu de moutons. On trouve dans le village 2 poulaillers et 2 porcheries « modernes ». Les femmes font, en plus des travaux champêtres, du commerce issu de l'extraction d'huile de palme et du gari.

Le village de Sévé-Kpota appartient à la zone des sols ferrugineux tropicaux lessivés à concrétions sur socle granito-gneissique. Les sols rencontrés sont relativement fertiles avec un niveau de dégradation faible (Brabant et al., 1996). Le taux de matière organique est autour de 1,5-1,8%. Il existe cependant une certaine variabilité locale dans les sols en ce qui concerne la profondeur. D'après Dzotsi (2002), les sols profonds se rencontrent au nord du village, la profondeur du sol atteint 80 cm tandis que plus au sud, elle est limitée à 40 cm (voir en annexe 8, les résultats des études de profils de sols).

Sévé-Kpota, tout comme la Région Maritime du Togo, connaît un régime pluviométrique bimodal dans lequel la première saison pluvieuse, la plus grande, va de mars à juillet ; elle est suivie d'une petite saison sèche qui s'arrête en septembre; la deuxième saison pluvieuse, plus courte, s'établit à partir de la mi- septembre et fait place à une seconde saison sèche (plus grande) entre novembre et février. Sévé-Kpota à l'instar de la région sud du Togo, connaît des aléas climatiques perturbant le rythme des saisons. En 2001, Sévé-Kpota a enregistré environ 960 mm de pluies. Par contre en 2002, elle s'est nettement améliorée avec 1058 mm d'eau enregistré (voir figure II.1).

11 niébé : cowpea en anglais, terme utilisé en Afrique pour désigner Vigna ungiculata

250

33

200

150

100

50

0

Mois

Année 2001 Année 2002 Moyenne

Figure 11.1 : Evolution de la pluviométrie à Sévé Kpota (2001-2002)

2.2 Le matériel

2.2.1 La culture

Le matériel végétal est constitué essentiellement par le maïs. Le choix de la variété à semer a été laissé aux paysans. Mais globalement 4 variétés ont été utilisées :

n AB1112 : variété précoce, cycle de 90-95 jours, résistante à la verse, tolérante à la rouille, au streak viruse et à la sécheresse ; rendement moyen de 3 t/ha, rendement maximum de 4,5 t ha-1.

n Ikénné : Variété précoce, cycle végétatif (semi-maturité) de 90 jours ; bonne résistance à la verse ; bonne résistance au virus de la striure ; rendement moyen au Togo : 2,5 t ha-1 ; rendement maximal : 5 t ha-1 (Lamboni, 2000).

n TZEComp413 : variété précoce; Rendement potentiel très élevé 5,1 à 7,4 t ha-1 ; résistant à Puccina polysora (rouille des céréales), Bipolaris maydis (blight), Curvularia et au streak viruse.

n Variété locale utilisée dans le milieu : cycle de 90 jours, rendement moyen de 2-3 t ha-1, sensible au streak viruse.

12 AB11 : Fiches caractéristiques des variétés de maïs de l'ITRA

13 TZEComp4 : caractéristiques extraites de : description of varieties de International Institute of Tropical Agriculture IITA-

2.2.2 Les engrais minéraux

Deux types d'engrais ont été utilisés pour les essais :

· l'urée dosant 46% de N

· le NPK 15-15-15 dosant 15% de N, 15% de P2O5 (soit 6,5% de P) et 15% de K2O (soit 12,5% de K).

2.2.3 Le petit matériel technique

Pour la collecte de données socio-économiques sur le village et la réalisations de la carte, le matériel suivant a été utilisé : papiers Krafts, marqueurs de différentes couleurs, colle, punaises, ruban adhésif (scotch) et tableaux d'affichage.

2.3. Les méthodes

2.3.1 L'étude socio-économique

La partie socio-économique de notre étude devait se faire avant le début des essais pour une connaissance préalable du milieu. Mais en raison des contraintes d'ordre temporel liées à la coïncidence du début du projet APRA-GIFS avec le début de la saison agricole, ces études ont été faites à partir de la fin de la saison.

2.3.1.1 La collecte de données de base et l'interview semi-structurée

Ce sont deux outils complémentaires. Les données de base concernent les informations sur le foncier, les tendances d'évolution, etc. De même, l'interview semi-structurée (ISS) vise à connaître les objectifs, les intérêts et contraintes de chaque groupe socio-professionnel par rapport aux problèmes fonciers, aux problèmes de gestion de la fertilité du sol, etc. Tous ces deux outils consistent à poser des questions lors d'une séance plénière.

En ce qui concerne l'ISS, à la place des questions formelles et préétablies, on utilise un guide qui répertorie les axes essentiels sur lesquels portera l'interview. Au fur et à mesure que certains axes sont couverts, le guide est revu. Une fois qu'un point particulier est en train d'être discuté avec les personnes interviewées, les réponses fournies soulèvent chaque fois d'autres questions qu'il faudra poser pour approfondir la compréhension du sujet (Gueye et Freudenberger, 1991).

Normalement, l'interview devait se faire (lors de notre étude) au sein de chacune des classes socio-professionnelles précitées afin de permettre à chacune de pouvoir s`exprimer librement. Mais à causes des impératives liées à l'indisponibilité des villageois, l'ISS (tout comme la collecte de données de base) s'est faite en séance plénière avec 35 villageois (15 femmes et 20 hommes).

Photo 1 : Déroulement de l'Interview semi-structurée à Sévé-Kpota

2.3.1.2 La carte du terroir

Après les préliminaires (salutations d'usage) et l'explication des objectifs du travail, l'équipe de `chercheurs' invite les villageois à se grouper par classes sociales dans le but de permettre à chacune d'elle de donner sa vision du terroir villageois. On a généralement trois classes : les hommes, les femmes et les jeunes. Mais lors de notre étude, seuls les deux premiers groupes ont été formés. Les groupes sont séparés les uns des autres lors de la réalisation de la carte.

Le travail proprement dit au niveau des différents groupes commence par une ébauche de la carte sur le sol pour contourner la réticence des paysans à tenir un crayon et à dessiner sur du papier. Le facilitateur demande aux membres du groupe de désigner un ou deux dessinateurs qui ne feront que traduire en illustration les idées de tout le groupe. Les points de repère sont représentés : les quatre points cardinaux sont d'abord symbolisés par le lever et le coucher du soleil puis les limites de leur terroir sont dessinées. La carte est ensuite complétée en commençant par les éléments les plus remarquables tels que les routes, les cours d'eau, les marchés, la place publique, la maison du chef, etc. La légende peut être écrite en langue locale comme en français.

Le chercheur veille à l'utilisation correcte des couleurs et symboles et note la signification de chacun d'eux pour un rappel éventuel.

Photo 2 : Ebauche de la carte de terroir sur le sol par les hommes

Par contre il leur est plus facile de reproduire la carte déjà réalisée au sol sur du papier

Photo 3a: Reproduction de la carte sur papier par les hommes

Photo 3b: Reproduction de la carte sur papier par les femmes

Photo 3: Reproduction des cartes sur papier Kraft

Après la finition de la carte par chacun des groupes, l'étape qui suit consiste à faire une synthèse, c'est-à-dire à mettre en commun les deux cartes (puisqu'il n'en existe qu'une seule au niveau du terroir). Cette synthèse a donc pour but d'harmoniser les points de vue de tous les groupes et permet de corriger les insuffisances observées sur chacune des cartes (les femmes dessineront par exemple le moulin et le marché alors que les hommes ne le prendront peut-être pas en compte ; de même, ces derniers placeront sur leur carte les distilleries de boisson locale qui ne se retrouveraient certainement pas sur la carte des

femmes) ; la carte la plus détaillée est retenue. Enfin, un comité de 4 personnes (2 hommes et 2 femmes) est érigé pour l'établissement de la carte finale (carte retenue complétée avec les données qui se retrouvent essentiellement sur celle qui n'a pas été retenue).

Photo 4a : Présentation de la carte du Photo 4b : Présentation de la carte du

groupe des hommes groupe des femmes

Photo 4 : Présentation des cartes dessinées

2.3.1.3 Les transects

Les objectifs des transects sont les suivants : compléter la carte du terroir, découvrir la diversité biophysique, l'utilisation de l'espace et vérifier si les informations données par les paysans (sur la carte ou autres) sont exactes.

L'équipe pluridisciplinaire qui conduit les groupes de prospection (groupe mixte avec les représentants des différentes couches socioprofessionnelles) comportait deux agronomes, un agro-pédologue et un agro-économiste assistés de deux élèves-ingénieurs agronomes.

Au cours du transect, chacun avait une tache précise : le pédologue étudiait le profil des sols à chaque unité avec une tarière ; les agronomes prenaient les coordonnées des points et posaient des questions d'éclaircissement aidés de l'agro-économiste ; les deux élèves-ingénieurs dessinaient la végétation et notaient toutes les informations ; un paysan représentait le profil du paysage, un autre mesurait la distance parcourue en comptant le nombre de pas effectués entre 2 unités (points d'arrêt) et les autres répondaient aux questions (voir photos 5).

Photo 5a Photo 5b

Photos 5 : Parcours du transect ouest-est

Les parcours des transects sont déterminés à partir de la carte et choisis de manière que sur chaque parcours, au moins deux types de sols soit traversés. Au cours des transects, l'intérêt est porté sur les différents types de sols, la végétation, les cultures, les problèmes, les grandes tendances d'évolution (érosion, déforestation, ...). A l'issue de la prospection le groupe fait le dessin du transect exécuté de manière lisible sur du papier kraft. Les dessins seront faits par les villageois avec le concours des animateurs.

Un membre du groupe présente le dessin du transect aux autres villageois pendant la séance plénière (photo 6).

Photo 6 : Représentation sur papier kraft du parcours d'un transect

On procède après aux questions pour peaufiner le dessin du groupe et l'accent est mis sur les zones, les problèmes, les tendances, les sols, la végétation, les cultures, la topographie du terrain, etc.

2.3.1.4 Le questionnaire d'enquête

Toutes les informations collectées lors de l'ISS ont servi à la confection d'un questionnaire d'enquête pour une analyse plus approfondie des informations recueillies. L'échantillon avait une taille de 38 et comptait 20 femmes et 18 hommes dont les âges étaient compris entre 20 et 76 ans.

2.3.2 Les essais en milieu paysan

2.3.2.1 Le dispositif expérimental

Le dispositif expérimental s'inspire largement des classifications que les paysans font de leurs sols et des recommandations proposées par QUEFTS.

~ La classification participative des sols

Les paysans ont affirmé qu'il existait des différences importantes entre les sols du village et que la couleur est un important facteur de détermination de la fertilité de leurs sols. Ils distinguent trois types de sols dans leur terroir : les sols rouges, les sols noirs et les sols blancs. Ces sols sont généralement classés selon la couleur des horizons et correspondent aux sous-groupes suivants dans la classification française CPCS (1967) :

· Sols rouges : sols ferrugineux lessivés à concrétions de couleur brun sombre à brun rougeâtre (état humide, 7,5YR 3/2 à 2,5YR 3/4) ;

· Sols noirs : sols ferrugineux lessivés indurés et peu profond. de couleur brun- très sombre (état humide 1 0YR 2/2 ) ;

· Sols blancs : sols peu évolués d'apport colluvial de couleur brun - brun sombre à brun -jaunâtre (état humide, 10YR 4/3 à 10YR 4/4).

NB : Pour la simplicité des noms de chacun des types de sols susmentionnés, nous adopterons les appellations paysannes des sols rouges, noirs et blancs respectivement pour les sols ferrugineux fortement lessivés à concrétions, les sols ferrugineux lessivés indurés et les sols peu évolués d'apport colluvial.

 

Selon leur observation générale, le niveau de fertilité décroît des sols noirs aux sols blancs en passant par les rouges. Leurs caractéristiques sont consignées dans le tableau II.1.

Tableau 11.1 : Caractéristiques des sols de Sévé-kpota

Types de sol

Rouge

 

Noir

Blanc

teneurs

min

max

min

max

min

max

MO (g kg-1)

11,2

19,3

14,2

26,5

9,8

22,6

N (g kg-1)

1,1

1,7

1,05

2

1

1,4

P total (mg kg-1)

200

314

245

1666

160

281

P assimilable14 (mg kg-1)

2,6

7,5

3,6

21,66

3,36

6,59

K échangeable (mmol kg-1)

1,8

6,1

1,6

13,8

0,5

4,1

pH-eau

6,6

7

6,9

7

6,7

7

 

L'identification des pratiques paysannes

Plusieurs pratiques de gestion de fertilité de sols sont observées chez les producteurs du village en fonction du niveau de fertilité des champs :

· application de 150 kg de NPK 15-15-15, 15 jours après le semis et 50 kg d'urée à 45 jours après le semis;

· aucun apport de NPK après une bonne pousse de mucuna en petite saison ;

· dose (inconnue et) unique de NPK si la plante présente une bonne croissance ;

· dose (inconnue et) unique d'urée à 45 jours après le semis, si le champ est fertile,...

En se basant sur ces différentes pratiques paysannes et après avoir exploré les options d'optimisation des effets des éléments apportées par les engrais grâce au modèle QUEFTS (voir Tableau II.2), les traitements dans le dispositif expérimental ont été élaborés.

14 Passimilable= P-Bray : c'est une méthode d'extraction de la quantité de phosphore assimilable contenu dans un sol. Son réactif est : NH4F à 0.03 N et HCl à 0.025 N.

Elle est moins utilisée que la méthode Olsen mais sa valeur est habituellement de même ordre de grandeur que cette dernière ou jusqu'à 30% environ supérieure celle-ci. Cependant les propriétés du sol comme le pH et la présence d'oxydes et de carbonates peuvent affecter cette relation (Ezui, 2002).

Tableau 11.2 : Récapitulation des résultats du test d'optimisation15

Paysans

 

Fraction (%) à investir sur

 

N

P

K

MOUDOR Amah

rouge

100

0

0

APEDO Kofi

blanc

100

0

0

ATIVON Komi

rouge

100

0

0

WITTA Kokou

noir

100

0

0

ATTIKEY Eya

noir

95

5

0

 

Interprétation du tableau II.2 :

Le test d'optimisation nutritionnelle consiste à déterminer les doses d'azote, de phosphore et de potassium les plus équilibrées en tenant compte de l'actuel approvisionnement en N, P, K dans le sol et de l'argent disponible pour les dépenses d'engrais à l'hectare.

Le modèle QUEFTS nous indique que les sols de Sévé-Kpota ne sont pas déficients en P et en K; si l'on a une certaine somme d'argent à investir dans l'acquisition des engrais, il est préférable de mettre la totalité (100%) de cette somme dans l'achat ses engrais azotés, dans les 4 premiers cas et dans le dernier cas, 95 % sur les engrais azotés et seulement 5% sur les engrais phosphatés.

La description du dispositif expérimental

Le dispositif expérimental est en blocs aléatoires complets avec parcelles divisées (Split Plot). Chaque type de sol (rouge, noir et blanc) constitue une parcelle principale et comporte 8 répétitions (soit 8 blocs) ; ce qui fait au total 24 blocs.

Chaque bloc comporte 5 parcelles secondaires (sous-parcelles) soit 5 traitements dont la répartition se fait de façon aléatoire.

L'unité expérimentale a une superficie moyenne de 48 m2 (excepté quelques rare cas où cette valeur a varié à cause de contraintes foncières). L'essai comporte donc deux facteurs :

· Le type de sols constituant le facteur secondaire comporte 3 niveaux ;

· La dose d'engrais constitue le facteur principal et comporte 5 niveaux.

15 Voir dans annexe 4, les résultats détaillés de l'optimisation

Terroir du
village

BLOC 2
Sols noirs

42

BLOC 1

Sols rouges Sous-parcelle

(unité expérimentale)

BLOC 3

Sols blancs

Parcelle principale

Figure 11.2 : Schéma explicatif du dispositif expérimental

Tableau 11.3: Récapitulation des différents traitements et des différentes doses

Traite-

Dose de fumure (par hectare)

ments Type Apport 1 Apport 2

T1 pratique

paysanne

les paysans qui appliquent les engrais le font selon
leurs pratiques (voir tableau II.4.)

T2 Témoin sans engrais

150 kg NPK 15-15-15 50 kg d'urée

d'engrais) 44,5 u N + 9,75 u P + 18,8 u K

Dose
vulgarisée
(4 sacs

T3

Dose en essai 50 kg NPK 15-15-15 + 50 kg d'urée 50 kg d'urée

T4 (3 sacs

d'engrais) 53,5 u N + 3,25 u P + 6,25 u K

75 kg d'urée 75 kg d'urée

Dose en essai

T5 (3 sacs

d'engrais) 69 u N

NB : Lorsque les paysans ne font pas d'apport d'engrais, la pratique paysanne est identique au témoin.

u N, u P et u K sont respectivement les unités fertilisantes d'azote, de phosphore et de potassium.

T3

T4

T5

Photo 7: Explication des différents

traitements par un paysan Photo 8: Explication des apports de fumure minérale

(T3 à T5)

2.3.2.2 La gestion des parcelles

a. Le semis

Le semis a été effectué entre le 21 et le 23 avril 2002. Le schéma de semis était de 0,40 m x 0,80 m (même au niveau de la pratique paysanne) à raison de 2 plants par poquets ; ce qui correspond à une densité moyenne de 62500 pieds par hectare.

b. Les travaux d'entretien

Les travaux d'entretien se résument essentiellement aux apports d'engrais et aux sarclages :

· deux sarclages ont été effectués au gré des paysans : le premier entre le 2 et le 6 mai et le second est intervenu entre le 22 mai et le 04 juin 2002.

· il n'y a pas eu de fumure de fond ; une fumure d'entretien (apport 1, tableau II.2) a été apportée 15 jours après le semis et une autre fumure d'appoint 45 jours après le semis (apport 2). L'apport se fait en poquet à moins de 10 cm du plant. Cinq paysans ont apporté des fumures aux doses récapitulées dans le tableau II.3.

Tableau 11.4 : Apports de fumures selon les pratiques paysannes

Nom de paysan

Type de
terre

Apport 1
(kg ha-1 NPK 15-15-15)

Apport 2
(kg ha-1 Urée)

ATIVON Komi

Rouge

46

37

AGBENOZAN Edoh

Rouge

169

71

DOUHO Akossiwa

Rouge

105

0

WITTA Kokou

Noir

171

110

ATTIKEY Eya

Noir

152

84

c. Les observations sur les parcelles

Des visites fréquentes sur les parcelles ont été effectuées tout au long du cycle de développement de la culture et jusqu'à la récolte, souvent, accompagnés des paysans, ont été effectuées pour les mesures de hauteur, le comptage des fleurs mâles et femelles et l'observation du comportement des plants des différents traitements.

Photo 9a Photo 9b

Photo 9: Observations en groupe mixte

d. La récolte

Sur chaque parcelle, on récolte 8 lignes sur 4 m (si les lignes sont orientées suivant la longueur) ou 4 lignes sur 8 m (si les lignes sont dans le sens de la largeur) en laissant les deux premiers poquets et les lignes de bordures. Cela donne une superficie utile de 25,6 m2 ; les épis sont déspathés sur pieds et les pailles sont coupées et pesées. Les épis sont comptés puis égrenés et le poids des grains mesurés.

Après la récolte, une restitution participative des résultats a été organisée ; A cette restitution, ont assisté les facilitateurs de l'IFDC et de l'ICAT et une trentaine de paysans.

Les objectifs de cette restitution étaient de tester le niveau de compréhension des essais par les paysans, de présenter les résultats et d'amener les paysans à choisir les meilleurs traitements et enfin de les aider à tirer des conclusions.

Photo 10a Photo 10b

Photo 10 : Restitution en fin de saison

e. Les paramètres mesurés


· Le calcul des rendements en grain a été fait à 12% d'humidité pour pouvoir comparer les résultats avec ceux fournis par QUEFTS (Janssen et al., 1992). La formule utilisée est la suivante :

100 - H1 10000

R2 (H2) = R1 x

100 - H2 S x 1000

x

Où :

R1 = Production sur la superficie récoltée (kg)

R2 = rendement au taux d'humidité H2 (t ha-1)

H1 = taux d'humidité à la récolte (%)

H2 = taux d'humidité auquel le rendement va être calculé (ici à 12%) S = superficie récoltée (m2)

Les rendements de la paille sont calculés à 0% d'humidité.

· Le calcul des données de la parcelle manquante

Au cours de l'essai, un paysan (Douho Akossiwa), sur les sols rouges, a clandestinement fait un apport de NPK sur le témoin ; les données de cette sous-parcelle ont été jugées manquantes et estimées à partir de la méthode de Yate (Nénonéné, 2003)16.

· Le prélèvement d'échantillons de sol a été réalisé avant le début des essais ; il a consisté à prélever des échantillons à une profondeur de 0-20 cm en cinq points du champ : un point au milieu des diagonales du rectangle que constitue la parcelle et deux points sur chacune des diagonales et de part et d'autre de ce milieu. Ces cinq échantillons sont mélangés ensuite pour en faire un échantillon composite qui a été séchés à l'air libre jusqu'à stabilisation de son poids.

Les analyses chimiques de ces échantillons ont été effectuées dans les laboratoires de l'Institut Togolais de Recherche Agronomique (ITRA).

· Le prélèvement d'échantillons végétaux

Il a concerné la paille (tige, feuilles, spathes) et les grains. Son objectif est de déterminer la teneur en éléments nutritifs principalement N, P et K exportés par les différentes parties sus-mentionnées de la culture. Ainsi trois plants sur chaque parcelle ont été prélevés de même qu'une certaine quantité de grains après pesées. Ces échantillons ont été séchés à l'étuve à 62oC jusqu'à stabilisation de leurs poids puis broyés, conditionnées pour analyses à l'ITRA.

· Le calcul de l'efficacité agronomique (EA) :

L'efficacité agronomique mesure l'augmentation supplémentaire du rendement en grain (en kg) imputable à l'utilisation d'une unité supplémentaire (kg) d'élément fertilisant sur un hectare.

EA = [Rendement avec engrais - Rendement sans engrais] (en kg ha-1)

Dose appliquée de l'élément fertilisant (en kg ha-1)

 

16 Nénonéné, A. 2002. Biométricien, ESA-UL, Communication orale

~ Le calcul de l'indice de récolte (IR) :

L'indice de récolte mesure le rapport entre le rendement en grains et la biomasse totale produite.

Poids des grains

 

IR =

Poids des grains + poids de la paille

 

~ Le calcul des exportations :

RS x T

Exp =

100

 

Exp = Quantité de N, de P ou de K contenue dans les grains ou dans la paille (kg ha-1)

RS = Rendements secs en kg ha-1 (à 0% d'humidité)

T= Teneur en N ou en P ou en K de la paille ou des grains. 2.3.2.3 L'analyse statistique des résultats

Elle a été faite avec le logiciel MSTATc. Le test de DUNCAN au seuil de 5% nous a permis de discriminer les rendements. Les résultats pratiques paysannes, du fait de la variabilité qui existe dans les traitements seront analysés séparément

2.3.2.4 L'analyse économique

Le ratio valeur coût (RVC) a été notre outil principal. Il est le revenu procuré par l'utilisation des engrais rapporté au coût de cet intrant :

Prix du maïs (F.kg-1)*[Rendement avec engrais - Rendement RVC = sans engrais] (en kg ha-1)

Coût total des engrais

 

Deux ratios ont été calculés : le premier à la récolte, lorsque le prix du kilogramme de maïs est bas (65 F) et le second à la période de soudure, lorsque le prix du maïs est élevé (entre 160 et 200 F). Nous considérerons, pour le second ratio, le prix minimum qui est de 160 F afin d'être sûr que le paysan pourra vendre son maïs à ce prix.

Le coût des engrais est calculé en considérant le prix de vente fixés par la Direction de l'Agriculture, de l'Elevage et de la Pêche (7750 F le sac de 50 kg aussi bien pour le NPK 15-15-15 que l'urée) et en y ajoutant 250 F de frais de transport des engrais du point d'achat jusqu'au village.

2.3.3 L'adaptation de QUEFTS

Le modèle QUEFTS (QUantitative Evaluation of Fertility of Tropicals Soils) est a été utilisé parce qu'il requiert un nombre relativement restreint de données pour évaluer la fertilité des sols. Il tient compte de l'influence des trois principaux éléments N, P et K déterminant les rendements des cultures en milieux tropicaux ; il permet également de choisir les doses d'engrais à appliquer après avoir déterminé jusqu'à quel point le sol peut satisfaire aux besoins de celles-ci avant d'entreprendre toute expérimentation.

Le modèle a été développé dans des conditions agro-écologiques bien définies ; par conséquent, il ne peut répondre spontanément aux attentes de l'utilisateur ; Il convient alors de l'adapter avant son utilisation.

2.3.3.1 Le calibrage de QUEFTS

Le calibrage de QUEFTS a été fait avec les résultats des essais de COSTBOX de l'année 2001. Il a été fait par tâtonnement et nous avons adopté la même méthodologie que EZUI (2001) lors de l'adaptation du modèle QUEFTS pour la prédiction des rendements de l'arachide dans les conditions agro-écologiques de Tsagba (Notsè) au sud du Togo.

Les étapes du calibrage sont les suivantes :


· Ajustement des taux de recouvrement de N, P et K ;

Les taux de recouvrements sont calculés d'après la formule suivante :

[Exp (traitement avec engrais) - Exp (traitement sans engrais)] TR = (en kg ha-1)


· Ajustement des rapports rendement/absorption du modèle puis comparaison des paramètres d'absorption du modèle avec ceux observés.

Comme le rapport rendement/absorption est proportionnel au rendement, ils ont tous deux le même sens de variation. Ainsi :

· toute diminution de rapport pour un élément donné (N par exemple), est suivie d'une baisse de rendement de la culture. Au même moment, l'absorption de cet élément (N) augmente tandis que l'absorption des autres éléments (P et K par exemple) diminue aussi, à cause de la diminution du rendement,

· par contre, toute augmentation de rapport rendement/absorption pour un élément donné (N par exemple), implique un accroissement du rendement, entraînant une augmentation de l'absorption des autres éléments (P et K par exemple) alors que cette absorption diminue pour l'élément dont le rapport est augmenté ;

Le rapport rendement/absorption (Rr/a) est calculé comme suit :

Rendement grains (kg ha-1)

Rr/a (N, P ou K) =

Absorption de N ou de P ou de K - Qm

avec

Absorption (N, P ou K) = Rendement grains x t1 + Poids paille x t2

t1 représente le taux de N, P ou K dans les grains (en %)

t2 représente le taux de N, P ou K dans la paille (en %)

Qm représente la quantité minimale de N, P ou K qui doit être absorbée par la plante pour amorcer la croissance végétative et pouvoir produire suffisamment de graines (Qm est égal à 5 pour le N, 0.4 pour le P et 2 pour le K).

· enfin comparaison des rendements prédits à ceux observés (les premiers doivent être supérieurs aux seconds puisque le modèle ne tient pas compte des effets des facteurs tels que le climat, l'approvisionnement en eau, les maladies, la variété).

Dans le processus de calibrage, les paramètres qui déterminent l'approvisionnement en N, P et K (SN, SP et SK) ont été estimés de la façon suivante :

SN = 0,25 x (pH - 3) x 68 x N total

SN= approvisionnement du sol en N (kg ha-1)

N total= taux de N dans les 20 premiers centimètres de la couche supérieure du sol

SP = 0,028 x P total + P-assimilable

SP= approvisionnement du sol en P (kg ha-1)

P-total= taux de P-total dans les 20 premiers centimètres de la couche supérieure du sol ;

P assimilable= taux de P-assimilable (mg kg-1) dans les 20 premiers centimètres de la couche supérieure du sol (dans notre cas, P-assimilable = P-Bray au lieu de P-olsen)

SK= (400 x K échangeable) / (2 + 0,9 x C-org)

SK = approvisionnement du sol en K (kg ha-1) ;

K échangeable = taux de K-échangeable dans les 20 premiers centimètres de la couche supérieure du sol (mmol kg -1 ha-1) ;

C-org= taux de C dans la couche supérieure de 20 cm (g kg-1)

2.3.3.2 l'évaluation et la validation du modèle

Elles ont consisté à tester QUEFTS « calibré » sur les données collectées au cours de la première saison 2002. A cet effet, deux méthodes seront utilisées (à l'instar de Ezui, 2002) :

~ L'évaluation des tendances de prédiction

Ce sont des graphes représentant le sens de variation des rendements simulés par rapports aux rendements observés. Des tendances de prédiction semblables aux tendances observées, indiquent une logique de prédiction acceptable pour le modèle.


· la méthode de l'intervalle de précision acceptable de Mitchell et Sheehy (1997) : Cette méthode utilise les déviations (différence entre valeurs prédites et valeurs observées) reproduites par rapport aux valeurs des observations ; et elle spécifie deux critères pour l'adéquation du modèle : un intervalle de précision acceptable, et la proportion de points qui figureront dans cet intervalle. Comme intervalle de précision acceptable, Alagarswamy et al. (2000) proposent de choisir l'écart-type (ET) ou " déviation standard " de l'ensemble des observations pour un objet donné. La formule utilisée dans notre cas est la suivante :

ET =

 

~Xi2

- NXm2

 
 
 

Avec : Xi = rendement réel en kg ha-1 du paysan Xm = rendement moyen en kg ha-1

N = nombre total d'observations chez les paysans. Après les calculs, ETréel (ETr) = 0,91 t ha-1

Mitchell (1997) suggère que le modèle est idéal pour des prédictions lorsque 95% des couples de points se retrouvent dans l'intervalle [-Etr, +Etr]. Toutefois une proportion de 83% est jugée acceptable par Alagarswamy et al. (2000).

Dans notre cas, compte tenu des variabilités surtout dans les propriétés du sol, variabilités dues à la dispersion des parcelles en différents points du village, seuls les traitements 2 à 5 ont été pris en compte dans l'évaluation-validation (les traitements 1 -pratiques paysannes- ont reçu des doses de fumures assez variables d'un paysan à l'autre). Cela correspondait à 96 simulations pour le même nombre d'observations (96 correspond au produit des 24 producteurs par 4 traitements).

2.3.3.3 Les formulations de recommandations par le modèle

Des recommandations ont été développées en tenant compte du niveau de fertilité spécifique à chaque type de sol et du pouvoir d'achat du paysan ; autrement dit : `quels types d'engrais le paysan doit acheter s'il n'a la capacité d'acheter que 1, 2, 3 ou 4 sacs ?'.

Pour tourner le modèle, les données d'analyse de sols de trois paysans ont été sélectionnées ; paysans dont les rendements simulés sont compris dans l'intervalle de Mitchell avec des évolutions de tendances prédites et observés assez identiques (ce sont notamment Agbénozan Edoh, Attikey Eya et Djoka Ama respectivement sur sols rouge, noir et blanc).

Le modèle calcule le revenu supplémentaire dû à l'utilisation des engrais à partir de la formule suivante :

Revenu supplémentaire =

[Prix maïs x (Rendement avec engrais - rendements
sans engrais)] - Prix des engrais

 

Le prix du maïs est supposé à 65 F.kg-1, prix de vente à la récolte.

Cette méthodologie adoptée et ces matériels utilisés nous ont conduits à l'obtention de résultats qui seront présentés et discutés dans le chapitre suivant.

III. RESU LTATS ET DISCUSSION

3.1 Les ressources naturelles et leurs utilisations

Les informations présentées ci dessous ont été collectées lors de l'interview semistructurée (ISS). Celles-ci ont été vérifiées par une enquête dont le questionnaire est présenté en annexe 7.

3.1.1 La terre

L'ancêtre des habitants du village de Sévé-Kpota, Togbui Akpakli, s'était installé dans la zone en quête de nouvelles terres ; le marquage des arbres sur une certaine étendue vierge était synonyme d'appropriation de celle-ci. Ses descendants ont naturellement hérité des terres qu'il avait occupées à son arrivée. Ils peuplent les trois quartiers du village à savoir : Sévé Kopéhoho, Sévé Kpota (Sévé) et Sévé Lomnava. Actuellement à Sévé-Kpota, le problème de manque de terre dû à la pression démographique existe comme partout ailleurs mais il ne se pose pas avec insistance et on voit ainsi apparaître différents modes d'accès à la terre

3.1.1.1 Les modes d'accès à la terre

On accède à la terre de plusieurs manières : héritage, achat, location ou gage.


· L'héritage constitue la première forme et se fait uniquement de père en fils (plus de 70% des hommes exploitent des terres héritées). Les femmes (traditionnellement) n'héritent pas des terres de leurs pères mais peuvent toutefois les exploiter jusqu'à la fin de leur vie (35% des femmes travaillent sur les terres de leurs familles et seulement 15% ont acheté leurs propres terres). Plusieurs raisons sont évoquées pour expliquer cet état de fait : d'abord certains estiment qu'il s'agit d'une institution des aïeux et qui ne doit en aucun cas subir de changement ; ensuite les femmes ne doivent pas posséder de terres pour éviter la perte des biens de la famille paternelle au profit d'autres familles.

Cette forme de partage des terres est de plus en plus sujette à contestation de la part des femmes qui estiment qu'elles participent aux dépenses relatives aux obsèques de leurs ascendants défunts autant que les hommes et qu'elles devraient avoir part à l'héritage au même titre que les hommes. Elles estiment aussi qu'étant descendantes d'un même père, elles doivent avoir les mêmes

droits que leurs frères. Enfin, les femmes estiment qu'elles sont de plus en plus nombreuses à être chefs de famille (à la suite de divorce par exemple) ; elles nécessitent, par conséquent, des terres pour subvenir à leurs besoins et éventuellement à ceux de leurs enfants. En effet, l'enquête confirme que 60% des femmes affirment qu'elles n'ont pas suffisamment de terres pour leurs besoins de cultures ; au contraire, 67% des hommes affirment avoir suffisamment de terres pour leurs besoins de culture.

· On peut aussi accéder à la terre par achat

La vente des terres a commencé vers les années 1960 à cause des difficultés financières engendrées par une monétarisation de la société et autres (décès, funérailles, maladies, besoins en biens d'équipement, ...) où tout peut se vendre et s'acheter.

La terre est vendue prioritairement aux membres de la famille dans un souci de conservation des acquis familiaux, la terre étant considérée comme leur bien le plus précieux. En l'absence de preneurs parmi ceux-ci, elle peut alors être vendue aux autochtones ou aux allochtones.

· On peut aussi avoir accès à la terre par location soit contre payement en espèce et dans ce cas, la durée du contrat est précisée, soit par partage de récolte avec le propriétaire selon des proportions précisées au départ ; dans ce dernier cas, la durée d'utilisation n'est pas précisée (exemple, Démè : un métayer exploite la terre et en retour, il doit donner le tiers de la récolte au propriétaire ; 18% des enquêtés pratiquent cette forme de location). Il est nécessaire de préciser qu'autrefois, le partage de récolte n'avait pas lieu ; toutefois celui à qui était confiée la terre avait seulement le devoir de participer aux obsèques de celui qui lui a cédé ses terres, en guise de reconnaissance. A Sévé-Kpota, très peu de paysans travaillent sur les terres louées (6% d'hommes et 15 % de femmes) ;

· Awoba ou le gage de terre est la pratique la plus répandue dans le village et ce, depuis le temps des aïeux ; contre remise d'une certaine somme, un propriétaire terrien met en gage tout ou partie de ses terres. Aussi longtemps que l'emprunteur d'argent ne remettra pas la somme qui lui a été remise, la terre restera aux mains du prêteur d'argent (seulement 5% de paysans travaillent sur des terres en gage). Par le passé, seuls les autochtones avaient droit au gage mais maintenant, les étrangers peuvent aussi en bénéficier.

Les terres cultivables ne manquent pas encore, même si elles deviennent rares (à cause de l'augmentation de la population) ; ainsi tous les habitants du village disposent d'au moins un lopin de terre. L'enquête nous révèle également que plus de 60% des paysans cultivent sur leurs propres terres. Aussi tout habitant du village, éprouvant le désir de cultiver, peut-il trouver des terres à exploiter. Les terres seront données prioritairement aux hommes car selon les villageois, ce sont ces derniers qui en ont le plus besoin. Si toutefois, elle est donnée à une femme, c'est avec l'accord de son mari ou si elle n'en a pas, c'est en présence d'un témoin, parent de celle-ci, afin d'éviter les éventuels problèmes qui pourraient survenir (querelles avec le mari, mésentente avec le propriétaire si celle-ci exploitait les noix produites par les palmiers qui auront poussé alors que ce n'était pas prévu par le contrat, ...).

La superficie minimale nécessaire à un homme pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille est de 10 à 15 carrés17 (0,5 à 0,75 ha). Par contre, pour les femmes, elle n'est que de 4 à 6 carrés (0,2 à 0,3 ha). Or les hommes disposent de superficies de terres exploitables comprises entre 9 et 400 carrés (avec une moyenne de 60 carrés) alors que les femmes disposent de superficies comprises entre 3 et 36 carrés avec une moyenne de 15 carrés. Une meilleure exploitation des terres combinée à des techniques de GIFS permettrait donc à tout habitant de ce village de couvrir ses besoins alimentaires.

Les difficultés que les femmes ont pour accéder aux terres font que la majorité d'entre elles travaillent sur des terres dont les superficies sont comprises entre 8 et 12 carrés.

Dans les conditions normales, lorsqu'une terre est exploitée pendant 5 ans, elle doit être délaissée car elle se trouve rapidement envahie par les palmiers qui s'y sont développés sans qu'on ait cherché à les enlever. En effet, selon les villageois, les palmiers sont une source de richesse comme le cacaoyer (les noix produites pouvant être utilisées pour la sauce ou pour la fabrication d'huile ; par ailleurs, si les noix sont produites sur une terre confiée à une femme pour exploitation, celle-ci peut les récolter sans attirer les protestations du propriétaire).

17 A Sévé-Kpota, il faut 18 carrés (cas de la mesure appelée agotieve, ancienne mesure des ancêtres) à 20 carrés (mesure actuellement utilisée) pour obtenir 1ha ; 12 brasses carrées ou ``bras» carrés correspondent à un « carré » ; un bras ou une brasse fait 1,86 à 2 m.

Ces palmiers peuvent également être installés par un exploitant à qui un propriétaire a confié ses terres. Dans ce cas, il y a soit partage équitable des pieds de palmiers entre le propriétaire et l'exploitant, soit partage des produits de récolte et dans ce cas, les proportions sont d'un tiers pour le premier et les deux-tiers restants pour le second. Cette forme de partage associe aussi bien les autochtones que les étrangers. C'est un mode de faire-valoir indirect

3.1.1.2 La classification des sols

Les paysans classent leurs terres en fonction des couleurs et font une distinction entre les terres de savanes (Dzogbenyigban) et les terres de forêts (Avenyigban). Leur classification repose principalement sur la couleur des horizons de profondeur. Les Avenyigban sont plus fertiles et peuvent toutes sortes de cultures alors que les Dzogbenyigan sont consacrés spécifiquement aux palmiers, au manioc et à l'arachide. Les sols rouges18 et noirs19 sont en grande majorité des Avenyigban alors que les sols blancs20 sont des Dzogbenyigban ; les sols rouges, qui sont les plus abondants, sont plus recherchés que les sols noirs. Les sols blancs sont par contre les moins recherchés. Paradoxalement, tous les trois types de terres valent le même prix lorsqu'elles sont vendues. Les sols blancs sont, cependant, ceux qui sont le plus aisément donnés pour exploitation.

3.1.1.3 Les pratiques de restauration des sols

Lorsque les terres deviennent pauvres, la restauration de leur fertilité devient impérieuse. Les paysans se basent sur certains critères pour déterminer l'appauvrissement de leurs terres : la faible productivité des terres, l'aspect des cultures (rabougrissement, jaunissement,...), le ruissellement survenant en cas de pluies (sol compacté), la croissance difficile des mauvaises herbes et la présence de certaines adventices notamment Imperata cylindrica, et Sporobolus pyramidalis (motogbe en langue locale).

D'après la classification française CPCS (1967) :

18 Sols noirs : sols ferrugineux tropicaux lessivés indurés ; couleur brun-très sombre (état humide

1 0YR 2/2 )

19 Sols rouges : sols ferrugineux tropicaux lessivés à concrétions ; couleur brun sombre à brun rougeâtre (état humide, 7,5YR 3/2 à 2,5YR 3 /4)

20 Sols blancs : sols peu évolués d'apport colluvial ; couleur brun - brun sombre à brun -jaunâtre (état humide, 10YR 4/3 à 10YR 4/4).

La jachère constitue la principale pratique pour restaurer la fertilité des sols dans le village. Elle varie de 1 à 10 ans. Elle est pratiquée par 37% de paysans.

Les plantes améliorantes comme le mucuna introduit dans le cadre du projet PODV, le leucaena, introduit depuis 1985 par une ONG dans le milieu, sont utilisés pour restaurer les sols. Une plante adventice nommée `'tsakpoe» 21 (Mucuna sp.) est aussi connue comme plante de couverture. Cependant, l'utilisation de ces plantes améliorantes n'est pas très répandue pour plusieurs raisons :

· perte de la petite saison due à la culture du mucuna et anomalies climatiques;

· prolifération rapide et exagérée du leucaena qui devient difficile à éliminer et dont les racines empêchent le labour (seulement 3% ont eu à l'utiliser) ;

· méconnaissance des plantes améliorantes (par 11% des paysans).

Il faut néanmoins signaler que seuls les anciens membres du grenier villageois connaissent l'utilisation du mucuna, ce qui fait que seulement 21% des paysans ont déclaré utiliser le mucuna pour améliorer la fertilité de leur sol (en réalité, dans certains champs, le mucuna n'est semé qu'en certains points du champ).

Comme alternatives aux difficultés d'utilisation des plantes améliorantes, certains paysans ont déclaré qu'ils font un assolement et une rotation « mucuna - cultures vivrières » : ils divisent leur champ en deux et ils cultivent le mucuna sur une moitié du champ alors que l'autre moitié est consacrée aux cultures et l'année suivante, ils changent de place au mucuna.

Il est aussi important de signaler les diverses autres pratiques paysannes en matière d'amélioration de la fertilité de leurs terres :

· 21% des paysans utilisent le manioc pour améliorer la fertilité de leurs sols car, selon eux, il permet d'ameublir le sol et de le retourner tout comme le labour profond ;

· 24% utilisent le niébé et/ou l'arachide avec restitution des résidus de récolte au sol.

· 18%, apportent du fumier ou des déjections d'animaux à leurs sols (les élevages étant encore traditionnels et peu importants, il est clair que ce ne sont que très faibles quantités de fumiers qui sont épandues)

21 Tsakpoe : nom vernaculaire utilisé pour désigner une plante adventice du genre mucuna

D'autres contraintes à l'amélioration de la fertilité de leurs sols sont aussi signalées par les paysans notamment :

· le manque de moyens financiers pour l'achat des engrais (évoqué par 50%), des semences de mucuna principalement ; ils souhaiteraient à cet effet bénéficier de lignes de crédits pour l'achat des intrants quitte à rembourser à la vente des produits de récolte.

· l'insuffisance de terres (évoqué par 34%) pour pouvoir installer les plantes améliorantes ; à ce niveau, un travail intense propagande doit être fourni pour faire comprendre aux paysans qu'ils ont plus à gagner en utilisant des plantes améliorantes notamment le mucuna qui permet à la fois de lutter contre les adventices comme le chiendent, d'améliorer la fertilité des sols et la production.

· La crainte de la « jalousie » ou convoitise (citée par 14% des enquêtés) constitue une autre contrainte à l'amélioration de la fertilité des sols ; cette jalousie qui peut entraîner le retrait des terres louées par leur propriétaire lorsque celui-ci verra la productivité de ses terres augmenter à cause de l'utilisation des techniques d'amélioration.

Il ressort de ceci que les paysans travaillant sur les terres louées n'accepteraient en aucun cas d'utiliser des plantes fertilisantes pour améliorer la fertilité des terres qu'ils exploitent au risque de se les faire retirer à n'importe quel moment (ils sont cependant plus disposés à utiliser des engrais sur les terres louées car leurs effets sont « immédiats »).

Les résultats des travaux de Steiner (1996) ont prouvé que les droits fonciers en vigueur dans nos pays contribuent à la dégradation des ressources en raison de l'insécurité foncière, de réglementations étatiques non adaptées et de la perte de la perte d'autorité des institutions traditionnelles.

Il devient donc impérieux de sensibiliser les villageois sur l'utilité d'établir des contrats auprès d'une autorité. Il convient également, pour aller dans le même sens que cet auteur, de faire en sorte que les personnes concernées soient informées précisément de manières à pouvoir revendiquer leurs droits.

La sécurité foncière permettra aux paysans d'investir dans les mesures de
protection des sols à long terme pour éviter une dégradation des terres car les
agriculteurs n'investiront dans la conservation des terres que s'ils ont la garantie

foncière sur leurs zones d'exploitation, selon une étude de CRDI rapporté par l'ENDA22.

3.1.1.4 L'utilisation des engrais et des semences améliorées

Les engrais sont connus des villageois mais leur utilisation est peu rentrée dans les habitudes paysannes. Un sondage rapide effectué sur les paysans présents lors de l'ISS nous a permis de constater que seuls 4 hommes sur 11 et 3 femmes sur le même effectif (ce qui donne un pourcentage d'environ 27-36 %) utilisent des engrais. Plus tard les résultats de l'enquête nous ont confirmés que seulement 32% des paysans utilisent des engrais, en quantité très faible et principalement pour les cultures maraîchères (tomate et piment).

Les principales raisons de la non-utilisation des engrais est leur coût élevé (18% des paysans) et le manque d'argent (11%).

Les seuls engrais connus sont NPK 15-15-15 et Urée. Ils sont utilisés sur des cultures telles que le maïs, la tomate et le piment Les engrais sont disponibles dans un village voisin (Assahoun) auprès de l'Institut de Conseils et d'Appuis Techniques (ICAT). Les engrais vendus par l'ICAT sont fournis par la Direction Générale de l'Agriculture, de l'Elevage et de la Pêche (DGAEP) et sont aux prix subventionnés de 7750 F le sac de 50 kg de NPK 15-15-15 ou d'urée (à ces frais s'ajoutent 250 F de frais de transport jusqu'au village que les paysans n'oublient pas d'incorporer au coût des engrais).

Par contre, à Kévé chez un importateur privé (CALLITOGO), les engrais sont disponibles aux prix (non subventionnés bien entendu) de 12000 F pour le sac de NPK, 10000 F pour l'urée et 13000 F pour le NPKSB.

Les paysans (7%) se sont plaints du manque d'engrais sur le marché ; ils ont déclaré que les stocks de NPK (qui sont généralement en faible quantité) s'épuisent rapidement dans les réserves de la Direction Générale de l'agriculture représentée par l'ICAT et ils sont parfois obligés d'utiliser l'urée seule pour leurs cultures (principalement pour les cultures maraîchères).

Quant aux semences améliorées, 47% des paysans en utilisent pour les cultures
comme le maïs surtout, la tomate et le piment. Ce taux est très intéressant

puisqu'il surpasse la moyenne nationale qui était passée de 42% avant la dévaluation du FCFA à 34% (Sokpoh, 1997). Ces variétés sont utilisées pour leur précocité surtout et leurs fortes productivités.

En ce qui concerne le maïs, en particulier, beaucoup de paysans n'utilisent pas de variétés améliorées à cause de leurs mauvaises qualités organoleptiques et aptitudes à la conservation. Les variétés connues dans le village sont Ikénné, AB1 1, TZEComp4 et TZEEY-SRBC5. Les paysannes manifestent une préférence pour la V2. La plupart des paysans utilisant les semences améliorées les réutilisent plus de deux saisons (et parfois, jusqu'à disparition des caractéristiques de la variété)23. Un travail de sensibilisation devra donc être effectué pour montrer l'importance d'acheter après chaque saison de nouvelles semences.

Expériences paysannes : A la restitution des résultats, les paysans ont constaté que les variétés améliorées notamment AB1 1, Ikénné et TZEComp4 ont donné de meilleurs rendements que leur variété locale. Cependant, lors de nos discussions, ils ont montré une préférence pour la TZEComp4 en raison de sa précocité. Ils ont également tiré la conclusion que les variétés améliorées répondent mieux aux apports d'engrais que leur variété locale (voir annexe 3, tableau A3.4) qui est par ailleurs très sensible au virus de la striure du maïs.

3.1.2 Les autres ressources du terroir

Le ruisseau Towu est une autre richesse du terroir ; son bas-fond est exploité pour le maraîchage. Ce bas-fond fut utilisé, il y a une dizaine d'années, comme rizière mais les mauvaises aptitudes des sols blancs (voir plus loin) ont entraîné, faute de systèmes d'irrigation adéquats, l'abandon de cette culture.

Sévé-Kpota possède aussi des savanes boisées ou « forêts » ; les paysans se rendent compte qu'ils doivent réagir devant la disparition de leurs « forêts » et se proposent de faire un reboisement avec du teck, des eucalyptus et du Cassia siamea. La collecte de ces données vient en complément à la carte du terroir et aux transects qui sont présentés dans les rubriques qui suivent :

23 Au cours de nos visites dans le village, nous avons constaté qu'un paysan a commencé par vendre comme semences, les produits de récolte de la variété TZEComp4 qu'il a obtenue lors des essais de COSTBOX en 2001

Figure 111.1 : Carte du terroir

Vers Kévé

vers

vers

vers

Figure 111.2 : Transect dans la direction nord-sud

64

La carte de terroir est la carte de synthèse réalisée à la fois par les hommes et les femmes.

Cette carte nous présente le terroir de Sévé-Kpota avec ses villages limitrophes (Zoukpénou, Howuivé, Kouvé, Vakpo et Amakè) et trois zones d'habitation correspondant aux trois grands quartiers sus-mentionnés (Seve-Lomnava, SeveKopehoho et Sévé-Kpota). Telle que représentée, la carte nous indique que la plus grande proportion de terres exploitables est constituée surtout par des sols rouges ; ils sont suivis par les sols blancs. Seules trois zones de faible étendue sont indiquées, par les paysans, comme fortement dégradées. La présence de bas-fonds est synonyme d'une possibilité de riziculture avec l'installation de systèmes d'irrigation adéquats (il y a une dizaine d'années ces bas-fonds furent utilisés dans le cadre du projet AGRI-PROMO pour le développement de la riziculture dans la région ; malheureusement, le manque de systèmes d'irrigation n'a pu permettre l'installation définitive de cette culture).

Les terres de Sévé-Kpota se trouvent sur une zone anciennement forestière comme l'indique le nom du village (étymologiquement Seve signifie forêt d'antilopes).

Les paysans ont également pris le soin de signaler sur la carte la présence du magasin de stockage de produits agricoles construit dans le cadre du projet PODV. Mais il est constaté que très peu de paysans (34%) y stockent leurs produits en vue d'une spéculation sur leurs prix. La majorité (68%) préfère conserver le maïs non-égrenés dans les greniers traditionnels en utilisant la chaleur dégagée par les feux de cuisine pour chasser les ravageurs de récolte ; seulement 13% conservent dans leur maison le maïs égrené et traité au sofagrain24.

Dans ces conditions, la majorité des paysans ne peut ni tirer un grand revenu de la vente de ses produits ni rembourser les crédits qui lui sont octroyés ; soit parce la grande partie de la récolte serait détruite à cause d'une mauvaise conservation (Smith25, 2001), soit parce que celle-ci sera vendue très tôt à bas prix alors le prix du kilogramme de grains de maïs ne sera pas encore passé de 65 F (à la récolte) à 160-200 F (à la soudure).

24 Sofagrain : pesticide constitué de 1,5% Pirimiphos méthyl et de 0,05% Deltaméthrine

25 Smith, H.S. : notes de cours de conservation traditionnelle des produits agricoles

Une sensibilisation doit donc être menée pour montrer l'opportunité d'utiliser les produits phytosanitaires pour la conservation des produits de récolte (car rien ne sert de produire si on ne peut conserver pour pouvoir spéculer sur les prix de vente des produits).

Par ailleurs, un encadrement plus accru des services agricoles pour le renforcement et l'organisation du grenier villageois (qui ne compte plus qu'une dizaine de membres) permettrait une facilitation des démarches auprès des institutions de micro-finances pour l'obtention de crédits agricoles destinés à l'achat d'intrants puisque selon les résultats des études d'André (1990), le crédit est un puissant moyen de promotion des engrais. Mais il est impérieux, d'adopter au préalable de nouvelles stratégies pour baisser les forts taux de non-recouvrement des crédits octroyés qui ont découragé, les organismes de crédits, selon Sokpoh (1997). Les travaux de Steiner (1996) ont aussi prouvé que les mesures qui facilitent l'accès aux crédits sont souvent très utiles, en particulier lorsque les bénéficiaires sont des femmes ou des ménages/exploitations économiquement faibles mais il précise qu'il ne doit s'agir que d'aides de départ, comme la prise en charge des coûts d'investissement ou la « soudure » entre le moment de l'investissement et celui ou intervient l'amélioration des revenus.

A ces conditions, la GIFS serait promue ; elle aboutirait à une utilisation durable des terres et à la rentabilisation de l'agriculture pour les petits producteurs de ce village.

Les transects, quant à eux, ont été effectués dans les directions ouest-est et nord- sud. Ils nous ont permis de découvrir les principales zones du village, les types de sols, les tendances d'évolution, la végétation ainsi que les principales cultures.

Le premier transect, dans la direction nord-sud du village sur une distance de 1699 m (soit 2930 pas effectués), nous a permis de traverser 4 zones notamment Dodzramé, Démékopé, Sévékpota et Amakègblé. Sur ce parcours, nous avons également traversé les sols rouges et noirs séparés par une zone de transition.

Le second, effectué dans la direction ouest-est du village de Sévé-Kpota sur une distance de 1699 m (2644 pas comptés), nous a permis de traverser les zones dénommées Lomnava, Seve, Demekopé, Kotoka, Kopehoho et Awoudome ainsi que les sols rouges et blancs et, comme dans le cas précédent, une zone de transition entre ces deux types de sols.

Une petite variabilité a été notée sur les sols rouges : une partie comporte des concrétions alors que l'autre n'en comporte pas. Le principal problème lié à la présence de ces concrétions est la forte sensibilité des cultures au stress hydrique, surtout lorsqu'il y a eu application d'engrais minéraux.

Les sols blancs, eux, ne sont pas de bonnes terres agricoles; ils sont souvent sujets aux inondations; en effet, ils restent gorgés d'eau pendant la grande saison pluvieuse et ce, durant 3 ou 4 mois et lorsque l'eau se retire enfin, le sol se craquelle, ce qui rend le développement de toute culture, et particulièrement de la riziculture difficile. Pour y rendre possible cette riziculture, les villageois proposent l'aménagement d'une retenue d'eau et de canaux d'irrigation afin d'assurer un approvisionnement hydrique régulier à la culture.

Les sols noirs, par contre, sont des terres riches ; leur seul défaut est qu'ils sont peu profonds.

Le parcours du transect nous a révélé que même si les cultures occupent une bonne partie des terres, il existe aussi des jachères. Cela confirme le fait que le manque de terres n'est pas encore un véritable problème dans le village.

La présence de grands arbres tels que Ceiba pentendra, et Adansonia digitata, Acacia auriculiformis (Racosperma auriculiformis), Eucalyptus sp et beaucoup de Cassia siamea (Seana siamea) est la preuve que nous sommes dans une zone anciennement forestière.

Les principales cultures observées sont le manioc et le palmier à huile. Le maïs est très peu représenté (le transect ayant été réalisé pendant la petite saison pluvieuse où le maïs qui est cultivé principalement pendant la grande saison a cédé la place sur la plupart des champs au manioc avec lequel il était en association). Quelques nouveaux champs de la deuxième saison ont toutefois été observés.

L'association maïs-manioc est pratiquée par 92% des enquêtés qui ont évoqué les raisons suivantes pour expliquer ce système cultural :

· Le manioc est nécessité comme aliment : il est très important dans le régime alimentaire des populations de ce village ;

· le manque de terre : l'association maïs-manioc permet d'occuper au maximum le peu d'espace dont disposent certains paysans ;

· la réduction des sarclages : le sarclage du manioc est effectué en même temps que celui du maïs ;

· l'amélioration des qualités physiques du sol : le manioc permet de retourner le sol et de l'ameublir lorsque ses tubercules sont récoltés ;

Il est aussi important de signaler que 24% des paysans sèment le niébé ou l'arachide, non seulement dans le but d'utiliser les produits de récolte mais aussi dans celui d'améliorer le sol.

La culture de manioc exporte de grandes quantités de potassium du sol ; les restitutions de résidus de récolte ne peuvent jamais suffire à compenser les exportations de N, P et K par les cultures. Les recommandations de dose d'engrais doivent donc tenir compte des exportations du manioc. Or dans les conditions financières actuelles de nos populations, il est pratiquement impossible de leur demander d'augmenter les doses d'engrais à appliquer car les paysans ont déjà du mal à suivre les recommandations existantes ajouté au fait que seuls 26% des paysans pensent que les engrais pourront leur permettre d'exploiter durablement leurs terres.

Le développement de nouvelles technologies à partir des technologies déjà existantes dans le milieu, notamment la rotation culturale avec l'arachide ou le niébé serait une alternative pour éviter la dégradation des terres. Aussi, l'adoption des options technologiques MMuE26 proposées par Tamélokpo et al. (2002) constituerait une alternative pour éviter la dégradation des terres à long terme; ces options technologiques ont permis d'obtenir des gains de rendement supérieurs à 2 tonnes comparés aux pratiques paysannes (cf. tableau I.5) sur les sols ferralitiques.

Néanmoins, il convient de préciser que les travaux de Fofana et al. (2003) ont prouvé qu'à Sévé-Kpota, les rendements obtenus sur les parcelles améliorées avec du mucuna ne sont pas statistiquement différents de ceux des parcelles non améliorées.

Il serait aussi souhaitable de montrer aux paysans la nécessité de planter des arbres tels que Gliricidia sepium Jacq., Cassia siamea Lam. (déjà répandus dans le village) ou Racosperma auriculiformis (Acacia auriculiformis) ou des engrais verts comme Cajanus cajan (L.) Millsp. non seulement dans le but de protéger

26 MMuE= Maïs-Mucuna avec Engrais

leur environnement mais aussi dans celui de conserver les sols grâce à la biomasse laissée par ces légumineuses.

Il serait aussi souhaitable que pour les cultures maraîchères, des appuis-conseils soient apportés par les services d'encadrement aux paysans de ce village car, selon les enquêtes, aucun d'eux ne connaît les doses d'engrais à appliquer.

Enfin pour remédier à l'appauvrissement continu de leurs terres, les villageois voudraient à l'avenir utiliser les plantes améliorantes comme le mucuna au vu des résultats satisfaisants obtenus par les paysans qui travaillent dans le village avec l'IFDC depuis 1999. D'après l'enquête, 68% des paysans sont convaincus que l'utilisation du mucuna leur permettrait d'éviter la dégradation de leurs terres et déjà « 21% l'utilisent dans leur champ ».

Aussi, 84% des paysans interrogés laissent-ils les résidus de récoltes dans leur champ. Ceci constitue un résultat louable dans la mesure où, une très grande fraction des exportations se trouve dans les chaumes (les quatre cinquièmes du potassium absorbé se retrouvent dans les résidus ; Deffo et al., 1999). De plus, selon Bationo (1994), le recyclage des résidus organiques est une condition préalable nécessaire pour une production durable ; une culture sans recyclage des résidus de récolte se traduit par une baisse rapide du niveau de matière organique dans les sols et un lessivage des bases suivi d'une apparition de toxicité de l'aluminium.

3.4 Analyses des résultats des essais

Les résultats des essais et les tableaux d'analyse de variance sont présentés en annexe 3. Les rendements estimés à partir de la méthode de Yate sont les suivants :

- rendements en grains : 1,42 t ha-1 - rendements en paille : 2,53 t ha-1

3.4.1 L'influence des sols sur les rendements

Le tableau III.1 nous présente les résultats du test de Duncan effectué sur les rendements moyens des trois types de sols.

Tableau 111.1 : Comparaison des rendements grains et paille et des IR par type de sol

Type de sols

Rendements (t ha- 1)

IR27

 
 
 
 

Grain Paille

rouge 2,24 b 2,76 b 0,45a

noir 3,29 a 4,13 a 0,45a

blanc 2,28 b 3,74 a 0,37a

La moyenne des rendements en grains sur les sols noirs se distingue nettement de celle obtenue sur les sols rouges par leur supériorité. Par contre, la moyenne des rendements en grains sur sols rouges est statistiquement identique à celle des sols blancs. Cela confirme en partie la connaissance que les paysans ont de leurs terres : les sols noirs sont les plus riches au niveau de ce village.

De même, la moyenne des rendements en paille des sols noirs se différencie de la moyenne obtenue sur les sols rouges. Cette fois-ci cependant, les moyennes de rendements des sols noirs et blancs sont statistiquement identiques.

Les indices de récolte sont statistiquement identiques : les rendements en paille sont donc statistiquement proportionnels aux rendements en grains, comme nous le démontre le tableau III.1.

3.4.2 L'influence des traitements sur les rendements

Les moyennes des rendements des traitements 4 (50 kg NPK et 100 kg d'urée) et 5 (150 kg d'urée) sont statistiquement identiques même si le traitement 3 semble avoir donné le meilleur rendement (tableau III.2).

27 IR = Indice de récolte

Tableau 111.2 : Comparaison des rendements en grains et en paille et des 1R par traitement

Traitement

Rendements (t ha-1)

IR

 
 
 

Grain

Paille

 

T2

2,00 b

2,81 c

0,42a

T3

2,96 a

4,10 a

0,42a

T4

2,73 a

3,70 b

0,43a

T5

2,72 a

3,58 b

0,43a

 

NB : T2, T3, T4 et T5 sont respectivement les traitements 2, 3, 4, 528

L'analyse des indices de récolte (IR) montre qu'ils sont également statistiquement identiques ; en d'autres termes c'est-à-dire que les rendements en paille suivent les mêmes évolutions que les rendement en grains et ceci au niveau de tous les traitements.

Il ressort de cette analyse qu'au niveau de ce village, les paysans qui appliqueront 3 sacs d'urée (T5) ou 2 sacs d'urée et 1 sac de NPK (T4) ou encore 3 sacs NPK et 1 sac d'urée (T3) obtiendront théoriquement les mêmes rendements.

Ces résultats confirment également les prédictions de QUEFTS selon lesquelles les sols de Sévé-Kpota ne sont pas déficients en phosphore et en potassium. Puisque même sans apport de ces deux éléments au traitement 5, on obtient des rendements statistiquement identiques à ceux des traitements ayant reçu des apports de phosphore et potassium.

Toutefois, l'apport de l'azote seul à la culture de maïs aboutirait rapidement à l'appauvrissement du sol en ces deux éléments même s'il y a restitution des résidus de récolte au sol; ces résidus ne contiennent que de très faibles quantités d'azote, de phosphore et ne peuvent suffire à compenser les exportations d'éléments dues aux grains (en particulier dans le cas du phosphore), qui sont de 5 à 7 fois supérieures à celles de la paille. Allant dans le même sens. En effet, les compositions en azote et phosphore de la paille sont très faibles, comparativement à celle des grains, car à maturité physiologique, la grande partie de ces deux éléments migre vers les organes de réserves que sont les grains (Rouanet, 1991).

3.4.3 Les résultats des essais sur les sols rouges29

Le tableau III.3 nous révèle que les meilleurs rendements sont obtenus sur les sols rouges avec le traitement 3 (2,69 t ha-1); ils se distinguent largement des rendements des T4 (2,20 t ha-1) et T5 (2,32 t ha-1).

L'efficacité agronomique (EA) du T4 se révèle, cependant être les meilleurs aussi bien pour le phosphore que pour le potassium. ; ceci veut dire que l'apport de 1 kg de phosphore ou de potassium sous forme d'engrais contribue beaucoup plus à la formation de grains que dans le cas du traitement 3. Par contre l'EA de l'azote baisse en passant du traitement T3 au traitement T4 ; cette même baisse d'EA est observée en passant de T4 à T5 (tableau III.3).

La baisse des EA de l'azote au T4 et au T5 sont dues aux quantités assez élevées de cet élément qui sont apportées au niveau de ces traitements alors que celles de phosphore et de potassium ont diminué (au T4) ou sont nulles (au T5).

Les sols rouges se révèlent ainsi être moins riches en phosphore et en potassium ; cela fait que la diminution des doses de P et K a entraîné une limitation des absorptions d'azote.

Tableau 111.3: Rendements en grains et en paille' EA30 et 1R par traitement sur les sols rouges

Traitements Rendements (t ha-1)IR EA grains

Grain Paille N P K

T2 1,75 c 2,15 c 0,45a

- - -

 

T3 2,69 a 3,38 a 0,44a 21,12 96,41 50,13

T4 2,20 b 2,89 ab 0,45a 8,39 138,15 71,84

T5 2,32 b 2,61 bc 0,48a 8,26 - -

La production de paille reste proportionnelle aux rendements en grains obtenus. Ceci est confirmé par les indices de récolte qui sont statistiquement identiques.

Ainsi, sur les sols rouges, il se révèle que les doses de P et K apportées au T3 semble être idéales pour l'obtention de bonnes efficacités agronomiques pour l'azote et le potassium

29 Sols rouges : sols ferrugineux lessivés à concrétions ; couleur brun sombre à brun rougeâtre (état humide, 7,5YR 3/2 à 2,5YR 3/4)

30 EA = Efficacité Agronomique

Néanmoins, il convient de procéder à une analyse du RVC pour déterminer la rentabilité de l'investissement du paysan pour l'acquisition des engrais afin de pouvoir faire des recommandations.

Expériences paysannes

A la restitution en fin de saison, les paysans ont observé que le traitement 3 (150 kg NPK + 50 kg urée) est meilleur au traitement 4 (100 kg urée + 50 kg NPK) qui est lui-même meilleur au traitement 5 (150 kg urée) mais la différence entre ces deux derniers n'était pas très significative. Ils ont tiré la conclusion que pour leurs sols rouges le traitement 3 est plus adapté.

 

3.4.4 Les résultats des essais sur les sols noirs31

Sur sols noirs, aucune différence significative n'est notée tant au niveau des rendements en grains qu'au niveau des rendements en paille, quoique ici, le T5 (3,68 t ha-1) semble avoir donné le rendement le plus élevé comparé au T3 (3,45 t ha-1) et au T4 (3,48 t ha-1) (tableau III.4).

Les rendements en paille sont restés toujours proportionnels aux rendements en grains puisque les indices de récolte sont tous statistiquement identiques.

On constate également que les efficacités agronomiques du T4 sont élevées, non seulement, pour le phosphore (290,46) et le potassium (151,04) mais aussi pour l'azote (17,64) qui devient très proche de celle du traitement 3 (20,65). Les mêmes observations sont faites au niveau de l'EA de l'azote du T5 (16,55).

Les sols noirs sont donc pourvus aussi bien en N qu'en P et K ; en effet, lorsqu'on augmente les doses d'azote en passant de T3 à T5, les efficacités agronomiques ne baissent que légèrement comparés au cas des sols rouges.

Au niveau du traitement 4, on remarque une meilleure utilisation du phosphore et du potassium apportés par les engrais ; les sols noirs étant plus riches en matière organique, ont permis une meilleure rétention des éléments apportés (par le phénomène d'adsorption) d'où une meilleure EA.

31 Sols noirs : sols ferrugineux lessivés indurés ; couleur brun-très sombre (état humide 10YR 2/2).

Tableau 111.4 : Rendements en grains et en paille' EA et 1R par traitement sur les sols noirs

Traitements

Rendements ( t ha-1)IR EA grains

 
 
 

Grain Paille N P K

T2 2,53 b 3,37 b 0,44a

- - -

 

T3 3,45 a 4,54 a 0,44a 20,65 94,26 49,01

T4 3,48 a 4,36 a 0,45a 17,64 290,46 151,04

-

T5 3,68 a 4,23 a 0,47a 16,55 -

La baisse de l'EA de l'azote au T5 serait certainement due à l'absence de P et K qui a limité l'absorption de l'azote (selon le principe du facteur limitant de Liebig).

Ainsi, s'il se dégage la conclusion que les sols de Sévé-Kpota ne sont pas déficients en phosphore et en potassium, l'apport d'azote seul au sol entraînerait rapidement l'appauvrissement de celui-ci en P et K à cause des exportations des cultures ; c'est ce que la FAO qualifie d'« agriculture minière » (Bationo et al., 1998). Il convient alors d'apporter ces macro-éléments (N, P et K) au sol par les engrais comme au T3 et T4. Néanmoins, pour pouvoir discriminer le traitement idéal entre T3 et T4, il s'avère aussi nécessaire de procéder comme dans les cas précédents à une analyse économique avant de tirer des conclusions.

Expériences paysannes

Lors de la restitution, les paysans ont choisi le T4 comme meilleur traitement en faisant intervenir le facteur coût des engrais. Ils ont aussi remarqué que les variétés AB11 et Ikénné32 ont donné les meilleurs rendements comparés à leur variété locale ; cependant, la première donne des rendements supérieurs à la seconde.

 

3.4.5 Les résultats des essais sur les sols blancs33

Sur les sols blancs, les rendements de T4 (2,52 t ha-1) et de T3 (2,75 t ha-1) sont statistiquement identiques ; ces deux traitements donnent de meilleurs rendements comparés à T5 (2,16 t ha-1).

La production de paille est demeurée proportionnelle à la production de grains comme dans les cas des sols rouges et noirs.

32 Voir dans annexe 3, les rendements par variété

33 Sols blancs : sols peu évolués d'apport colluvial ; couleur brun - brun sombre à brun jaunâtre (état humide, 10YR 4/3 à 10YR 4/4).

Tableau 111.5: Rendements en grains et en paille' EA et 1R par traitement sur les sols blancs

Traitements

Rendements (t ha-1) IR EA grains

Grain Paille N P K

T2 1,70 b 2,91 b 0,38a -

- -

 

T3 2,75 a 4,39 a 0,39a 23,48 107,18 55,73

T4 2,52 a 3,85 a 0,40a 15,21 250,46 130,24

T5 2,16 ab 3,83 a 0,34a 6,58

Comparé à T3, le traitement T4 présente une EA plus élevée pour le phosphore (250,6) et le potassium (130,24) ; mais l'EA de l'azote (15,21) est plus faible.

Contrairement à l'EA de l'azote du traitement 5 sur sols noirs (16,55), celle des sols blancs est extrêmement faible (6,58).

Ce résultat peut s'expliquer par le fait que les sols blancs sont encore plus pauvres en phosphore et en potassium que les sols rouges. Selon la loi de Liebig ; ces deux éléments étant limitants, l'azote n'a pu être absorbé en quantité optimale.

L'apport de phosphore et de potassium s'avère donc indispensable sur les sols blancs qui se retrouvent donc être les plus pauvres dans le village.

Expériences paysannes :

Lors de la restitution, les paysans ont encore désigné les sols blancs comme étant les plus pauvres ; ils ont également pu noter que le rendement du T3 est meilleur à celui du T4 ; T5 reste le traitement aux plus faibles rendements. Ils ont choisi le T4 en faisant une analyse en terme de coût

 

Discussions des résultats de l'analyse statistique

L'analyse statistique des résultats a permis de vérifier les hypothèses formulées au début des essais selon lesquelles les doses d'engrais apportées à la culture de maïs étaient générales et ne tenaient pas compte des spécificités des sols. L'apport essentiellement d'azote comme fumure constitue une forme d'agriculture minière et se révèle dangereux pour la durabilité des exploitations des petits producteurs. Les indices de récolte observés sont inférieurs à la valeur de 0,50 proposée par van Duivenbooden (1996). A ces faibles IR, deux causes peuvent en être à l'origine :

· un excès d'azote dans la plante : les travaux de Clerc et al. (1982) montrent, que pour des doses excessives d'azote, l'indice de récolte baisse car l'azote tend à favoriser plus la production de paille. Les doses de N appliquées (44,5 kg ha-1, 53,5 kg ha-1 et 69 kg ha-1 respectivement aux T3, T4 et T5) semblent donc être supérieures aux besoins de la culture quoique Lamboni (2000) ait trouvé qu'une dose de 50 kg d'azote soit appropriée pour couvrir les exportations de N par la culture sur un précédent mucuna (pour 20 kg de phosphore, le potassium n'étant pas limitant).

· les caractéristiques des variétés utilisées : les variétés améliorées surtout AB1 1 et V2 présentent des indices de récolte supérieurs à 0,50 alors que les variétés locales ont un indice de récolte inférieur à cette valeur optimale (voir annexe 3, tableaux A3.1 et A3.2) ; la plupart des paysans ayant semé la variété locale, la moyenne de tous les IR au niveau de tous les types de sols se trouve donc inférieure a 0,5. Cela confirme bien le constat des paysans selon lequel, les variétés améliorées répondaient mieux aux apports de fertilisants.

La rentabilité d'une technologie est un facteur très important dans la décision d'adoption de cette technologie et les paysans raisonnant eux-mêmes en terme de coût, il nous s'avère donc nécessaire de procéder à une analyse économique.

3.4.6 L'analyse économique

Les ratios valeur-coût (RVC) calculés n'ont pris en en compte que le coût total des l'engrais ; selon les résultats de l'enquête, les autres coûts d'exploitation et les coût liés au stockage des produits sont très variables et difficiles à estimer (coûts du défrichement, des sarclages, de l'épandage d'engrais, de la récolte, la plupart de ces activités étant effectuées par la main-d'oeuvre familiale non-rémunérée).

Il se dégage, cependant des résultats de l'enquête, que les activités pour lesquelles le paysan de Sévé-kpota paye souvent la main-d'oeuvre sont le défrichement (entre 9000 et 24000 F ha-1 suivant l'état d'enherbement de la surface à défricher) et les deux sarclages (entre 5400 et 8000 F ha-1 par sarclage). Quelques fois, l'épandage d'engrais et le semis sont aussi payés en moyenne à 5000 F ha-1.

Par conséquent, dans le cas de notre étude le RVC devra donc être suffisamment élevé pour pouvoir tenir compte du coût de ces facteurs (y compris l'autoconsommation : les résultats de l'enquête nous révèlent que plus de 75% des enquêtés auto-consomment une partie importante de leur récolte).

Un ratio valeur coût (RVC) élevé (revenu procuré par l'utilisation des engrais rapporté au coût de cet intrant) incitera les agriculteurs à adopter l'utilisation des engrais. Selon Sokpoh (1997), la valeur minimale du RVC relatif à l'utilisation des engrais minéraux en Afrique souvent utilisée par la FAO comme indicateur de rentabilité est 2. Cette valeur est le seuil en dessous duquel le revenu brut de l'utilisation de l'engrais n'est plus suffisant pour couvrir les coûts d'achat de l'engrais et les autres coûts afférant à son utilisation (Agate, 1999)

Les résultats de cette analyse économique sont consignés dans le tableau III.6. A partir des résultats du tableau, on peut dire que :

Tableau 111.6: Calcul du ratio valeur coût (RVC)

0

1

2

3

4

5

6

7

8

Type Traitede sol ments

Rende-
ments
(t ha-1)

Rende-
ment
addition-
nel (t ha-1)

Valeur
marginale de
la production
à la récolte
(FCFA)

Valeur
marginale de
la production à
la soudure
(FCFA)

Coût global
des engrais

(x 1000
FCFA)

RVC à
la
récolte
(4)/(6)

RVC à
la
soudure
(5)/(6)

Rouge

T2

T3

T4

T5

1,75 2,69 2,20 2,32

-

0,94
0,45
0,57

-
61100
29185
37050

-

150400
71840
91200

0

32
24
24

-

-

1,9

4,7

1,2
1,5

3,0
3,8

Noir

T2

T3

T4

T5

2,53 3,45 3,48 3,68

-

0,92
0,95
1,15

-
59735
61750
74750

-
147040
152000
184000

0

32
24
24

-
1,9
2,6

-
4,6
6,3

3,1

7,7

Blanc

T2

T3

T4

T5

1,70 2,75 2,52 2,16

-

1,05
0,82
0,46

-
67925
53300
29900

-
167200
131200
73600

0

32
24
24

-

2,1

-
5,2

2,2

5,5

1,2

3,1

n A la récolte, 7 ratios sur 12 sont supérieurs à 2 ; 5 traitements ne sont donc pas rentables si le produit est vendu à la récolte :

· Sur les sols rouges : tous les 3 ratios sont inférieurs à 2 et ne sont pas rentables pour le producteur ; néanmoins, le ratio du T3 (1,9) paraît plus proche de 2;

· Sur les sols noirs, les ratios de T4 et de T5 sont supérieurs à 2 ; les rendements obtenus sont donc rentables pour le paysan.

· Sur les sols blancs, seuls les traitements 3 et 4 ne sont pas rentables ;

n A la soudure, tous les traitements quel que soit le type de sols sont devenus rentables car ils présentent des ratios largement supérieurs à 2 (ratios compris entre 3 et 7,7) :

Il ressort également de l'analyse économique que l'utilisation des engrais est rentable pour le paysan quel que soit le type de sol et la quantité d'engrais appliquée si celui accepte de ne pas vendre le maïs aussitôt après la récolte. Une partie importante du maïs récolté étant autoconsommée (seul le surplus de production est vendu) et moins de 20% des paysans stockant leurs produits en vue d'une spéculation, le choix des meilleurs traitements, en terme de rentabilité, doit tenir compte des habitudes des paysans.

Le tableau III.7 présente donc la synthèse des résultats de l'analyse économique :

Tableau 111.7 : Traitements à choisir par le paysan à la suite de l'analyse économique

Type de sol Moment de la vente

Récolte Soudure

Rouge T3 T3, T4, T5

Noir T5 T3, T4, T5

Blanc T4 T3, T4, T5

NB : T3 = 150 kg NPK 15-15-15 + 50 kg urée ;

T4 = 50 kg NPK 15-15-15 + 100 kg urée ;

T5 = 150 kg urée.

Le concept de durabilité de l'agriculture nous impose de tenir compte à la fois des résultats de l'analyse économique et du bilan des éléments au niveau du sol. Il se dégage donc que le traitement 5 n'est pas à recommander ; nos recommandations ne tiendront donc compte que des traitements 3 (150 kg NPK 15-15-15 + 50 kg urée) et 4 (50 kg NPK 15-15-15 + 100 kg urée).

Discussion sur les essais en milieu paysan

L'analyse des pratiques paysannes montre que dans 4 cas sur 5, les paysans ont appliqué des doses d'engrais supérieures à la recommandation officielle (tableau III.4). Certes, ils ont obtenu de bons rendements (environ 3 t ha-1 en moyenne), mais ces doses appliquées ne peuvent correspondre, en réalité, aux pratiques paysannes. Il peut s'agir d'un biais dû au fait que ces quantités ont été appliquées sur de petites superficies puisque dans la pratique, peu de paysans appliquent une dose d'engrais supérieure à celle recommandée par les services d'encadrement agricole (lors de l'enquête, aucun d'eux n'a trouvé les doses d'engrais recommandées insuffisantes pour leurs sols).

· Sur les sols blancs et noirs, les doses d'engrais appliquées sur le traitement 4 ont produit un bon effet et très rentable pour le petit producteur qu'il vende son maïs juste après la récolte ou à la période de soudure

· Par contre, sur les sols rouges, seul le traitement 3 semble être très rémunérateur lorsque le maïs est vendu juste après la récolte ; à la soudure le traitement 4 semble devenu rémunérateur mais le bénéfice obtenu ne sera pas aussi élevé que si le paysan prenait le risque d'acheter un sac d'engrais de plus (cas des doses du T3).

· L'utilisation des engrais est très rentable pour le paysan de Sévé-Kpota s'il accepte de vendre ses produits à la soudure (RVC proche de 7); il est alors possible de penser que la pratique de la fertilisation démarrera si le paysan accepte de stocker ses produits car selon les travaux d'André un RVC de 4 à 5 permettra le démarrage de la fertilisation si les prix des produits agricoles sont élevés, vu qu'il est impossible de diminuer ceux des engrais.

Tableau 111.8 : Recommandations de doses d'engrais par types de sol

Type de
sol

Traitement
à choisir

Nombre de sacs
de 50 kg

Types d'engrais à acheter
(en terme de sacs de 50 kg)

Rouge

T3

4

3 NPK

1 Urée

Noir

T4

3

1 NPK + 1 Urée

1 Urée

Blanc

T4

3

1 NPK + 1 Urée

1 Urée

Expériences paysannes :

Les conclusions des paysans à la fin de la restitution étaient identiques à celles du tableau III.8. Elles étaient les suivantes : application du traitement T3 pour les sols rouges et T4 pour les sols noirs et blancs.

Les recommandations ont réduit le nombre de sacs d'engrais à appliquer sous culture de maïs de 4 à 3 sacs sur certains sols afin de pouvoir les adapter aux bourses des paysans. Nous avons vu aussi que le paysan qui avait appliqué uniquement l'équivalent de 105 kg ha-1 de NPK seul, soit 2 sacs (tableau II.4) avait obtenu un rendement très faible. Si un paysan se retrouvait dans la même situation et qu'il n'avait pas les moyens d'acheter plus de 2 sacs d'engrais sur un hectare, quel type d'engrais doit-il acheter pour ne pas perdre son investissement ? A cette question, nous répondrons grâce au modèle QUEFTS.

3.5 L'utilisation du modèle QUEFTS pour la formulation

de recommandation

3.5.1 L'adaptation du modèle

3.5.1.1 Le calibrage

Les approvisionnements en N, P et K dépendent non seulement des teneurs du sol en nutriments mais aussi des quantités d'engrais apportées. Les taux de recouvrement obtenus après calibrage sont les suivants :

Tableau 111.9 : Taux de recouvrement de N' P et K après calibrage

Taux de recouvrement

N

P

K

Valeur après calibrage

50%

70%

50%

Les taux de recouvrements obtenus pour l'azote et le potassium sont proches de ceux mentionnés par la littérature (35 à 49%). Par contre le taux de recouvrement de phosphore obtenu après calibrage s'écarte excessivement de ceux obtenus par Fofana et al. (2002) (taux situé entre 1 et 13% à Sévé-kpota) ou rapportés par Breman et Sissoko (1998) (taux inférieur à 15% en Afrique de l'ouest)

Ce fort taux de recouvrement du P peut entraîner une surestimation des rendements prédits par QUEFTS sur la base des absorptions de P car selon les résultats des essais à Sévé-Kpota il y'a moins de 15% du phosphore apporté par les engrais qui seront réellement absorbés par la culture (Fofana et al., 2002).

n Les rapports rendement/absorption obtenus à l'issue du calibrage sont présentés dans le tableau III.10.

Tableau 111.1 0 : Paramètres rendement/absorption obtenus après calibrage

Paramètres rendement/absorption N P K

Simulés 47 254 25

Réels 47 252 28

n La comparaison des rendements simulés et réels donne les résultats présentés dans le tableau III.11.

Tableau 111.1 1 : Comparaison des rendements simulés et réels au calibrage

Nom du paysan Rendements simulés (t ha-1) Rendements réels (t ha-1)

MOUDOR ama 3,82 3,80

APEDO koffi 4,11 3,84

ATIVON komi 3,96 3,34

Moyenne 3,96 3,66

n A la suite de ce calibrage, les nouvelles formules de calcul de rendements par QUEFTS quand les absorptions sont maximales et minimales respectivement pour le N, P et K sont présentées dans le tableau III.12.

Tableau 111.1 2 : Formule de calcul des rendements par QUEFTS après calibrage

Rendements calculés par QUEFTS Eléments absorbés

Absorption maximale Absorption minimale

N YNA=30 x (UN-5) YND=60 x (UN-5)

P YPA=120 x (UP-0,4) YPD=300 x (UP-0,4)

K YKA=60 x (UK -2) YKD=120 x (UK-2)

YNA, YPA et YKA sont les rendements calculés pour des absorptions maximales de N, P et K respectivement

YND, YPD et YKD sont les rendements calculés pour des absorptions minimales de N, P et K respectivement

UN, UP et UK sont les absorptions respectives de N, P et K 3.5.1.2 L'évaluation-validation

a. L'évaluation des tendances de prédiction34

Les figures III.4 à III.6 présentent les graphes d'évaluation des tendances de prédiction des rendements calculés par le modèle pour quelques paysans sur les trois types de sols.

Sur tous les sols, les moyennes des rendements prédits par le modèle QUEFTS suivent les mêmes tendances que celles des rendements réels obtenus ; ceci veut dire qu'il prend bien en compte le niveau de fertilité du sol combiné aux apports d'éléments minéraux apportés par les engrais pour le calcul des rendements. Les rendements prédits sont supérieurs aux rendements réels, ce qui est normal car le modèle n'a pas tenu compte des différents stress qui se sont exercés sur la culture au cours de son développement.

34 les graphes évaluation des tendances de prédiction sont présentés en annexe 5

Sols rouges

4000

3500

3000

2500

2000

1500

1000

500

0

Rendements

r prédits

Rendements observés

2 3 4 5

Traitements

Figure 111.4: Evaluation des tendances de prédictions sur sols rouges

Sols noirs

2 3

4 5

6000

5000

4000

3000

2000

1000

0

Rendements prédits

Rendements
observés

Traitements

Figure 111.5: Evaluation des tendances de prédictions sur sols noirs

sols blancs

 

3500 3000 2500 2000

 
 
 

1500
1000

 

Rendements prédits

Rendements observés

500

0

 
 

2 3 4 5

Traitements

Figure 111.6: Evaluation des tendances de prédictions sur sols blancs

Le tableau III.1 3 présente la moyenne des rendements simulés (ou prédits) et des rendements observés ainsi que les déviations des premières par rapport aux secondes.

Tableau 111.13 : Comparaison des moyennes de rendements simulés et observés

Rendements (t ha-1)

Type de

rouge noir blanc

sol

mentsTraite- simulés observés déviation35 simulés observés déviation Simulés observés déviation

2

2,57

1,75

0,82

3,99

2,53

1,46

2,19

1,70

0,49

3

3,75

2,69

1,06

5,08

3,45

1,63

3,27

2,75

0,52

4

3,14

2,20

0,94

4,68

3,48

1,2

2,71

2,52

0,19

5

2,76

2,32

0,44

4,48

3,68

0,8

2,37

2,16

0,21

Les interprétations suivantes peuvent déduites de ce tableau :

Les déviations sont inférieures à une tonne sur les sols rouges et blancs. Par contre, sur les sols noirs, ces déviations sont supérieures et à une tonne; ceci veut dire que les rendements calculés par le modèle QUEFTS sont assez élevés par rapport aux rendements réels obtenus après les essais.

· Sur sols rouges, les rendements prédits par le modèle ne s'écartent pas trop des rendements observés (voir figure III.4);

· Sur sols noirs (qui sont les plus riches), QUEFTS surestime beaucoup les rendements (Figure III.5) ; selon les analyses, ces sols sont très pourvus en P alors que le modèle QUEFTS ne donne de bonnes performances que quand les sols sont peu fertiles (Janssen et al., 1992).

· Sur sols blancs, le modèle QUEFTS prédit assez bien les rendements ; les tendances d'évolution des moyennes des rendements prédits sont presque identiques à celles des moyennes des rendements observés (figure III.6).

· La faiblesse des écarts entre les rendements réels et les rendements prédits pour les sols blancs nous laisse suggérer que sur ces sols, la fertilité est le facteur limitant des rendements alors que pour les autres sols, il y a d'autres facteurs qui n'ont pas été pris en compte par le modèle.

35 Déviation= Rendements prédits (simulés) - Rendements observés

Il se peut aussi que cet écart soit dû à la variété locale utilisée sur toutes les parcelles sur sols blancs. Lorsque l'on travaille avec des variétés locales, il serait plus idéal de diminuer le rendement maximal de la culture considéré par le modèle dans ses calculs.

b. La méthode de l'intervalle de précision de Mitchell

Le graphe de validation suivant la méthode de l'intervalle de précision de Mitchell est obtenu en rapportant l'ensemble des observations réelles aux différences entre les rendements prédits et observés (voir figure III.7).

L'intervalle a pour limite supérieure 0,91 t ha-1 et pour limite inférieure, la valeur opposée (-0,91 t ha-1).

 

6000 5000 4000 3000 2000 1000

0 -1000 -2000

 
 

0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 4000 4500 5000

Réels

Simulés- réels

Figure 111.7: Déviations des rendements simulés par rapport aux rendements observés

La figure III.7 nous montre que les deux tiers (2/3) des points (64 sur 96) figurent dans l'intervalle de précision de Mitchell, soit 67% des points. Malgré ce nombre relativement élevé, nous sommes encore loin d'atteindre le seuil de 83% proposé par Alagarswamy et al. (2000).

On constate que le modèle, surestime beaucoup les rendements prédits même s'il simule assez bien l'évolution des rendements puisque la plupart des points qui ne figurant pas dans l'intervalle de précisions se retrouvent au-dessus de celle-ci. Cette surestimation des rendements peut trouver plusieurs explications :

· QUEFTS ne prend pas en compte l'effet des facteurs tels que la pluviométrie, la densité de semis, la variété, l'influence des mauvaises herbes. Selon Janssen et al. (1992), les meilleures performances de QUEFTS sont attendues lorsque la culture croît normalement sans effet de facteurs limitants sur un sol assez profond et bien drainé afin d'éviter tout déficit en eau, tout excès d'humidité ou encore une mauvaise pénétration racinaire ; les déficiences en micro-nutriments ou les maladies peuvent aussi avoir été à l'origine de la surestimation des rendements. Lors de nos observations sur les parcelles, nous avions eu à constater que toutes celles qui portaient la variété locale étaient atteintes de striure à un degré supérieur à 50%.

· Il se peut aussi qu'un stress hydrique ou la présence de certains plants autour du champ qui étaient en compétition avec la culture, soit à l'origine de la faiblesse des rendements obtenus après les essais (cas des parcelles des paysans Adjoyi Mamiya et Séméfia Atsou). Un sarclage tardif au niveau des parcelles et la faible densité des plants sur certaines parcelles (constatée lors des observations également) pouvaient aussi induire de mauvais rendements.

· Le fort taux de P-total décelé par les analyses sur les sols de certains paysans auquel s'ajoute le taux de recouvrement déjà élevé du P (jusqu'à 1200-1600 ppm sur certains sols noirs contre moins de 300 ppm sur la plupart des autres sols; voir annexe 1) peut aussi en être une cause, même si les rendements réels obtenus sur les parcelles présentant ces taux de phosphore (« hors du commun ») sont assez élevés. Il est cependant nécessaire de se poser des questions sur la fiabilité des données d'analyses, une principale limite à l'utilisation des modèles en Afrique signalée par StruifBontkes et Wopereis (2003).

· L'échantillon composite analysé pouvait ne pas être assez homogène ; le sol étant hétérogène, les prélèvements ayant formé l'échantillon composite pouvaient avoir été réalisés en des points du champ où le taux de phosphore était relativement élevé dans le sol ; Il est alors indispensable de refaire les prélèvements au niveau de ces champs et de procéder à de nouvelles analyses destinées à vérifier les résultats obtenus.

Les sols de Sévé-Kpota, d'après les analyses et les rendements obtenus, sont assez fertiles ; les meilleures performances de QUEFTS étant obtenues sur sols peu fertiles, il est normal que les rendements simulés soient surestimés surtout sur les sols noirs qui sont assez fertiles.

L'évolution des tendances de prédiction étant assez correcte sur tous les sols, QUEFTS peut alors être utilisé pour formuler des recommandations spécifiques pour chaque type de sol en tenant compte des moyens dont disposent les paysans.

3.5.2 La formulation des recommandations

Le tableau III.14 présente les différentes options, en termes de nombre de sacs d'engrais et de types d'engrais, que le paysan peut prendre en fonction des moyens dont il dispose et suivant le type de sol sur lequel, il travaille afin d'obtenir les maximum de revenu. Il est supposé que les types d'engrais disponibles pour le paysan sont le NPK 15-15-15, l'urée, le Superphosphate Triple (TSP) et le Sulfate de Potassium (K2SO4) aux prix respectifs de 8000F pour les 2 premiers et 10000 F pour les deux derniers ; le modèle a donc choisi les combinaisons de doses d'engrais permettant d'obtenir le revenu maximal.

Tableau 111.14: Recommandations de doses d'engrais spécifiques à chaque type de sol

Nombre de sacs
pouvant être
achetés par le
paysan

Types de
sol

Dose à appliquer
(en nombre de sacs de 50 kg ha-1)

Rendements
prédits (t ha-1)

Revenu
additionnel dû à
l'utilisation des
engrais à l'ha
(x103 FCFA)

 

rouge

2 urée + 2 TSP

4,03

80,80

4 sacs

noir

2 urée + 2 TSP

5,70

58,19

 

blanc

1 urée + 2 NPK 15-15-15 + 1 TSP

3,56

49,50

 

rouge

3 NPK 15-15-15

3,32

46,71

3 sacs

noir

1 Urée + 2 NPK 15-15-15

5,05

27,54

 

blanc

3 NPK 15-15-15

3,19

35,25

 

rouge

2 NPK 15-15-15

3,00

33,45

2 sacs

noir

2 NPK 15-15-15

4,78

1,83

 

blanc

2 NPK 15-15-15

2,92

25,29

 

rouge

1 NPK 15-15-15

2,64

18,26

1 sac

noir

1 NPK 15-15-15

5,43

9,63

 

blanc

1 NPK 15-15-15

2,61

13,89

 

De ce tableau, il ressort que :

· Si le paysan n'a pas les moyens d'acheter plus de 2 sacs d'engrais, il lui est préférable d'acheter uniquement du NPK quelque soit le type de sol sur lequel il travaille. Néanmoins sur les sols noirs, il est clair que les revenus supplémentaires obtenus ne seront pas élevés (1833 F pour un sac d'engrais acheté et 9630 F pour 2 sacs) ; il serait alors préférable pour l'agriculteur de ne pas investir dans l'acquisition des engrais.

De telles recommandations sont dues à la fertilité potentiellement élevée des sols noirs de Sévé-Kpota comme l'ont prouvé les résultats des essais. Ceci fait que les rendements prédits par QUEFTS sans l'utilisation des engrais sont relativement élevés.

· Par contre si le paysan a la possibilité d'acheter plus de deux sacs d'engrais, afin de tirer le maximum de revenus de son investissement, le modèle lui conseille d'inclure les engrais phosphatés notamment le Triple Superphosphate (TSP) dans les engrais qu'il doit acheter (lorsqu'il a la capacité d'acheter 4 sacs). Les revenus obtenus sont alors largement plus intéressants (entre 27000 F sur sols noirs et 81000 F sur sols rouges)

Le modèle ne recommande en aucun cas d'acheter du K2SO4 ; ce qui confirme les premières prédictions du modèle selon lesquelles le potassium est moins déficient que le P dans les sols de Sévé-Kpota.

Cependant, nous remarquons que lorsqu'il s'agit de 3 sacs ou de 4 sacs, les recommandations que le modèle propose diffèrent des doses que nous avons choisies pour nos essais (voir rubrique 3.2). Les doses testées représentants quelques options parmi tant d'autres, il est alors indispensable de procéder à des essais soustractifs dont le dispositif expérimental serait basé sur les recommandations de QUEFTS et en y incluant, bien sûr, les engrais potassiques là où ils ne sont pas pris en compte. Il convient dans tous les cas de procéder à de nouveaux essais destinés à confirmer ou à infirmer les recommandations de QUEFTS.

Enfin il convient de rappeler que les modèles constituent de simples outils d'aide à la décision qui ne peuvent remplacer l'activité de prises de décision et la recherche fondamentale (Struif-Bontkes et Wopereis, 2003).

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