WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

les juridictions administratives et le temps;cas du Cameroun et du Gabon

( Télécharger le fichier original )
par Olivier Fandjip
Université de Dschang - D E A 2009
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

PARAGRAPHE II : LES INNOVATIONS SPECIFIQUES

Ces changements se résument en l'institution du double degré de juridiction au Gabon (A), alors qu'au Cameroun ils sont divers (B).

A- L'institution d'un double degré de juridiction au Gabon

En matière procédurale, les lois gabonaises ont évolué tant en quantité qu'en qualité comme au Cameroun. Ainsi, l'on note l'avènement de l'appel (1) dans le schéma et l'ensemble de toutes ces réformes regorge un enjeu qu'il convient de souligner (2).

1- Le mécanisme de l'appel

Pendant longtemps, les décisions rendues par la juridiction administrative gabonaise de premier ressort n'étaient pas susceptibles d'appel. Les décisions rendues par le Tribunal Administratif de Libreville, plus tard par la Chambre Administrative de la Cour Suprême étaient exemptes de cette voie de recours de reformation qu'est l'appel, dont le but est d'assurer une justice de qualité, en permettant au juge de contrôler l'application de la loi par le premier juge121(*). L'unique voie de recours dont disposait le requérant était le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat français122(*). Dans cette mouvance, il convient de rappeler que les conflits de compétence étaient résolus par les chambres judiciaire et administrative réunies. Mais depuis la loi d'organisation judiciaire de 1978, l'une des innovations a été l'institution de l'appel. En premier ressort, statuent les Sections Administratives, et la Chambre Administrative désormais statut en appel. Cette innovation sera confirmée par la loi d'organisation judiciaire de 1994123(*), de même que le Code des Tribunaux Administratifs.

En effet, le Code apporte des précisions quant à la recevabilité de cette action en ce qui concerne les parties. Ainsi, le requérant qui acquiesce aux prétentions ou le requérant qui se désiste, stipule la loi, ne peut être recevable en appel pour le jugement lui donnant acte de son acquiescement ou de son désistement124(*).

Du point de vue des effets de cette action, il convient de préciser une différence fondamentale d'avec le contexte camerounais. Le législateur gabonais précise comme en France, l'effet non suspensif de cette voie de recours, sauf en matière d'élection et de toutes dispositions contraires ou encore à moins que la juridiction d'appel n'en ordonne la suspension125(*). Par contre l'article 114 alinéa 2 de la loi camerounaise n°2006/022 précitée prévoit que l'appel suspend l'exécution du jugement, sauf décision contraire de la Chambre Administrative. Ce législateur a ainsi pris le contre-pied de la règle du caractère non-suspensif consacrée au Gabon et en France. Sans doute c'est dans le but de compenser l'infirmité congénitale dont étaient atteintes les procédures d'urgence laquelle infirmité découlant de la rigueur des conditions de recevabilité et même d'octroi de ces mesures dont le rôle est comme les voies de recours de préserver les droits des administrés126(*). Quel peut être au-delà l'enjeu de cette réforme procédurale Gabonaise ?

2- L'enjeu de la réforme procédurale gabonaise

A ce propos, il faut envisager d'abord l'intérêt (a) et les inconvénients ensuite (b).

a- L'intérêt de la réforme

La remise en cause ainsi effectuée par le législateur gabonais au sujet de la décision préalable s'inscrit dans l'ère du temps127(*). L'on pense qu'il s'agit là de la suite logique d'une réforme structurelle. Le législateur a fait suivre la réduction de la distance entre le requérant et l'institution d'une réduction des tracasseries d'ordre procédural, qui ne tiendra plus les deux éloignés l'un de l'autre car, la conjoncture actuelle exige un accès davantage libéralisé au juge. En réalité, la diminution des tracasseries s'explique par l'évolution du temps, de l'environnement politique, institutionnel des pays Africains. Le Gabon fut longtemps accablé par le monolithisme entre 1960 et 1990.De nos jours, le pays s'évertue à quitter ce joug128(*).

Il s'agit donc pour le Gabon de mettre sa justice administrative en conformité avec les conventions internationales notamment la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples qui garantit à toute personne dont les droits sont violés de bénéficier d'un  « recours effectif » d'une part, et d'autre part, les applications remarquables de ces mesures par le juge vise à préserver sa crédibilité et sa légitimité dans son rôle de protecteur des libertés, rôle de plus en plus souvent assumé par le juge judiciaire 129(*). En dépit de cet intérêt, quelques inconvénients sont à souligner.

b- Les inconvénients

La règle du recours précontentieux présente un certain nombre d'avantages130(*). Pour l'administration, elle la protége contre les actions en justice intentées à son insu, ensuite pour les justiciables, elle les préserve de la longue attente, inhérente à toute procédure juridictionnelle, puisque l'administration peut régler le litige à l'amiable et dans des délais réellement plus brefs131(*). L'effacement progressif de cette formalité nous amène à penser à un « droit de citation directe » qui peut tout de même plonger les justiciables dans les aléas d'une longue et tracassante procédure. L'on sera toujours tenté de faire valoir qu'un mauvais arrangement vaut mieux qu'un bon procès. La doctrine est venue à se demander en quoi est-ce que le contentieux des travaux publics exclu du domaine du recours précontentieux et celui de la responsabilité sont différents l'un de l'autre ? Si l'on veut s'en tenir à la formule « sauf en matière de travaux publics », cela couvrirait tous les recours de plein contentieux au sens large. En effet, « En matière de responsabilité contractuelle, il était constamment admis que la recevabilité des actions en réparation dirigées contre les personnes publiques étaient subordonnées à l'exigence d'une procédure précontentieuse...Une adaptation de la nouvelle loi à la jurisprudence était logiquement plus attendue qu'un désaveu...sans motif déterminant. Considérée dans les termes que l'on sait, la réforme crée plus de problème qu'elle n'a voulu résoudre... »132(*).

Toutefois, lorsqu'on observe l'effet néfaste de cette exigence dans le droit camerounais, l'on ne peut que rejeter en bloc ces remarques et souhaiter vivement que le législateur emboîte le pas à son homologue gabonais car, sa réforme bien que quantitative et diversifiée est moins significative.

B- La diversité des innovations spécifiques au Cameroun

Le droit du contentieux administratif camerounais a connu moult innovations en matière procédurale notamment la reconnaissance de la question préjudicielle (1), la consécration du pourvoi en cassation (2), mais elles ont été limitées en matière d'urgence (3).

1- La reconnaissance de la question de droit préjudicielle

La loi n°2006/022 a prévu que, les Tribunaux Administratifs doivent surseoir à statuer et renvoyer devant la Chambre Administrative qui rend un avis lorsqu'ils se trouvent face à une difficulté d'interprétation ou d'appréciation de la légalité d'un acte législatif ou réglementaire133(*). L'institution de cette mesure se base sur la nécessité d'harmoniser la jurisprudence en évitant les tergiversations de ces nouvelles juridictions et le souci d'assurer le rôle directionnel de la Chambre Administrative. De ce fait, il est constant que le législateur a un souci d'assurer la stabilité des situations juridiques résultant des nouvelles lois. Cependant, la loi est restée presque muette, voire laconique quant à la mise en oeuvre de cette question dite préjudicielle. Sans aucun doute, elle pourra résulter des lois d'application, mais à quel titre la Chambre donnera-t-elle son avis ? Logiquement, elle le fera soit en tant que juge d'appel, soit en tant que juge de cassation, dans le premier cas on imagine que le tribunal administratif est appelé à statuer en premier ressort ; et en premier et dernier ressort pour le deuxième cas134(*).

Le législateur a également été soucieux de la sauvegarde des droits des administrés en instituant le pourvoi en cassation.

2- L'institution du pourvoi en cassation

L'article 9 alinéa 2 de la loi n°2006/016 prévoit que chaque section connaît des appel et pourvoi en cassation des matières relevant de sa compétence. La cassation qui sous la loi de 1975 n'existait pas a été ainsi instituée. Cette nouvelle voie de reformation qui permet au juge de se prononcer sur la légalité des décisions rendues par les premiers juges135(*) vise à sauvegarder les droits et les libertés des administrés. L'on ne pouvait que s'étonner si le législateur passait outre, car le fait pour celui-ci d'avoir mis sur pied la question préjudicielle dont l'un des objectifs est d'assurer une harmonie des jurisprudences ne pourrait aussi réellement être atteint que par l'intervention du juge suprême. De ce fait, l'unité dans l'interprétation de la règle de droit ainsi recherchée sera effectivement atteinte. Jadis, le procès s'achevant par l'appel, cet objectif était voué à l'échec.

Toutefois, l'on a déploré ce cumul de compétence en matière de pourvoi et d'appel par la Chambre où chaque section peut statuer à la fois en appel et en cassation. Cette situation ne paraît pas de nature à respecter les règles d'organisation de la justice, puisqu'il y a un risque de maintien de la même décision, les juges craignant de se contredire136(*). Ce monopole du contrôle peut amener les justiciables à abdiquer, par crainte de l'absence d'objectivité du juge et du même coup conforter le rôle déjà quelque peu minoré de l'institution. « Ce qui constituerait non seulement un danger par rapport au rôle d'unification du droit de la juridiction de cassation mais également porterait atteinte au développement du droit administratif dont l'essentiel des règles sont d'origine jurisprudentielle »137(*). Pourtant le législateur gabonais en éclatant la chambre administrative l'a modernisée en créant les Cours d'Appel et un Conseil d'Etat. En tout cas, au Cameroun, le procès administratif ne s'achèvera plus par l'Appel.

Mais, les difficultés d'ordre procédurale n'épargnant pas les mesures d'urgence, l'on ne comprend dés lors pas pourquoi la reforme est restée assez limitée en cette matière.

3- L'apport limité en matière d'urgence

Le législateur n'a apporté que des « réformettes » autant en matière de sursis à exécution (a) que de référé administratif (b)138(*).

a- Le sursis à exécution

Prévu jadis par l'article 16 de la loi n°75/17 du 08 Décembre 1975 précitée, le sursis a été repris par l'article 30 de la loi n°2006/022 créant les tribunaux administratifs. On l'entend souvent comme la « suspension de l'applicabilité d'un acte dans l'attente du jugement à rendre sur sa légalité... »139(*).

Du point de vue des conditions de recevabilité de la demande, l'on note l'exigence du recours précontentieux, la production de la décision litigieuse et l'existence d'un recours contentieux140(*).

Du point de vue des conditions d'octroi, la nouvelle loi a innové un peu. Ainsi, l'exigence d'un préjudice réparable, l'exclusion des litiges intéressant l'ordre public, et surtout en ce qui concerne l'avis du ministre public, il a supprimé l'épithète « conforme ». De ce fait, l'avis du parquet ne lie plus la décision du juge. Mais, le changement reste restreint car l'exclusion des litiges touchant l'ordre public reste en vigueur comme en matière de référé141(*).

b- Le référé

L'article 27 de la loi n°2006/022 exclue l'octroi du référé des litiges intéressant l'ordre public. Mais, dans ce cas également, l'avis du parquet ne lie pas le juge.

Concernant les conditions d'octroi, le législateur a confirmé une jurisprudence récente faisant de l'exigence du recours gracieux, une condition de recevabilité de la demande en référé142(*). En effet, l'article 27 alinéa 1 de la loi n°2006/022 prévoit que si le requérant justifie de l'introduction d'un recours gracieux, le président peut ordonner toutes mesures utiles sans faire préjudice au principal. Le législateur camerounais a laissé, au contraire de son homologue gabonais, perdurer ainsi l'une des difficultés en cette matière143(*). L'article 142 du code gabonais des tribunaux administratifs dispose que, « En cas d'urgence, le président ou le juge délégué peut sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de toute décision administrative préalable, ordonner toutes mesures utiles sans préjudicier au principal ».

L'on peut donc comprendre qu'il existe deux différences fondamentales : d'abord le caractère facultatif du recours précontentieux, symbole de la prise en compte de l'exigence de célérité, ensuite l'absence des conclusions du ministère public. Tous ces arguments justifient l'idée d'une réforme restrictive en cette matière. En est-il de même au plan matériel ?

* 121 Voir DEBBASCH (C.), et RICCI (J.C.), Contentieux administratif, 8ème édition, Dalloz, 2001, p.660.

* 122 Cf. AKENDENGUE (M.), article précité, Ibid.

* 123 Articles 51 et 80 loi n°7/94 du 16 Septembre 1994 portant organisation judiciaire.

* 124 Article 93, C.T.A.

* 125 Article 97 C.T.A.

* 126 Cf. KEUTCHA TCHAPNGA (C.), « La réforme attendue du contentieux administratif au Cameroun », article précité, p.24.

* 127 JEANNOT (B.), « La théorie des principes généraux du droit à l'épreuve du temps », Etudes et Documents du Conseil d'Etat, 1981, n°33, pp.33-47.

* 128 Cf. BOUKONGOU (J.P.), « L'espoir raisonnable d'une société de droit », vers une société de droit en Afrique Centrale (1990-2000), colloque de Yaoundé 14-16, Novembre 2000, Yaoundé P.U.C.A.C, 2001, p.391 et HOMA (B.), « La justice et les droits de l'homme au Gabon », même colloque, p.197.

* 129 FOILLARD (P.), Droit administratif, 8ème éditions, Centre de Publication Universitaire, Orléans, 2004, p.392.

* 130 ODENT (R.), Contentieux administratif, Paris, les cours de droit, 1970-1971, pp.746.

* 131 ABA'A OYONO (J.C.), Thèse précitée, p.274 et CHAPUS (R.), Le droit du contentieux administratif, Paris Montchrestien, 1982, p.200.

* 132 Cf. PAMBOU TCHIVOUNDA (G.), « Note Sous C.A 26 Mai 1989, TAYLOR, rep n°13 », note précité, Ibid. Voir aussi BRARD (Y.), « Réflexions sur le code gabonais des juridictions administratives », R.J.P.I.C, 1985, n°3-4, pp.916-932.

* 133 Article 14 alinéa 1, 3 loi n°2006/022 précitée.

* 134 Cf. KEUTCHA TCHAPNGA (C.), « La réforme attendue du contentieux administratif au Cameroun », article précité p.27.

* 135 LAFERRIERE (E.), Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, 2e édition, L.G.D.J, Tome 2, 1989, p.589.

* 136 Par contre à l'article 10 de la même loi, le législateur crée une section de pourvoi en ce qui concerne la Chambre des comptes.

* 137 NJOCKE (H.C), article précité, p.55.

* 138 Par contre en France,comme le rappelle le Professeur FOILLARD, les procédures d'urgence souffraient des contradictions ne leur permettant pas de faire obstacle à l'exécution des décisions ; ce qui est pourtant leur finalité. De même poursuit l'auteur, les requêtes étaient examinées plusieurs mois après le dépôt. Cela a amené le législateur à travers la loi du 30 Juin 2000, entrée en vigueur le 1er Janvier 2001 à rénover ces procédures. Cf. FOILLARD (P.), Op.cit, p.331.

* 139 Cf. PACTEAU (B.), Contentieux administratif, Paris, P.U.F, 1989, p.235.

* 140 Cf. KEUTCHA TCHAPNGA (C.), « Le régime juridique du sursis à exécution dans la jurisprudence administrative camerounaise », Juridis Périodique n°38, Avril -Mai- Juin 1999, pp.83-92.

* 141 Voir GAUDEMET (Y.), « Les procédures d'urgence dans le contentieux administratif », R.F.D.A, 1988, pp.420-431.

* 142 Cf. KEUTCHA TCHAPNGA (C.), « Note Sous CS/PCA/OR n°06 du 08 Décembre 1998, SOSSO Emmanuel c/Crédit Foncier du Cameroun », Juridis Périodique n°45, Janvier-Février -Mars 2001, pp.41-45.

* 143 Lire HAMON (F.), et MAISL (H.), « L'urgence et la protection des libertés contre l'administration », Dalloz, 1982, chronique, pp. 49-54.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams