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La pratique des essais cliniques au Sénégal

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par Ousmane DIARRA
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - DEA Droit de la Santé 2007
  

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CHAPITRE II : LA RESPONSABILITE DES CLINICIENS

Notre étude n'envisage pas la responsabilité de l'Etat qui est signataire du protocole de recherche. Il doit mettre en avant la question de santé publique. Si un essai ne pose pas un problème de santé publique immédiat, l'Etat ne doit pas s'engager en signant le protocole. Il est fréquent de voir des essais pratiqués dans des structures publiques de santé en vertu principe de la responsabilité administrative. Dans ce cas la faute de l'investigateur,agent du service public hospitalier engage la responsabilité de l'Etat. Mais l'Etat peut se retourner contre son agent par une action récursoire.

La responsabilité ordinale sera aussi écartée. Les essais cliniques posent beaucoup plus de problème de la responsabilité civile et pénale que de responsabilités invoquées ci-dessus.

Les promoteurs, les investigateurs et leurs collaborateurs seront appelés les cliniciens. Un problème de détermination des niveaux de responsabilité se pose. Quand engage-t-on la responsabilité du promoteur ou de l'investigateur ou des collaborateurs ? Jean Carbonnier affirmait : « Le mal s'étant produit, une voix interroge les hommes : qui l'a fait ? Qu'as-tu fait ? Un homme doit répondre, dans sa conscience, c'est la responsabilité morale ; devant le droit, c'est la responsabilité juridique »44(*).Il sera question ici de responsabilité juridique. La responsabilité signifie alors répondre à un manquement, à une obligation. Elle est de deux sortes, la responsabilité civile (la réparation du mal) et la responsabilité pénale (la punition de l'auteur du mal, en lui infligeant une peine).Les cliniciens sont soumis au régime de droit commun de la responsabilité.

Ainsi verrons-nous d'abord les fondements de la responsabilité des cliniciens (section I) avant de réfléchir sur la mise en oeuvre (section II).

SECTION I : LES FONDEMENTS DE LA RESPONSABILITE DES CLINICIENS

Dans le cadre de l'exercice de l'activité clinique, les cliniciens sont susceptibles d'engager leur responsabilité civile.

Déjà en 1936, l'arrêt Mercier45(*) posait les jalons de la responsabilité civile. Le juge a dégagé un fondement contractuel à cette responsabilité. Depuis 199146(*), le patient peut également conclure un contrat avec la clinique dès lors que le médecin est de l'établissement. C'est une reconnaissance du contrat médical. Par rapport aux essais cliniques, nous pouvons avancer l'existence d'un contrat d'essai clinique, puisque la relation investigateur et sujet contient toute l'architecture d'un contrat : le consentement , l'objet licite de la recherche, l'indemnisation( dans les pays développés, contrairement à nos législations fragiles qui font de nos Etats des pavillons de complaisance), la capacité( le consentement des mineurs et des majeurs incapables, est protégé par la loi).Certains auteurs critiquent la qualification contractuelle. Selon eux, nous sommes en présence d'une relation de confiance portant sur le « corps humain » et il n'y a pas de consentement véritable du patient sur le risque que comporte l'intervention. Ces auteurs préfèrent une application de la responsabilité délictuelle prévue par le code civil français47(*). Le délit civil est un fait commis avec la volonté de causer un dommage, alors que le quasi délit est un fait dommageable non intentionnel. C'est pourquoi on parle de responsabilité délictuelle et quasi délictuelle. La responsabilité délictuelle se distingue de la responsabilité contractuelle du fait que la première découle d'une situation de fait née d'un acte contraire à l'ordre juridique en général. La deuxième présume une mauvaise exécution ou inexécution par le débiteur d'une obligation issue d'un contrat formé. Ces deux types de responsabilité cohabitent dans ce cas. Il ressort du domaine de la responsabilité délictuelle des préjudices apparus avant la naissance ou à la fin du contrat, résultant d'un contrat avorté en raison de la rupture abusive dans la phase précontractuelle, résultant d'un contrat « mort-né » en raison d'une annulation pour vice de fond ou de forme. Ainsi les codes ont-ils l'avantage de supprimer les différences existant entre les fondements contractuels et délictuels.

La responsabilité civile des cliniciens obéit au régime de droit commun de la responsabilité civile. En effet, en l'absence de dispositions spécifiques, c'est dans le code des obligations civiles et commerciales qu'elle trouve ses fondements.

L'article 118 du code des obligations civiles et commerciales dispose : « Est responsable, celui qui par sa faute cause un dommage à autrui ». En droit français, l'article 1382 pose le principe de la responsabilité pour faute. Il est complété par l'article 1383 qui précise que : «  chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait personnel, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ». A la lecture des articles précités, il apparaît que la responsabilité civile suppose la réunion de trois conditions que sont : les faits générateurs, le préjudice et le lien de causalité.

Une faute du clinicien aussi grave soit-elle ne donne pas lieu à une responsabilité civile si elle n'a causé aucun dommage. Quelque soit le préjudice subi par le sujet qui se prête à l'essai, après l'administration du produit, objet de la recherche, la responsabilité du clinicien ne peut être engagée que s'il est prouvé, qu'il a commis une faute occasionnant un dommage. Mais l'établissement de la faute du clinicien est presque impossible. Le sujet ne peut compter que sur l'expertise. Seul le juge peut demander le recours à l'expertise d'après l'article 156 du code de procédure civile du Sénégal. Ce recours devrait être soulevé d'office par le juge.

Il faut noter que la faute est définie par l'article 119 du code des obligations civiles et commerciales comme étant : « tout manquement à une obligation préexistante de quelque nature qu'elle soit ».En matière d'essai clinique, le clinicien est tenu à une obligation de moyens ou une obligation de sécurité. L'investigateur est tenu à une obligation de moyen, il ne doit pas s'engager à atteindre un résultat déterminé (un essai sans risque possible), mais il promet d'essayer de l'atteindre dans le cadre des essais effectués sur des malades .L'investigateur met tous les moyens à sa disposition pour pratiquer un essai selon les bonnes pratiques cliniques. Concernant l'obligation de sécurité, il appartiendra aux promoteurs et à l'investigateur de prendre toutes les mesures de sécurité pour assurer la qualité du produit après essai préclinique, pour la conservation du produit (éviter que le produit ne soit périmé ou qu'il ne comporte des erreurs dans la composition de la molécule).La faute peut être personnelle, elle lie directement la personne qui a commis le délit civil. Elle peut aussi être du fait d'autrui, ce sont des hypothèses dans lesquelles une personne peut être tenue de réparer un dommage qu'une autre personne a commis, et nous pouvons noter pour ce qui nous concerne la responsabilité du commettant du fait du préposé. C'est la relation qui existe entre le promoteur et l'investigateur, et la relation entre l'investigateur et ses collaborateurs (infirmiers, sages-femmes...).

Il existe également la responsabilité du fait des choses. Le chercheur peut voir sa responsabilité engagée du fait de son produit, objet de l'essai clinique. Si le produit est défectueux ou si la molécule a été surdosée la responsabilité solidaire du promoteur, de la firme pharmaceutique peut être engagée.

La faute n'est pas le seul fondement de la responsabilité civile des cliniciens, le risque en est également un fondement. La responsabilité fondée sur le risque est une responsabilité objective, elle trouve son fondement dans le rapport de causalité objective. Cette responsabilité n'engendre aucun jugement de valeur sur les actes responsables. Il suffit que le préjudice se relie matériellement à ces actes, parce que celui qui pratique une activité doit assumer les risques. La pratique des essais cliniques comporte beaucoup de risques, et le clinicien n'a pas une connaissance acquise sur l'efficacité du produit, sur les désagréments que cela peut causer à l'être humain.

La responsabilité pour faute et la responsabilité pour risque se distinguent quant au fardeau de la preuve .Dans la responsabilité pour faute ou encore la responsabilité subjective, le patient ne peut prétendre à une réparation qu'à la charge d'établir la preuve de la faute, la défaillance de conduite et de volonté qui est à l'origine du préjudice.

En cas de responsabilité pour risque ou responsabilité objective, la victime prouve que le dommage a été matériellement engagé par l'activité du défendeur. Nous pouvons relever la difficulté de prouver la responsabilité pour faute par rapport à la preuve du risque. Il faut noter que la production de la preuve pose un problème crucial si l'on sait que le recours à l'expertise dépend du juge. Encore faudrait-il souligner que l'expertise est pratiquée par un médecin. Il y a aussi le manque de matériel sophistiqué au Sénégal.

Au-delà des faits générateurs, il existe d'autres conditions d'engagement de la responsabilité des cliniciens. Il s'agit du dommage et du lien de causalité.

Le dommage ou encore préjudice est une condition principale de la responsabilité civile. Pour engager la responsabilité des cliniciens, il faudrait qu'ils aient causé un dommage. Le dommage doit être certain, mais le dommage futur peut également être certain, par exemple un essai clinique effectué sur un sujet à un moment donné et quelques années apparaît un dommage (affaire Pfizer au Nigeria).

Le dommage certain s'oppose au dommage éventuel, hypothétique, lequel ne peut donner lieu à réparation.

Le dommage doit être personnel à celui qui agit en réparation, car il exclut qu'une personne quelconque puisse poursuivre le responsable en cas d'abstention de la victime. Sauf en cas de décès où les ayants cause peuvent agir.

Le dommage doit également être direct .Il en est ainsi lorsqu'il découle de la faute, sans aucun fait postérieur ayant encouru à sa réalisation. De ce fait, le dommage causé par les cliniciens doit être à l'origine d'un désagrément, d'une perte qui peut être matérielle, morale et corporelle.

Le dommage corporel est le dommage fondamental dont peut souffrir le sujet qui se prête à l'essai. Le droit à la réparation pour dommage corporel (lésion du corps, effet du médicament ayant entraîné une incapacité physique), découle du principe de l'inviolabilité de la personne humaine posé par l'article 7 de la constitution sénégalaise du 22janvier 2001, qui dispose : « La personne humaine est sacrée. Elle est inviolable » La constitution protège le corps humain. L'intégrité physique ne doit pas être atteinte. Il est vrai que la médecine a une certaine marge de manoeuvre sur le corps humain, mais, encore faudrait-il qu'il fasse preuve de prudence, du respect des règles de l'art. Les conséquences du dommage corporel différent selon qu'il s'agisse d'une atteinte mortelle ou pas. Si la conséquence entraîne la mort la voie pénale sera ouverte, et si la conséquence n'entraîne pas la mort, la responsabilité civile sera engagée.

Le dommage matériel peut être constitué que par une atteinte au patrimoine, ainsi arrive-t-il qu'il soit qualifié de dommage patrimonial ou pécuniaire. En matière d'essai clinique, le préjudice matériel peut résulter des biens dépensés par la victime, après avoir souffert des conséquences nuisibles du produit à tester (les frais médicaux ou des frais pharmaceutiques).

Le dommage moral trouve son application naturelle là où il y a lésion de l'un des droits du sujet que l'on nomme droits extrapatrimoniaux ou primordiaux : droit à la considération, droit à l'honneur. Il s'agit de la souffrance simplement psychologique que le sujet peut ressentir, exemple le produit inoculé à entraîner une défiguration ou une mutilation d'une partie du corps.

Au demeurant, l'existence du dommage ne signifie pas nécessairement engagement de la responsabilité. Encore faudrait-il l'existence d'un lien de cause à effet entre la faute et le dommage .C'est ce qu'on appelle le lien de causalité .Remarquons que pour ce qui concerne la réalisation du risque la faute ne peut être établie. La responsabilité du clinicien ne peut être engagée que si le dommage subi par le sujet est lié par la prise d'un médicament autre que le produit, objet de l'essai. Mais qu'adviendra-il s'il y a une incompatibilité grave entre médicament acheté chez un pharmacien et le produit inoculé. La désignation de la personne responsable risque d'amener des polémiques.

Le juge devra à notre avis appliquer le principe de la responsabilité partagée.

Le lien de causalité se manifeste sous deux formes différentes. Positivement, la victime pour obtenir condamnation devra établir l'existence d'un rapport de causalité entre le dommage dont elle justifie et le fait auquel la loi attache une responsabilité. Négativement, le défendeur aura la possibilité d'écarter le lien de causalité qui allait remonter jusqu' à lui en faisant ainsi la preuve d'une cause étrangère qui ne lui est pas imputable.

Par ailleurs, la responsabilité des cliniciens a également un fondement pénal. En effet, la responsabilité pénale autant que la responsabilité civile nécessite une faute et un dommage, mais l'inexistence du dommage peut voir la responsabilité des cliniciens engagée, tel le cas d'un investigateur non qualifié ou lorsque les cliniciens administrent des produits autres que ceux validés par le comité d'éthique. Il faut dire que pour engager la responsabilité pénale des cliniciens, trois conditions sont posées : l'élément légal, l'élément matériel, l'élément moral. L'élément légal doit nécessairement être caractérisé dans la mesure où tout comportement répréhensible doit avoir été prévu par la loi .Pour soutenir que le clinicien est responsable pénalement, il faut en toute évidence qu'il soit prévu et puni par la loi. Le code pénal dispose : « il n'y a ni infraction, ni peine sans texte légal ».

A défaut de réglementation spécifique face aux nouveaux domaines de la médecine, le recours au droit commun est la seule possibilité existante.

Contrairement à la France qui a très tôt légiféré en matière de recherche clinique à travers la loi Huriet de 1988.

Au Sénégal, le clinicien peut être condamné sur les délits portant atteintes à l'intégrité physique du sujet qui se prête à l'essai et à sa vie de manière volontaire et involontaire.

Ainsi, le clinicien peut-il être poursuivi sur la base de l'homicide volontaire, aux termes de l'article 280 du Code Pénal Sénégalais qui dispose « L'homicide commis volontairement est qualifié de meurtre ».

C'est le cas de l'investigateur qui fait un essai sur un produit autre que celui validé par le comité d'éthique et dont il a apprécié sciemment la dangerosité pour la santé.

Aussi l'article 306 dudit code ajoute : « Celui qui aura occasionné à autrui une maladie ou une incapacité de travail personnel, en lui administrant volontairement , de quelque manière que ce soit, des substances , sans être de nature à donner la mort , sont nuisibles à la santé... ».Par rapport aux essais cliniques nous pouvons sous entendre, le promoteur ou l'investigateur qui utilise son produit hors norme pour tester par exemple la capacité de résistance de l'homme face à un produit. La disposition semble ambiguë, car le clinicien administre volontairement son produit, qui après un essai préclinique garantissant la toxicité, peut voir sa responsabilité engagée, alors qu'il participe dans le cadre de l'intérêt de la science, de l'humanité entière, à l'effort de santé publique.

L'article 306 est trop sévère pour les cliniciens d'où l'urgence d'une disposition spécifique en la matière. L'article 307 poursuit : « Quiconque, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou inobservation des règlements, aura commis involontairement un homicide ou des blessures, ou en aura été involontairement la cause... ». Des enquêtes48(*), ont révélé qu'au Sénégal, certains investigateurs n'ont aucune qualification requise49(*). Le code pénal prévoit à ce niveau notamment à son article 226: « Quiconque, sans titre, se sera immiscé dans des fonctions publiques, civiles, ou militaires, ou aura fait acte d'une de ces fonctions... ».Cette disposition donne ne répond pas totalement notre préoccupation car elle ne règle la question l'investigateur qui n'est pas fonctionnaire.

Il y a également l'élément matériel. Le comportement du prétendu délinquant doit avoir été concrètement adopté par les cliniciens. Il doit être le fait du clinicien soit sous la forme d'une action, soit sous la forme d'une omission. Ainsi le clinicien doit-il commettre un acte pénalement répréhensible.

Les deux conditions d'engagement de la responsabilité pénale se complètent avec la troisième condition à savoir l'élément moral ou encore l'élément intentionnel. L'élément moral (libre arbitre) est le comportement répréhensible à l'origine de l'infraction, il doit avoir été réalisé dans les conditions où l'on puisse le lui reprocher.

Pour qu'une infraction soit retenue, il ne suffise pas que le clinicien soit l'auteur matériel de l'acte répréhensible, son acte ne sera une infraction punissable que s'il y a responsabilité pénale, c'est-à-dire si le clinicien jouissait de ses facultés mentales et qu'il ait commis une faute. Il n'y a pas d'infraction sans l'élément moral. Le discernement et le contrôle de l'investigateur ne doivent en aucun cas être, altérés ou entravés par un quelconque trouble psychique ou neurologique. Du coup, le code pénal prévoit : « n'est pas pénalement punissable la personne qui a agi sous l'emprise d'une force ou d'une contrainte à laquelle elle n'a pu résister ».

Le clinicien qui a été contraint par une force extérieure d'administrer à un sujet un produit dangereux ne sera pas puni, mais le sujet de recherche devra bénéficier d'une indemnisation.

Après avoir dégagé les fondements de la responsabilité, il convient de voir la mise en oeuvre de la responsabilité civile et pénale des cliniciens.

SECTION II : LA MISE EN OEUVRE DE LA RESPONSABILITE DES CLINICIENS

La mise en oeuvre de la responsabilité suppose que le juge a condamné le clinicien.

La réparation civile sera étudiée avant d'aborder la répression.

1-La réparation

Lorsque les modalités de la responsabilité civile sont réunies, s'impose l'obligation de réparer, ce qui ouvre une action civile. L'investigateur, auteur d'un dommage causé à autrui, a l'obligation de réparer, dès que le lien de causalité a été établi.

La victime doit porter son action devant les tribunaux. Elle est instruite suivant les règles de procédures civiles .Le fait dommageable étant un fait matériel, la preuve doit en être administrée par tous les moyens : témoignage, présomption de fait, aveu judiciaire.

La mesure de réparation doit se fonder sur le dommage. Ce principe de l'adéquation de la réparation relève deux implications : premièrement, l'indifférence de la faute puisqu'il s'agit de réparer et non de punir.

La gravité de la faute est sans influence sur le quantum des dommages et intérêts, (faute simple, faute grave) ; deuxièmement, la réparation intégrale, la condamnation ne doit réparer que le dommage retenu à la charge de l'investigateur responsable ; il doit réparer tout le dommage causé.

Par conséquent, l'assurance intervient dans la réparation.

Dans un essai, tous les intervenants doivent souscrire à une assurance pour parer aux éventuels dommages.

La législation Française, contrairement à la législation Sénégalaise a posé le principe de l'obligation d'assurance des médecins. La victime qui, après avoir pris le médicament, objet de l'essai subit des conséquences nocives dudit médicament, et il dépense des frais pharmaceutiques pour se soigner, une fois qu'une action en réparation est ouverte, la victime aura droit à la réparation intégrale du dommage causé.

L'exigence de la réparation intégrale s'étend à tous les sujets de l'essai: chacun des sujets qui éprouve un préjudice doit revoir une réparation entière dès lors que la preuve est établie. Les tribunaux allouent éventuellement une indemnité globale.

En matière d'essai clinique, il n'existe pas de réparation en nature, le sujet ayant subi un désagrément obtient une indemnisation.

Signalons que plusieurs principes doivent être au moins retenues : l'évaluation, la révision et la pluralité de responsables.

Pour l'évaluation, la Cour de Cassation Française reconnaît aux juges du fond un pouvoir souverain d'appréciation50(*).

Concernant la révision, il faut noter que le préjudice peut évoluer après le jugement, par exemple, si la victime qui a des blessures après prise de médicament, objet de l'essai clinique, se fait amputer un membre après le jugement.

Si au contraire, il y a aggravation, on admet que la victime puisse réclamer des dommages intérêts supplémentaires, parce que, c'est une nouvelle action en responsabilité qu'elle forme, reposant sur un préjudice distinct.

Si c'est dans le sens de l'atténuation, l'autorité de la chose jugée s'oppose à ce que le responsable obtienne une réduction correspondante des dommages intérêts, à moins que le premier jugement ne lui en ait formellement réserver le droit. La Cour de Cassation Française n'admet pas que la victime puisse demander la révision pour cette cause.

Quant à la pluralité de responsable, le principe est que chacun est condamné pour parer le dommage en totalité, ce qui crée entre eux une obligation in solidium, qui n'est pas une véritable solidarité passive.

Le partage de responsabilité auquel le juge a pu procéder ne concerne que les rapports réciproques entre les correspondants et n'affecte pas l'étendue de leurs obligations envers la victime.

Le responsable qui aura été contraint de payer le tout aura une action contre les autres.

La responsabilité civile peut être liée à la responsabilité pénale. Dans cette hypothèse, le sujet victime d'une infraction pénale a le choix de porter son action en réparation soit devant les juridictions civiles, soit devant les juridictions répressives.

2-La répression

Devant les juridictions pénales, la victime aura comme avantage la facilité de la preuve (en matière pénale, tous les moyens de preuves sont permis), car, le juge pénal a le devoir de rechercher d'office les preuves d'une infraction, grâce à son pouvoir d'investigation.

Le procureur a à sa disposition des procédés plus efficients que ceux des particuliers.

Au demeurant, le sujet victime de blessures volontaires ou involontaires occasionnées par le produit, objet de l'essai clinique peut mener son action devant le juge pénal. La voie pénale semble avoir plus de garantie.

Si la victime saisit à le juge civil et celui du pénal on appliquera dès lors le célèbre adage « Le criminel tient le civil en état ».Cela veut dire le juge civil doit surseoir à statuer tant que le juge pénal n'a pas rendu sa décision, aussi, dès que le juge pénal rend sa décision, le juge civil est tenu de se conformer à la décision du juge carcéral.

Le responsable d'une infraction pénale en matière d'essai clinique encourt une sanction pénale lorsque l'élément légal, l'élément matériel et l'élément moral sont réunis.

La sanction pénale renvoie au paiement d'une amende, à une peine d'emprisonnement et à une mesure de sûreté.

Les infractions commises par les cliniciens sont punies par le Code Pénal, l'article 306 dispose que « Celui qui aura occasionné à autrui une maladie ou incapacité de travail personnel, en lui administrant volontairement, de quelque manière que ce soit, des substances, qui, sans être de nature à donner la mort, sont nuisibles à la santé, sera puni d'un emprisonnement d'un mois à cinq ans et d'une amende de 20.000 à 100.000 francs ; il pourra de plus être interdit de séjour.

Cette disposition bien que générale dégage la sanction infligée aux cliniciens qui administrent les produits, aux sujets qui se prêtent à l'essai, et qui créent des désagréments. Il s'agit ici d'une protection assurée aux sujets.

La peine est individuelle. Elle ne peut être prise en charge par une autre personne.

Mais, en France dans le cadre d'une entreprise, il existe la responsabilité du fait d'autrui.

Le chef d'entreprise pharmaceutique en l'occurrence le promoteur (une firme, une ONG) peut être responsable pénalement.

Cette sanction n'est pas une répression au vrai sens du terme puisque la peine est transformée à une réparation civile. La responsabilité pénale de la personne morale n'est pas encore admise par la législation sénégalaise.

L'article 307 prévoit " Quiconque, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou inobservance des règlements aura commis involontairement un homicide ou blessures, ou en aura été sera puni d'un emprisonnement de six mois à cinq ans, d'une amende de 20.000 à 300.000 francs lorsqu'il y'aura un délit de fuite, les peines prévues au présent article seront doublées et ne pourront être assorties du bénéfice du sursis".

Les essais cliniques se poursuivent toujours en Afrique, particulièrement au Sénégal. Certains sont connus comme étant des essais, d'autres ne sont pas nommés, ils sont pratiqués sans que l'investigateur sénégalais, ni la personne qui se prête à l'essai ne le sachent. La fragilité de notre législation en la matière, constitue un handicap majeur, il convient de revoir le système mis en place. C'est dans ce cadre que nous nous proposons de faire quelques recommandations par niveau, pour une bonne pratique des essais cliniques au Sénégal.

- Sur les modalités de l'essai

Il y a lieu d'identifier les différents types d'essai : l'essai avec bénéfice individuel direct et l'essai sans bénéfice.

L'essai avec bénéfice individuel concerne les essais pratiqués sur les sujets sains. Il serait important à notre avis de tenir compte de la capacité financière des populations villageoises qui dans leur majorité quittent leur localité en payant parfois le transport pour aller au centre de recherche.

Concernant le sujet malade, l'essai ne doit être opéré qu'avec le consentement du malade, lorsque le malade est dans l'impossibilité de donner son consentement, il faudrait faire recours à ses parents.

Les études du Professeur Dièye ont démontré que les directeurs d'hôpitaux ne sont pas impliqués dans le déroulement des essais cliniques effectués au niveau de leur structure.

Pour éviter cette situation qui semble scandaleuse, il serait opportun d'associer les Directeurs d'hôpitaux, en leur donnant un pouvoir de contrôle efficient, avant, durant et à la fin des essais cliniques pratiqués dans leur établissement.

En tant que chef de structure administrative, le Directeur d'hôpital doit être informé et doit maîtriser les actes et gestions menés dans son établissement.

Le contrôle du Directeur d'hôpital doit être suivi par le contrôle d'un comité de suivi qui doit être mis en place pour assurer la protection des personnes qui se prêtent à l'essai.

Nous pensons également qu'il faudrait procéder à une vérification de la qualification des investigateurs et de leurs collaborateurs et contrôler le promoteur.

L'Etat du Sénégal doit répertorier tous les organismes qui effectuent ou qui financent des essais cliniques sur l'ensemble du territoire national en vue de contrôler51(*) avec plus de fermeté l'ensemble des activités de ces organismes qui peuvent parfois corrompre les autorités sanitaires pour les amener à autoriser des essais qui ne sont pas conformes pas les normes internationales.

-Sur l'expérimentation

L'essai préclinique doit être vérifié, non pas en se fondant sur les dossiers pré- cliniques, mais en organisant un test de laboratoire sur les animaux.

Le comité d'éthique doit pouvoir saisir un laboratoire de contrôle pour la vérification de la substance administrée dans le corps du cobaye.

Le test permettra au comité d'être plus édifié sur l'effectivité du contrôle.

Il ne doit pas se limiter, au contrôle de régularité, à la discussion concernant la valeur morale de l'essai, il doit élargir son rôle en intégrant la recommandation ci-dessus.

Des mesures devront être prises pour étudier les antécédents médicaux des sujets.

Le contrôle des antécédents doit être confié à une structure publique de santé, qui doit veiller aux éventuels dangers que les sujets pourront encourir.

Dans le domaine de recherche clinique, les sujets qui se prêtent à l'essai devront bénéficier d'un bulletin de santé, dans ce cas, le contrôle des antécédents serait facile, rapide et efficace.

Malgré cela, il faudrait procéder à un contrôle minimum de l'état de santé des patients.

Ce qui entre dans le cadre de les protéger contre tout accident, risque éventuel.

Le contrôle sanitaire des sujets ne doit pas se limiter avant l'administration du produit.

Il doit être fait durant l'essai, pour permettre à l'investigateur de déceler des dommages latents qui ne pourraient pas apparaître sur le corps.

A ce propos, les matériels de qualité et du personnel qualifié doivent être de rigueur pour assurer un contrôle de qualité.

Il est bien de contrôler, mais quel contrôle, encore faudrait-il que le contrôle soit poussé ?

A la fin de l'essai clinique, le contrôle de suivi doit être effectué, pour pallier d'éventuels dangers.

Le contrôle doit s'étaler sur une longue période puisque des désagréments peuvent survenir à tout instant.

C'est la structure médicale qui doit contrôler, aller vers la population, objet de l'expérimentation pour diagnostiquer les sujets .L'absence de contrôle de qualité et du contrôle de suivi a causé d'énormes pertes en vies humaines au Nigeria.

En effet, l'industrie pharmaceutique Pfizer a procédé à des essais cliniques de méningites sur des femmes et des enfants sans le respect des contrôles évoqués ci-dessus, quelques années après les essais, Il s'est produit un événement dramatique.

-La mise en place d'une réglementation équilibrée.

Le législateur Sénégalais doit réagir pour faire face aux multiples essais cliniques effectués au sein du territoire national, au mépris des textes internationaux.

La réglementation interne s'avère nécessaire pour limiter les problèmes liés au déroulement des essais cliniques.

Mais cette réglementation ne doit pas être rigide à l'égard des chercheurs, elle doit à notre avis être proportionnée.

C'est pour cela que nous préconisons une réglementation qui assure la protection des sujets et qui garantit la promotion de la recherche clinique.

-La nécessité de la protection des sujets.

La protection des sujets devrait commencer par la création d'un comité de protection indépendant chargé de suivre les patients du début à la fin de l'essai clinique.

Ce comité devra servir de conseil au sujet qui se prête à l'essai pour leur apprendre leur droit et les principes des essais cliniques.

Le comité devra être composé de juriste, d'anthropologue, de médecin, de sociologue, d'ethnologue.

Cette pluridisciplinarité permettra de mieux cerner les questions relatives à l'information. Le comité doit jouer un rôle important dans la diffusion de l'information claire et détaillée pour permettre une bonne compréhension de l'essai entrepris. Il peut servir d'audit pour voir si les consentements des sujets ont été recueillis et que ces consentements sont clairs, exprès et qu'ils ne souffrent d'aucun vice.

Le comité doit également veiller à la confidentialité, c'est dire que la recherche ne doit pas porter atteinte à la vie privée du patient notamment le droit à l'image.

L'image du patient ne devrait pas être diffusée sans son consentement.

Et même si tel était le cas, on devrait cacher ses yeux ou faire un système qui crypte sa voix.

Le comité de protection des citoyens que nous préconisons doit également avoir pour mission la protection et la prise en charge des personnes vulnérables notamment les femmes enceintes, les enfants, les majeurs incapables, les personnes privées de liberté, les prisonniers.

Le comité devra être doté de moyens juridiques efficaces pour mener à bien sa mission.

L'ancien code de santé publique d'Outre mer de 1954, toujours en vigueur au Sénégal est partiel dans la mesure où il ne tient pas compte d'une certaine épidémie ou pandémie récente.

Le législateur Sénégalais doit mettre en place un texte juridique spécifique relatif à la recherche clinique.

Ce texte déterminera les essais avec bénéfice individuel direct et les essais sans bénéfice individuel direct.

Nos pays sous développés ne doivent pas être des « pavillon de complaisance », cible de certains promoteurs profitant de réglementation quasi inexistante sur la recherche clinique pour pratiquer des essais contraires aux dispositions internationales.

A notre avis, dans le contexte de pauvreté, les essais cliniques ne doivent pas être gratuits, il faut qu'il y ait un bénéfice individuel c'est-à-dire que la personne qui se prête à l'essai doit pouvoir prétendre à une rémunération d'où l'utilité d'évoquer l'existence d'un contrat d'essai clinique entre l'investigateur et les sujets qui se prêtent à l'essai.

Ce contrat peut exister dans le rapport entre les deux intervenants, l'investigateur aura l'obligation d'information, le recueil de consentement, la garantie de la confidentialité et l'inoculation d'un produit ayant fait l'objet d'un essai pré clinique.

Il doit également procéder à la rémunération des patients.

Le patient aura l'obligation de respecter les prescriptions données par l'investigateur et aussi de respecter les rendez-vous fixés par ce dernier.

Ce contrat d'essai clinique devra exister aussi bien dans un établissement privé hospitalier que dans un établissement public hospitalier.

La législation Sénégalaise devra alors se pencher sur la question préoccupante qui a alimenté des débats dans les pays développés, il s'agit de l'indemnisation.

Dans des pays comme la France et les Etats-Unis, un système d'indemnisation des personnes qui se prêtent à l'essai est prévu ; il serait intéressant que nos pays puissent se pencher sur cette question.

Notre préoccupation va dans le cadre de la détermination du régime juridique de la responsabilité du promoteur, de l'investigateur et de son équipe.

Les responsabilités civile et pénale devront être étudiées car les dispositions en vigueur sont inadaptées à la pratique des essais cliniques.

La réglementation devra certes assurer une protection des patients, mais, elle doit garantir la promotion de la recherche scientifique.

- La promotion de la recherche scientifique.

Le droit, un ensemble de règles juridiques qui réglementent toutes les activités humaines ne doit pas être regardé d'un mauvais oeil, comme un élément contraignant, hostile à tout développement de la pensée scientifique.

Il garantit certes une stabilité sociale, mais, il peut également être facteur d'instabilité sociale, c'est dire qu'il existe un bon et un mauvais droit.

Pour la recherche clinique, c'est le bon droit qui doit être appliqué.

Le législateur sénégalais doit penser à améliorer, encourager la recherche clinique.

Il faut une réglementation qui protège la recherche clinique ; Elle devra assurer une protection des données des chercheurs contre tout faux brevet, contrefaçon ou contrebande.

L'Etat doit mener une lutte féroce et sans pitié contre les industries pharmaceutiques hors la loi qui inondent le marché sénégalais de produits médicamenteux sans aucun essai clinique. Il y va de la sécurité sanitaire de la population.

La puissance publique devra offrir aux chercheurs des cadres propices à la recherche.

Elle doit s'impliquer davantage dans la recherche effectuée au Sénégal.

Aussi, les chercheurs sénégalais devront bénéficier d'une assistance de l'Etat au plan financier pour encourager la recherche.

Le groupe d'étude pour la recherche clinique de l'hôpital universitaire de Fann qui est un groupe pluridisciplinaire regroupant des juristes, des pharmaciens, des anthropologues, des médecins devra être encouragé dans ses efforts de recherche pour assurer des recherches cliniques de qualité.

Les chercheurs devront également être soutenus par l'Etat. Leur sécurité juridique devrait être renforcée davantage pour faciliter l'éclosion de la recherche au Sénégal.

Après la réussite des essais, les médicaments sont vendus à des prix inaccessibles sans réduction pour la population objet de recherche. Il arrive que le médicament ne soit même pas vendu au Sénégal. Que faut-il faire ?

* 44 J.Carbonnier, Droit civil, tome4, Les Obligations, 20ème édition, P.U.F, juillet 1996

* 45 Cour de cassation civile 20mai 1936J.C.P (France)

* 46 Cour de cassation civile 20juin 1997 J.C.P (France)

* 47 Journal de médecine légale, 2002, vol, numéro7-8, p.319-342

* 48 Enquêtes sur les connaissances,attitudes et pratiques des principaux acteurs sur la période allant de 2003 à 2007 du Professeur Dièye du département de pharmacie de la faculté de médecine de Dakar

* 49 L'investigateur ou le chercheur est obligatoirement docteur en médecine. Il doit être inscrit au tableau de l'ordre des médecins et doit justifier d'une expérience des études cliniques. Dans le dictionnaire Le Larousse le chercheur est définit comme celui dont l'esprit est tendu vers la découverte, celui qui se consacre à la recherche scientifique.

* 50 J.Carbonnier, Droit civil, tome4 Les Obligations, 20èm édition P.U.F, juillet 1996, p.466

* 51 « La recherche au Sénégal reste essentiellement soutenue par des partenaires au développement. Pour ce qui concerne le secteur de la santé, l'Etat doit travailler pour un investissement significatif dans ce domaine. C'est un secteur stratégique et il n'est pas du tout prudent de le laisser à la merci des partenaires au développement dont les intérêts ne sont pas toujours en phase avec nos priorités ».Ce constat est du docteur Samba kor Sarr, chef de la division des études et de la recherche au ministère de le Santé et de la Prévention médicale et coordinateur national du comité d'éthique du Sénégal. Tiré de l'article du journal Walfadrji numéro 4698, 14novembre 2007, Recherche médicale à la merci des partenaires au développement.p.6.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo