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La pratique des essais cliniques au Sénégal

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par Ousmane DIARRA
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - DEA Droit de la Santé 2007
  

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CHAPITRE II : LES INSTRUMENTS NATIONAUX

Des Etats ont aménagé en droit interne les dispositions internationales. Il s'agit du modèle français (section I) et du modèle des autres Etats (section II)

SECTION I : LE MODELE FRANCAIS

Lorsqu'une norme internationale relevant de la Soft Law, qui dégage des principes généraux n'a pas été aménagée par le droit interne, elle devient du droit mou dont la violation peut poser des difficultés au juge quant aux sanctions à infliger.

Mais lorsqu'il y a une disposition interne qui aménage la norme internationale, elle devient tantôt de la soft law ou de la hard law.

La France a fait un effort remarquable en matière de réglementation des essais en instituant la loi Huriet. La loi aménage plusieurs niveaux parmi lesquels on peut citer la différenciation des types d'essais, les intervenants, les contrôles administratifs et les sanctions.

1-La différenciation des types d'essai

La loi distingue les recherches avec bénéfice individuel direct et les recherches sans bénéfice individuel.

Lorsque dans un essai clinique, la personne participante peut espérer un bénéfice pour la santé, il est nécessaire de mettre en oeuvre des conditions de protection plus contraignantes pour les organisateurs : exercice dans un centre spécialement autorisé, visite médicale préalable, obligation d'un régime de sécurité sociale, limitation du nombre annuel d'essai assortie de la création d'un fichier national et du plafonnement des indemnités susceptibles d'être perçues par le volontaire du dommage subi.

La réparation d'un dommage se fera selon le régime de la responsabilité sans faute, la personne victime devant démontrer une relation directe et certaine entre le préjudice et le risque.

La distinction entre essai sans bénéfice individuel direct et essai avec bénéfice individuel s'effectue par élimination : tout essai qui ne présente pas d'espérance d'intérêt personnel pour la personne participant entre dans la seconde catégorie.

En termes de protection, il est préférable d'étendre aux cas douteux le régime de l'essai sans bénéfice individuel, que de les classer par défaut dans la catégorie opposée. Une circulaire définit trois types de lieux de recherche biomédicale sans bénéfice individuel direct :

- Lieu de type A : où les recherches, effectuées dans le cadre des activités habituelles d'un service de soins hospitaliers, sont conduites sur des volontaires malades exclusivement.

- Lieu de type B : les recherches spécialisées conduites sur le patient sain, portant sur la tolérance, la pharmacodynamie, la pharmacocinétique incluant la biodisponibilité et la bioéquivalence doit être un cadre approprié.

- Lieu de type AB les recherches, réalisées dans le cadre des activités habituelles d'un service de soins hospitalier, sont conduites sur des volontaires sains.

C'est dire que les essais sans bénéfice individuel font l'objet, outre des dispositions générales propres à toute recherche, de mesures spécifiques liées aux faits que ces travaux ont été ressentis par le législateur comme présentant un plus grand risque, et qu'ils n'ont, pour le volontaire participant, aucune contre partie en termes de santé.

Concernant les intervenants, l'investigateur est vis-à-vis du promoteur dans une situation contractuelle privée, et ce même s'il est agent du service public.

En cas de contentieux, si les deux ne sont pas présents dans le même Etat, le juge saisi est le juge du lieu de la signature du contrat ou au lieu où le contrat s'exécute.

La loi Française définit à côté de la situation générale de la personne participante, une série de situations particulières concernant les femmes enceintes, ou allaitantes, les personnes privées de liberté (prisonniers), les malades en situation d'urgence ou les aliénés hospitalisés sans leur consentement, les mineurs, les majeurs protégés ou les personnes séjournant dans un établissement sanitaire ou social.

La loi huriet a précisé les caractères du consentement.

2-Consentement libre, exprès et informé.

Il y a un débat28(*) entre juristes sur la relation entre les cliniciens et les sujets de la recherche. Certains y voient un contrat de recherche dans le cas d'un essai avec bénéfice individuel, le participant ayant au moins l'obligation de respecter les conditions du protocole.

D'autres, réfutent cette nature contractuelle, notamment parce que, à l'opposé de ce que l'on examine dans les contrats, l'engagement de la personne n'a aucun caractère d'irrévocabilité.

La personne peut se dégager à tout moment sans avoir à fournir un motif, la rupture n'ayant aucune conséquence juridique. Ce procédé conforte l'idée de l'inexistence du contrat, car le contrat exige des obligations réciproques.

La loi Huriet précise sans encourir aucune responsabilité : Le promoteur ou l'investigateur ne pourra solliciter à la personne la réparation des éventuels préjudices entraînés par le retrait de la recherche.

Le retrait ne constituera pas un motif de dispense pour le promoteur d'indemniser un éventuel dommage.

Le consentement n'a pas dans ce sens aspect résultant d'un contrat. Il serait préférable ici d'utiliser le mot acquiescement, par lequel la personne, de sa libre volonté, accepte à la demande de l'investigateur de remplir la première condition préalable de la réalisation de la recherche.

C'est en considération du respect du principe de l'autonomie de la volonté des personnes que le législateur a fait du consentement libre, exprès et informé de la personne se prêtant à la recherche, le point central de la protection.

Ainsi, la loi Huriet prévoit deux autres modes de réparation (pour risque et pour faute présumée) et détermine le délai de la prescription à 10ans, délai propre aux relations extracontractuelles (délai de prescription : temps après lequel une action en justice devient impossible).

Cependant, il faut préciser que l'information et le consentement sont placés au premier plan dans les conditions préalables à la recherche.

L'information délivrée ouvre des droits, crée des obligations à la charge de l'investigateur avant l'obtention du consentement écrit. Le législateur a voulu donner, par les recours à une procédure écrite, une certaine solennité à un acte altruiste selon lequel le sujet participe à l'intérêt général, mais comportant néanmoins pour lui des craintes et des risques, et dépourvu de toute contrepartie financière, ce qui n'est pas dépourvu de retentissement.

En effet, l'existence d'un document écrit, comportant l'identification de la personne, du promoteur et de l'investigateur, résumant l'information délivrée et décrivant les conditions du consentement, aura, en cas de contentieux, une valeur de preuve.

Dans l'incapacité de fournir les preuves de l'existence du consentement, le promoteur ou l'investigateur s'exposerait à des sanctions pénales.

Le code pénal29(*) prévoit des peines de 3ans d'emprisonnement et de 300.000F d'amende sanctionnant le fait de pratiquer ou de faire pratiquer sur une personne une recherche biomédicale sans avoir recueilli le consentement libre, éclairé et exprès de l'intéressé, des titulaires de l'autorité parentale ou du tuteur.

Les mêmes peines sont applicables lorsque la recherche est pratiquée alors que le consentement a été retiré.

Deux situations particulières méritent d'être développées, le consentement d'un mineur et le consentement d'un majeur protégé par la loi.

Le mineur, dépourvu de personnalité juridique ne peut pas donner son consentement. Toutefois, le consentement doit être exprimé par les titulaires de l'autorité parentale.

La participation du mineur nécessite donc le consentement des deux parents, car l'exercice de l'autorité constitue une protection de l'enfant vis-à-vis de son éducation et de sa santé.

Cette règle présente une exception. Quand l'un des parents est, pour une raison quelconque dans l'incapacité temporaire de manifester par écrit son acceptation, une seule signature est alors admise.

Quant au majeur protégé par la loi, il peut être sous l'un des régimes existant : sauvegarde de justice, tutelle ou curatelle.

L'investigateur, dans ces différents cas recueillera le consentement du représentent légal.

La personne protégée avec bénéfice individuel n'est envisageable que, sous les conditions ci-dessous rappelées, que lorsque l'essai ne présente pas de risque prévisible sérieux.

3-Les contrôles administratifs

Concernant les Contrôles administratifs, le législateur français a organisé deux types de contrôles administratifs l'un intervenant préalablement à l'essai et l'autre au cours de sa réalisation30(*).

Les contrôles administratifs préalables sont de deux ordres.

L'un appartient à une autorité administrative indépendante, c'est le comité consultatif de protection des personnes dans la recherche biomédicale (CCPPRB). Le comité est composé de douze membres (un médecin généraliste, deux pharmaciens, une infirmière, une personne qualifiée en raison de sa compétence à l'égard des questions d'éthiques, une personne qualifiée dans le domaine social, un psychologue, un juriste).

Notons que les membres du comité sont tenus au secret professionnel

Ils sont nommés par le représentant de l'Etat dans la région où le comité a son siège, choisis sur listes de candidats établis par les organismes ou autorités habilités par décret .Le comité est doté de personnalité juridique, c'est -à- dire qu'il a des droits et des obligations lui permettant de gérer des biens. Il peut aussi ester en justice.

Cette structure est agrée par le ministère de la santé.

Les CCPPRB ont remplacé les comités d'éthique. Tout projet de recherche biomédicale doit être préalablement soumis à cette autorité indépendante.

Le comité a pour rôle d'évaluer trois choses:

La validité scientifique du projet son acceptation sociale, éthique.

En cas de refus du CCPPRB, le protocole peut être adressé au ministre de la santé qui devra statuer dans un délai de 2 mois.

L'autre mode de contrôle appartient à l'autorité administrative compétente (L'AFSSAPS).Il contrôle dans le type de recherche envisagé pour les essais cliniques de produits pharmaceutiques .Le promoteur doit, préalablement à la mise en oeuvre du projet, lui adresser une lettre d'intention décrivant les données essentielles du protocole, accompagnée de l'avis du CCPPRB.

Il est lié à un contrôle à une finalité économique le promoteur communique aux directeurs des établissements de soins publics ou privés où est envisagée la mise en place d'un essai ;il fournit également les informations permettant l'évaluation des coûts de l'essai supportés par l'établissement.

Quant aux contrôles administratifs en cours d'essai, le promoteur transmet en cours d'essai, tout effet ayant pu contribuer à la survenance d'un décès, d'une hospitalisation. Il communique les événements ayant entraîné des séquelles ainsi que tout fait nouveau susceptible de porter atteinte à la sécurité des personnes.

L'AFSSAPS, disposant d'un pouvoir de police, peut, en particulier faire intervenir des médecins ou pharmaciens inspecteurs, pour enquêter sur les conditions de respect des dispositions en vigueur en matière de protection ou demander au promoteur des informations complémentaires. En cas d'absence de réponse sur les risques pour la santé publique ou d'infraction aux dispositions en vigueur, l'Agence peut suspendre ou interdire une recherche, voire déclencher l'intervention de la juridiction pénale .Un contrôle administratif à la fin de l'essai clinique est prévu par l'article R512731(*) qui dispose : « tout essai donne lieu à un rapport établi par l'investigateur ».

4-Réparation des dommages liés à la recherche.

Les recherches avec bénéfice individuel direct, un mode distinct de réparation est organisé.

Le promoteur assure l'indemnisation des conséquences dommageables. Il appartient à la victime ou à ses ayants droits d'établir le lien de causalité entre le dommage subi et la faute pour prétendre à une réparation. Afin d'assurer aux victimes des garanties suffisantes, l'obligation est faite (sous peines de sanctions pénales) au promoteur de contracter une assurance spécifique.

Le tribunal de grande instance est compétent par dérogation aux dispositions générales. L'action se prescrit par 10ans.

La victime peut, engager une action contre l'investigateur, par la voie de la responsabilité civile. La voie pénale peut également être ouverte devant un Tribunal correctionnel. Dans ce cas de figure le sujet se constitue partie civile afin de demander réparation à l'établissement public ou privé où elle a été hospitalisée dans le cadre de l'essai.

Cependant la responsabilité civile peut être solidaire. Le promoteur, l'investigateur et les autres collaborateurs peuvent être condamnés solidairement.

La loi huriet a également aménagé les sanctions.

5-Les sanctions

Elles sont destinées à punir certaines infractions, que ce soit le défaut du consentement des personnes, l'absence de consultation préalable d'un CCPPRB, la poursuite d'une recherche suspendue ou interdite, l'inexistence de l'assurance prévue ou la non déclaration à l'Agence du projet.

A l'exception des deux derniers manquements, spécifiques au promoteur, les sanctions visent quiconque ayant pratiqué ou fait pratiquer des essais. Les personnes physiques (investigateurs) ou morales (laboratoire pharmaceutique) sont ciblées.

La nouvelle disposition du 9 août 2004 relative à la politique de santé a apporté une amélioration dans l'encadrement juridique des essais cliniques, notamment la question de la recherche avec ou sans bénéfice individuel direct, le consentement, les organes de contrôles administratifs, et l'élargissement de la responsabilité des promoteurs et investigateurs32(*).

Ainsi, la nouvelle loi intervient dans les domaines suivants :

La différenciation entre recherche avec bénéfice individuel direct, et recherche sans bénéfice individuel direct, a été écartée. Il ne s'agit plus essentiellement de recueillir le consentement du sujet, mais il faut au préalable procéder à une obligation d'information du sujet.

L'information devra préciser les éventuelles alternatives médicales, instituer une base de données nationale des recherches biomédicales. Une première version de la loi Française est plus loin puisqu'elle disposait que cette base de données porterait sur toutes les recherches et qu'elle serait accessible au grand public par les nouvelles techniques de l'information.

Bref, il faut dire que la loi a dégagé les conditions de l'information préalable et du recueil du cas tendant à permettre aux sujets de la recherche de mieux distinguer la recherche et les soins.

Les contrôles administratifs ont également connu des changements.

La loi a instauré de nouveaux organes de contrôle qui sont les comités de protection des personnes, ils sont communément appelés (CPP).

Les CCPPRCB qui existaient perdent leurs caractères consultatifs et sont désormais qualifiés de CPP.

Les nouveaux comités deviennent plus forts que les anciens. Leurs missions sont accrues. Ils ne sont plus des centres de déclaration des recherches, mais plutôt des centres d'autorisation de recherche.

Le domaine de la responsabilité des cliniciens a connu un changement.

Désormais, en cas de préjudice sans faute, la victime peut soulever l'aléa thérapeutique (nouvel article L112-10)33(*) qui signifie le risque encouru lors de l'intervention médicale.

En résumé on peut retenir qu'en France, déjà en 1988, la loi Huriet -Sérusclat posé le cadre juridique des essais cliniques. Elle assure la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales. Le législateur français a tracé les grands circuits juridiques des essais clinques , opérant la différence entre les types de recherches, les caractéristiques des personnes concernées :recherche sur malade et recherche sur volontaire sain(les recherches sur malade sans intention de soigner est énergiquement condamnées),définissant les responsabilités des acteurs, insistant sur le consentement libre, exprès et informé du sujet de recherche, et organisant deux modalités de contrôles : les contrôles administratifs préalables et les contrôles administratifs en cours d'essai.

A notre avis ces dispositions traduisent une certaine préoccupation pour une protection des sujets qui se prêtent à l'essai clinique, ce qui constitue une source d'inspiration pour le législateur sénégalais qui doit assurer la sécurité sanitaire des citoyens en tenant compte de la réalité sociale.

Après avoir étudié l'exemple français, il convient à présent de voir l'exemple des autres Etats.

* 28Gilles Bouvenot, Muriel Vray, Essais cliniques, théorie, pratique et critique 3ème édition collection Statistique en biologie et en médecine, 1994

* 29 Code pénal français

* 30 Gilles Bouvenot, Muriel Vray, Essais cliniques, théorie, pratique et critique, 3ème édition, collection Statistique en biologie et en médicine, 1994, p.178-180

* 31 Code de Santé Publique de la France, nouvelle collection

* 32 Phillip Amiel, Acte du colloque international de Dakar, 28mars-1avril 2005, édition les études hospitalières AUF, p.199-208

* 33 Code de Santé Publique de la France

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"Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait"   Appolinaire