I. EVOLUTION AMONT-AVAL DES STRUCTURES ET CHRONOLOGIE
DES EVENEMENTS
De toutes ces études qui ont été faites
dans la zone de la province centrale du Nil et selon la figure de
synthèse (fig. 34), on peut décrire l'évolution amont-aval
des différentes structures observées de la manière
suivante :
- Du point de vue « sédimentaire », on
rencontre des cicatrices d'arrachement au niveau du haut de pente, des chenaux
discontinus et rectilignes y sont aussi observés, certains de ces
linéaments pourraient correspondre à des couloirs
d'éboulement. Au niveau de la mi-pente et de la base de pente, des
chenaux anciens sont disloqués par les masses glissées
initiées en haut de pente. L'Ouest de la mipente et de la base de pente
est caractérisé par des rides sédimentaires
vraisemblablement associées à des processus de reptation
lente.
- Du point de vue « tectonique », un ensemble de
failles de directions NW-SE et NE-SW entaillent le haut de pente, et semblent
guider les fluides thermogéniques vers la surface. Au niveau de la
mi-pente, ce sont des failles de croissances de direction E-W qui sont
observées à l'est de ce domaine. Des plis de faibles longueurs
d'ondes sont localisés à l'ouest de la base de pente. Ceux-ci
sont associés au glissement sur sel de la couverture
plio-quaternaire.
- Du point de vue « fluides », des volcans de boues
(500m à 5km de diamètre) sont localisés au niveau du haut
de pente. Ils sont associés à certains couloirs de glissement.
Ces volcans de boue sont rares au niveau de la mi-pente. Des pockmarks sont
observés dans pratiquement tout l'ensemble de la zone d'étude et
surtout dans les zones de creeping de la mi-pente et au droit des failles de
croissance d'origine salifère.
Le haut de pente est donc un domaine majoritairement
déstabilisé (entre 700 et 1500m) et très riche en fluides.
Cet ensemble (débrites) vient recouvrir les masses en reptation lente de
la mipente (caractérisé par un fond marin rugueux) et l'ouest de
la base de pente. La base de pente est un domaine stable déformé
uniquement par la tectonique salifère (fig 34).
Des datations effectuées par E. Ducassou ont permis de
dater certains des évènements identifiés par le biais de
notre analyse :
- La débrite soutenant la masse en reptation serait
âgée de 125000 ans. Son sommet est très compacté
(fig 34).
- La masse en reptation a ensuite été en partie
recouverte par une série de débrites de haut de pente dont l'une
a été datée de 73000 ans.
- Enfin, Bayon et al., ont évalué l'âge des
encoûtrements carbonatées développant sur la masse en
reptation à au moins 10000 ans.
Figure 34: Evolution Amont-aval des structures
observées de la province centrale (figure de synthèse)
Sur tout le domaine de la province centrale du delta profond du
Nil, outre la tectonique salifère, on peut distinguer deux
évènements majeurs identifiables sur les profils chirps. On
soulignera d'abord un domaine stable sur lequel se reposent des masses
glissées sur à des mouvements gravitaires qui auraient eu lieu
vers 125000 ans (Ducassou, 2006). Cette unité est très
remarquable au niveau de la mi-pente, caractérisé par des
ondulations en surface des faciès. On y observe des failles de
croissances qui seraient des conduits pour les sorties des fluides. Enfin, les
débrites du haut de pente ont été datées vers 73000
ans et ont entraîné des masses du haut de pente.
II. FACTEURS DE CONTROLE DES GLISSEMENTS.
Trois facteurs seraient à l'origine du
déclenchement des glissements dans la province centrale du Nil :
- les fluides : des volcans de boue observés en haut
de pente sont semblent avoir déclenché certains glissements. La
perturbation mécanique associée à la mise en place de ces
édifices pourrait avoir déclenché le glissement d'une
partie de la couverture sédimentaire. D'autre part, les nombreuses
sorties de fluides cartées dans cette province suggèrent que des
mécanismes de surpression de fluide aient pu fragiliser la
stabilité de la pile sédimentaire ;
- les hydrates : De récents travaux (Praeg et al.,
2008) ont montré que les hydrates de gaz étaient présents
sur site entre 2000 et 2500m de fond (entre 220 et 330 ms sous le fond marin).
Il est possible que des variations d'épaisseur de cette zone à
hydrates entre les cycles glaciaires/interglaciaire aie pu perturber
considérablement la stabilité de la pente. Praeg et al. (2008)
estiment que le domaine de stabilité des hydrates a pu migrer en
période glaciaire jusqu'à 900m de fond. Les glissements
datés pour l'heure ne se sont pas déclenchés lors des
dernières transitions glaciaire/interglaciaire. Cet effet reste donc
encore à préciser, probablement par des datations
complémentaires ;
- le climat : le changement climatique a encore d'autres effets
sur la stabilité des pentes. Pendant les périodes pluviales
(régime de mousson). En effet, le taux de sédimentation
augmentent beaucoup et certains glissements semblent se mettre
préférentiellement en place, en particulier dans la province
occidentale du Nil, qui est aussi la plus sédimentée (Ducassou,
2006).
III. PERSPECTIVES
La province centrale n'a pas été explorée
dans sa totalité. L'acquisition de données géophysiques
à la limite de la plate-forme continentale permettrait certainement de
mieux comprendre le système de glissements décrit dans ce
mémoire.
D'autre part certaines carottes prélevées lors
des campagnes Bionil et Medeco n'ont pas encore été
analysées. L'analyse de ces carottes devrait permettre de mieux
contraindre les processus de remobilisation des sédiments en haut de
pente et permettre des datations complémentaires. Des carottages au
niveau de la base de pente semblent nécessaires pour la connaissance de
la stratification de cette zone. Des nouvelles plongées permettraient
aussi de comprendre l'évolution de certaines structures en comparaison
avec celles déjà effectuées.
Le temps ne nous a pas permis d'exploiter les données
sismiques rapides acquises lors des campagnes Prismed II et Fanil. Or ce
travail pourrait permettre la compréhension de l'évolution de ces
structures à une autre échelle.
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