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Acteurs et mobiles de la guerre du rassemblement congolais pour la démocratie : une entreprise de prédation au nord kivu (inédit)

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par Paul VYASONGYA
Universite Catholique du Graben - Licence 2003
  

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1.3.5. Accroissement démographique et déséquilibre par des migrations massives

La population du Nord-Kivu a augmenté à un rythme très rapide à partir des années 1940, en partie précisément parce que l'espace y apparaissait assez vaste et disponible pour accueillir des populations venues du Rwanda. Au début des années quarante, le Masisi, et de façon générale le Nord-Kivu, était très peu peuplé : 12 hab/km² pour le Masisi, moins de 25 hab/km² pour le Bwito et le Bwisha qui étaient les zones les plus densément occupées du Nord-Kivu à cette période. En 1970, les densités moyennes sont de 62 hab/km² pour la zone de Masisi et 103 hab/km² pour celle de Rutshuru((*)1). En 1990, enfin, la densité moyenne par rapport à l'espace physiquement cultivable (y compris donc les zones de parcs naturels et de forêts classées) est de 108 hab/km² pour l'ensemble du Kivu montagneux, et estimée à 111 hab/km² pour le Masisi. Par contre, selon POURTIER, les densités réelles des populations paysannes étaient au début des années quatre-vingt-dix de l'ordre de 300 hab/km², soit guère moins que dans les zones les plus peuplées du Rwanda((*)2).

Eu égard à leur période d'installation dans la région, les divers groupes étiquetés banyarwanda ont été à la base de la déstabilisation et du déséquilibre de cette région. Selon les estimations de Paul MATHIEU & A. MAFIKIRI TSONGO, vers 1950, on y dénombrait plus de 6000 familles ; entre 1937 et 1955, suivant les chiffres officiels, c'est 85000 personnes qui ont été installées par la Mission d'Immigration des Banyarwanda (MIB) sur les terres aménagées par les colonisateurs Belges dans les collines du Masisi. Aux populations officiellement installées et encadrées (les transplantés) s'ajoute en effet très vite un flux important de migrants spontanés entre 1949 et 1953 suite à la famine au Rwanda. Entre 1953 et 1955, les nouveaux venus dépassent les limites de la zone attribuée (Gishari) pour occuper les régions de Washali-Mokoto vers l'Ouest, en direction de la zone de Walikale. Entre 1920 et 1960, un nombre total de l'ordre de 200.000 personnes seraient venues du Rwanda pour s'installer au Kivu, principalement dans le Masisi et, dans une moindre mesure, dans les deux régions voisines de Walikale et Rutshuru. Entre 1960 et 1970, 100.000 personnes supplémentaires seraient arrivées du Rwanda au Kivu. Après 1970, on ne dispose plus que des chiffres très discordants, peut-être parce que la question du nombre, de la date d'arrivée et de la nationalité des rwandophones devient à cette époque un enjeu politique ouvertement disputé. Au début des années quatre-vingt-dix, sur une population totale estimée à trois millions d'habitants pour l'ensemble du Nord-Kivu (en 1993), les estimations de la proportion des Banyarwanda varient entre le quart et la moitié((*)3). Dans la zone administrative de Masisi, on s'accorde à considérer que les Banyarwanda représentaient au moins 70 % de la population locale depuis le milieu des années soixante-dix et peut-être près de 80 % en 1994.

La montée de la violence contre cette présence au Nord-Kivu commence au début des années quatre-vingt-dix et est due aux déséquilibres ethnico-démographiques. Les affrontements de cette période ont représenté l'aboutissement de tensions sociales qui traversaient la région depuis plusieurs décennies. Ces contradictions étaient complexes et anciennes. Bien avant les premiers massacres du Masisi en mars 1993, la région du Nord-Kivu avait té le théâtre, durant près de cinquante ans, d'un long processus d'escalade des tensions et des rivalités entre les communautés autochtones et les divers groupes originaires du Rwanda.

Première épisode : l'enclave de Gishari (1945-1957), entre 1945 et 1957, un premier litige opposa les populations « transplantées » d'origine rwandaise du Masisi et les chefs coutumiers des communautés autochtones Hunde pour le contrôle de la chefferie dans « l'enclave de Gishari ». Ce territoire couvert de forêt et peu peuplé à l'époque, avait été cédé en 1937 par les chefs traditionnels Hunde, à la demande insistante des autorités coloniales, pour l'installation des migrants déplacés du Rwanda et installés par la MIB dans ce territoire. Ayant ensuite obtenu en 1940 de l'autorité coloniale de constituer une chefferie autonome, les migrants rwandais devenus plus nombreux avaient tenté, cinq ans plus tard, d'étendre les limites du territoire sous leur contrôle, provoquant une vive réaction des chefs coutumiers autochtones. En 1957, le pouvoir colonial supprime la chefferie de Gishari et rétablit les droits de la chefferie bahunde sur l'enclave. Les migrants installés restaient sur place, mais ils devaient clairement reconnaître l'autorité des chefs coutumiers autochtones. Ce premier affrontement ne donne pas lieu à des violences physiques, mais il marque le début d'une relation fondamentalement compétitive et méfiante entre les deux groupes.

Deuxième épisode : la révolte Kanyarwanda et le partage de la province du Kivu (1962-1965). En 1962 et 1963, les politiciens Banyarwanda et autochtones du Nord-Kivu (principalement les nande) s'opposent sur la question du redécoupage de la province du Kivu-Maniema. L'enjeu de ce débat était de savoir quel groupe contrôlerait les futures assemblées provinciales des nouvelles provinces fractionnées (Nord-Kivu ou Kivu Central). Déjà la question de la nationalité et donc du nombre et du poids de la représentation politique des Banyarwanda est à l'arrière-plan du débat politique et suscite des tensions centrifuges fortes((*)1).

Troisième épisode : En avril 1990, MOBUTU annonce la démocratisation et l'avènement du multipartisme (avec, donc, la perspective d'élections nationales). En août 1991, débute la Conférence Nationale Souveraine (CNS). La préparation et le déroulement de celle-ci verront à nouveau s'opposer Banyarwanda et autochtones du Nord-Kivu pour le choix des représentants de la province à la Conférence Nationale. Entre-temps, les élections municipales réalisées en 1989 dans l'ensemble du Zaïre avait été reportée dans les deux provinces du Nord et du Sud-Kivu. Pour pouvoir réaliser ces élections dans des conditions normales (donc en identifiant avec précision les électeurs), une opération « d'identification des nationaux » débute en juin 1991, opération décidée depuis mai 1989. Suite à la décision de ne pas recenser comme Zaïrois les descendants des « transplantés » et plus généralement l'ensemble des Banyarwanda du Kivu, des groupes Hutu armés attaquent les locaux administratifs dans le Masisi, détruisent les registres de populations et font fuir les équipes chargées de l'opération. Des affrontements avec les forces de l'ordre s'ensuivent dans l'ensemble du Kivu : on compte une trentaine de victimes, mais l'identification des nationaux n'est finalement pas réalisée.

Quatrième épisode : Guerre civile paysanne (Mars-Septembre 1993), le 20 mars 1993, des groupes de jeunes Hunde, Nyanga et Tembo, sans doute organisés par des politiciens locaux, déclenchent les premiers massacres de paysans Hutu sur le marché de Ntoto (dans l'Est de la zone de Walikale), puis dans les villages environnants.

Très rapidement, des groupes similaires, constitués par les Hutu de Masisi, attaquent les Hunde. Les violences réciproques provoquent en six mois entre 7000 et 14.000 morts selon Paul MATHIEU & A. MAFIKIRI TSONGO. Pendant presque six mois, chaque groupe cherche à éliminer les chefs traditionnels de l'autre bord : les Hunde se réfugient à Goma, les leaders banyarwanda dans la zone de Rutshuru. La guerre entre milices paysannes est totale, avec les armes limitées dont elles disposent à ce moment : massacres des populations civiles, extermination et vol du bétail, destruction des récoltes, etc. Entre novembre 1993 et août 1994, un bref apaisement des violences est obtenu grâce à la combinaison de divers facteurs : à la fois une intervention militaire des forces de la Division Spéciale Présidentielle et un intense travail de communication associant les acteurs officiels, la société civile (certaines ONG) et les représentants coutumiers de diverses communautés.

Une nouvelle phase s'ouvre en juillet 1994 avec l'arrivée des réfugiés et des Interahamwe. En juillet 1994, plus d'un million de réfugiés rwandais arrivent dans la région de Goma et s'installent dans l'immense camp géré par l'aide internationale. Parmi ces réfugiés figurent bon nombre de membres de l'armée rwandaise en déroute et des Interahamwe. Ceux-ci s'attribuent rapidement un rôle d'intermédiaires obligés entre la population et les agences extérieures pour la gestion interne et la distribution de l'aide dans certains camps. En même temps, ils se préparent à la « reconquête », achètent des armes et effectuent une jonction avec les milices banyarwanda qui s'étaient constituées en 1993 dans le Masisi. Ces Interahamwe sèment aujourd'hui la désolation, le pillage, le vol, le viol dans cette province depuis 1994 à nos jours.

* (1) Paul MATHIEU & A. MAFIKIRI TSONGO, Guerres paysannes au Nord-Kivu (R.D.C.), 1937-1994, In Cahiers d'études africaines, n° 150-152, paris, Ed. E.H.E.S.S., 1998, p. 390.

* (2) Paul MATHIEU & A. MAFIKIRI TSONGO, op. cit., p. 391.

* (3) Paul MATHIEU & A. MAFIKIRI TSONGO, op. cit., p. 392.

* (1) J.C. WILLAME, Banyarwanda et banyamulenge. Violences ethniques et gestion de l'identitaire au Kivu, Bruxelles, Institut Africain-CEDAF ; Paris, l'Harmattan, 1997, p. 25.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote