Acteurs et mobiles de la guerre du rassemblement congolais pour la démocratie : une entreprise de prédation au nord kivu (inédit)( Télécharger le fichier original )par Paul VYASONGYA Universite Catholique du Graben - Licence 2003 |
I.3.3. Histoire socio-politique du Nord-KivuComme dans toute société planétaire, le mouvement des populations et la densité démographique provoque une sorte de stimulus de créativité. C'est ainsi que, pour trouver une solution à cette nouvelle situation, l'homme utilise tous les acquis de son histoire. Tous les éléments réunis confirment que la population du Nord-Kivu vie une cohabitation socio-politique depuis des siècles. Cependant, sa déstabilisation s'articule autour des mouvements des populations rwandophones. I.3.4. Mouvement des populations rwandophonesLes premières causes de l'immigration de la population rwandaise en République Démocratique du Congo datent de l'époque coloniale suite à une grande famine qui s'était abattue sur ce pays des Mille Collines. En effet, les troubles politico-ethniques entre les Tutsi et les Hutu en 1959 avaient conduit 150.000 Tutsi en exil dont 60.000 au Kivu. L'ethnicisme au Rwanda démontre que « Hutu au pouvoir, Tutsi en exil et vice-versa ». La tentative d'invasion de BUSEGERA (Rwanda) en 1963 par les Tutsi avait provoqué des tueries massives suivies d'un exode tutsi vers l'étranger surtout au Nord-Kivu. Le haut Commissariat pour les Réfugiés évalue à 50.000 le nombre de personnes exilées au Nord-Kivu en 1966. Ces réfugiés ont été regroupés dans les centres de Bibwe (Masisi), Ihula (Walikale) et Kalonge (Kalehe)((*)1). Mais en 1967, le gouvernement congolais, sur l'initiative de Rwakabuba SHINGA et autres Tutsi influant auprès du président MOBUTU, avait supprimé les camps des réfugiés car, entre-temps, les réfugiés rwandais s'étaient infiltrés dans la population locale sans aucune formalité. Ainsi, le recensement de 1970 dénombra déjà 335.180 rwandais au Congo, regroupés principalement au Nord-Kivu dans la zone de Masisi (193.916 habitants), Kalehe (23.328)((*)2). Au sujet de l'installation des Rwandais au Nord-Kivu, P.Mathieu et Mafikiri Tsongo distinguent quatre vagues d'immigration : 1°. Dans la zone de Rutshuru, des « autochtones » se considèrent comme Congolais, quoique issus culturellement et historiquement de l'ancien royaume du Rwanda, une fraction de ceux-ci a été incluse dans le territoire du Congo depuis 1910. Ce groupe est constitué en majorité de Hutu installé depuis le XXe siècle dans le canton traditionnel du Bwisha dans le territoire de Rutshuru. 2°. Les « transplantés » (1937-1956) déplacés du Rwanda sur l'initiative de l'Administration coloniale belge. 3°. Des immigrés clandestins ou « infiltrés » (en majorité hutu) qui ont suivi les transplantés pour venir s'installer individuellement durant le même période. 4°. Des réfugiés fuyant les violences qui éclataient au Rwanda : ceux-ci ont d'abord été des Tutsi (1959, 1981, 1973, 1989, 1990), ensuite des Hutu en 1994 (pendant le génocide). En effet, en 1994, plus d'un million et demi de Hutu rwandais se sont installés dans des camps au Nord-Kivu et Sud-Kivu. Une partie de ceux-ci s'était enfuie dans la forêt de la République Démocratique du Congo pendant la guerre de l'A.F.D.L. et constitue la pomme de discorde entre les pays (Rwanda-R.D.C.). Nous ne manquerons pas de soulever une nouvelle vague des rwandophones Hema qui se sont installés dans le parc de Virunga précisément dans la vallée de la Semliki. Ceux-ci seraient venus par l'Ouganda depuis mai 1999 sont encadrés par le commandant Jackson, avec le soutien du général ougandais James KAZINI pendant la guerre du R.C.D. au Nord-Kivu. Leur nombre s'évalue aux environs de mille avec de cheptels bovins nourris dans le parc de Virunga. La plus grande question est celle de savoir pourquoi ces Hema s'installent loin de la population pendant que le pays est en guerre. Ces installations anarchiques des populations rwandophones au Nord-Kivu déstabilisent la région du Nord-Kivu. C'est dans ce cadre que BALANCE et De La GRANGE distinguent cinq guerres à l'Est du Congo : - La guerre de Masisi (1993-1994) ; - La guerre résultant de l'arrivée massive des réfugiés Hutu en juillet-août 1994 ; - Les insurrections Mayi-Mayi contre l'occupation rwandaise (de 1997-1998) ou guerre de l'A.F.D.L. ; - La guerre anti-Kabila ou du R.C.D.((*)1) Nous ne maquerons pas de signaler la présence d'une milice Hema dans la vallée de la Semliki. Ceux-ci ont été installés par le général James KAZINI depuis 1999, leur stratégie est de protéger cette présence hema dans le Graben. Ils sont conduits par le chef hema Jakson. Tableau N° 1 : Répartition des gisements dans la province du Nord-Kivu
Source : Schéma provincial d'aménagement de secteur Mines et Energie-Ministère des T.P.A.T./H.1989. Tableau N° 2 : Répartition de la population
Source : Division provinciale de l'Intérieur/Nord-Kivu (recensement administratif de 1994). En valeur absolue, le territoire le plus peuplé est celui de Lubero suivi de celui de Beni. Walikale, qui est le territoire le plus vaste avec 39 % de la superficie de la province, ne compte que 6 % de la population recensée. Tableau N° 3 : Répartition des réfugiés par nationalité au Nord-Kivu
Source : Haut Commissariat aux Réfugiés/Goma, 1995. Les réfugiés rwandais constituent la presque totalité (avec 99 %) des réfugiés recensés par le haut Commissariat des Nations-Unies pour les Réfugiés (H.C.R.) dans le Nord-Kivu. On rencontre également les réfugiés burundais et soudanais dans une très faible proportion. Les autres nationalités sont les kenyans ou les Somaliens. Les réfugiés rwandais, qui sont les plus nombreux, ont été regroupés dans des camps provisoires repris dans le tableau suivant : Tableau N° 4 : Implantation des camps des réfugiés rwandais au Nord-Kivu.
Source : Haut Commissariat aux Réfugiés/Goma (estimation au 30 juin 1995). Tableau N° 5 : Evolution de la population du Nord-Kivu de 1988 à 1994
Source : - Division Provinciale de l'Intérieur/Nord-Kivu - Division Provinciale du Plan/Nord-Kivu, 1994. Pour la période allant de 1988 à 1994, les Divisions provinciales du Plan et de l'Intérieur ont procédé à l'analyse de la population du Nord-Kivu dont les principaux résultats sont repris dans le tableau ci-haut. Selon les mêmes sources, l'accroissement annuel moyen de la population du Nord-Kivu est de l'ordre de 2,8. De 1988 à 1994, elle a augmenté de 20,81%. * (1) P. MATHIEU et MAFIKIRI T., op. cit., p. 28. * (2) P. MATHIEU et MAFIKIRI T., Enjeux fonciers, déplacement de population et escalade conflictuelle, In Cahiers Africains, n° 39-40 Paris, L'Harmattan, 1999, p. 23. * (1) J.M.BALANCIE et A. de la GRANGE (sous la direction), Monde rebelle, guerres civiles et violences politiques, 2e Ed., Paris, Michallon, 1999, p. 435. |
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