3.4 LES PRESCRIPTIONS DE L'ENSEIGNEMENT SPECIAL
BINET et SIMON dans leur guide d'admission aux classes
de perfectionnement recommandait une maniere de presenter les ecoles speciales
aux parents. Ils preconisaient d'attenuer le diagnostic revelant la debilite
legere de leurs enfants en presentant cette orientation comme un avantage, une
structure de « rattrapage » ou l'enfant « qui ne suit pas »
a l'ecole ordinaire pourra beneficier d'un enseignement « approprie
».
« On leur expliquera [aux parents] que les
classes de quarantes eleves sont trop nombreuses pour les sujets de ce genre,
et que le maitre n'a pas le temps de s'en occuper. On leur dira que la loi
nouvelle organise des classes de 10 a 20 eleves au maximum, dans lesquelles on
pourra donner un enseignement individuel. 87»
« Qu'on ne dise jamais aux parents que leur
enfant est imbecile, idiot ou fou ou simplement anormal. Qu'on leur presente
l'entree de leurs fils ou de leur fille dans une ecole speciale comme un
avantage, ou meme une faveur ; qu'on n'exige pas de maniere trop formelle leur
consentement ; ce serait leur laisser croire que ce sont eux qui accordent
quelque chose et beaucoup refuseraient.88 »
« Bref de la prudence, de la douceur, du cceur
et un peu de diplomatie, voila ce qu'il faut ; et l'experience professionnelle
que nous avons acquise nous a demontre qu'il n'est pas trop difficile de gagner
les parents a la cause de l'enseignement special89
»
Ce discours se retrouve aujourd'hui, a quelques
modernisations pres, dans le discours de nos directrices :
Comment expliquer-vous aux parents la necessite
d'orienter leur enfant vers l'enseignement special ?
Les parents, au debut ils ont peur. Quand ils arrivent a l'ecole,
ils croient qu'ils vont voir des handicapes. Lorsqu'ils se rendent comp te que
c'es t une ecole comme les autres, ils son t rassures.
87 BINET et SIMON op. cit.,
p. 54
88 Ibidem
89 Ibidem
Ce n'es t jamais evident mais on leur explique que leur enfant
est en souffrance e t qu'il a besoin d'une attention particuliere qu'il ne peu
t trouver qu'au sein d'une ecole speciale. L'enfant sera mieux pris en charge,
il pourra avancer a son rythme e t ra ttraper le retard accumule, dans de pe ti
tes classes. Dans no tre ecole les classes sont composees de 8 enfants pour un
professeur. Parfois il faut passer ou tre la decision des parents.
Pour les parents c'es t difficile parce que le mot debile
leger... C'es t le mo quand meme pour le type 1 !
Les chefs d'etablissements preconisent de terminer le
cycle primaire avant de rejoindre l'enseignement ordinaire. Tout se passe comme
si l'enseignement special n'etait qu'une etape, qu'un accident de
parcours.
Ils insistent sur la meilleure prise en charge des
enfants dans de petites structures. Selon eu x, si l'enfant recoit le «
bagage necessaire », et acquiert « le sens des responsabilites et la
regularite dans le travail », il pourra esperer rejoindre l'enseignement
ordinaire.
L'enfant a-t-il la possibilite de rejoindre
l'enseignement ordinaire ?
Ca depend, parfois un enfant arrive chez nous e t il a
accumule un tel retard qu'on ne peu t pas faire de miracles, parfois il a les
capaci tes intellec tuelles mais il est trop tracasse par ses problemes
familiaux pour reellemen t se concen trer sur l'ecole.
Les parents peuvent-ils retirer leur enfant de l'ecole
s'ils estiment que cet enseignement ne lui convient pas ?
Un enfant qui commence l'annee avec nous, a le droi t de
quitter l'ecole jusqu'au 30 sep tembre (c'es t la loi pour tou tes les ecoles
en Belgique). A partir du 30 sep tembre, on ne qui tte plus, on ne change plus
d'ecole sauf si on demenage ou alors il faut un accord d'ecole a ecole jus
tifie.
Que recommandez-vous aux parents qui desirent que leur
enfant rejoigne l'enseignement ordinaire au plus vite ?
Moi je conseille que l'enfant fasse tout le cycle primaire
dans l'enseignemen t special, parce qu'un enfant qui arrive chez nous, comme je
l'ai deja dit est un enfant qui a beaucoup d'echecs a encaisser e t de
souffrance a surmonter e t quand il arrive chez nous, le temps de le reme ttre
sur le rail, ben le temps passe...il faut se dire qu'un enfant qui es t sur le
rail, imaginons qu'il ai t 11ans, es t-ce qu'il est ap te a aller en 5eme
primaire, es t-ce qu'on doi t le me ttre en 3eme primaire, ou faut-il le me
ttre?
Alors, l'ideal, c'es t d'essayer de « boucler sa valise
pour qu'elle soi t prete » pour aller en accueil, donc lui donner tou te
ce tte autonomie, ce sens des responsabili tes, ce tte regulari te dans le
travail, de lui inculquer vraimen t ce dont il a besoin pour redemarrer avec
une nouvelle carte de visite vierge. Parce qu'un enfant qui re tourne en
primaire a souvent son passe de primaire qui lui re tombe dessus par apres, e t
il fau t pas aller trop vi te, surtout pas me ttre la charrue avant les boeufs.
Il vaut mieux y aller avec prudence, une annee dans la vie d'un enfant ce n'es
t rien, du moment que ce tte annee a servi t a le s timuler, le regonfler, le
revigorer. Tout ca c'es t tres important il faut bien l'armer pour qu'il soi t
sur de lui e t qu'il ai t confiance en lui, il fau t pas aller trop vi te, sauf
si nous ~tions dans un autre milieu, une direction d'Auderghem ou d'Uccle ne
parlera pas comme moi.
Pour le type 8 sur tou t, c'es t sur que suivant la region
d'oil on vient...euh, ben il fau t voir un petit peu...Nous on a 28 na tionali
tes chez nous, je ne suis pas sur qu'~ Woluwe, il y ai t 28 na tionali tes. E t
si il y a des na tionali tes ce sont peut titre des enfants qui ont eu un
probléme linguistique tout simplement mais qui proviennent de familles
plus aisées etplus cultivées aussi.
Et d'illustrer son propos par l'histoire scolaire d'une
petite fille issus d'un milieu aise et instruit :
Pendant 6 ans j'ai eu une petite, sa maman e tai t infirmiere
a Erasme, son papa e tai t chercheur a Borde t mais c'es t sur que l'ecole
finie, ce tte maman exagerai t meme, parce qu'elle la me ttai t dans toutes sor
tes de choses, d'a teliers,...En fait, elle ne pouvai t pas sor tir pour
s'amuser, tout ce qui e tai t vecu par ce tte petite en dehors de l'ecole c'e
tai t pour l'aider a avancer au niveau scolaire e t nous souvent on lui a di t
que parfois il fau t pouvoir jouer simplemen t pour le plaisir de jouer. Quand
elle jouai t c'e tai t avec une intention d'apprendre quelque chose en plus. La
maman avai t tapisser les murs de son living de grandes affiches educa tives
pour apprendre a lire ou a calculer (je chante, tu chantes,...) (les jours de
la semaines). Tout e tai t educa tif e t c'e tai t meme exagere, là c'e
tai t un exces.
Bon donc ces familles ld, de ce cote-ld de Bruxelles seront
probablement avec d'autres visions de l'éducation et d'autres attentes
aussi. Nous essayons de repondre aux a tten tes des parents e t sans doute qu'~
Woluwe ou a Uccle, ils font de meme.
En d'autres termes l'environnement socio-culturel de
l'enfant, peut avoir une influence considerable sur le « diagnostic »
et sur les remediations proposees aux familles.
|