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L'enseignement spécial, des "anormaux d'école" aux "anormaux d'emploi"

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par Sharon Geczynski
Université Libre de Bruxelles - Diplôme d'études spécialisées en Sciences du Travail 2003
  

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3.3 PROFIL DE LA POPULATION DE L'ENSEIGNEMENT SPECIAL

BINET et SIMON font rarement reference au milieu sociau x lorsqu'ils insistent sur « la necessite d'etablir un diagnostic scientifique des etats inferieurs de l'intelligence68 ». En revanche, ils soulignent le fait que c'est au sein des ecoles de quartiers pauvres que l'on va trouver le contingent requis pour legitimer la constitution d'une classe speciale « Il n'y a guere d'ecole importante qui ne puisse fournir au moins une classe d'arrieres. Maintes statistiques nous l'ont montre et nous n'avons pas eu de peine a trouver immediatement les elements d'une classe de ce genre dans une ecole de quartier pauvre69 ».

C'est dans « l'interet des parents70 » de familles pauvres qui que BINET veut creer des classes speciales. Selon lui, les « moins fortunes » n'ont pas honte de leurs anormaux, contrairement aux bourgeois qui les abandonnent au loin (dans des institutions privees)71 « Les gens du peuple ont plus de cceur ou moins de prejuges bque les bourgeois]. L'ecole d'anormaux ne les effrayera pas plus que l'hospice72 »

L'ecole n'a pas, a l'epoque, la place determinante qu'elle occupe aujourd'hui dans la trajectoire socio-professionnelle, les conditions de vies des classes populaires sont telles que BINET affirme « Si ces peres et meres de la classe ouvriere apprennent qu'il existe quelque part un internat oG les enfants recoivent le vivre, le couvert et le vetement, ils s'empresseront de faire admettre leurs enfants meme normaux dans cet internat, alors meme qu'il serait su que cet internat ne recoit que des debiles, des arrieres, des fous73 ». Il est persuade que ces familles n'opposeraient aucune resistance a cette orientation. A cette epoque l'ecole n'est pas envisagee comme le principal moyen d'ascension sociale.

L'institution scolaire n'a pas encore cette pretention.

Nous connaissons depuis les annees 6'3, les mecanismes de reproduction sociale de l'Ecole democratique legitimes par son ideologie de l'egalite des chances. Des auteurs tels que Pierre BOURDIEU et Jean-Claude PASSERON dans leur livre Les Heritiers ont montres le role de l' « heritage culturel » que les enfants des classes favorisees tiennent de leur milieu familial. Ces privileges

68 BINET et SIMON, op. cit. p.14.

69 BINET et SIMON, op. cit. p. 117

7'3 Ibidem

71 Ibidem

72 Ibidem

73 Ibidem

sociaux se transforment soit en « merite » soit en « dons » et representent la « violence symbolique », theorie developpee dans La Reproduction.

Il y a une distance, souvent meme un fosse, entre le milieu scolaire et les milieux sociaux populaires. Nous pensons que cette distance est due, en grande partie, au fait que le milieu scolaire vehicule la culture de la classe sociale dominante et definit les cultures populaires en termes d' « anormalite » par rapport a ce que Pierre BOURDIEU a qualifie d'arbitraire culturel. Une hierarchie est etablie entre ceux qui sont capables d'utiliser le « travail verbal » et ceu x qui n'en sont pas capables et pour cette raison, ne sont capables que de « travail concret ».

Nous l'avons vu plus haut, cette distinction s'apparente a celle de l'Organisation Scientifique du Travail, qui se fonde sur la distinction entre travail de conception et travail d'execution.

Les travau x de Basil BERNSTEIN74 etayent une telle analyse, ils montrent que le langage, au sens large, differe systematiquement selon les classes sociales75. Un code « commun » ou « restreint » est utilise par tous les membres de la societe alors que les membres des milieux relativement favorises utilisent, en outre, un code « formel » ou « elabore » 76.

Les pratiques educatives des milieux favorises tendent, selon B. Bernstein, a « inhiber la communication directe de l'affectivité et du meme coup, les comportements impulsifs, préparant ainsi la voie au controle du comportement par l'intermédiaire des significations verbales, ce qui maximise les possibilités de régulations et de manipulations rationnelles », « L'enfant apprend très tot a preter une attention au canal verbal (...) Il en vient a concevoir le langage comme un ensemble de possibilités théoriques utilisables pour présenter aux autres son expériences dans sa particularité77. »

C'est en ce sens que Jacques BUDE soutient que l'ideologie, par le biais de la science psychologique, postule que le developpement normal de tout etre humain s'apparente a l'acquisition progressive d'une mentalite socialement situee. :« La pensée instrumentale abstraite, hypothético-déductive et centrée sur le sujet constitue l'armature que la nouvelle idéologie, et partant la nouvelle psychologie assimilent au développement de tout etre humain (...) Cette idéologie et partant la psychologie qui en formule l'essentiel, érigeraient en critère de normalité : pour l'adulte, l'acquisition de la mentalité des milieux socialement privilégiés et, pour

74 BERNSTEIN B., « Langage et classes sociales. Codes socio-linguistiques et contrôle social », Les Editions de Minuit, Paris, 1975.

75 BERNSTEIN B., op. cit.

76 BERNSTEIN B., op. cit.

77 BERNSTEIN B., op. cit.

l'enfant, un certain rythme d'acquisition de cette mentalite fondee sur la comptabilite des plaisirs et des peines, sur le bilan du progres individuel78 »

Le rythme d'acquisition de la mentalite des milieux sociau x privilegies qui sont fondees sur ce critere de normalite fait dire a Jacques BUDE que les tests d'intelligence ne « mesurent pas des capacites constitutives de tout etre humain dont certains seraient mieux pourvus par la nature que d'autres79 », mais il souligne la place accordee par les tests d'intelligence au « facteur verbal » du fait de sa fonction discriminatoire « Il est evidemment tres significatif a cet egard que ce soit precisement la composante des echelles de Q.I que le jargon scientifique des psychologues qualifie de « facteur verbal », qui presente les plus fortes differences -- et donc le plus grand pouvoir de discrimination -- selon les classes sociales ainsi que la correlation la plus elevee avec le niveau socio-economique, l'acces a l'universite et aux professions privilegiees, telles les professions liberales et les fonctions de cadres superieurs80. »

Les entretiens avec les chefs d'etablissements primaires (special) confirment le fait que leurs eleves sont majoritairement « recrutes » dans les milieux sociau x les plus defavorises. Face a un diagnostic scientifique les familles des milieux populaires n'ont que peu de ressources et leur degre de resistance face a l'institution s'en ressent. Les parents de milieux privilegies non seulement y sont moins souvent confrontes mais ils ont aussi le moyen d'ignorer les directives de l'institution.

Dans la description du profil de la population scolaire tel que l'expriment les chefs d'etablissements, le type de handicap est la premiere indication qui est donnee. Nous avons alors tente de cerner la nature socio-culturelle des handicaps au travers des variables telles que la langue maternelle, le niveau d'etude, la categorie socio-professionnelle des parents81- et les quartiers oil habitent les familles.

Nos observations dans les ecoles speciales et au Centre d'accueil meresenfants, nous a revele la grande proportion d'enfants issus de l'immigration (voire aussi les donnees chiffrees) dans l'enseignement special, nous avons tente de comprendre, a travers le discours des chefs d'etablisssements,

78 BUDE J., op. cit.

79 BUDE J., op. cit.

80 BUDE J., op. cit.

81- Nous n'avons pas pu obtenir des informations sur les categories socio-professionnelles des familles. Des lors, nous sommes conscients que les informations obtenues sur le niveau

d'etude des parents sont appro ximatives et font partie des representations des chefs d'etablissements concernant les milieux socio-culturels des enfants frequentant leurs ecoles.

Ce qui n'est par ailleurs pas sans inter)t puisque c'est ce que nous voulons etudier.

comment cette surrepresentation de la population issue de l'immigration dans l'enseignement special etait justifiee. Il y a egalement une surrepresentation des garcons dans l'enseignement special qui saute aux yeu x dans les statistiques propres aux ecoles.

Nous avons tente de cerner la population scolaire de l'enseignement special a travers les questions suivantes :

Pourquoi y avait-il autant d'enfants des milieux populaires dans l'enseignement spécial ? Pourquoi les enfants issus de l'immigration y sont-ils surreprésentés ? Comment un test multidisciplinaire, marqué culturellement, peut-il prétendre repérér les enfants « déficients intellectuels » de milieu social et/ou culturel indifférencié ?

Le quartier

A l'instar de Stephane BEAUD , « Aujourd'hui habiter un « quartier défavorisé », c'est savoir qu'on ne peut pas échapper -- ou très difficilement -- au lieu et a ses affiliations obligées. Pour les enfants, c'est ne pas pouvoir échapper au quartier et au collège du quartier82 », notre enquete a revele l'inscription de l'enseignement special, pour les enfants dits « deficients intellectuels », dans les quartiers defavorises.

L'enquete a debute dans un quartier defavorise de Bruxelles a forte proportion d'immigres. Les temoignages recoltes indiquaient que lorsque certains enfants du quartier ne « suivaient » pas dans le cycle primaire, ils etaient orientes vers l'ecole d'enseignement special situe dans ce meme quartier. Nous avons voulu en savoir plus sur la dimension du quartier en interrogeant les directeurs d'ecole sur les liens entre la population du quartier en question et l'orientation vers cette ecole d'enseignement special

Le discours sur le ramasssage scolaire, le « tous egau x devant le ramassage scolaire », occultait quelque peu l'origine sociale des enfants qui frequentent cet enseignement au debut :

L'enseignement special est sectorise, on a un sec teur geographique qui a ete
delimite par la Communaute frangaise, qui est en fait un sec teur de
ramassage scolaire. On va ramasser les enfants avec deux grands cars

82 BEALID S., « 80% au bac...et après, les enfants de la démocratisation scolaire », La Decouverte, Paris, 2002.

scolaires (les enfants de moins de 12 ans peuvent beneficier d'un transport scolaire gra tui t).

Mais assez vite le masque tombe lorsqu'il s'agit d'etablir les quartiers par lesquels passent les cars scolaires :

On a un pourcen tage beaucoup plus eleve d'enfants immigres, ca c'es t sur mais on est aussi situe dans un quar tier defavorise e t les zones de ramassage scolaire se portent quand meme en grande par tie dans des espaces defavorises.

Une directrice e xplique a quel point la dimension de la population fortement defavorisee joue un role dans la definition meme du handicap.

Selon elle, il y a de « meilleurs types 1 et 8 » dans les quartiers plus aises, elle parle d'ecoles speciales du Sud de Bruxelles (Woluwe et La Hulpe) et affirme que « dans ces ecoles d'enseignement specialise, les enfants de type 1 et 8 ont des Quotients Intellectuels qui peuvent aller jusque 90 alors que dans le quartier X [oil l'ecole est situee], il ne depasse quasi jamais 70 ».

La nationalité

L'ecole situee dans le quartier defavorise oil nous avons commence notre enquete a bien voulu nous fournir ses statistiques en termes de nationalites (et de sexe). Ainsi, nous avons observe que plus d'un quart de la population de cette ecole se trouve dans la categorie hors Union europeenne.

Ainsi au 15 janvier 2002, sur 135 eleves, il y a 107 eleves de l'Union Europeenne (dont 88 belges, 8 italiens, 4 Portugais, 4 français, 2 espagnols, et 1 grec) et 58 eleves hors Union Europeenne (dont 31 marocains, 9 turcs, 6 congolais (Rep. Dem du Congo et Rep. Pop . de Brazzaville) et un guineen, un armenien, un jordanien, un liberien, un mauritanien, un libanais, un slovene, un somalien, un tunisien et un refugie de l'ONU.

Ces chiffres ne nous revelent finalement pas grand'chose sur les milieux sociaux des enfants inscrits dans cette filiere car selon les dires de la directrice « un grand nombre de familles naturalisées (donc dans la catégorie belge) sont d'origine turque ou maghrébine ». Au detour d'une conversation, la directrice nous apprend que la majorite de ses eleves sont musulmans et que les cours se donnent « dans le respect de toutes les religions ».

Dans une autre ecole situee dans la meme commune, une autre directrice nous confirme ces informations :

Sur 134 eleves nous avons 99 belges (parfois naturalises depuis peu) e t 35 eleves e trangers83. Vous savez aujourd'hui "belge" ne represente plus grand chose, il y a de nombreux immigres de seconde generation naturalises belges. Depuis une dizaine d'annees, il y de plus en plus d'enfants d'Europe de l'Es t, des Albanais, des Yougoslaves, des enfants du petit chateau.

Avez-vous remarque des changements dans le profil de votre population scolaire ?

Oui, des cas de familles defavorisees e t en souffrance, de plus en plus nombreux, avant c'e tai t lie au probleme scolaire pur e t c'e tai t des problemes d'enfan ts. Maintenan t quand on inscrit un enfant, on inscrit l'enfant et sa famille. On a de plus en plus de sollici ta tions e t de besoins au niveau des familles. Ici a l'ecole, on a un ves tiaire de seconde main, une banque alimentaire, on a plein de choses, on a une assis tante sociale qui passe sa journee a essayer de faire le lien entre les familles e t l'ecole e t qui ecoute un petit peu tou tes les demandes, toutes les attentes. De mon cote, c'es t la même chose, je regois des parents, j'en ai regu 3 ce matin, ca n'allai t pas. Il y a de plus en plus de familles dechirees, de familles recomposees, de gardes alternees, de problemes d'argent, beaucoup de femmes seules... De plus en plus d'enfants en mal d'être, des enfants qui ont besoin de parler, qui ne sont pas vandales mais qui s'exprimen t verbalement de fagon tres agressive, ca n'exis tai t pas il y a quelques annees ce probleme la.

La langue maternelle

N'y a-t-il pas lieu de s'interroger sur l'orientation d'enfants dans une ecole pour deficients intellectuels alors que visiblement il s'agit en grande partie d'un probleme d'adaptation a la culture scolaire, tel que le met en evidence notre enquete. Plutôt que de chercher s'il s'agit d'un probleme lie a l'origine sociale ou culturelle, nous avons prefere nous referer au concept d'adaptation a la culture scolaire qui comprend tous ceu x qui ne correspondent pas a la norme culturelle dominante qu'ils soient issus d'une classe sociale populaire ou de l'immigration. Chez les enfants issus de l'immigration, la reference a deux systemes linguistiques peut ralentir l'apprentissage de la lecture et de l'ecriture et n'est pas pour autant un signe de deficience. Cette reference a deux systemes est renforcee par le faible niveau d'etude des parents, bien souvent les parents ne parlent pas ou peu la langue d l'ecole.

[A propos du niveau d'e tudes des parents de l'enseignemen t special, un des chefs d'e tablissemen ts nous di t :.] Oh ! C'es t tres maigre vous savez e t tres peu de parents travaillent, tres peu e t malgre le fait qu'on arrive a la 3eme generation, on a encore beaucoup de parents qui ne s'expriment pas correc tement en frangais.

Il y en a beaucoup qui viennent de leur pays e t qui n'ont pas fait grand chose e t alors ceux qui ont vecu ici e t qui ont fait leurs etudes ici ne sont pas tres loin non plus, moi je dirais que c'es t tres faible mais on a jamais fait de sondage, je n'ai jamais demande aux parents quel e tai t leur dernier diplome !

Lorsque les enfants arrivent chez vous parlent-ils tous le francais ?

Non, ils apprennent sur le tas, rien de tel qu'un bain de langues, nous avons des enfants de tou tes les na tionali tes, souvent leur langue ma ternelle n'es t pas le frangais.

Ils on t des problemes de langue, de vocabulaire (...)

L'oral se travaille dans la vie familiale, les tournures de phrase, la grammaire, le vocabulaire,... Si, a la maison, on parle turc, yougoslave,... l'enfant va accumuler un retard scolaire.

Un enfant qui voyage, qui va dans les musees a necessairement plus de chances d'enrichir son vocabulaire. (...) Il y aussi de nombreuses familles recomposees e t monoparen tales.

La grande proportion d'enfants issus de l'immigration

Quand on sait qu'il y a de nombreux enfants immigres, comment se passe ces tests pour des enfants qui n'ont pas l'habitude de parler francais ou ne le parle pas du tout a la maison ?

Il faut se dire que l'enseignemen t specialise n'es t pas ouvert a tous les problemes rencontres par les enfants ni a tous les echecs. Il fau t dis tinguer les retards pedagogiques des troubles d'apprentissages e t ins trumentaux (type 8). Dans les troubles d'appren tissages, il y a tous les dys (dyslexiques, dysor thographiques, discalculiques,...), les problemes ins trumen taux, ce son t tous les problemes proches du schema corporel, de l'orienta tion dans le temps e t l'espace e t les troubles du langage.

Tous les enfants immigres n'ont pas des problemes d'apprentissage ou de
troubles ins trumen taux, ils on t simplement des problemes au niveau de

leurs apprentissages mais ils n'on t pas necessairement des troubles d'apprentissages, il fau t bien faire attention a ne pas confondre les deux.

Selon vous, pourquoi y a-t-il de nombreux enfants issus de l'immigration dans l'enseignement special ?

Moi je crois que si on a beaucoup d'enfants immigres c'es t parce que se son t beaucoup d'enfants de milieux sociocul turels defavorises. Dans no tre population, c'es t la qu'il fau t chercher. Il y a une autre source d'explica tion, c'es t les mariages consanguins, il y a beaucoup de mariages consanguins surtout chez les familles turques, plus que chez les familles marocaines encore e t souvent dans les mariages consanguins, on trouve tou te une lignee d'enfan ts avec des problemes de deficience. C'es t un probleme de culture ca, c'es t quelque chose qu'on a du mal a expliquer aux familles mais ca arrive frequemment, peu t-ti tre que dans la generation suivante, ca n'exis tera plus comme avant ca je n'en sais rien, c'es t l'avenir qu'il nous le dira.

Les enfants parlent arabe entre euxm ?

Ils ne peuven t pas, c'es t completement in terdi t ca, nous avons 28 nationalites ici alors on ne peut pas se perme ttre de parler dans sa langue. Cela se pra tique dans les classes de primo-arrivants parce que c'es t une fagon d'entrer en communication mais ici jus temen t dans le proje t de l'e tablissement c'es t la communication, la verbalisation mais en frangais!

Le fait qu'un grand nombre d'eleves soient issus de l'immigration creuse un fosse entre l'ecole et les parents qui, tres souvent ne parlent pas la langue de l'ecole.

On a encore beaucoup de parents qui ne s'expriment pas correc tement en frangais.

Vous faites comment alors pour communiquer ?

Ben, on essaye de voir les parents plutot face a face parce qu'alors on peut
s'exprimer avec des ges tes e t on se comprend un peu mieux, on arrive ainsi

m Nous avons pose cette question parce qu'en attendant que la directrice veuille bien nous recevoir, nous avons entendu un certain nombre d'enfants parlant arabe dans les couloirs. On se souviendra que lors d'un entretien avec une fille issue de l'enseignement special, nous avions releve l'importance qu'elle accordait a parler sa langue maternelle a l'ecole (et pas a la maison). C'etait aussi une maniere detournee de poser une question en rapport avec l'immigration autrement qu'en terme de nationalite.

a se faire comprendre. Il y a le cafe des mamans qui est un espace d'ouverture aussi, il y a l'ecole des devoirs qui est aussi un fameux lien car il y a un assistant social tunisien qui parle arabe, donc c'es t quand meme une perche pour pas mal de gens. Mon homme d'entre tien parle arabe aussi.

Nous avons finalement peu de contacts avec les parents car ils son t peu nombreux a conduire les enfants eux-memes a l'ecole (ramassage scolaire). Il y a eu un moment une idee de cons ti tuer une association de parents d'eleves mais il n'y a pas eu de suite. Les contacts se limi tent aux reunions de parents, là nous faisons appel a des interpretes du Rom, turque e t arabe (au CIRE).

La surreprésentation des garcons dans l'enseignement special

Nous avons 135 eleves, 88 garcons e t 47 filles

S'il y a une surrepresentation des garçons dans l'enseignement special, c'est d'une part parce que les garçons sont souvent plus « en retard » que les filles, redoublent plus, bref reussissent moins bien a l'ecole comme l'a demontre une etude dirigee par Mateo ALALUF85 portant sur la reussite scolaire et les inegalites d'orientation en terme de genre et ; d'autre part parce que selon la typologie de BINET les garçons font plus souvent partie de ceu x qu'il a qualifies d'instables, ceux qui sont hostiles a l'ecole, turbulents et indisciplines.

Comme l'a e xplique Stephane BEAUD au sujet de l'adaptation a la culture scolaire, il se pourrait que le tiraillement entre la culture familiale et la culture legitime que subissent les filles et les garçons des milieux populaires, a travers la socialisation, se manifeste chez les garçons par un ancrage au quartier et une identite « plus affirmee » a travers la « bande de copains » en rupture avec l'ecole, « Le quartier fonctionne alors comme un refuge et comme un entre-soi qui leur permet de se tenir a distance de la culture scolaire qu'ils laissent aux "autres"86 ».

85 ALALUF M., 0 Les filles face aux études scientifiques. Réussite scolaire et inégalités d'orientation », Institut de Sociologie, sociologie du travail, Editions de l'Universite Libre de Bruxelles, 2003.

86 BEAUD S., op.cit., p.103

L'examen pluridisciplinaire et l'environnement socio-culturel de
l'enfant

Qui demande que l'enfant subisse un test multidisciplinaire, les parents ou l'ecole ?

Habi tuellemen t, ce son t plutOt les ecoles qui demanden t a ce qu'un enfant soi t tes te. Ce qui est comique, c'es t que quand on a eu des enfants chez nous qui ont des freres e t des sceurs, les suivants arriven t tout seuls, par la famille alors bien souvent, pas par l'ecole. J'ai des parents qui ne veulent plus laisser leurs en~ants dans l'ordinaire pour qu'ils ne connaissentpas le meme parcours que les aines alors que parfois ceux qui sont dans l'ordinaire n'ont pas besoin de l'enseignemen t special mais pour les familles, il faut absolumen t qu'ils viennen t ici e t alors il y a des familles qui se ba ttent pour essayer d'avoir absolumen t une attestation qui leur perme t d'en trer ici.

Comment fait-on pour « detecter » ceu x qui n'ont pas frequents le reseau d'enseignement en Belgique...

J'ai eu un enfant qui arrivai t tout droi t de Somalie, c'e tai t un enfant qui avai t quand meme 11 ans e t demi e t qui ne parlai t pas un mot de frangais. En juille t, la premiere chose que j'ai demande aux parents, je leur ai di t que je voulais bien l'accep ter en sep tembre a la condition qu'il aille a l'ecole des devoirs pendant les vacances pour avoir un bon bain de langues. Ce gamin maintenant parle courammen t le frangais, rigole quand on lui fait une blague (donc on peu t deja lui dire quelque chose a double sens). Il a eu par contre tres dur en lecture (...) Ca a coince jusqu'~ il y a a peu pres 15 jours e t main tenan t il commence a demarrer, pas moyen de lui apprendre a lire. D jd qu'il devait faire un e~~ort surhumain pour comprendre ce qu'on lui disait ! Donc il a vecu dans un groupe ou les enfants e taient gentils avec lui mais c'es t vrai qu'il n'arrivai t pas a comprendre pourquoi on lui demandai t d'ecrire e t c'es t vrai que ce gosse n'avait jamais ete scolarise et puis du jour au lendemain, on lui met un crayon entre les mains, il est quand meme arabe donc il a eu l'habitude d'ecrire dans l'autre sens et puis nous on lui demande le contraire, fa fait beaucoup de choses en meme temps !

Comment fait-on passer ces tests a des enfants qui ne parlent pas la langue (ou peu) ?

Il y a tou te une serie de tests no tamment les tests non verbaux pour tester le niveau de comprehension du message. Il faut savoir qu'un enfant, meme s'il parle le frangais peut sabo ter le test (en refusant de repondre par exemple), si ce t element n'es t pas pris en consideration par le psychologue, le diagnostic risque d'etre fausse. De meme si dans un test il est question de neige, un enfant qui n'en a jamais vu dans son pays repondra a cote de

la question, il fau t prendre en consideration la culture d'origine e t cela depend de la competence des psychologues. Dans un meme temps comme il y a de nombreux tests, on peut finalement es timer grosso modo les capaci tes intellec tuelles des enfants meme s'ils ne parlent pas la langue. Vous savez, il y a des chercheurs qui passent des annees entieres a tester la fiabili te d'un test!

Des enfants « en voie de regularisation » sont parfois orientes vers les ecoles speciales alors qu'ils n'ont jamais frequents l'ecole en Belgique...

Il y a tout un systeme social au petit château (des assis tantes sociales, des psychologues) qui s'occupe du bien-etre de ces enfants, souvent ce sont des enfants qui n'ont jamais e te a l'ecole car dans leur pays ils ont pu etre consideres comme "l'innocen t du village" comme cela se passai t chez nous dans le temps, les "idiots" e taien t reje tes. Grâce a l'obliga tion scolaire ces enfants, qui auraient pu etre exclus e t rester a la maison avec leurs parents, doivent aller a l'ecole comme tout le monde.

Habi tuellemen t les ecoles qui accueillent les enfants du petit château, ce son t des ecoles qui ont des classes de primo-arrivants parce qu'il exis te a l'heure ac tuelle des avantages qui son t donnes aux ecoles qui creen t des classes de primo-arrivan ts, des avantages en nature, en heures (en periodes) de psychomo trici te ou de logopedie, donc ils ont un bonus en heures e t ils l'utilisent a ce tte fin l.

Nous n'avons pas d'enfants du petit château direc tement [centre ouvert] mais du quartier aux alentours, nous en avons trois.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery