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La jurisprudence de l'organe de règlement des différends de l'organisation mondiale du commerce et protection de l'environnement

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par Yda Alexis NAGALO
Université de Limoges - Master 2 en Droit international de l'environnement 2009
  

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SECTION II : PREVENIR LES CONFLITS ENTRE AEM ET AMC

Comme nous avons eu à le relever environ trente (30) sur les deux cent quarante (240) AEM contiennent des mesures commerciales. Ces accords environnementaux contiennent des dispositions de restriction au commerce. Etant donné que le DIE et le droit commercial international évoluent dans des logiques différentes, les risques de collision entre ces normes n'est plus un cas d'école (Paragraphe 1) d'où la nécessité de penser des solutions qui seront à même de conforter l'ORD dans sa fonction d'acteur à la mise en oeuvre du DIE (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les risques probables de conflits

L'affaire Espadon entre les Communautés Européennes et le Chili peut permettre de montrer la réalité du risque de conflit entre AEM et AMC (A) et le phénomène du forum shopping n'est pas fait pour faciliter les choses (B).

A. La réalité du risque avec l'affaire Espadon

Les faits : Les espadons sont des poissons migrateurs qui passent dans les eaux de l'océan pacifique et franchissent des limites juridictionnelles dans leur migration. Invoquant des règles juridiques différentes, les Communautés Européennes et le Chili n'avaient pas le même entendement de la pêche des espadons dans l'océan du pacifique sud. Le Chili, dans le but de réduire le volume de la pêche de ces espèces de poisson modifia sa législation en interdisant le débarquement des espadons dans ses ports en vertu de l'article 165 de la loi chilienne sur la pêche et l'aquaculture.

Le 19 avril 2000, les Communautés Européennes demandèrent l'ouverture de consultations avec le Chili à propos de l'interdiction de décharger des espadons dans les ports chiliens. Les navires de pêche de la Communauté Européenne n'avaient ni l'autorisation d'entreposer l'espadon à terre ou de le transborder sur d'autres navires. Les communautés Européennes alléguaient donc une violation des règles du GATT sur la liberté de transit (article 5 du GATT) et l'élimination des restrictions quantitatives (article XI du GATT).

Le 12 décembre 2000, un groupe spécial fut établi par l'ORD à la demande des Communautés Européennes pour régler un différend qui les opposait. Les 23 et 28 mars 2003 respectivement, ils choisirent d'arrêter la procédure devant le groupe spécial au motif qu'ils étaient parvenus à un arrangement à l'amiable. Le 12 novembre 2003, ils réitérèrent au président de l'ORD le maintien de la décision commune de suspendre la constitution du groupe spécial. Et le 13 décembre 2007, les Communautés Européennes informèrent l'ORD « qu'elles avaient procédé, avec le Chili, à une évaluation conjointe de l'arrangement du 25 janvier 2001 et qu'ils étaient convenus que la mise en oeuvre de cet arrangement progressait d'une manière positive »107(*).

A propos de ce même contentieux, le Chili, le 19 décembre 2000, demanda la constitution d'une chambre spéciale du Tribunal du droit international de la mer pour le règlement de leur différend108(*). Il estima que ce tribunal était compétent au regard de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer109(*) ou Convention de Montego Bay. En mars 2001, et plusieurs fois de suites (la dernière fois en janvier 2008), ils informèrent le tribunal de l'arrangement convenu et de la suspension de la procédure sine die.

Le groupe spécial avait à déterminer, au fond, si l'article XX g) du GATT bénéficiait au Chili concernant la conservation des ressources naturelles épuisables lorsque ce dernier prétendait agir conformément à la Convention des Nations Unies sur le Droit international de la mer. Le Tribunal international du droit de la mer devait répondre à la question de savoir si l'Etat Chilien était habilité à limiter par sa législation un accès aux stocks d'espadon.

Ces deux (2) instances devaient examiner la question de savoir si la Convention de Montego Bay prescrivait les mesures chiliennes et en quoi celles-ci étaient conformes à ladite convention. Or si ces instances allaient au bout de leurs procédures, il était probable qu'elles parviennent à des conclusions différentes en se prononçant sur les mêmes faits ou dans l'interprétation du droit applicable. Cela était possible parce que les sources et les présupposés sont différents. Le TIDM et L'OMC doivent chacun prêchant pour sa chapelle, respectivement, faire oeuvre utile pour une meilleure protection de l'environnement ou favoriser un droit commercial international libéral.

Cette affaire Espadon est un exemple de pratique du forum shopping selon les enjeux des Etats dans selon les opportunités qu'offrent des règles données.

B. L'éventualité du risque avec le forum shopping

Le forum shopping est une notion empruntée au droit international privé, et il se rapporte au fait pour une personne de choisir un for non parce qu'il est le plus adapté à connaître du litige, mais parce que « les règles de conflits de lois que ce tribunal utilisera mèneront à l'application de la loi qui lui convient le mieux »110(*) et devant lequel elle pourra probablement obtenir gain de cause.

Cela est compréhensible dans la mesure où le constat que l'on peut faire est que le point de départ de tout différend international ouvrant à un règlement a une portée politique, parce que la source du problème se situe dans des conflits entre États et il s'agit au final de conflits de politiques111(*).

La fragmentation du droit international offre au travers des rapports entre l'ORD et les instances juridictionnelles prévues par les AEM l'éventualité du risque du conflit entre mécanismes.

Le cas probant que l'on puisse donner est le rapport conflictuel que pourrait entretenir le renvoi au mécanisme juridictionnel prévu par le protocole de Carthagène avec l'ORD. En effet, le protocole de Carthagène prescrit pour le règlement des différends, un renvoi à l'article 27 de la convention de Rio. Celle-ci prévoit pour le règlement des différends, dans les cas ultime, un recours à un arbitre ou à la CIJ. Etant donné que les mesures de restriction au commerce prises au titre du protocole sont susceptibles de relever du droit de l'OMC. Il est probable qu'un conflit de juridiction pourrait se poser dans le cas où une mesure prise dans le cadre du protocole de Carthagène contrevient aux règles de l'OMC. Il suffirait que chacune des parties porte le même différend devant l'ORD de l'OMC et la CIJ. Ces juridictions statueront sur des règles de référence différente. Or, comme il n'existe pas au plan international l'équivalent d'un tribunal des conflits pour trancher des conflits de compétence entre ordres juridictionnels, il est évident qu'une telle situation pourrait se produire dans la mesure où ces instances n'appliquent pas le même droit. Cela pourrait aboutir à une divergence dans les solutions retenues par ces ordres de juridiction112(*).

La fragmentation du droit international ne facilite pas les problèmes liés au forum shopping. Au demeurant, il appartient aux États d'endosser la responsabilité d'éviter sa réalisation - comme dans l'affaire Espadon - car les décisions sont d'ordre politique, et dans ce registre les États sont les véritables maîtres du jeu car ils sont les seuls à pouvoir user du choix entre plusieurs juges qui sont compétents pour un même différend. Les solutions pour la prévention des risques entre les AEM et les AMC doivent être décidées et mises en oeuvre par les États.

Paragraphe 2 : Les solutions pour la prévention des conflits entre AEM et AMC

Les solutions applicables aux accords OMC (A) et les solutions au cas par cas que l'on pourrait opérer (B), serviront directement comme source de droit applicable devant l'ORD pour la résolution des différends d'ordre environnemental.

A. Les solutions applicables aux accords

Dans le but de renforcer l'articulation les AEM présents ou à venir et le droit de l'OMC, deux solutions sont proposées.

La première solution se rapporte à une modification du préambule du traité instituant l'OMC, de rajouter un autre alinéa à l'article XX du GATT, en vue de prévoir expressément l'autorisation de la mise en oeuvre des mesures commerciales autorisées ou imposées par un AEM. Il est également proposé un amendement du mémorandum d'accord sur les règles et procédures pour le règlement du différend en vue d'y ajouter des dispositions favorables à la protection de l'environnement ou à la protection de la santé113(*).

La seconde solution préconise que l'on permette à la Conférence Ministérielle ou au Conseil Général d'adopter une interprétation formelle de l'article XX du GATT. Aussi, l'adoption d'un ensemble de lignes de conduite, sous forme de recommandation, devrait permettre aux acteurs étatiques à contribuer à une grande cohérence dans le comportement des pays membres et ce, en précisant la méthode à suivre pour la prévention des conflits entre AEM et AMC.

Cependant, la critique quant à ses propositions, trop ambitieuses, consiste à relever la difficulté à adopter de tels amendements et risquerait de rendre complexe la lisibilité du droit de l'OMC, d'où la proposition par l'approche casuistique.

B. La solution casuistique

L'article IX de l'accord de Marrakech instituant l'OMC dispose en son paragraphe 3 que : « dans des circonstances exceptionnelles, la Conférence Ministérielle pourra décider d'accorder à un membre une dérogation à des obligations qui lui sont imposées par le présent accord par l'un des Accords commerciaux multilatéraux (...) » La proposition postule que pour tout AEM ou toute mesure prise sur le fondement d'un AEM fasse l'objet d'une dérogation.

Mais, il est constaté que les AEM recueillent plus de parties contractantes que le droit de l'OMC. Ce serait en conséquence mal aisé de dire que l'AEM doit être considéré comme une dérogation devant le droit de l'OMC qui pourrait ne pas recueillir autant de membres114(*) que certains AEM.

C'est conscient de cette critique précisant la portée des dérogations sur le fondement de l'article IX § 3, que l'on doive noter le caractère temporaire de ces dérogations admises, de manière à assurer une stabilité temporelle et une sécurité juridique à tous les États membres.

Nous ne consacrerons pas de longs développements à cette partie parce que les solutions juridiques ne sont pas exhaustives. A ce niveau, la responsabilité est plutôt du ressort du politique. L'articulation doit répondre à la volonté politique des acteurs de construire une meilleure articulation entre AEM et AMC. Il leur appartient d'opérer le choix entre l'urgence environnementale et les priorités marchandes.

Conclusion

Le droit procédural du SRD est très peu fourni dans le mémorandum d'accord sur les règles et procédures de règlement des différends. Il appartient donc aux groupes spéciaux sous la vigilance de l'Organe de construire les règles procédurales. Cette situation ressemble de près au rôle normatif du juge administratif français dans la construction du droit administratif. La mission des juges du SRD sera de « sécréter » des règles précises de preuve mais de maintenir l'apport de la science à sa juste valeur.

Mais l'ORD ne saurait se substituer indéfiniment à la tâche des organes politiques. Il leur appartient de trouver les règles qui serviront à établir la cohérence entre AEM et AMC. Le SRD serait davantage favorable à l'environnement si des signaux nouveaux s'émettaient dans les accords de L'OMC à propos de l'équilibre entre principes commerciaux et environnementaux.

L'accès des PED au SRD dépendra certainement des choix que feront les organes politiques de leurs propositions.

CHAPITRE II: PROMOUVOIR L'ACCES DES PED DEVANT L'ORD

En quinze ans d'existence, l'ORD est devenu l'un des mécanismes les plus actifs115(*). Incontestablement, les organes au sein de l'ORD en charge de la résolution des différends entre les États ont tranché plus de litige que la CIJ en plus de cinquante ans116(*) d'existence. Les PED ne sont pas en reste car ceux-ci ont fait un usage croissant du mécanisme de règlement des différends. L'état de la participation des PED vient pour montrer la diversité mais aussi le contraste au sein de ces États dans la saisine, à titre principal, de l'usage du mécanisme de règlement des différends (Section I). Cela nous conduira à un exposé des moyens envisageables pour favoriser, pour la majeure partie des États de l'Afrique, leur accès en vue de faire défendre leurs droits (Section II).

* 107 http://www.wto.org/french/tratop_f/dispu_f/cases_f/ds193_f.htm

* 108 Affaire concernant la conservation et l'exploitation durable des stocks d'espadons dans l'océan pacifique Sud-est (Chili/ Communautés Européennes), n° 7 du rôle, www.itlos.org.

* 109 Le Chili invoqua notamment les articles 64, 116 à 119, 297 et 300 de ladite convention.

* 110 http://ec.europa.eu/civiljustice/glossary/glossary_fr.htm

* 111 VIRALLY, (M), « souverainetés des Etats et autorité du droit ». Panorama du droit international contemporain : cours général de droit international public, Recueil de cours 193, Martinus Nijhoff Publishers, 1983, p. 232.

* 112 La règle non bis in idem dans le cas d'espèce car se résume à interdire d'affliger une sanction de même nature à l'intérieur d'un même ordre.

* 113 KIEFFER, (B), « L'Organisation Mondiale du Commerce et l'évolution du droit international public », éditions Larcier, 2008, p. 207 et ss

* 114 A titre indicatif, L'OMC compte présentement 150 membres pendant que la CITES a, à la date de janvier 2006, 196 Membres.

* 115 Les statistiques de fin 2009 montrent que l'ORD a été saisi de 402 différends, un record inégalé dans toute l'histoire de la justice du GATT de 1947 et même de la Cour Internationale de Justice.

* 116 La CIJ comptait de 1946 à 1996, 74 affaires soit en moyenne 1, 48 affaires par an. La CPJI, quant à elle, a rendu de 1922 à 1940, 27 avis consultatifs et 29 jugements.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote