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La jurisprudence de l'organe de règlement des différends de l'organisation mondiale du commerce et protection de l'environnement

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par Yda Alexis NAGALO
Université de Limoges - Master 2 en Droit international de l'environnement 2009
  

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SECTION I: ALLER VERS UNE JUDIRIDICTIONNALISATION DE L'ORD

Le règlement de la procédure, fondement de la sécurité juridique, participe des éléments nécessaires pour la crédibilité du mécanisme (Paragraphe 1). Il contribue à accroître le caractère juridictionnel du système en y ajoutant le complément indispensable à savoir les garanties liées à la transparence (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Renforcer la procédure

La preuve et l'expertise sont deux éléments connexes qui entretiennent des rapports de complémentarité. Elles sont au coeur des contentieux environnementaux à l'OMC en raison de l'incertitude scientifique qui pèse dans la démonstration de la preuve et dans la tache dévolue aux experts de faire la preuve de la plausibilité d'un risque.

A. La preuve

Les règles de la preuve devant les groupes spéciaux et l'organe d'appel n'ont pas fait l'objet de dispositions expresses dans l'annexe 1 de l'Accord sur le Mémorandum d'accord pour le règlement des différends. Les règles applicables devant ces organes ont donc été construites sur la base de la pratique des groupes spéciaux et l'organe d'appel. Ces règles se rapportent à la l'attribution de la charge de la preuve (1) puis de l'administration de la preuve (2).

1. L'attribution de la charge de la preuve

La question de la charge de la preuve se rapporte à déterminer sur qui pèse le poids de l'incertitude. La charge de la preuve permet d'attribuer, entre les parties à un différend, le soin d'apporter les éléments nécessaires pour le succès de la prétention.

Deux dispositions importantes constitueront le fondement de la démarche des juges au sein des groupes spéciaux dans la détermination de la charge de la preuve.

L'article 7 du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends oblige les juges des groupes spéciaux à « examiner, à la lumière des dispositions pertinentes (...), la question portée devant l'ORD » et ce, faisant des constatations susceptibles de conduire l'ORD à formuler des recommandations sur la question en litige. L'article 11 dudit accord précise que cet examen pourra se faire en procédant « à une évaluation objective de la question dont il est saisi, y compris une évaluation objective des faits de la cause (...) ». Ces dispositions constituent donc le fil conducteur pour orienter les panels dans les conditions pour attribuer la charge de la preuve à une partie donnée.

La charge de la preuve est basée sur la règle de l'alternalité. Le principe a été posé pour la première81(*) fois dans le GATT de 1947. Mais les bases fondamentales du droit de la preuve ont été posées dans l'affaire Indes - chemises et blouses de laine où l'organe d'appel82(*) affirma qu' « il appartient à la partie qui affirme un fait, que ce soit le demandeur ou le défendeur, d'en apporter la preuve ». Le plaignant doit établir une cause « prima facie » (c'est-à-dire un commencement de preuve qui correspond en droit français à une présomption réfragable). Dès que cette présomption est établie, il se produit alors un déplacement de la charge de la preuve vers l'autre partie. Cette dernière partie n'aura gain de cause que si elle fournit à son tour des preuves suffisantes pour réfuter la présomption ou la « prima facie ». Cette règle est applicable pour les cas de démonstration de la violation d'un accord de l'OMC par une mesure prise par un État ou une communauté. Mais tout moyen de défense affirmatif avancé par une partie, et constaté par les groupes spéciaux83(*), impose à l'auteur de prouver l'applicabilité de la disposition d'un accord de l'OMC si une partie à un différend l'utilise comme un moyen de défense.

2. L'administration de la preuve

Cette question se rapporte au pouvoir des groupes spéciaux et de l'organe d'appel dans la gestion des modes de preuve en vue de faire une « évaluation objective de la question » qui est soumise à leurs offices. En réalité, l'administration de la charge de la preuve incombe aux groupes spéciaux. En effet, ce sont eux qui jugent les faits. L'organe d'appel se limite seulement à un examen des questions de droit soulevé devant les panels. En raison de la flexibilité et de l'important pouvoir reconnu aux panels dans l'examen des faits, ils sont maîtres dans le choix des preuves pour faire leurs constatations.

La flexibilité qui préside à l'administration de la preuve a conduit le groupe spécial dans l'affaire Hormone, par une interprétation de certaines dispositions de l'accord SPS, à renverser la charge de la preuve contrairement à la règle établie par l'organe d'appel. L'organe d'appel a infirmé les constatations du groupe spécial au motif que le panel avait fait une interprétation inexacte des dispositions en cause de l'accord SPS. Le groupe spécial avait constaté d'une part que l'expression « les membres feront en sorte que... »84(*)contenue dans les débuts de phrase des articles 2.2, 2.3, 5.6 de l'accord SPS dans le but de protéger la santé et la vie des personnes et des animaux ou préserver les végétaux, contient une obligation pour qui s'en prévaut de faire la preuve de leur allégation. L'organe d'appel rejette un tel raisonnement dans la mesure où il ne voit pas de lien nécessaire entre le besoin de prendre des mesures sanitaires et phytosanitaires et l'attribution de la charge de la preuve. D'autre part, le groupe spécial s'est fondé sur l'article 5.8 de l'accord SPS qui dispose que « Lorsqu'un Membre aura des raisons de croire qu'une mesure sanitaire ou phytosanitaire spécifique introduite ou maintenue par un autre Membre exerce, ou peut exercer, une contrainte sur ses exportations et qu'elle n'est pas fondée sur les normes, directives ou recommandations internationales pertinentes, ou que de telles normes, directives ou recommandations n'existent pas, une explication des raisons de cette mesure sanitaire ou phytosanitaire pourra être demandée et sera fournie par le Membre maintenant la mesure ». L'organe d'appel réaffirme l'indisponibilité de cette disposition à traiter des questions de la charge de la preuve. Il note que le droit de recevoir des informations sur le fondement de l'article 5.5 se fait dans une situation précédente à un conflit. Ce sont des informations reçues de l'État durant la période des représentations et qui, si elles n'aboutissaient pas, donneraient lieu à des consultations voire à une procédure devant un groupe spécial.

Cependant, malgré la constatation de cette erreur de fond dans le rapport du groupe spécial dans cette affaire hormones, l'organe d'appel n'a pas infirmé le rapport du panel. Il fait constater que « le groupe spécial a eu tort d'exiger des Communautés Européennes qu'elles prouvent que les mesures incriminées concernaient les hormones ». Et sa décision est compréhensible parce qu'il précise qu' « après avoir soigneusement examiné le dossier du groupe spécial, nous sommes convaincus que les États-Unis et le Canada ont effectivement présenté un commencement de preuve que les mesures SPS concernant les hormones incriminées en l'espèce (...), n'étaient pas établies sur la base d'une évaluation des risques, bien que le groupe spécial ne leur ait pas demandé de le faire ».

Sur le renversement de la charge de la preuve, faut-il le signaler, l'organe d'appel n'est pas resté statique sur le principe comme on aurait pu le penser à partir des modifications qu'il a apportées dans l'affaire hormones. Dans l'affaire Inde - restriction quant à l'importation de produits agricoles, il souligne que « nous ne voyons pas pourquoi on reprocherait au groupe spécial d'avoir tenu compte des réactions de l'Inde aux arguments des Etats-Unis, lorsqu'il a déterminé si ces derniers avaient apporté un commencement de preuve. Cette façon de faire n'implique pas selon nous, que le groupe spécial a passé la charge de la preuve à l'Inde »85(*). La charge de la preuve dépend de l'interprétation des règles de fond. Il s'ensuit que cette construction casuistique de la preuve risque, au fil de l'accumulation des différends, de mettre l'organe d'appel dans une situation d'incohérence. Étant entendu que les solutions jurisprudentielles ne peuvent pas tout régler, il sied d'envisager une révision du mémorandum du règlement des différends pour déterminer des règles minimales applicables à la preuve sur le fondement des pistes dégagées par la pratique. Et cela est d'autant plus important que de la gestion des règles de preuve dépend de la place de l'expertise devant les organes quasi juridictionnels de l'ORD.

B. L'expertise

L'expertise évoque la place des éléments factuels ou non juridiques dans l'élaboration d'un jugement. Elle rappelle les questions liées aux règles de preuve, au rôle du juge et de son lien avec la science comme instrument de découverte d'un risque pour l'environnement ou pour la santé humaine. L'expertise, à l'image de la question de la preuve, donne un large pouvoir d'investigation aux juges qui doivent rendre un rapport dans un groupe spécial.

L'expertise est régie dans le droit de l'OMC par les articles 1386(*) de l'Accord sur le Mémorandum de règlement des différends, 11.287(*) de l'Accord SPS, 14.288(*) et 14.3 de l'Accord OTC.

Sur le fondement de l'article 13 du Mémorandum d'accord, il ressort que deux (2) régimes applicables pour un recours aux experts. L'article 13.1 invite les groupes spéciaux à chercher des informations de toute source auprès de toute personne ayant la qualification. Elle invite à faire recours à des experts individuels. L'article 13.2 fait référence à la consultation des groupes d'expert en cas de besoin.

L'appendice 4 du mémorandum d'Accord prévoit des règles détaillées dans le recours aux groupes d'expert. Pourtant cette option n'a jamais été utilisée par un groupe spécial.

Dans les panels « environnementaux » hormones, saumons, produits agricoles (Japon) et amiante, les groupes spéciaux ont toujours refusé de recourir aux groupes d'expert préférant s'adresser à des experts individuels. Il semble que les panels refusent de s'adresser à des groupes d'experts pour ne pas « se retrouver pris au piège d'une opinion dominante »89(*).

A titre illustratif, dans l'affaire hormones, les Communautés Européennes ont demandé que soit mis en place un groupe consultatif d'expert. Les États-Unis ont jugé cette proposition utile, et le panel a tranché pour des experts individuels en dépit de toutes contestations autours de la question liée au danger des hormones. Quant à « l'effet potentiel des substances hormonales sur la vie et la santé des personnes, les experts n'ont jamais travaillé le dossier de manière collective (...) débattu ensemble des éléments scientifiques en cause »90(*). Le recours à un groupe d'expert présente des avantages quand il s'agit de questions liées à l'environnement ou à la protection de la santé.

Le groupe d'expert donne l'avantage de permettre une confrontation des thèses et ainsi déterminer les points de consensus. Le groupe spécial aura une source d'information scientifique fiable sur laquelle il pourra fonder son rapport. En plus, en raison de la complexité des litiges soumis aux panélistes91(*) et de la faiblesse de la connaissance technique par les juges des groupes spéciaux, ils pourraient se retrouver incapables d'évaluer la pertinence des différents avis émis par les experts.

En ce qui concerne les critères pour la désignation des experts, l'organe d'appel a dégagé deux conditions nécessaires pour la désignation des experts. Il s'agit des critères de l'indépendance et de l'impartialité. Mais ces critères paraissent, notamment pour l'indépendance, illusoires car dans les faits les raisons d'une dépendance, en raison de parution scientifique ou d'activités pour une industrie ou un organisme international, contribue à rendre experte l'analyse d'un scientifique dans un sens ou dans un autre.

En principe, les juges ne sont pas tenus par les conclusions d'une expertise qu'ils ont diligentée dans le cadre d'une affaire portée devant eux. Mais il semble que les conclusions des rapports des groupes spéciaux aient de manière générale une coloration des conclusions des expertises rendues. Cela nous pose la question de la portée de l'expertise. En effet, en raison du large pouvoir reconnu aux groupes spéciaux dans l'examen objectif des faits de la cause qui lui est soumis, la jurisprudence récente nous montre des cas où des dérives sont possibles. C'est le cas de l'affaire « hormone 2 ».

Suite aux conclusions de l'organe d'appel dans l'affaire « hormone 1 » que nous avons vue en infra où les Communautés Européennes avaient été condamnées pour n'avoir pas fait une évaluation suffisante du risque encouru dans la consommation de la viande de boeuf aux hormones, ces derniers dans le but de se conformer aux recommandations de l'ORD ont diligenté dix-sept études scientifiques en vue de procéder à une évaluation des risques.

S'appuyant sur les résultats de ces expertises, les Communautés Européennes ont fait savoir que la consommation de cette viande était toujours susceptible de porter une atteinte à la santé humaine en due aux résidus d'hormones présents dans la viande de boeuf en provenance des États-Unis.

En conséquence, ils adoptèrent une nouvelle directive en septembre 2003 qui prohibait définitivement l'importation de l'oestradiol en raison de ses effets cancérigènes et prescrivirent une interdiction provisoire pour d'autres hormones.

C'est donc contre cette nouvelle mesure de l'Union Européenne que les Etats -Unis s'opposèrent et portèrent la question devant un groupe spécial. Au regard des incertitudes dans la survenance du risque, les panélistes mirent en place, en dépit de la proposition européenne de constituer un comité consultatif d'experts, le groupe spécial choisit de faire recours aux expertises de cinq scientifiques individuels. Ce sont les opinions de ces auteurs qui influenceront les conclusions du rapport du panel. Et le panel usera d'une façon démesurée des pouvoirs qui lui sont reconnus dans l'administration de la preuve. Dans l'évaluation objective des faits, le groupe spécial décida d'ignorer certaines études au motif qu'elles ne sont pas pertinentes et il se refuse, de surcroît, à examiner le témoignage des experts scientifiques qui reconnaissent la pertinence des éléments de preuve sur les risques probables d'atteinte à la santé de la consommation des hormones animales.

Saisi par l'Union Européenne, l'organe d'appel reconnaît qu'un groupe spécial peut s'appuyer sur des avis d'expert. Mais, il précise que pour autant le mandat du groupe spécial n'est pas limité. Il doit mener une « évaluation objective des faits » sans porter une entorse aux droits de la défense92(*). L'organe d'appel estime que le fait que le panel ait écarté certaines opinions minoritaires, il ne saurait, dans de pareilles circonstances, établir une évaluation objective des faits. Le groupe spécial n'a donc pas examiné la question en se limitant à la mission qui lui était dévolue, il a en conséquence outrepassé la tache qui était la sienne. L'organe d'appel va invalider le rapport du groupe spécial et inviter les parties au différend à se pourvoir devant un autre panel.

L'utilisation de l'expertise devant l'OMC doit se faire avec un minimum de garanties procédurales opérées par « un encadrement normatif sérieux »93(*) . Car il s'agit de protéger une partie à un procès contre les excès de zèle, d'un groupe spécial, qui pourraient porter une atteinte à l'équité du procès. Les questions de procédures, qui semblent vraisemblablement du type inquisitorial en raison des pouvoirs importants des juges dans le procès, exigent pour l'efficacité du mécanisme des garanties liées également à la transparence des acteurs dans la procédure.

Paragraphe 2 : Garantir la transparence au sein du règlement des différends

La crédibilité et la légitimité des décisions issues d'un organe appelé à statuer sur une question dépendra de la perception que la communauté se fera des auteurs de ces décisions (A) et de leur capacité à participer au compte rendu des décisions dont, les personnes privées de la communauté, partagent un intérêt commercial et environnemental certain (B).

A. La professionnalisation des groupes spéciaux

L'article 8 du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends encadre la composition, le choix et les critères de choix des membres d'un groupe spécial. Les groupes spéciaux sont composés de trois (3) personnes sauf si les parties au différend ne décident à compter de la date de l'établissement du panel que le groupe spécial sera composé de cinq (5) personnes. Les membres des groupes spéciaux sont choisis dans un délai imparti à l'amiable par les États, parties à un différend devant l'ORD. A défaut, c'est le Directeur général de l'OMC qui choisit les panélistes. Le choix est généralement difficile en raison de la sensibilité du dossier, comme ce fut le cas avec les panels bananes ou hormones. Ce sont des personnes qualifiées, travaillant ou non dans une administration publique. Ils sont reconnus comme des spécialistes dans les négociations de politique commerciale internationale, enseignent le droit commercial international ou auteurs d'ouvrages dans le domaine. Ils exercent cette activité de manière occasionnelle94(*) selon qu'ils sont choisis pour faire un examen d'une affaire et des constations sur le différend en question.

C'est le Secrétariat de l'OMC qui tient une liste indicative régulièrement mise à jour et qui choisit les personnes devant figurées sur cette liste. De manière générale, le constat est fait lorsque les panélistes de trois membres sont composés de 1/3 de professeurs de droit et de 2/3 de négociateurs commerciaux qui sont des délégations représentant des États en poste à Genève.

Les critiques qui sont formulées contre les groupes spéciaux se résument au manque de transparence dans le rapport entre les groupes spéciaux et le Secrétariat de l'OMC. En effet, le rôle prépondérant du Secrétariat de l'OMC se manifeste d'abord par le manque de transparence dans le choix des noms des potentiels panélistes. Ensuite, il apporte une assistance importante aux membres des groupes spéciaux en raison du niveau variable des panélistes. Enfin, ces derniers se retrouvent dans une situation de dépendance à l'égard du Secrétariat de l'OMC qui assure la rédaction des rapports.

C'est dans cette situation de présomption de suspicion que l'Union Européenne a fait, en 1998, la proposition de la professionnalisation des groupes spéciaux. Elle propose la création d'un organe de groupes spéciaux permanent. Les membres de cet organe, au nombre de vingt (20), seront des spécialistes dans le domaine du commerce mais également de matière d'actualité telles la santé ou l'environnement. Pour son fonctionnement, doté d'un secrétariat autonome, il formera une chambre de trois (3) membres (issus des 20 membres), à l'occasion de chaque différend, chargée de l'examen de l'affaire. Dans le but de renforcer les règles de procédures, une collaboration sera créée avec l'organe d'appel, pour établir des règles de procédures communes applicables à tout panel. Cela permettre de contenir les panels dans le mandat qui est le leur dans le règlement d'une affaire.

Cette proposition européenne a été distribuée aux parties Membres de l'OMC et remise au Secrétariat de l'OMC en vue d'apporter une contribution aux réformes en cours du mémorandum d'accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends.

Mais cette proposition connaît deux (2) obstacles avec certains États. Les pays traditionnellement pourvoyeurs de panélistes refusent d'abandonner leur monopole et les PED craignent que la professionnalisation des groupes, notamment dans le choix des membres, soit liée au poids des États dans le commerce international.

Quelles que soient les craintes et les appréhensions des États, cette proposition a le mérite d'apporter théoriquement plus de rapidité dans le travail des groupes spéciaux, le choix des membres des groupes spéciaux étant surmonté, et la permanence serait le garant d'une plus grande cohérence jurisprudentielle, le choix d'une indépendance par rapport au Secrétariat de l'OMC95(*).

C'est à ce prix que l'on peut imaginer que la prise des opinions des ONG et des autres personnes privées ait une portée concrète dans le contenu les rapports des groupes spéciaux ou de l'organe d'appel.

B. Amicus Curiae96(*)

Le système de règlement des différends a été conçu à l'image des autres juridictions internationales. Les juridictions internationales, en général, ont une nature interétatique. Seuls les membres ont accès au système. Cependant, les personnes privées n'y ont pas accès en dépit de l'intérêt qu'elles peuvent avoir dans le contentieux du commerce international. Les auteurs97(*) soulignent que cette solution est irréaliste parce que les vrais acteurs du commerce international ne sont pas les États, mais bien les opérateurs économiques privés qui exercent d'importantes activités transfrontières. En plus, la complexité des règles et procédures du mémorandum d'accord sur le règlement des différends obligerait l'ORD à se tourner à la recherche des données scientifiques sur des faits et de rattacher les services d'acteurs évoluant dans un domaine précis (exemple de la place centrale des opérateurs économiques dans l'accord sur les subventions et mesures compensatrices). Les conflits entre États98(*) devant l'ORD cachent mal une forme de protection diplomatique des opérateurs privés économiques.

Le temps99(*) était venu pour l'ORD d'ouvrir ses portes (1) à l'action des personnes privées et ainsi avoir l'opportunité d'évaluer leur portée dans la résolution des conflits commerciaux à incidence environnementale (2).

1. L'ouverture de mémoires d'Amici curiae par l'Organe d'Appel

La consécration de l'admission des personnes privées devant l'organe d'appel se fera progressivement. L'organe d'appel reconnaîtra dans un premier temps la possibilité pour les Etats d'avoir dans leur délégation ou de se faire représentés par des conseils privés100(*).

Dans le second temps, dans l'affaire États-Unis - crevettes, il va procéder à une interprétation, lato sensu, de l'article 13 du mémorandum d'accord sur le règlement des différends101(*). Dans cette affaire, le groupe spécial avait jugé que ces mémoires (ONG Américaines) ne pouvaient être prises en compte que si elles étaient incorporées dans le mémoire des États-Unis. En réponse à cette analyse, l'organe d'appel affirma qu'une pareille interprétation est restrictive. Il indiqua que la compréhension de cette disposition n'emportait pas une interdiction d'accepter les mémoires des Amici curiae. Mais il note que les panélistes restent seuls juges de la valeur à donner à une information dans le cadre d'un litige. Et il reconnaît que ces mémoires sont recevables devant son office dans le cadre d'une procédure d'appel102(*).

Les personnes pourront déposer leurs mémoires devant un groupe spécial ou l'organe d'appel sous réserve d'avoir un intérêt à agir dans le différend et de recevoir une autorisation expresse de l'organe statuant sur le différend103(*). La satisfaction de ces conditions procédurales peut donc nous amener à examiner la portée de cette ouverture des mémoires des Amici curiae.

2. La portée des mémoires des Amici curiae

La portée des mémoires des Amici Curiæ reste timide dans le système de règlement des différends. La reconnaissance de recevoir des informations provenant des personnes privées n'a pas créé un envahissement des procédures par des groupes de pressions. En effet, cette consécration semble restée lettre morte au regard de la méfiance des groupes spéciaux, s'appuyant sur le pouvoir discrétionnaire dont ils disposent dans l'autorisation pour rejeter la quasi-totalité des demandes de dépôt de mémoires des personnes privées.

D'un point de vue de l'effet des renseignements contenus dans ces mémoires dans le rapport d'un groupe spécial ou de l'organe d'appel, il ressort que l'on ne retrouve pas des références des solutions proposées par les personnes privées dans les rapports. A la limite, l'organe d'appel préfère se les approprier et les faire siennes, contribuant à rendre difficile la recherche de l'apport desdits mémoires104(*).

Au regard de ce qui précède, il parait se dégager que la reconnaissance de la recevabilité des renseignements provenant de personnes privées est une chose, et la portée de cette recevabilité en est une autre. Car c'est à ce niveau que l'on pourra véritablement juger de la réalité de la transparence et de souci pour l'ORD d'être plus « démocratique ».

Cela exige, à défaut de réviser le mémorandum d'accord pour y apporter les reformes souhaitées par les Etats105(*), que la construction jurisprudentielle soit maintenue et exercée vers une amélioration de la procédure en clarifiant les critères ou les règles d'une réelle participation des Amici Curiæ de façon à ce que les personnes privées puissent apporter une contribution positive au règlement des différends.

En définitive, l'on peut retenir avec R. FABRI que l'organe d'appel et, partant, les groupes spéciaux « doivent essayer un équilibre entre la nécessité d'offrir des garanties de procédure et la nécessité d'éviter une dérive procédurière qui compromettrait l'efficacité du mécanisme »106(*)

Il est convenu que la clarté des règles de procédures est une garantie pour la sécurité juridique et la protection des droits des parties. Mais, il est aussi connu qu'en droit du commerce international, le juridique ne résout pas toujours les conflits. Les solutions politiques paraissent mieux adaptées au règlement d'un différend commercial. Il conviendrait donc de savoir allier au juridictionnel le politique pour permettre à l'ORD de garder toute l'attraction qu'elle connaît, par rapport aux autres juridictions internationales.

La dynamique de conforter le système de règlement des conflits emporte, qu'en amont, la prévention des conflits entre AEM et AMC soit opérée, ce qui est du reste à la charge des États et subsidiairement de l'OMC en tant qu'organe politique.

* 81 Dans l'affaire du régime d'importation des sardines en Allemagne en 1952.

* 82 L'Organe d'Appel se réfère à M. Kazazi, Burden of Proof and Related Issues : A study on evidence Before

International Tribunal (Kluwer Law International), cité par WHITE, (E), les règles de preuve à l'OMC, in Notes Bleues, n ° 186 du 1er au 15 juillet 2000, p. 1

* 83 Confère affaire Canada - Importation, distribution et vente de boissons alcooliques par les organismes provinciaux de commercialisation, rapport adopté le 22 mars 1988, IBDD, S 35 / 38, paragraphe 4.34, concernant l'article XXIV. 12 du GATT de 1947.

* 84 Rapport du groupe spécial dans l'affaire hormone, paragraphe 8.52

* 85 Inde - restriction quant à l'importation des produits agricoles, textiles et industriels, AB-1999, 23 Août 1999, paragraphe 142, rapport de l'Organe d'Appel.

* 86 L'article 13, intitulé du « droit de demander des renseignements », dispose en alinéa 1 : « chaque groupe spécial aura le droit de demander à toute personne ou à tout organisme qu'il jugera approprié des renseignements et des avis techniques.. », l'alinéa 2, ajoute in fine que « (...), les groupes spéciaux pourront demander un rapport consultatif écrit à un groupe consultatif d'expert »

* 87 L'article 11.2 de l'Accord SPS dispose : « Dans un différend relevant du présent accord et qui soulève des questions scientifiques ou techniques, un groupe spécial devrait demander l'avis d'experts choisis par lui en consultation avec les parties au différend. A cette fin, le groupe spécial pourra, lorsqu'il le jugera approprié, établir un groupe consultatif d'experts techniques, ou consulter les organisations internationales compétentes, à la demande de l'une ou l'autre des parties au différend ou de sa propre initiative ».

* 88 L'Accord OTC dispose en son article 14.2 : « Dans le cas où une partie considère qu'un avantage résultant pour elle directement ou indirectement du présent accord se trouve annulé ou compromis, ou que la réalisation de l'un des objectifs dudit accord est compromise, par une autre ou d'autres parties, et que ses intérêts commerciaux sont affectés de façon notable, elle pourra faire des représentations ou des propositions écrites à l'autre ou aux autres parties qui, à son avis, seraient en cause. Toute partie examinera avec compréhension les représentations ou propositions qui lui auront été faites, en vue d'arriver à une solution satisfaisante de la question.

* 89 Truilhé-Marengo, (E), le contentieux sanitaires et environnementaux à l'OMC la gouvernance confiée aux experts ? in la Revue en Sciences de l'Environnement, Revue Electronique VertigO, Hors Série 6, Décembre 2009.

* 90 Truilhé-Marengo, (E), art. cit,

* 91 Les groupes spéciaux sont composés en général de deux (2) diplomates et d'un juriste. Ils sont en général dépourvus de connaissances scientifiques particulières.

* 92 A propos des droits de la défense, l'organe d'appel note que « la détermination de l'importance et du poids réels des éléments de preuve présentes par une partie est fonction de l'estimation faite par un groupe spécial de la force probante de tous les éléments de preuve fournis par les deux parties considérés ensemble », Affaire Corée - mesures de sauvegarde définitive appliquée aux importations de certains produits laitiers, Rapport de l'organe d'appel du 14 décembre 1999, WT/ DS 98 / AB/R.

* 93 Truilhé-Marengo, (E), art. Cit, p. 6

* 94 En 1995, les membres de groupes spéciaux ayant statué sur une affaire, étaient au nombre de cent cinquante (150) panélistes, dont quarante (40) nationalités, avec une surreprésentation des pays dits traditionnellement neutres à savoir la Suisse, Hong-Kong, la Chine, la Nouvelle-Zélande.

* 95 DESTRIZAIS, (L), « les groupes spéciaux, et l'organe d'appel », in Notes Bleues de Bercy, n° 186 du 1er au 15 juillet 2000, p. 2-3

* 96 Amicus curiæ signifie littéralement « ami de la cour », au pluriel Amici curiæ. Les amis de la cour sont considérés comme les ONG, les sociétés transnationales, quelle que soit la forme de leur personnalité.

* 97 JUILLARD, (P), et CARREAU, (D), op. cit, § 192-193, p. 70

* 98 Le conflit Japon - Pellicules et papiers photographiques, semblait caché un conflit entre les acteurs privés à savoir Kodak pour les Etats-Unis et Fuji pour le Japon.

* 99 MAVROIDIS, (P), et COTTIER, (T), dir., « Is the WTO dispute settlement Mechanism Responsive to the needs of the traders? Would a system of direct Action by private Parties Yield Better Results?» JWT, 2/1998, pp. 147-165

* 100 Affaire Communautés Européennes - Régime applicable à la vente et à la distribution de bananes, Rapport de l'Organe d'appel, § 10-12

* 101 L'article 13 du mémorandum d'accord dispose, ab initio, que « chaque groupe spécial aura le droit de demander à toute personne ou à tout organisme qu'il jugera approprié des renseignements et des avis techniques » [c'est nous qui soulignons].

* 102 L'organe d'appel reconnaît qu'il est «  habilité légalement ( sur le fondement de l'article 17.9 du mémorandum d'accord) à décider de l'opportunité d'accepter et d'examiner ou non les renseignements qu'il juge pertinents », affaire Etats - Unis - Imposition de droits compensateurs sur les produits dérivés de l'acier au carbone, plomb et bismuth laminés à chaud originaires du Royaume - Uni, WT/ DS 138/ AB/R, Rapport de l'Organe d'appel du 10 avril 2000, § 39.

* 103 Pour de plus amples informations sur les conditions de recevabilité, l'on peut utilement consulter l'article de ZAMBELLI, (M), « Amicus Curiae dans le règlement des différends : Etat des lieux et perspectives », www.cairn.info/load_pdf.php?ID_ARTICLE=RIDE_192, p. 205

* 104 ibid, art-cit, p. 206

* 105 Ibid, art-cit, p. 211

* 106 FABRI, (R), art.cit, p. 2

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci