La jurisprudence de l'organe de règlement des différends de l'organisation mondiale du commerce et protection de l'environnement( Télécharger le fichier original )par Yda Alexis NAGALO Université de Limoges - Master 2 en Droit international de l'environnement 2009 |
SECTION II : LES MOYENS DE RENFORCER L'ACCES DES PED AU SRDSi l'accessibilité et le dynamisme de la justice de l'OMC se résument à quelques pays développés, il est certain qu'un tel système court le risque à terme d'être inéquitable et arbitraire. La réussite de tout système de résolution de litige passe par la garantie de permettre l'accès au système à tous les membres. La légitimité de l'organe en charge de la résolution des différends exige d'assurer l'impartialité des personnes pour rendre justice. Il y a, dans le cadre d'allier, l'équité à la légalité au sein de l'OMC, en adaptant le SRD niveau des PED (Paragraphe 1) et d'améliorer l'impartialité de l'ORD (Paragraphe 2). Paragraphe 1 : Adapter le SRD au niveau des PED Les coûts résultant d'une procédure de règlement d'un différend et le caractère approximatif des compétences sur le commerce international sont deux facteurs qui peuvent trouver des solutions efficaces pour favoriser l'accessibilité des PED à l'usage du mécanisme. Il peut être proposé de réduire le coût de la procédure de règlement d'un différend (A) et créer un organisme interétatique capable de défendre les droits des Etats membres dans le cadre du mécanisme du règlement des différends (B).
Il faut noter d'entrée de jeu qu'il existe une véritable asymétrie136(*) entre pays développés et les PED en termes de ressources humaines. Et c'est pour remédier à ce déséquilibre qu'il a été mis en place par une décision de 1966 du GATT le Centre consultatif pour les PED. Ce centre avait pour mission d'aider les PED dans leur volonté de régler leurs litiges commerciaux devant l'OMC. Le centre est d'un appui non négligeable pour les PED parce qu'il n'est pas tenu par la règle de l'impartialité comme le Secrétariat de l'OMC et dispose de ressources financières importantes pour l'exécution de ses activités. Il a apporté son expertise juridique à 28 PED et a contribué par ses conseils juridiques à 20 litiges impliquant des PED. Il contribue à la formation des fonctionnaires des PED dans le domaine du règlement des différends en leur octroyant des stages et constitue un important trait d'union entre les PED et les ONG par les informations qu'il véhicule à ses acteurs non étatiques. Mais, les Etats africains gagneraient à mieux s'organiser pour la protection de leurs droits dans le commerce international. Les PED doivent développer leur assise structurelle en vue d'identifier et analyser les mesures appliquées par les pays industrialisées de sorte à détecter les violations du droit du commerce international et ainsi envisager l'opportunité d'introduire une plainte contre l'Etat fautif. A cet effet, il est utile d'imaginer la mise en place d'une structure fédérative, basée sur la similarité des intérêts commerciaux ou sur la base d'un regroupement géographique qui sera spécialisé dans la représentation des PED pour le règlement de leurs différends dans le cadre de l'OMC. Une telle structure pourrait être installée à Genève, ce qui renforcera la représentation de ces Etats à l'OMC. Elle pourra être également spécialisée dans la collecte d'informations pertinentes sur les mesures commerciales des autres Etats susceptibles de constituer une violation d'une disposition du droit de l'OMC. L'efficacité d'une telle structure sera complétée par l'appui du secteur privé qui pourra être un partenaire de manière à supporter les frais procéduraux pour le règlement d'un différend lorsqu'il a un intérêt légitime à la résolution du litige. Les acteurs du secteur privé pourront apporter des informations à leurs Etats sur les distorsions qui dérèglent le commerce. Les reformes pour la performance des représentations des Etats africains doivent intégrer que dans le règlement du différend l'on n'arrive pas à une situation où le résultat dépend du rapport de force, et il faut trouver les ajustements qui permettent une mise en oeuvre des recommandations de l'ORD (§2). Paragraphe 2 : Renforcer le mécanisme des compensations de l'ORD En droit interne la décision du juge est revêtue de la force exécutoire et l'on fait recours à la contrainte toutes les fois où la partie ne s'exécute pas dans les délais qui lui sont imparties. Une pareille solution n'est pas transposable mécaniquement sans adaptation en droit international. Cela l'est plus en droit international économique où les rapports de force fondés sur la puissance économique, voire militaire, ne favorisent les petits Etats notamment les PMA. Même quand ces derniers remportent, à l'occasion d'un procès, un succès contre un pays développé, les PMA ne disposent pas de moyens suffisants pour contraindre l'État qui a été condamné à appliquer les recommandations de l'ORD dans les délais impartis. Les possibilités que détiennent ces Etats sont de postuler une reforme dans le sens de rendre obligatoire les compensations (A) et aussi de les traduire en valeur pécuniaire susceptible d'une application rétrospective (B).
La compensation dans l'état actuel du droit de l'OMC ne consiste pas au paiement rétribuant la perte d'avantages commerciaux, la pratique consiste à baisser les droits de douane ou à donner des avantages sur un produit donné dans son processus d'exportation. Mais la faiblesse en termes de quantité de biens exportés ne contribue pas à faire de ce type de compensation un avantage concret pour les PMA. Le postulat de la compensation financière a le mérite de répondre à la perte d'un avantage par le paiement de la rétribution que l'activité commerciale était supposée créer. Elle permet de payer au PED le manque à gagner grâce à une évaluation du montant par les organes de règlement des différends. A l'inverse, le spectre de la compensation financière peut avoir un effet dissuasif en poussant l'État condamné à se conformer aux recommandations de l'ORD en retirant la mesure illégale. Une compensation peut servir à réparer les effets produits par les restrictions causées par le partenaire économique, à augmenter les recettes d'exportation, à redynamiser les secteurs commerciaux touchés et apporter un appui aux entreprises exerçant dans le domaine. Cela pourrait permettre une meilleure protection, les solutions apportées peuvent permettre de remédier au chômage et à la fermeture des entreprises. La détérioration de l'environnement s'accélère avec la pauvreté. Trouver des solutions à la pauvreté des populations contribue à la conservation et à la protection de l'environnement en encourageant les populations à des choix alternatifs. La compensation rencontre cependant une faiblesse. Elle n'est octroyée qu'à l'issue de la procédure de règlement d'un différend. Une procédure étant censée durer pendant une période donnée139(*), il est à craindre que le préjudice causé par une mesure restrictive au commerce puisse engendrer des pertes irréversibles140(*), comme c'est le cas de l'exportation de produits agricoles par les PMA. La proposition consiste à préciser que la compensation financière doit être rétrospective de sorte à couvrir les pertes nées de l'application de la mesure illégale d'un État contre un PED pendant une période donnée. La compensation rétrospective est déjà utilisée par les groupes spéciaux. A l'occasion du règlement d'un différend entre la Nouvelle Zélande et la Finlande, le groupe spécial demanda à la Nouvelle Zélande la suppression de ses pratiques illégales et le remboursement à la Finlande des dommages subis141(*). Conclusion Les États africains doivent en conséquence mettre à profit le dynamisme de leurs organisations d'intégration régionale et sous régionale pour mettre en place un organisme en charge de la défense collective de leurs intérêts. Mais, il parait tout aussi important que l'Afrique développe une activité commerciale internationale plus importante si elle veut voir ses intérêts économiques pris en compte. L'avenir de la survie de l'espèce humaine dépend aussi de la manière dont les ressources naturelles sont gérées. L'Afrique occupe une place incontournable dans l'évaluation de la richesse des biens de la biodiversité, il faut trouver les moyens de créer son développement économique sans compromettre aux générations à venir la possibilité d'en jouir. Elle doit simplement relever le pari du développement durable. CONCLUSION GENERALE L'analyse de la jurisprudence de l'ORD sur la protection de l'environnement est révélatrice d'une prise en compte de l'environnement. Contrairement aux opinions largement diffusées, l'OMC n'a pas fait pas fi des préoccupations environnementales dans l'arbitrage qu'en a à rendre les différends qui sont soumis à son office. Elle est, de plus en plus, ouverte aux considérations environnementales et la prise en compte du volet économique de l'environnement dans sa démarche. Toutefois, comme le dit ce vieil adage, « l'arbre ne doit pas cacher la forêt ». Le SRD a bien fonctionné et il a fait l'objet de sollicitations massives par les Etats, ce qui traduit la confiance qu'ils placent à l'ORD. Mais le fonctionnement d'une institution révèle ses imperfections. L'OMC doit apporter les correctifs nécessaires aux failles constatés dans l'application du mémorandum d'accord. Les reformes doivent aller dans le sens de rendre le système plus contraignant de sorte à ce que le SRD fasse régner le droit entre le fort et le faible. Mais le report au caleng grec du réexamen du mémorandum d'accord ne facilite pas les reformes que les Etats souhaitent apporter au mémorandum d'accord. Il est primordial, pour renforcer l'accès des PED au SRD, que les organes politiques exercent pleinement leurs compétences. En raison des blocages des négociations multilatérales, les organes politiques sont affaiblis. Un rééquilibrage des pouvoirs permettra PED d'activer l'avantage de la supériorité numérique142(*). Toutefois, l'efficacité de l'accès des PED au SRD ne va pas sans une nécessaire reforme dans leurs stratégies de participation à l'ORD. L'initiative coton est un exemple du besoin de l'action collective lorsque les intérêts sont communs. Les Etats africains doivent résoudre leurs lacunes structurelles. C'est le prix à payer pour leur accès et leur performance devant l'ORD. L'analyse révèle que l'ORD est sur la voie de l'articulation avec les questions environnementales. Cependant, il reste des domaines où des efforts sont à faire. Il s'agit des questions de taxation, de PMP et des AEM. Mais le cadre de cette étude ne permet pas de nous étaler outre mesure sur ces règles qui ont une incidence importante sur l'environnement. En définitive, il est établi qu'il existe des interactions positives et négatives entre le commerce et l'environnement. La dégradation de l'environnement dépend en partie de la conduite des activités commerciales. Mais le commerce international ne saurait être tenu pour unique responsable. La part des financements internationaux et des transferts de technologies joue aussi une part non négligeable dans la dégradation de l'environnement. C'est aussi pour cela que SUTHERLAND affirme qu' « on ne peut pas demander aux seules politiques commerciales de résoudre tous les problèmes environnementaux. Ces politiques, et en particulier l'élimination des restrictions et distorsions commerciales qui sont préjudiciables à l'environnement, ont un rôle important à jouer. Toutefois, le commerce n'est que l'un des aspects de la politique économique à prendre en compte pour la protection de l'environnement et le développement »143(*). Il convient de ne pas jeter tout l'anathème sur l'OMC. Cependant, l'espoir d'une meilleure articulation entre commerce et environnement est permis. L'environnement est inclus dans le programme de travail de DOHA, qui devra arriver à termes à un approfondissement de la relation entre commerce et environnement en clarifiant les rapports entre le droit de l'OMC et les obligations commerciales contenues dans les AEM et de réduire les obstacles tarifaires et non tarifaires sur les biens et services commerciaux.
* 136 En guise d'illustration, en 2002, la représentation des Etats-Unis était constituée d'une vingtaine d'avocat spécialisée dans les questions de commerce international. L'Union Européenne dispose quant à elle d'un service juridique spécialisé pour les affaires de l'OMC qui peut s'offrir les services d'une douzaine d'avocats spécialisés en cas de besoin. MACHROUH, (J), op. cit. p. 273
* 139 Une procédure de règlement d'un différend devant le SRD peut durer un (1) an sans appel et un an trois mois avec appel. * 140 A la différence de ce qui se passe en droit interne, où un sursis à exécution peut être demandé au juge des référés en cas d'urgence, le juge au sein de l'ORD ne suspend pas l'application de la mesure pendant toute la période de règlement d'un différend. * 141 MACHROUH, (J), op. cit, note de bas de page 1 p. 308. * 142 La liste de l'ONU compte 49 PMA et 32 sont membres de l'OMC. Si on y ajoute les autres catégories de PED, ils détiennent la majorité. Disponible sur wto.org/french/thewto_f/whatis_f/tif_f/org7_f.htm * 143 GATT, presse communiqué, GATT 1636, du 10 juin 1994, p. 2-3 |
|