Introduction
Les plantations forestières tropicales
constituent une des principales stratégies pour diminuer la pression
exercée sur les forêts tropicales et répondre à la
demande en bois (Pandey, 1997). Elles sont aménagées de
manière à maximiser le rendement de bois sur le site (Evans,
1996). La productivité des plantations révèle donc une
importance pour les sylviculteurs qui recherchent avant tout des
variétés performantes capables d'augmenter la valeur des
plantations en garantissant l'avenir du développeur qui les a mis en
place.
Suite à l'augmentation de la demande en bois et
à la régénération lente d'espèces
naturelles, l'économie forestière plaide en faveur des
plantations à croissance rapide qui sont la réponse à ce
problème crucial : continuer à offrir du bois au prix du
marché en restant rentable (Martin, 2002).
Largement adopté par les grandes
sociétés forestières internationales, le bois d'eucalyptus
est devenu « l'or vert » de l'industrie papetière et attire
toujours plus d'investisseurs, y compris du secteur financier (Martin, 2002).
Plusieurs raisons expliquent cette adoption des eucalyptus par les industriels
: l'eucalyptus entre dans toutes les utilisations de la pâte à
papier (FAO, 1982), il fournit une pâte à fibres courtes de
très bonne qualité pour la fabrication de nombreux papiers
d'impression, et son prix de revient est plus bas par rapport aux
conifères (Berthet et Alix, 2006). L'eucalyptus s'est même
constitué une solide réputation grâce aux
possibilités d'amélioration génétique permettant
des gains génétiques dans une période courte (Vigneron et
Bouvet, 1997), mais aussi à la possibilité de créer des
plantations clonales à grande échelle, gérées de
façon intensive, permettant de fournir aux industriels des produits
homogènes (Martin, 1987).
La fourniture de bois de chauffe, de bois de service
et de bois d'industrie a préoccupée depuis longtemps au Congo
Brazzaville les responsables de la production forestière (Groulez,
1964). C'est ainsi que dans les années 1950, les premiers travaux
d'introduction d'espèces d'Eucalyptus ont consisté à trier
les espèces intéressantes et ont permis d'installer 5000 ha de
plantations d'eucalyptus de faible productivité 7-10 m3/ha/an
(Vigneron et Delwaulle 1990). Suite à l'introduction de
différentes espèces d'Eucalyptus, deux hybrides naturels
dénommés Eucalyptus PF1 et Eucalyptus 12ABL x
Eucalyptus saligna sont apparus au début des années 1963
(Petroff et Tissot, 1983) au sein des plantations. La productivité du
meilleur de ces
clones naturels c'est à dire le 1-41 de l'hybride
PF1 plafonne à 18 m3/ha/an (Saya et Moussassa, 1997
; U.R.2P.I, 2006 a).
Devant la difficulté de refaire le croisement
ayant donné l'hybride naturel PF1, le programme
d'Amélioration génétique s'est lancé vers la
création d'hybrides interspécifiques. L'application des
techniques de pollinisation contrôlée (Maillard, 1978) a permis de
créer une soixantaine d'hybrides artificiels parmi lesquels les hybrides
Eucalyptus urophylla x E. grandis et Eucalyptus urophylla
x Eucalyptus pellita (U.R.2P.I, 2006 a).
L'existence d'un fort hétérosis,
montrée par la supériorité des hybrides naturels sur les
espèces parentales pures a permis le choix d'un schéma de
sélection variétale ; la sélection récurrente
réciproque (Vigneron, 1991). La mise au point des premiers hybrides
artificiels d'Eucalyptus urophylla x Eucalyptus grandis sans
schéma précis a permis d'atteindre en expérimentation une
production de 30 m3/ha/an avec les clones de la série 18-50
à 18-85, puis 40 m3/ha/an avec les clones de la série
18-147 à 18-523 (U.R.2P.I, 2006 a).
Depuis plusieurs années, le
développement du marché de la pâte à papier s'est
focalisé sur certaines espèces, conduisant les nouvelles
compagnies à ne s'intéresser qu'aux espèces porteuses ;
cas de l'Eucalyptus grandis x Eucalyptus urophylla au
Brésil et de l'Eucalyptus globulus dans la
Péninsule Ibérique ; qui ont fortement
pénétré le marché européen de la pâte
à papier (Cotterill et Brolin, 1997).
Ainsi le choix de EFC (gestionnaire des plantations
industrielles d'eucalyptus au Congo) s'est porté sur l'Eucalyptus
urophylla x Eucalyptus grandis qui est la formule la plus
utilisée dans les plantations clonales en région tropicale. Ce
choix a conduit l'U.R.2P.I à proposer à l'industriel une centaine
des clones d'Eucalyptus urophylla x Eucalyptus grandis, dont
douze ont été « certifiés » sur la base de leur
productivité (m3/ha/an) en test et de leur aptitude au
bouturage. Actuellement de nouveaux critères, qui compléteront le
processus d'identification des clones sont proposés par le programme
d'amélioration génétique de l'U.R.2P.I : la
productivité (m3/ha/an) en plantation industrielle, les
qualités physiques et papetières du bois, l'aptitude à
l'enracinement et les empreintes génétiques (U.R.2P.I, 2006
a).
L'évaluation de la productivité en
plantation industrielle révèle une importance considérable
dans le processus d'identification du matériel végétal
(clone), parce que :
> les travaux d'amélioration de la
productivité menés par la recherche visent l'augmentation du gain
génétique en plantations industrielles ;
~ la productivité en test clonal devrait
être supérieure à celle obtenue en plantation industrielle,
d'où l'intérêt de vérifier cette hypothèse
(Delwaulle, 1985 ; Saya, 2007, Communication personnelle).
De plus, la forte compétition sur le
marché international de la pâte et la présence de
concurrents obligent la recherche et les gestionnaires de plantations
industrielles à s'intéresser à l'augmentation potentielle
du gain génétique et donc de la productivité des
variétés.
Cette étude a pour objectif principale : la
contribution à la mise en oeuvre des outils de certification du
matériel végétal créé par
l'U.R.2P.I.
Les objectifs spécifiques de l'étude sont
:
~évaluer la productivité en plantation
industrielle de certains des douze clones « certifiés »
d'Eucalyptus urophylla x Eucalyptus grandis, déjà
transférés au gestionnaire du massif, afin d'en faire un nouveau
critère de sélection variétale ;
~comparer les performances industrielles de ces clones
à celles obtenues en test et établir à long terme des
corrélations ou des indices qui nous permettraient désormais
d'estimer la productivité en plantation à partir des
données en parcelles expérimentales.
Le présent mémoire est subdivisé
en quatre parties : la première partie intitulée
généralités regroupant quelques facteurs de variation de
la productivité, la présentation du type de plantation
étudiée ainsi que celle du milieu d'étude. La seconde
partie est réservée à la présentation du
matériel et de la méthodologie d'étude, la
troisième présente les résultats obtenus, et la
quatrième partie concerne la discussion de ces
résultats.
I- Généralités
I-1 Facteurs de variation de la croissance et de
la productivité dans les plantations clonales
d'Eucalyptus
La productivité d'une espèce est le
résultat de l'interaction entre le génotype et l'environnement ;
le résultat d'un « dialogue » entre la plante et son milieu
(Gallais, 1990). Les sources de variation de la croissance et de la
productivité des arbres ou d'un peuplement sont donc les
résultats de changements majeurs dans l'environnement mais aussi du
clone utilisé.
I-1-1 Interaction génotype - environnement dans
l'expression de la productivité
Chaque espèce végétale
présente une variabilité des caractères de production
entre variétés ou populations, puis une variabilité entre
individus à l'intérieur de la variété ou de la
population. L'interaction génotype x environnement est la variation
entre les génotypes dans leur différence relative de
réponse aux différentes conditions environnementales (Gallais,
1990). L'existence de différences dans le comportement des
génotypes en fonction des pressions de sélection du milieu a
été reconnue depuis longtemps (Hayes et Powers, 1934 cités
par Shelbourne, 1972). La présence de fortes interactions
génotype x environnement est l'une des causes de la variabilité
intraclonale.
D'après Namkoong (1978) cité par Sotelo
(2006), l'activité génétique est influencée par la
température, le pH et d'autres facteurs biochimiques ou biophysiques; de
même des lignées génétiques répondent de
manière différente à des variations climatiques,
édaphiques ou écologiques. Le comportement physiologique d'un
individu (taux de respiration, activité photosynthétique, etc.),
va dépendre des paramètres qui lui sont extérieurs, comme
la température, l'ensoleillement, l'alimentation hydrique et
minérale (Sotelo, 2006).
La productivité d'un clone ou d'une
variété varie selon le milieu où il se trouve. Dans les
zones plus favorables comme l'Etat d'Esperanto Santo au Brésil, la
production moyenne des plantations clonales atteint 40m3/ha/an au
même âge (Bouvet et al., 1997) alors que dans les
conditions de croissance médiocre (cas du Congo), la productivité
n'est que de 20 m3/ha/an à 7 ans. La productivité peut
atteindre jusqu'à 60 m3/ha/an à 13 ans sur des sols de
forêt
naturelle comme à Madagascar (Bouvet et
Andrianirina 1990). Sous les climats à déficit hydrique, la
production peut atteindre 5m3/ha/an (Peltier et Eyog,
1988).
Lors des essais de provenances chez Calycophyllum
spruceanum, il a souvent été démontré que les
différences de croissance entre les environnements de plantation sont
plus grandes que les différences entre les provenances (Sotelo et
al., 2003; Weber et Sotelo, 2005), autrement dit une influence de
l'environnement plus forte que les différences
génétiques.
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