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L'univers techno de la teuf : entre marginalité et post-modernité

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par Noémie Lequet
Université Victor Segalen Bordeaux 2 - Maîtrise de sociologie 2010
  

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INTRODUCTION

Contexte et enjeux politiques

On est en période de cohabitation avec Chirac président et Jospin 1er ministre. Les 11 et 18 mars ont lieu les élections municipales. C'est une défaite pour la gauche. On est dans les préparations des élections présidentielles de 2002. Le débat et les enjeux sont tournés vers les thèmes de sécurité.

Polémique suite à l'amendement, manifestations, PS divisé. Jack Lang (à l'époque ministre de l'éducation nationale) y voit une manifestation d'une politique anti-jeune. D'autres membres du gouvernement comme Bernard Kouchner ou Catherine Tasca y sont également opposés, ainsi qu'une partie du PS, l'ensemble du PC et des Verts. Jospin a du mal à trancher, il est plutôt pour, mais dans la perspective des présidentielles, c'est prendre le risque de perdre l'électorat des jeunes.

Le monde versus Le figaro

Les deux quotidiens retenus pour l'analyse sont Le Monde et Le Figaro. Tous deux ont publié un certain nombre d'articles concernant cet amendement dans la période estivale 2001. Audelà d'une lecture plus complète, cinq articles par journal, considérés comme particulièrement représentatifs, ont été retenus.

L'ANALISE DU DISCOURS

~ Descriptions des raves-parties

Le Figaro

Les journalistes du Figaro renvoient une image plutôt négative des raves. Dans un article paru

le 1er juin 2001, le journaliste Max Clos fait le choix d'une description du point de vue de ceux qui subissent ces événements :

« Les habitants des villages concernés, saoulés de bruit, subissant leur lieu de vie occupé parfois par 25 000 braillards, leurs champs saccagés, recouverts d'immondices et de cannettes de bière, sont d'accord. Les préfets sont d'accord. S'ils n'interviennent pas, c'est qu'ils sont paralysés par la crainte de déclencher une émeute. » (01.06.01 - Démocratie en péril ! - Max Clos).

Avant d'être des jeunes, des fêtards, éventuellement des artistes, ils sont des buveurs de bières et de potentiels émeutiers. Les raves sont des « rassemblements sauvages », « de vastes supermarchés de la drogue, où opèrent des dealers armés ».

Le Monde

« Les raves sont une extraordinaire opportunité pour notre société si on comprend leur nature et leur potentiel. Ce sont des lieux d'effervescence artistique, de mixité sociale, où des gens de toutes origines se retrouvent de façon pacifique. », Lionel Pourtau, Le Monde du 13 juillet 2001 (« Raves et démagogie »).

On voit bien ici que l'auteur de l'article de manière élogieuse au sujet des free-parties, quitte à entrer dans la caricature. Les raves sont montrées sous leur meilleur jour, dans le but d'en donner un aperçu idyllique, n'appelant pas à la création d'une loi sécuritaire.

Il s'agit de noter ici, et à chaque fois que cet article sera cité, qu'il s'agit de l'exposition du point de vue d'un expert et non d'un article de journaliste. Quoi qu'il en soit, Le Monde, en lui offrant une place dans ses colonnes, prend position.

~ Prise de position Le Figaro

Ils semblent trancher en faveur de la loi. Les journalistes insistent sur les questions de sécurité, d'autorisation, de drogue, de santé, etc. et ne montrent pas ce que ces rassemblements peuvent avoir de positif, de créatif.

Récits d'accidents, incendis, fusillade entre dealer, morts, viols, etc. sur divers raves-parties lors de cette période. (« Rave-parties : de houleux lendemains de fête » Astrid de

Larminat - 10/07/2001). Des effets de l'extasie sur la santé des adolescents aux conséquences internationales du marché de la drogue, la journaliste termine par « Voilà donc la substance qui circule aujourd'hui à peu près librement dans les fameuses « raves », au contact de centaines de milliers de jeunes. Cela parce que la majorité de notre classe politique en a ainsi décidé par pure complaisance. » (11.08.01 - Classe politique, ecstasy et démagogie - Xavier Raufer)

Le discours est largement axé sur la sécurité, les risques, les craintes : « Aujourd'hui ce sont des danseurs qui s'amassent ainsi incognito mais demain ? En l'absence de toute surveillance, de tout contrôle, qui donc nos services officiels laisseront-ils passer sans les voir ? Des troupes entières de dealers ? Des émeutiers ? Des terroristes ? » (11.08.01 - Classe politique, ecstasy et démagogie - Xavier Raufer).

La moitié d'un article est consacré au cas d'une jeune exploitante agricole dont le champ a été dévasté. Description très détaillée de son cas, on sait qu'elle cultive des salades et des épinards avec son frère. Le journaliste lui donne la parole : « Ça nous a fait de la peine pour nos récoltes : c'était notre gagne-pain qui s'était volatilisé... », « Ce champ, c'est une propriété privée. Ces jeunes, qu'ils fassent des soirées, je ne suis pas contre mais pas n'importe où, pas chez les gens ! Que diraient-ils si on leur volait 500 F dans leur portemonnaie ? Ils n'accepteraient sûrement pas. C'est la même chose pour nous. », « On dit que c'est gratuit mais il ne faut pas se voiler la face, les organisateurs se remboursent sur la vente d'alcool et de drogue. Tout cela au détriment de la jeunesse. J'ai vu ces adolescents pendant deux jours, dans un état second, errant à pied dans les alentours du village, apparemment perdus. Certains dormaient sous des voitures et ça faisait mal à voir. Je ne veux pas de tels exemples pour ma fille de 11 ans. » (07.06.01 - Quand les rave-parties font danser le PS - Sophie Huet, Marie-Estelle Pech).

Le Monde

« Ils s'efforcent de parler d'une même voix et ont élaboré un argumentaire qui rappelle les valeurs initiales du mouvement: liberté, gratuité mais aussi respect de l'environnement. Les fêtes organisées ces derniers week-ends se sont d'ailleurs accompagnées de gros efforts de nettoyage. » (« Partagés entre méfiance et volonté de dialogue, les raveurs appellent à manifester le 16 juin, Le gouvernement dans une valse-hésitation sur les raves clandestines. » Fréderic Chambon, 7 juin 2001).

Ici, l'auteur de l'article souligne que, même si les raves ont pu être à l'origine de débordements, le mouvement cherche aujourd'hui à se responsabiliser dans le but d'avoir le moins d'impact négatif possible sur les riverains ou l'environnement. Bref, les débordements ne sont pas volontaires, mais bien des dommages non voulus.

L'article entame directement en prenant le point de vue des raveurs, insiste sur leurs moyens pour se mobiliser et sur ce qu'ils mettent en oeuvre. Bref, on pointe surtout les efforts du mouvement pour se crédibiliser et pour être un acteur de la responsabilisation des teufeurs. (« Partagés entre méfiance et volonté de dialogue, les raveurs appellent à manifester le 16 juin, Le gouvernement dans une valse-hésitation sur les raves clandestines. » Fréderic Chambon, 7 juin 2001).

« Le week-end des 6 et 7 juillet fut marqué par plusieurs drames : un accident pendant un concert de musique yiddish à Strasbourg (12 morts, 84 blessés), deux excursions tragiques à Chamonix (6 morts et 1 disparu) et une rave à Rouen (1 mort). Evidemment, personne ne va dire « La musique yiddish tue » ou « Interdisons aux gens de sortir en montagne sauf s'ils ont une autorisation du préfet ». Mais la musique techno, elle, se retrouve sur le banc des accusés. » (Lionel Pourtau, Le Monde du 13 juillet 2001, « Raves et démagogie »).

Alors que l'on cherche à faire voter une loi dans le but de protéger les ravers contre euxmêmes, Lionel Pourtau montre que ce n'est pas forcément les morts dont on parle le plus qui sont le plus nombreux. Il souligne aussi le lien avec la stéréotypisation que subit le mouvement techno.

~ Enjeux politiques Le Figaro

Le ton est souvent ironique, voir sarcastique. Les journalistes reprochent au PS de ne pas s'engager franchement dans le vote de cette loi, par pure démagogie à l'approche des élections présidentielles. Ils dénoncent un déni de la réalité quant au risque de ces manifestions illégales.

« A cette occasion, gauche et hélas ! Opposition confondues, ont, sauf exception rare, rivalisé de démagogie électoraliste. A entendre les porte-parole des grands partis, en effet, une coalition de grincheux et d'ultra-répressifs s'en prenait cruellement à de sympathiques

giga-surprise-parties, au cours desquelles de paisibles « teufeurs » communiaient dans la musique techno et la « pilule de l'amour ».

Pour la journaliste Sophie Huet, le PS est vieillissant. Elle cherche à expliquer sa posture face à cet amendement. Elle montre avec une étude du Cevipof que les adhérents au PS de moins de 30 ans ne représentent que 5%, et pense qu'il cherche donc à y remédier, de plus, les moins de 25 ont atteint 52% d'abstention aux municipales.

Le Monde

« Le gouvernement pourrait en effet se retrouver doublement perdant : la polémique sur les raves risque, d'une part, de lui aliéner ce « vote jeune » si convoité et, d'autre part, de ruiner partiellement quatre ans d'efforts gouvernementaux sur le thème de la sécurité. », Cécile Prieur et Pascale Robert-Diard, le 26 juin 2001 (« La polémique sur les raves parties brouille le discours de M. Jospin sur la sécurité »). C'est une critique politique directement à l'encontre de cette loi, non pour son sens propre, mais bien parce qu'elle risquerait de faire perdre des voix au leader de la gauche.

« Par contre, comment qualifier celui qui « utilise » un mort pour essayer d'imposer une vision sécuritaire et une action purement répressive à propos d'un mouvement culturel qui ne répond pas à ses affinités ? La démagogie, par définition, se nourrit de tout. », Lionel Pourtau, Le Monde du 13 juillet 2001 (« Raves et démagogie »). Lionel Pourtau critique la démagogie des journaux qui utilisent les faits divers malheureux survenus en free-parties pour appuyer une loi répressive. La politique de la culture est nettement présente : ce serait parce qu'ils n'apprécieraient pas la techno en tant que musique que ces journalistes soutiendraient la loi, et non pas pour de réelles raisons sécuritaires.

« Cette forme de rassemblement aux caractéristiques rares à notre époque (gratuité, spontanéité, autogestion) semble inspirer aux fractions les plus conservatrices de notre pays une phobie irrationnelle qu'il est intéressant d'observer. », idem. Il fait entrer la techno dans l'histoire des différents mouvements qui se sont succédés dans la répression avant d'être considérés comme faisant partie du « mainstream » ; le jazz, puis le rock quelques décennies plus tard. Mouvements conservateurs et mouvement avant-gardistes sont opposés.


· Les sources

Parmi les acteurs qui interviennent dans les articles sélectionnés pour Le Monde, on trouve un équilibre entre les acteurs formels (le Premier Ministre Lionel Jospin, le secrétaire général adjoint du RPR Jean-François Copé,...) et les acteurs informels (les teufeurs, les partisans des free-parties, Brieuc, musicien techno et membre d'un collectif parisien...). Aucun plaignant (agriculteurs ou habitants de villages concernés) n'a la parole.

En revanche, dans les articles du Figaro, on trouve une large majorité d'acteurs institutionnels cités (Représentants politiques, Préfet, lieutenant colonel de la gendarmerie, président de Médecins du monde). Parmi les 5 articles, un seul organisateur de rave-parties a eu la parole. Le Figaro donne la parole beaucoup plus facilement aux agriculteurs et habitants des villages investis par les raves.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo