Annexe 2 : Guide d'entretien
1- Trajectoire vers la teuf
- Se présenter. Comment es-tu devenu teufeur ?
Etais-tu attiré par ce genre de musique avant ? Connaissais-tu des gens
dans le milieu ? Etais-tu idéologiquement en accord avec ce milieu
(Z.A.T de Bey, World Traveller Adventures...).
- Trajectoire de vie. Qui sont tes parents ? Ruraux, urbains
? A l'école, comment ça se passait ? Jusqu'où as-tu
été ? Et quand tu as commencé à travailler ?
Comment as-tu découvert l'univers de la teuf ? Quelle place prenait-il
dans ta vie à ce moment là ? Et maintenant ?
2- Identité de teufeur
- Qu'est-ce qu'un teufeur pour toi ? Y a-t-il
différents types de teufeurs ? Comment te placestu par rapport à
ça ? A quoi reconnais-tu un teufeur ? En quoi est-on différent
lorsque l'on est teufeur ? Où places-tu la limite entre teufeur et
non-teufeur ? Y a-t-il des gens qui viennent en teuf mais qui ne sont pas
teufeurs ? En quoi le style vestimentaire est-il important ?
- A ton avis, comment vous voient les gens qui ne sont pas
teufeurs ? Trouves-tu juste la façon dont on parle des teufs et des
teufeurs à la télévision ou dans les journaux ? As-tu
l'impression que les gens te jugent lorsque tu marches dans la rue ? Penses-tu
que tous les teufeurs sont vus de la même manière ?
3- Degré d'investissement et
rôle
- A quelle fréquence vas-tu en teuf ? Fais-tu partie
d'un Sound System ? Mixes-tu ? As-tu un emploi ? Fixe ou saisonnier ? Où
vis-tu ? Chez toi ? Chez des amis ? En colocation ? Dans ton camion ?... Te
déplaces-tu toujours pour les teknivals ? Est-ce que c'est le boulot qui
te permet d'aller en teuf ou la teuf qui te permet de t'évader du boulot
?
- Si tu ne fais pas partie d'un Sound System : Est-ce que tu
aides parfois à organiser des teufs ? Qu'elles sont tes activités
lors de la teuf ? Aides-tu à installer et à ranger ? Y a-t-il des
choses que tu sois le seul à savoir faire dans ton groupe d'amis ?
- Si tu fais partie d'un Sound System : Quel est ton rôle
dans le Sound System ? Pourquoi ? Te sens-tu utile à ton groupe et au
reste de la communauté ? A quelle fréquence organisez-vous
des teufs ? Qui fait quoi dans ces cas là ?
4- Le moment de la fête
- Quelle est l'importance de la musique au moment de la teuf
pour toi ? Quel style de techno préfères-tu ? Pourquoi ? Est-ce
que c'est ce qui se joue le plus fréquemment ? Sais-tu quels sont les
Sound Systems qui jouent lorsque tu vas à une teuf ? Et dans un teknival
?
- Dans quel état te met la musique en teuf ? Y a-t-il
d'autres choses qui y participent que la musique (contexte, drogues...) ?
Prends-tu certains produits pour en profiter mieux ? Où te trouves-tu le
plus souvent quand tu es en teuf ? Qu'y fais-tu ? As-tu déjà
été en transe ?
- Quelle est la part de création dans la hardtek pour toi
?
5- Rapports de genres, de classes, de races, de
générations
- Y a-t-il beaucoup de teufeuses ? Sont-elles dans le
même état d'esprit que les teufeurs ? Apprécient-elles
autant la musique ? Y en a-t-il beaucoup qui mixent ? Pourquoi ? Prennentelles
autant de produits ? Y a-t-il plusieurs styles de teufeuses ? Sont-elles
féminines ? (Respectent-elles les codes de la féminité ?)
Qu'en penses-tu ? Es-tu déjà sorti avec des teufeuses ? Des
non-teufeuses ? Quelle est la différence pour toi ?
- Y a-t-il beaucoup de teufeurs noirs, arabes ou asiatiques ?
Pourquoi, à ton avis ? - De quel milieu social viens-tu ? Et les autres
teufeurs ? Qu'en penses-tu ?
- Y a-t-il de « vieux » teufeurs ? Qu'en penses-tu
?
6- Rapports à la culture dominante
- Que penses-tu de la culture de masse (ce qui passe à
la télé, à la radio) ? Est-ce que tu penses que la teuf /
hardtek en fait partie ? Est en opposition ? Est-ce que cette opposition fait
partie de ce qui t'as attiré dans l'univers de la teuf ? Pourquoi ?
- Quels sont tes rapports avec la police ? Penses-tu que ce
qu'ils font est légitime, qu'ils ont raison de le faire ? Que penses-tu
du conflit avec la police / de ceux qui les provoquent ?
- Quelle est ta sensibilité politique ? Votes-tu ?
Penses-tu qu'en allant en teuf tu revendiques quelque chose politiquement ?
7- Sous-culture, religion ou ethnicité
?
- As-tu l'impression de faire partie de la société
qui t'entoure ? As-tu des valeurs communes / contraires avec elle ?
- Penses-tu qu'il y a des choses qui sont sacrées /
des choses nécessaires dans la teuf ? Pensestu que l'on puisse faire une
teuf n'importe où ? N'importe quand ? N'importe comment ? Pourquoi ?
- Te sens-tu différent ? As-tu l'impression d'être
reconnu comme tel par la société ? As-tu l'impression de faire
partie d'une communauté / d'un ensemble homogène ?
- Penses-tu que l'on puisse dire de la teuf / hardtek que c'est
une culture ? Pourquoi ? Alternative ?
8- Vision du futur
- Pour toi, qu'est-ce qu'une vie réussie ? Le bonheur ?
Où te vois-tu dans 5 / 10 ans ? As-tu des projets ?
Annexe 3 : Retranscription de l'entretien avec
Amaury du Sound System Arakneed
Comment es-tu devenu teufeur ?
J'ai commencé à écouter depuis ma tendre
enfance tout ce qui était à base de musique électronique.
Donc c'est con mais j'ai commencé, il y a très, très
longtemps de ça, sur du classique remasterisé version
électronique. Donc tout ce qui était boîte à rythme,
etcetera. Et puis, tout en évoluant sur les musiques
électroniques qui étaient à l'époque disponibles.
Parce que j'étais encore jeune et je ne connaissais pas
spécialement le milieu de la teuf. J'avais entre douze et treize ans.
Sur les trucs dance qu'il y avait autrefois. J'ai commencé après
à écouter les compilations des Thunder Down ou les Spiral Tribe,
des trucs comme ça. Jusqu'au jour où j'ai rencontré
quelqu'un... Ou sur les compilations Bonsaï, là aussi ça
commençait à prendre une évolution vraiment dans la
musique électronique. Et jusqu'au jour où j'ai eu le plaisir de
rencontrer des gens et dont une personne. C'est lui qui va être, entre
guillemets, mon mentor, qui va me montrer comment fonctionne le mix. Parce que
je n'avais aucune approche de ce genre milieu, déjà dans les
années 95. Donc voilà, quand j'ai commencé à voir
ça, ça a été entre guillemets mes premières
teufs. Où j'avais l'âge de 17 ans, parce qu'on n'avait pas les
mêmes évolutions qu'au jour d'aujourd'hui. Et puis à partir
de là ça a été le déclic. Donc à
partir de là, j'ai commencé à vouloir mixer. J'ai
commencé à acheter mes premiers disques. Et j'avais une vieille
platine Hifi que mon père avait, j'avais une vieille Play Station,
j'avais une vieille chaine Hifi, j'avais une table de mixage qu'on m'avait
donné. Et je m'amusais entre les vinyles que j'achetai, la Play Station
où tu ne peux mettre qu'un CD, à essayer de caler mes premiers
morceaux. Et après jusqu'à investir réellement. J'avais
acheté quand même pas mal de disques avant, jusqu'à acheter
mes deux premières platines, qui m'ont duré dix ans quand
même. Que j'ai revendu pour m'acheter celles-là.
Donc toi, ce qui t'as attiré dans le milieu, c'est
la musique...
Ah oui. Entre autre, parce que il y avait l'ambiance aussi qui
était géniale. Même si les soirées autrefois... le
milieu free n'existait pas ou était très... moins
réputé qu'aujourd'hui. Donc la scène hardtek / hardcore
était loin d'être là. Donc c'était des
soirées... Les gens qui m'ont fait découvrir, ils mixaient trance
surtout. Donc des soirées où tu avais deux cent personnes, et
encore, avec énormément de décorations. Mais c'est proche
de la trance encore aujourd'hui. Des gens très décorés,
très festifs, très joyeux. Il y a de la communication entre les
gens, tu
passes tes soirées à discuter, il y a des
rencontres. Et c'est ça aussi qui m'a apporté. Et puis ce
coté de liberté où tu peux faire la fête sans... tu
peux faire ce que tu veux. Tu peux boire, comme prendre... Personne va te faire
de préjugés parce que... Et puis voilà, ce coté
où tu peux faire la fête sans que les gens ne te préjugent
parce que tu viens faire la fête. Toutes les personnes, tous les styles,
toutes les mentalités, donc voilà, ce n'est pas sélectif.
Tu veux rentrer en boîte, tu te faisais refuser parce que tu étais
habillé en basquets ou parce que tu n'avais pas la bonne tête.
Combien de fois où je me suis fait refuser l'entrée en
boîte parce que tu ne corresponds pas avec le type de clientèle
qui est attendue. Donc il n'y a aucune liberté, tout simplement. Donc,
tu arrives avec tes copains ou ton groupe d'amis en boîte et tu es le
pauvre con qui reste dehors parce qu'on te dit non. En teuf, c'est libre. C'est
l'esprit de la fête, tout simplement. Les gens ils viennent pour faire la
fête. Et ce qu'il y a encore actuellement et qui continue à
évoluer. Les personnes qui viennent dans les soirées c'est pour
ça qu'ils viennent aussi. Ça reste cet endroit où tu peux
faire la fête librement.
Et tout ce qui est Zone Autonome
Temporaire...
Genre un teknival ou une free-party ? Quand on a
commencé à faire nos premières soirées, moi j'ai
commencé avec [nom de groupe], ce n'était pas encore un Sound
System, c'était une bande d'amis où on avait quelques enceintes
et on posait genre un ou deux kilos de son. Et oui, on se faisait une zone
pendant le temps d'une nuit, on allait dans les bois, à
Bussac-forêt ou des trucs comme ça. Et voilà, mais bon les
soirées étaient plus petites, donc c'était plus
côté réunion entre potes. C'était des soirées
entre potes où tu connaissais presque tout le monde à chaque fois
vu que tu avais toujours une petite quantité de personnes. Il est vrai
que ça a énormément évolué au moment
où la scène hardtek a commencé à exploser et
à produire énormément de musique. Ça a pris une
ampleur beaucoup plus grande. Et là, oui, on peut parler de zone
autonome, parce que quand tu te retrouves avec plus de mille personnes qui
s'autogèrent... Deux cent personnes à gérer c'est facile,
quand tu as mille ou deux mille personnes à gérer pour les
organisateurs c'est ingérable. Et pourtant, ils arrivent à se
gérer. Pour moi, elle est là la zone d'autonomie. C'est par la
quantité de gens. Imagines deux milles personnes qui foutent un bordel
monstre, ça peut vite devenir un carreau. Voilà, moi je le vois
comme ça.
Pour toi, c'est quoi un teufeur ?
Ah. Alors un teufeur c'est quelqu'un qui, à travers son
état d'esprit et son type de musique
qu'il écoute... Enfin, c'est surtout une
identité par rapport à la techno ou aux musiques
électroniques en tout genres, que ce soit de l'électro, de la
trance, en passant par la house, par la hardtek, de la techno, hardtechno,
hardcore, acid... C'est une personne qui... Qui en plus, dans sa façon
de s'habiller... Un peu comme le mouvement hippie autrefois, c'était les
pantalons pattes d'eph, les colliers et les couleurs à tout va.
Voilà, c'est quelqu'un qui va s'habiller cool, et puis peut être
qu'au fond de lui il est aussi cool. Et puis qu'il écoute de la techno
ou pas aussi. Mais tout le monde est teufeur à ce moment là. On
peut dire que, indirectement, tu peux aller dans un concert et tu peux te
considérer aussi comme un teufeur. On a attribué le nom teufeur
par rapport aux teufs et aux gens qui y participaient, comme on pourrait dire
les festivalier finalement. Donc je... Après c'est média... Ce
n'est pas un effet de mode mais... C'est compliqué. Je ne peux pas te
définir en fait. C'est quelqu'un qui... Il transmet quelque chose, il
porte à travers lui, de la façon dont il communique. Et puis il a
quelque chose au fond de lui. Mais comme je disais, tout le monde est teufeur
aussi.
Et donc, est-ce qu'il y a différents types de
teufeurs ?
Ah ben comme il y a plusieurs types de personnes dans la vie.
Tout simplement. Tu peux avoir des bons comme des cons. Et malheureusement en
teuf, comme on s'autogère, comme les gens s'autogèrent, on ne
peut pas les surveiller. Donc, dans la vraie vie, tu auras des crevards qui
seront là pour te voler, te cambrioler, te casser tes véhicules
et tu auras de très bonnes personnes qui ont le coeur sur la main et qui
seront toujours là pour t'aider. Ça, c'est la vie. Chacun a sa
personnalité propre. Après, le mouvement, il est ouvert à
tout le monde, donc automatiquement il t'amènera... C'est comme si tu
vas dans un concert, n'importe quel concert. Pourquoi aller en boîte,
pourquoi aller dans un concert pour aller voir des bagarres. C'est pareil. Je
veux dire, tu verras aussi des bagarres de temps en temps... Moins, certes.
Mais tu auras toujours ce type de personne.
Toi, tu te définis comment par rapport à
ça ?
Comment je pourrais me définir en tant que teufeur...
Oui, j'ai été teufeur au début, comme tout le monde. Et
immédiatement quand j'ai connu le côté de la teuf, j'ai
tout de suite aussi connue le coté de la création, de la
façon de faire la musique. Tout de suite ce côté m'a
très intéressé. Parce que j'étais vraiment
tombé dedans quand j'étais petit et donc la techno, la musique
électronique j'en ai écouté. Donc je me suis trouvé
un peu dans les deux positions, autant du côté teufeur que
côté DJ amateur, et puis côté organisateur tout
doucement. Parce
qu'en fait, indirectement, les gens que j'ai rencontrés
organisaient de temps en temps des soirées. Et c'est vrai que tout de
suite, au bout d'à peine 6 mois, j'étais en train de mixer dans
mes premières soirées. Donc en fait, je me suis retrouvé
dans les deux positions, deux côté, acteur et spect-acteur.
Après, moi j'ai essayer de transmettre ce que moi aussi on m'avais
appris, c'est-à-dire l'esprit de la teuf. Faire la teuf sans se prendre
la tête, et puis essayer de faire découvrir aux nouveaux venus
qu'est-ce que c'est la teuf, que ce n'est pas un lieu où tu viens faire
n'importe quoi et que si t'es là pour te défoncer la gueule, ben
il y a des règles... des marques... des conditions de vie. Enfin, pas de
conditions de vie, des marques... Enfin, quelque chose à... Ah, un code
de conduite.
A quoi tu reconnais un teufeur ?
Par sa dégaine souvent, comme on disait tout à
l'heure. Pantalon large, ou pull avec des logos de tout, de tribe. Et puis
c'est vrai, de plus en plus avec la casquette. Alors ça, c'est typique
quand même. Le treillis aussi. Mais par rapport au style de musique
aussi, c'est toujours pareil. Chaque style de musique va emmener son style de
personnes. Tu vas dans les soirées trance, tout le monde est super bien
déguisé, très éclectique, très fluo. Tu vas
avoir des chapeaux dans tous les sens, des fringues... voilà. C'est la
trance. Tu vas en milieu hardcore, hardcore, là c'est treillis, capuche
et tout le monde est dans la vague du son sans communication, sans rien. Parce
qu'il y a très peu de communication, ils sont tous la tête dans
les caissons et ils n'en bougent plus.
En quoi on est différent, quand on est teufeur
?
Tu te sens différent... déjà par le fait
d'aller dans des endroits où les gens ont peur parce que
médiatiquement. Les médias mettent énormément de
répression dessus, et font peur à nos parents, à nos
grands-parents. Ce qui fait que pour eux, quand ils voient qu'une rave partie a
eu lieu et que tu te dis que t'y es allé et ce que les médias ont
dit, c'est pas du tout ça. Donc voilà, on en a une connaissance,
et on n'a pas peur de ce milieu non plus, de cet endroit où on va.
Où places-tu la limite entre teufeur et
non-teufeur ?
Il n'y a pas de limite, finalement. Après, si il y a une
limite parce qu'il y a le problème... En fait, on en revient
toujours... De toute façon, il y aura toujours ce problème de
médiatisation, qui est horrible. Et le côté non teufeur,
tu vois, c'est par exemple quand tu as un teknival, les
médias s'empressent d'annoncer au petit écran
qu'il y a un teknival par ici. Et là forcément tu as des
visiteurs, et dans ces gens là, tu as des teufeurs qui étaient
déjà au courant, d'autres qui n'étaient pas du tout au
courant et qui... « Ah, ben tiens, il y a un teknival. Ah, ben c'est
à côté, on est à deux heures de route, on y va.
» Mais tu as tous ces gens qui viennent là comme ils iraient dans
un zoo. Eux, ils n'ont rien à foutre là, parce que...
voilà. Mais c'est partout pareil. Alors, les gens ils viennent là
avec les enfants et : « Oh, regarde celui là, là-bas !
» Comme si on était des freaks. Mais c'est parce que les
médias ont tellement appuyé, ont tellement fait de mal qu'on est
mal vus maintenant. Quand les gens viennent discuter avec toi, ou avec nous,
ils se rendent compte qu'on n'est pas des lobotomisés de la musique,
qu'on arrive à tenir des discussions sérieuses, ou qu'on a un
emploi, ou qu'on fait des études. On est comme leurs enfants ou comme
eux ils ont été. Mais c'est par la communication que l'on arrive
à leur faire comprendre qui on est. Par contre, si tu laisses parler les
médias, c'est eux qui boufferont tout. Mais comme ils ont toujours fait,
que ce soit avec la techno ou que ce soit pour d'autres affaires. Quand ils s'y
mettent les gars, ce n'est pas pour faire de la pub. Des fois, c'est même
de la casse, de la désinformation. Ils vont raconter des mythos. Et dans
l'ensemble, les gens qu'est-ce qu'ils en retiennent ? Pour eux, c'est les
médias qui disent la vérité. Donc oui, sur des coups comme
ça, t'en retrouve des non teufeurs, c'est sur. Après, on ne peut
pas dire que c'est parce que tu écoutes... T'écoutes pas de la
techno, ben t'es pas un teufeur ! Non. Tant que... Ben aussi, être
teufeur, c'est faire la fête, et sans se prendre la tête. Donc on
retrouve aussi... Il y a beaucoup de choses. Il y a des endroits où,
encore une fois de plus, les gens ils viennent et ils s'en foutent. Ils
viennent faire la fête, c'est tout ce qu'ils demandent. Ils ne veulent
pas se faire prendre la tête et ils savent que personne ne va leur
prendre la tête aussi. Ou c'est rare. C'est très rare, sur une
quantité de gens, ou sur une
quantité de teufs que j'ai pu effectuer, c'est rare
quand même de voir des débordements oütout part en
vrille. Et par contre, tu vois ça en teknival. Comme quoi, il y a
quelque chose qui
fait qu'il y a bien des gens qui n'ont rien à foutre
là. Forcément, puisque c'est les médias qui nous les
ramènent. Ce n'est pas comme s'ils ont trouvé l'info tous seuls.
C'est bête, mais ils ne le savent pas. Ils ne sont pas sur les sites ou
ils n'ont pas les infos par des potes qui sont dedans, les fly qui trainent.
Est-ce que tu as l'impression que les gens te jugent
?
Non, pas du tout. Au contraire, c'est un endroit où,
comme je disais tout à l'heure comme quoi les gens te jugeaient pour
l'entrée en boîte. Alors que là, tu viens, personne viens
te faire chier. Les gens ils s'en foutent. Par contre, ils vont discuter
avec toi sans problème. Mais si tu
ne les aborde pas, eux ils sont de leur côté avec
leurs potes ou toi t'es avec tes potes ou t'es tout seul. Voilà,
l'idéologie principale c'est d'être dans un endroit où on
ne te jugera pas, parce que t'es black, parce que t'es chinois, parce que t'es
un nain, parce que t'es handicapé, parce que tu as un handicap physique.
Il n'y a pas de jugement.
Et en dehors de la teuf ?
Ah, ben là si, tu vois. Voilà, la vie de tous
les jours. Et là, tout de suite tu revois que dans une zone de... Mais
alors là, c'est là où tu te dis : « Quel est le
meilleur des mondes ? Est-ce que c'est la teuf ou est-ce que c'est le monde
où l'on est ? » Alors des fois, tu te dis que tu
préférerais être en teuf parce qu'on ne te juge pas. Alors
que dans la vie on te juge très facilement. Et rien que d'un regard, on
est capable de te juger. Comme on disait tout à l'heure par rapport
à des parents, des familles qui viennent sur un teknival et qui disent
à leurs enfants : « Tiens, mon fils, regarde ceux-là ! C'est
des teufeurs ! ». Encore une fois, on te juge. Mais on juge trop
facilement sans connaître les gens, ou sans connaître ce qu'ils ont
sur le coeur. Donc, là par contre, dans l'univers de la teuf, tu n'as
aucun jugement.
Est-ce que tu penses que tous les teufeurs sont vus de la
même manière ?
Non, pas du tout. Parce que c'est comme tous les gens dans la
vie. Mais on retiendra toujours... C'est une minorité qui fait la
majorité. Donc, le problème c'est que si tu as, dans un lot de
teufeurs, tu as des cons que tu retrouves dans la vie de tous les jours et qui
le sont tout le temps, malheureusement c'est eux que l'on retiendra. Et ce ne
sont pas les bonnes personnes qui seront retenues. Et quand tu vois ce qui est
le plus médiatisé... Parce qu'en teuf tu les vois rarement
finalement les médias, tu les vois en teknival parce que c'est bien pour
eux. Et qui c'est qu'ils vont aller interviewer ? Ah, ce ne sont pas
forcément les meilleurs ! Et tout de suite... On le sait. Il faut quand
même être réaliste et ouvrir les yeux. Toute musique
amène ses drogues. La techno amène ses drogues, mais il est vrai
que le trafic est plus libre ou plus ouvert. Donc, forcément, on le voit
plus facilement. Et les médias, qu'est-ce qu'ils font ? Ils ne vont pas
aller prendre des Sound Systems pour discuter, ils vont aller prendre des bons
arrachés... Enfin, des bons arrachés... des personnes qui
consomment. Et qu'est-ce qu'ils vont leur poser comme questions ? Ce sont des
questions piège. Est-ce que vous trouvez des produits ? Qu'est-ce que
vous consommez ? Et au TF1 du soir, qu'est-ce que tu vois ? Ben, c'est eux, pam
! Donc là, il n'y a pas à tortiller, l'image que l'on va retenir
encore une fois, c'est qu'on est des drogués. Pour la plupart des gens,
à cause d'une minorité. A cause de deux
personnes, tu en as deux mille, ou quinze ou cinquante mille
personnes qui sont tous des drogués. Alors que non. Je suis
désolé, mais tu as quand même des gens qui vivent par la
musique et non par les drogues qui y sont. Tu n'as pas besoin de boire ou de te
droguer pour aimer quelque chose. Comme dans la vie, je ne sais pas, tu es en
couple, tu ne vas pas te défoncer pour aimer ton compagnon, parce que
sinon tu ne t'en sortirais plus !
A quelle fréquence vas-tu en teuf ? Maintenant et
avant...
Avant, j'y étais quand même très
régulièrement. Tous les quinze jours, trois semaines, dès
qu'il y avait... Parce qu'autrefois il y avait moins de soirées et
surtout moins de Sound Systems. Au jour d'aujourd'hui, il y a tellement de
Sound System que finalement tu te retrouves à faire des
soirées... Il y a des soirées tout le temps, tout le temps, tout
le temps. Tous les weekends, tu as des trucs. Alors, tu as de tout et de rien.
Donc, il est vrai que avant tu allais un peu à tout pour te donner une
idée. Et maintenant, au lieu d'aller à tout, tu
sélectionnes. Comme un concert où tu as envie de voir quelqu'un
en particulier, tu vas le voir. Donc c'est pareil. Et il est vrai que
maintenant je sors moins. Mais bon, c'est l'âge aussi. J'ai
commencé mes premières teufs tard pour mon âge. J'ai 32
ans, j'ai commencé j'en avais 17. Donc, ça va faire quinze ans
que je fais des teufs... Et puis maintenant, le fait d'être papa aussi,
on sort toujours un peu moins aussi. Et puis finalement, il y a de moins en
moins de soirées très intéressantes. Moi, les Sound
Systems... Il y a de très bonnes personnes qui mixent, hein, ce n'est
pas la question. Mais finalement, je préfère sortir et me faire
plaisir, devant une bonne façade, ou devant des trucs
intéressants avec des gens qui se cassent le cul à faire de la
déco, à mettre des enceintes qui tiennent la route, que de
m'enquiller des enceintes de chaînes Hifi et des caissons de voiture pour
faire une façade qui ne ressemble à rien. Ben voilà, je
préfère sélectionner. Et puis le temps aussi. Autrefois,
on sortait en plein hiver, on n'avait pas peur. On prenait sa bouteille de rhum
ou sa bouteille de whisky, ou sa bouteille de vodka, ou de gin, ou ce que tu
veux ou tes bières. Tu bois et puis tu viens avec nous. Ce n'est pas que
maintenant, quand il fait -4 dehors... On est bien au chaud quand même
ici à passer des soirées entre amis, ou à écouter
de la musique entre potes sans forcément aller en teuf. Et puis,
forcément, la répression policière aussi qui fait que de
plus en plus...En plus au jour d'aujourd'hui où, maintenant si tu as le
malheur de fumer rien qu'un joint ou tu consommes de l'alcool, tu es encore
plus facilement contrôlable qu'autrefois. Vu qu'elles sont plus
facilement trouvables les soirées pour les flics. A cause, là
aussi, de l'ampleur que ça à pris. Autrefois, tu faisais une
soirée avec 2 kilos, tu avais deux ou trois cent personnes avec 2 kilos,
ils étaient tout fous. Maintenant, tu fais une soirée avec 2
kilos, tu n'as personne. Parce qu'il
faut qu'automatiquement tu ais 20 ou 30 kilos pour que les gens
viennent. Sinon, ce n'est pas intéressant.
Est-ce que tu fais partie d'un Sound System ?
Ah oui ! Ah, j'ai fait partie de plusieurs Sound Systems. J'ai
commencé... Donc quand j'ai commencé à comprendre, quand
j'ai rencontré cette personne qui m'a montré comment on faisait
de la techno finalement. Donc, il y a des disques que l'on pouvait acheter dans
le commerce et que ça se mixait. Donc, là j'ai commencé
par de l'acid-trance à l'époque. Donc très,
très mélodique et des sons un peu anglais. Après, je suis
vite passé sur l'acid-techno, l'acid-tek.
Après, donc là c'était un groupe qui s'appelait... On
était très peu, mais bon on a fait quelques soirées
intéressantes. On a fait la Techno Parade. On a fait deux Techno
Parades. Les deux premières Techno Parades, la 98 et 99. Qui
étaient énormes, c'était impressionnant. Donc on a
posé notre char avec une association de Nantes, qui s'appelait Check
Point à l'époque et qui était une infoline de
soirées, qui regroupait donc les soirées sur un serveur
téléphonique. Et donc moi j'étais bénévole
pour eux, je travaillais pour eux. Donc on a pu faire ces soirées. Et
après, le groupe s'est disloqué, s'est dissout. Donc
après, moi j'ai monté le Stand Family, mais ça n'a pas
duré longtemps parce qu'on était que deux. Et le collègue
m'a abandonné en cours de route. Donc, on a fait une soirée et la
deuxième soirée, je me suis retrouvé tout seul à la
gérer, à tout organiser tout seul. Donc, là, ça
devenait très compliqué parce qu'en logistique et tout ça
devenait très hard. Et puis c'est là aussi où...
c'était la première amande à 135 euros parce qu'on
s'était installés dans un chemin forestier. Ça a un peu
refroidit l'histoire. Et en même temps, je connaissais des personnes qui
tenaient une boutique, qui s'appelait donc Paranorm à Bordeaux et qui
eux faisaient des soirées sous le nom d'Arakneed. Et puis de fil en
aiguille, à force de se connaitre, de passer à la boutique, de
boire un coup avec eux, de leur parler de mes soirées. Par obstination
tout simplement, au bout d'un certain nombre de temps, ils m'ont proposé
de rentrer, par la qualité de mix que j'avais, de rentrer chez eux. Et
donc là c'est vrai que ça a été un peu aussi un
tremplin, encore plus pour moi. D'avoir un nom déjà, parce
qu'avant ce n'était pas non plus... Et puis, de fil en aiguille, tu fais
avancer, tu apportes du tien dans un groupe, tes idées. Tes idées
surtout. C'est énorme en fait. Ce sont les idées de chacun qui
font que tu fais évoluer quelque chose, une passion, dans quelque chose
de concret. Là, tu n'es plus isolé, tout seul. Tout seul, tu ne
peux rien faire. Même avec toute la motivation du monde que tu peux
avoir, tout seul tu n'es pas capable de faire des trucs comme ça. Un
groupe, si. Parce qu'un groupe, il se donne la motivation. Et puis chacun se
donne des taches particulières. Et en avant Guingamp ! Donc,
ça fait depuis 2002 que je suis chez Arakneed. Que je suis
rentré chez eux officiellement, voilà. Officieusement, ça
fait plus longtemps.
Et à quelle fréquence vous organisez des
teufs ?
Alors, on en organisait, à l'époque, avant 2000,
avant que la loi Mariani ne soit votée qui a empêché tout
rassemblement de plus de 500 personnes à caractère festif sans
déclaration préalable auprès de la préfecture. Mais
ça, tout le monde le connait ce texte de loi. Et là, oui, on
faisait des soirées à raison de tous les quinze jours, trois
semaines, voire tous les mois. Et que ce soit en hiver, en été.
On les faisait en extérieur en été puisque c'est plus
facile d'aller dehors. Et en hivers, on trouvait des salles comme les
Chartrons, le Nautilus qui existait à l'époque et qui
était un club à Bordeaux, ou le 4 sans, ou le CAT, ou le Parc des
Expositions en collaboration avec d'autres personnes. Et puis au fur et
à mesure aussi, tu ralentis les fréquences parce que tu vois
qu'on a certes tous une passion qui nous tient à coeur mais on voit
aussi tu as la hache ou la matraque de la justice qui est présente. Et
que oui, quand on organise, c'est super bien, pour les gens, pour les teufeurs,
mais par contre pour toi par contre tu peux vite te retrouver dans des emmerdes
monstres avec des peines de prison, ou de très grosses amandes, ou des
saisies matériel qui peuvent durer très longtemps. Et tout
ça, ça te remet en question. Parce que oui, on a une passion,
mais on n'aimerai pas non plus... On peut prendre des risques, mais pas aller
en prison non plus pour une organisation de soirée. Ce n'est pas le but
non plus. On n'est pas des délinquants non plus. Ce n'est pas parce
qu'on fait de la musique que l'on est des délinquants. Donc, il arrive
un moment où, avec l'âge aussi, tu réfléchis. Mais
tu te dis, je ne vais pas finir mort, ou je ne vais pas aller en prison pour
l'organisation d'une soirée. Donc, ça te fait
réfléchir encore plus. Tout doucement, en hiver il fait froid,
donc tu restes au chaud et tu organise moins de soirées. Tu le fais
l'été. Ça passe encore une année, puis une
deuxième année, puis une troisième année, et puis
tout d'un coup tu subi la première saisie. Et déjà,
là, ça te met un grand blanc dans le doute. Parce que tu rentres,
et au lien d'avoir dans le bâtiment que l'on a qui nous permet de stocker
le matériel... Tu reviens de ta soirée, il n'y a rien. Là
tu prends un tir, hein, c'est un coup de douze, c'est un coup de masse. Et
encore une fois, ça te fait réfléchir. Mais la passion
continue encore à évoluer et fait que l'on va se battre pour
re-récupérer notre matériel. La justice va nous demander
des choses, on va y répondre. A partir de là... Quand tu as
récupéré le son, t'es bien content de l'avoir
récupéré mais tu te dis : « Bon, on va rester
discrets pendant un temps. » Alors tu vas repartir que les quelques plans
en club que l'on a. Parce qu'on a que ça, malheureusement, et
heureusement. Et on va continuer à faire des teufs mais avec encore
moins de... On fera moins de teufs... Enfin, on organisera
moins de soirée. Par contre, on organisera de grosses soirées. Au
lieu de faire plein de petites soirées, on fera deux
événementielles, ou peut-être trois
événementielles. Par contre, ce sera des trucs où les gens
ils s'en rappelleront parce qu'on aura investit. Au lieu d'investir plein de
petits moyens, on investira de gros moyens parce qu'on aura une logistique
encore plus réfléchie qu'avant, parce qu'on aura des taches
particulières à chacun. Et donc demain, pour l'organisation du
Multi-sons, nous auront une réunion. Tout le crew est dans l'obligation
d'être présent de façon à ce qu'on mette toute les
choses au clair. Alors que quand on fait des soirées, on arrive des fois
on a du mal à faire réunir le groupe. Donc, rien que là,
parce qu'on passe à une étape supérieure, on sait que oui
on va s'amuser, mais que finalement on ne va pas s'amuser spécialement,
parce que l'on va avoir beaucoup à gérer et qu'on va avoir plus
à gérer qu'à s'amuser. Bon, on pourra mixer, ce qui va
nous permettre de nous lâcher pendant une heure et demie ou deux heures.
Ou au moins pendant une journée en mixant un peu à droite et
à gauche. Mais par contre, je pense que les gens s'en rappelleront, et
comme toutes les soirées que l'on a organisées ces derniers
temps... Au début c'était des petites soirées, et puis
finalement, de fil en aiguille on s'est retrouvés à faire de
grosses soirées en mettant des moyens de fous, en faisant venir des
graffeurs, en mettant à disposition des murs ou des planches pour qu'ils
graffent, un funambule, du spectacle, des cracheurs de feu, des jeux et
lumières que l'on a loués. Au lieu de louer deux stroboscopes qui
vont clignoter, on va louer des trucs colorés, des lumières
encore plus développées qui font que les gens ils arrivent, pah !
Ils en prennent plein les yeux. Mais par contre, ils en prennent plein les
oreilles, plein les yeux, mais celle-là, ils s'en rappellent. Donc, au
lieu d'en faire dix où tu ne t'en rappelles pas une, tu en fais une, et
ils s'en rappelleront.
Est-ce que tu as un boulot ?
Oui. Heureusement, parce que sinon... J'étais parti
pendant un temps, quand j'ai commencé à mixer. C'était un
grand dilemme avec les parents où - parce que j'étais
hébergé chez eux quand même - où je leur ai dit
voilà : « Moi la musique, j'en gagnerai ma vie. » Alors, je
faisais des autoproductions, comme on a tous fait. Tu avais des cassettes, tu
enregistrais, sur un minidisque moi à l'époque. Et puis ce
minidisque, il passait sur une chaine Hifi. La chaine Hifi enregistrait sur une
cassette. Et alors là, tu enregistrais des cassettes, des cassettes, des
cassettes... Pendant des journées complètes, t'enregistrais tes
cassettes. Et puis tu allais voir l'imprimeur avec ton ordinateur à
l'époque, et avec quelques bases avec Photoshop et encore... Tu faisais
tes petites jaquettes en essayant les effets divers de l'imagerie. Et puis,
Oh, ça pète, un peu de couleur, un peu un effet
négatif. Ouais. Allez, tu écrivais ton nom. Et puis tu allais
voir l'imprimeur. Et avec ton ciseau ou ton cutter chez toi, tu
découpais. Après voilà, être DJ et gagner de
l'argent, il faudrait s'appeler Carl Cox ou des noms comme ça.
Après, moi je ne fais pas non plus de la musique pour l'argent. Donc,
arrivé un moment, il a fallu faire un choix aussi. Voyant que ça
ne fait pas vivre, et que si il y a éventualité que l'on te donne
un cachet en soirée parce qu'on te fait jouer et que la soirée
est payante... Donc c'est un peu normal que si quelqu'un fait une soirée
payante, il se fait un peu d'argent sur ton dos, donc tu peux lui demander
quelque chose. Et prendre 80 euros pour une soirée, finalement c'est
rien. Les 80 euros, ou 500 francs peut-être à l'époque, tu
vas mettre 20 ou 30 euros de gazole dans ton véhicule pour y aller. Il
ne va plus te rester que 30 ou 40 euros. Tu vas boire deux ou trois coups, tu
vas t'amuser avec tes amis. Ben voilà, c'est fini. Je veux dire, tu as
acheté ton pack de bières ou ta bouteille de vin ou de vodka ou
de ce que tu veux. Ben ça y est, finalement, tu les as
dépensés. Donc non, je n'ai jamais fait ça pour l'argent.
Et finalement j'ai été obligé de continuer... Puisque
j'avais arrêté mes études. Et ben de me dire, il va falloir
que tu te trouves quelque chose à faire. Donc, oui, là je
travaille dans une société de communications, tout ce qui est
télécoms, donc tout ce qui est fibre optique, réseau
informatique et tout le tralala. Parce qu'il n'y a que ça qui me permet,
au jour d'aujourd'hui, de faire vivre mon foyer, ou d'essayer en tous cas. Et
puis les soirées, si tu peux te faire toujours un petit cachet, ben
c'est un petit plus, ça fait toujours plaisir. Mais bon, comme j'ai dit,
je ne fais pas ça pour l'argent. Je ne fais pas ça pour
l'argent.
Est-ce que c'est le boulot qui te permet d'aller en
teuf ou la teuf qui te permet de t'évader du boulot ?
C'est plutôt la teuf qui te permet de t'évader du
boulot. Après, le boulot te permet d'aller en teuf aussi parce que c'est
un cercle vicieux. Parce que sans argent... Malheureusement, on vit dans une
société où l'argent est omniprésent et quand tu es
dans le besoin tu ne peux pas aller... Tu es obligé de... Si tu veux
faire rouler un véhicule pour aller t'amuser, ne plus penser à
ton boulot, tu es quand même obligé d'avoir un peu d'argent
derrière. Cet argent, il faut bien qu'il arrive de quelque part. Donc,
du boulot. Si t'es réglo, c'est du boulot.
Est-ce que tu es plutôt teuf ou teknival
?
Ah, je suis plutôt teuf. Teknival, ça ne rime
à rien. C'est... Il y a trop de gens qui n'ont rien à foutre
là, encore une fois de plus. Et dans ces gens là, c'est eux qu'on
retient le plus. Ceux qui
n'ont aucun respect. Ils n'ont même plus de respect...
Ils en arrivent à ne même plus avoir de respect pour les Sound
Systems. Et même si en teuf on arrive à avoir aussi ce genre de
mentalité. Des gens qui... Tu leur demandes une donation, parce que
c'est free party, toi tu prends des risques, il y a des choses que tu mets en
oeuvre. Donc, tu demandes juste à récupérer la location du
groupe électrogène, du gazole aussi. Au moins pour
récupérer, encore une fois, tu ne fais pas ça pour
l'argent. Et quand on voit des crevards à la donation qui sont cinq dans
une voiture et qui ont du mal à te donner 15 centimes pour 5 personnes,
pour une voiture. Ça fait mal parce que tu te dis que tu t'investis pour
des gens qui n'en valent pas la peine. Et eux, en réponse, ils te disent
qu'ils s'en foutent de ta soirée, qu'ils sont juste là pour venir
chercher leur défonce et puis se casser. Donc finalement, quand tu as
ça en face de toi, je te jure que tu as envie de les tarter. Parce
qu'ils n'ont pas l'esprit ou parce que personne ne leur a expliqué, leur
a montré ce que c'était la teuf. Et sans dire qu'il faut donner
20 euros à la donation non plus. Mais un peu de respect pour les gens
qui se cassent le cul à faire que les gens viennent s'amuser.
Quel est ton rôle dans le Sound System
?
Moi je suis... Je fais un peu tout. La logistique au niveau
des camions, la location parce que j'ai des contacts, ce qui me permet de faire
des locations surtout pour des groupes électrogènes. Parce que
c'est pareil, autrefois, on travaillait avec des groupes
électrogènes de 2 kilos, ça allait très bien.
Maintenant, on en est rendu à des groupes de 60 kilos, donc au niveau
logistique, il faut des camions pour les transporter, il faut des permis
spéciaux pour les transporter. Il faut un permis poids lourds, parce que
ton véhicule pèse plus de 3,5 tonnes. Et toute charge
supérieure à 750 kilos est soumise à un permis E. Donc
ça, c'est moi qui m'en occupe. Je suis électricien, étant
donné que je travaille un peu dans les télécoms où
on travaille beaucoup l'électricité. Donc je fais
l'électricien, et l'éclairagiste aussi. Et puis après,
comme on est un groupe, c'est aider... Tu décharges, tu montes, tu
donnes ton avis pour la disposition du matos. Chacun y met du sien, on est un
groupe, on est uni. C'est ce qui a toujours fait notre force. On a toujours
été unis, on n'a jamais voulu faire rentrer d'autres personnes
dans le groupe. Alors on peut nous dire... On peut penser ce qu'on veut de
nous. On est un groupe très fermé, mais à la base on est
une bande d'amis. Et après, on a des gens autour de nous qui gravitent,
d'autres gens que l'on connait. Mais le groupe en lui-même n'a jamais
évolué. Et ce qui fait que peut-être, au jour
d'aujourd'hui, on en est encore là, parce qu'on reste des amis avant
tout qui avaient une passion c'était la musique. La musique nous a fait
nous rencontrer et a fait que l'on a pu donner ce qu'on donne au jour
d'aujourd'hui, toutes
ces soirées qui ont été organisées
à l'époque.
Est-ce que tu te sens utile à ton groupe et au
reste de la communauté ?
Oui, comme tous. Chacun apporte du sien. Chacun apporte sa
pierre à l'édifice. Quand il y en manque un, on s'en rend compte,
parce qu'il y a des choses, des idées... Il a quelque chose qui fera
qu'il manquera quelque chose. Pas forcément la personne, mais d'autres
idées. Mais même la main-d'oeuvre à un moment donné
aussi. Parce que tu as l'utilité d'une personne, autant pour donner le
coup de main pour l'animation, autant pour la sécurité,
surveiller un peu aussi de temps en temps. Parce que ce n'est pas que, mais on
surveille quand même un peu ce qu'il se passe. Surveiller le son, parce
que tu vas avoir des DJ qui ne font pas partie du crew, qui ne connaissent pas
notre système. Tout le monde mixe à sa sauce, et donc quelqu'un
qui ne respecte pas les règles sur une table de mixage. Quand on lui dit
c'est le rouge, ben c'est le rouge. Et quand nous on règle le
matériel pour que le rouge ce soit critique, et que eux ils continuent
sur le rouge parce qu'ils n'ont rien compris sur la gestion du son. Donc si tu
as quelqu'un qui arrive et qui se croit chez lui et qu'il mixe tout à
fond, ce n'est pas 1 kilo qui va casser mais c'est 20 kilos. La
sécurité des filles pour le bar aussi, parce qu'il y a toujours
des bolosses, c'est des boulets qui sont toujours là à leur
prendre la gueule. Alors, c'est vrai que l'on met plus facilement les filles au
bar, c'est commercial. Donc, sans être là, on est toujours
là à surveiller. Et puis gérer
l'électricité. Quand on a une panne électrique, il faut
intervenir très rapidement. Il faut être réactif. Si tu
n'es pas réactif, ça va t'amener où ? Tu risques de
provoquer un échec de ta soirée. Les gens, ils vont repartir de
ta soirée très déçus parce que tu n'aura rien qui a
fonctionné. Donc là, on est là. Donc, tout le monde a son
édifice. Donc quand il manque quelqu'un, on peut le ressentir aussi.
Donc, j'ai mon utilité dans le groupe partout, dans toute action, dans
les choix que l'on fait, tout ce qui est organisation, on donne nos avis,
qu'est-ce qu'on en pense, ce qui ne va pas, ou ce qui pourrait ne pas aller,
qu'est-ce qui pourrait aller. Voilà, à partir de là, on
fait des synthèses. C'est là que servent les réunions
aussi. On arrive à faire, de temps en temps entre nous, quand on fait
des événements, pour faire aussi que l'on ne soit pas surpris.
C'est du carré. On arrive, en fait on a plus de surprises à se
dire : « Tiens, il nous manque ça. ». Ou au dernier moment :
« Oh, putain, tu as oublié ça ! ». Obligé de
courir partout, d'appeler les potes pour demander d'ils peuvent nous
dépanner ça, ça ou ça. Nous habituellement, on
arrive et tout est carré en fait. C'est comme ça. C'est une
petite entreprise en fait. On t'envoie sur un chantier, tu sais ce que tu as
à faire, nous c'est pareil. On sait que quand on y va, il faut faire
ça. On va se poser là, on va décharger, on va monter,
mettre les palettes, monter, sangler. Alors il y en a... Par exemple,
moi je m'occupe souvent des lumières. Parce que je fais
l'électricité et les lumières ça va souvent avec
l'électricité. Donc qui dit les lumières, c'est installer
le pont qui va nous permettre d'installer les lumières à 4 ou 5
mètres de haut. Donc, ça, c'est la mise en place. C'est
très lourd. Et puis, il faut le disposer, le monter, assembler entre
elles les barres, sécuriser, mettre les barres sur le portique,
installer les lights... En plus, tu travailles au sol. Donc il faut que tu ais
une vue d'ensemble de plus tard. Et donc là, tu fais tous tes
câblages électriques. Et une fois que le pont est en haut, si
ça ne te plait pas, tu ne vas pas redescendre le pont ou...
éventuellement peut-être, mais une fois qu'il est monté, il
est monté habituellement. Donc, tu n'y touches plus. Et puis d'autres,
ils vont installer les enceintes. D'autres ils vont sangler parce qu'ils sont
chauffeurs poids lourd donc les sangles ça ne leur fait pas peur, parce
que c'est un peu lourd aussi. Donc, ils vont sangler les enceintes entre elles
pour ne pas que ça bouge ou pour ne pas que quelqu'un prenne une
enceinte sur la tête. Et d'autres qui vont monter la tente que l'on a
pour le bar ou pour mettre les platines dessous. L'autre, il va monter les
platines, l'autre il va faire les branchements du son. Moi je vais faire les
branchements électriques. Tout le monde... C'est très
carré en fait. C'est comme une fourmilière. Chacun sa place, ce
qui fait que ça avance tout seul. Personne ne vient te dire : «
Qu'est-ce que je fais ? Qu'est-ce que je fais ? ». Tout le monde sait ce
qu'il a à faire, tout simplement. Ça fait longtemps que l'on fait
ça ensemble aussi. C'est très solidaire, ce qui fait que
maintenant on n'a plus de surprises. On sait que si on dit demain on
organise... Ok. On n'a pas besoin de dire : « Toi, tu vas t'occuper de
ça. Toi, de ça. ». Tout le monde arrive, instinctivement,
chacun a sa place. Et même si, il fait un truc et il fini avant tout le
monde, il va aller voir son collègue d'à coté lui demander
s'il a besoin d'un coup de main. Ou il va avoir des câbles à
dérouler ou à mettre sous terre pour éviter que les gens
ne s'entravent dedans. Ou faire de la déco, tout simplement. On a
très peu de déco, mais bon, on en a un petit peu. Accrocher une
tenture, mettre un drapeau, installer un filet de camouflage, mettre une
guirlande électrique, mettre de la lumière au bar... Il a
toujours une tache en fait. Il y a toujours quelque chose à faire et
chacun est autonome dans ses démarches.
Quelle est l'importance de la musique au moment de la
teuf ?
Ah, énorme. Elle est énorme parce que c'est elle
qui fera la finalité de ta soirée et l'ambiance aussi que tu vas
apporter. Et il est vrai que... Enfin, je ne sais pas... Le fait d'être
acteur, tu ne t'en rends pas compte quand tu es spect-acteur, de ce qui se
passe. Mais apparemment, toutes les soirées que l'on a
organisées, les gens ont toujours été très
satisfaits des prestations qu'on leur propose. Parce qu'on y met beaucoup de
moyens et en plus au niveau de la musique, on
est très éclectiques dans les styles de musiques
que l'on a et donc dans les évolutions sonores que l'on a. On ne
commence pas hardcore, on ne finit pas hardcore. On peut
commencer break-beat, passer à de la techno, passer à de
la hard-techno, à de la hardtek, hardcore
pour redescendre sur des musiques de drum&bass* ou... Donc la
musique a une importance, c'est elle je pense qui fera que les gens se
rappelleront de la soirée.
Toi, quel style tu préfères ?
Moi, ça fait des années que... Comme je te
disais, j'ai commencé acid-trance, acid-tek. Ensuite,
un problème auquel j'ai été confronté pour
l'acid-tek, on m'a volé un sac une fois, donc il me manque
beaucoup de disques. Et pour retrouver ces disques, c'est très
compliqué. Et en plus, c'était une période où
l'acid se faisait de moins en moins et où la hardtek
était omniprésente. Et comme j'avais déjà un set
hardtek, mais que l'on m'a volé aussi dans l'histoire, parce
que le mec il s'est barré avec mon sac à skeuds, il
s'est barré avec une centaine de disques. Donc, j'ai eu du mal à
m'en remettre aussi, parce que tu ne repars pas loin d'à zéro
aussi. J'ai failli tout arrêter, dans le dégout de voir des
crevards faire ça. En plus, c'était en back-stage, donc
c'est des gens qui avaient accès derrière qui ont volé le
sac. Et puis non, j'ai continué, et je suis resté hardtek. J'ai
évolué hardtek. Même si j'ai des styles qui me plairaient
bien à jouer de temps en temps, mais je continue hardtek. Et je
pense que je suis devenu... Je me fais énormément plaisir avec la
hardtek, j'ai une liberté d'expression avec et je reste
purement hardtek, c'est mon petit truc à moi ça, c'est
mon dada.
Dans quel état ça te met la musique
?
En transe. Quand elle est bonne, elle te met en transe. Et tu
n'as besoin de rien d'autre pour te mettre en transe. Quand tu as les poils de
la dorsale qui s'hérissent ou que tu as les poils du bras qui se mettent
tous droits parce que tu as un son, une mélodie qui te plait. Pouah, il
n'y a rien à... C'est indescriptible, la musique. Et pas danser des
heures, pas devant un mur de son, parce que je n'ai jamais trop dansé.
Enfin, pas des heures, danser devant un DJ ouais pourquoi pas, ou un live, mais
pas toute une nuit, ça c'est sûr. Voilà, ça fait que
pour moi, la musique, il n'y a rien de mieux. Je n'écoute que...
énormément de musiques électroniques. Ça, ça
n'a pas trop changé depuis ma tendre enfance. C'est ma drogue pour moi.
C'est mon carburant. J'avance à ça. Dans tous les
véhicules, c'est toujours de la teck, de la musique
électronique. Dans le camion de ma boîte, c'est teck.
Partout, partout, partout j'écoute de la teck. Pendant les
vendanges, tu travailles avec ton téléphone, tu enregistres un
set, t'écoutes ta teck ! Voilà,
pour moi, il n'y a que ça. Quand tu écoutes la
daube commerciale qu'il a à la radio... Bon, par contre, j'ai
été très longtemps fermé sur les autres styles de
musiques. C'est marrant parce qu'en fait en même temps aussi
c'était, si je peux comparer la techno et le rock par exemple, ou le
hard-rock peu importe, j'allais sur un concert, une soirée où tu
balances du rock, tu vas avoir 1000 watts de musique rock. Et ben, rien que
1000 watts, ça me cassait les oreilles, mais c'est horrible, horrible,
tellement dans les aigus. Et la musique électronique, 1000 watts, t'es
là, pfff. Et tu peux en avoir 10 000 watts, 20 000 watts, 50 000 watts,
ah ben non, ça te... Ce n'est pas pareil. Et je suis encore
focalisé sur ce truc. Si je ne m'abuse, le seul concert que j'ai fait,
c'est Reggae Sun Ska, et encore j'étais invité et je suis
très vite ressorti sur le parking. Et si, le seul concert que j'ai fait,
depuis tout ça, c'était Groundation, c'était du
dub. Et c'était le seul concert de musique que j'ai fait de ma
vie, et c'est où encore c'est arrivé à passer parce que
encore il y a des instruments électroniques et tout le tralala. J'aime
bien, par contre, découvrir. Quelqu'un qui me dit écoutes
ça. Je vais écouter, sans problèmes. Et j'en fais ma
critique moi-même. Alors, je n'écoute pas tout seul, parce que je
n'ai pas forcément de connaissances musicales. Mais, par contre, si on
me fait découvrir, il n'y a pas de soucis. Au contraire, j'aime bien
découvrir, et voir... Après, je peux en faire ma critique aussi.
Ou prendre des idées, des sonorités, des ambiances, des
atmosphères. Et faire avancer encore dans l'état d'esprit du mix
de la musique que je diffuse. Ou dans la façon de mixer. Parce que c'est
bien de mixer, mais tu as quand même ton coeur qui parle, tu racontes
quelque chose, tu as une histoire, quelque chose. Et ça, le fait des
fois d'écouter d'autres types de musique, ça te permet d'ouvrir
une autre case dans ton esprit et d'aller chercher... Donc, tu as
écouté ça, ça t'as donné ça comme
idée. Et après, quand je mixe moi, je travaille beaucoup chez
moi, peut être que je vais être tenté de tracer des
délires comme j'ai écouté. Et voilà.
Est-ce que la transe en teuf, tu penses que ce n'est
que la musique ou il y a aussi le contexte ?
Non, la musique toute seule. Parce que je peux être
derrière, chez moi ou derrière mon poste de radio du
véhicule personnel ou de mon entreprise, mettre mon truc, et pfiou.
Voilà, comme je te disais, tu vas avoir les poils qui se dressent. Tu as
quelque chose qui... C'est électrique ! Et la teuf, encore plus. Il est
vrai qu'autrefois, je m'en rappellerai toujours, maintenant j'ai muri donc
c'est vrai que... Mais tu avais un fly au début, tu ne savais
pas où tu allais. Tu attendais 11 heures ou minuit. Tu appelais le 3672
à l'époque. C'était là : « Donc ouais, pour
venir à la teuf confirmée, faut prendre la... ». Et
là, t'avais le coeur qui s'emballait, t'avais l'adrénaline au
taquet. Avec les potes : « Allez, allez, allez, on y va ! ».
T'étais sur la route, tu
mettais ton CD ou ta cassette à fond que tu connaissais
par coeur et t'arrivais, ouais ! Alors encore plus, ça amplifie. Moins
maintenant, mais le délire il est toujours là parce qu'en fait
finalement, le contexte de l'esprit de la teuf c'est toujours
intéressant parce qu'en plus tu sais que tu vas retrouver les gens que
tu apprécie. Après, il y a les gens aussi avec qui tu es ami ou
copain, enfin, copain surtout, que tu ne croises qu'en teuf. Et tu n'as pas le
numéro. Ou éventuellement tu as le numéro pour où
tu vas le soir, mais dans la vie courante, tu ne te vois pas. Parce que chacun
a sa vie, chacun a ses connaissances et puis voilà. Et par contre, tu te
vois en teuf et tu es content de passer un bon moment en teuf ensemble.
Est-ce que tu prends ou est-ce que tu as eu pris certains
produits ?
Heu... Oui, comme un peu tout le monde, malheureusement. Mais
au fur et à mesure des années, tu te... Déjà,
c'était très gentil par rapport à ce qui se passe
aujourd'hui. C'est peut être aussi un problème de ce
phénomène, où l'on est accablé à cause des
drogues qui tournent, et facilement. Il y avait des drogues, aussi,
peut-être plus propres à l'époque, donc il y avait besoin
de moins en prendre pour faire quelque chose. Donc, oui, oui. Et puis, encore
une fois, avec l'âge... Quand on dit que l'âge ça t'assagit,
oui c'est vrai. Et donc finalement, maintenant... Déjà, je
n'avais pas besoin de... Je n'allais pas en teuf pour forcément trouver
quelque chose. Et puis, des fois, si on prenait un truc avec les copains, ou
des copines et qu'on passait un très bon moment ensemble. Et on pouvait
passer de très bons moments ensemble sans forcément prendre quoi
que ce soit. La drogue a toujours été là. Mais finalement,
on se drogue tous les jours aussi. On fume : on se drogue. On boit : on se
drogue. Voilà. Et on met le nez dehors, ce n'est pas comparable, mais
bon, c'est un peu... Ah, non, ce n'est pas bien ce que je voulais dire.
Où est-ce que tu te trouves le plus souvent quand
tu es en teuf ?
Souvent derrière parce que... Mais j'aime bien
être devant de temps en temps mais pas la tête dans les caissons
non plus. Je tiens à mes oreilles. Je m'en mets déjà assez
dans les oreilles en mixant. Je me rends compte que j'ai quand même un
certain niveau de surdité et je sais pourquoi. Je ne suis pas dupe.
Parce que quand on se met... Le fait de travailler avec de grosses
façades devant, avec de grosses puissances sonores, on ne s'en rend pas
compte, mais nous aussi derrière, on a de très grosses
puissances. Et quand on réalise ce que l'on a devant nous... Alors, sur
le coup on ne réalise pas parce qu'on a besoin d'entendre. Mais quand
pour mixer tu as 4000 watts ou 5000 watts ou 6000 watts, c'est énorme
déjà. Et pour toi tout seul !
T'es le seul public, tu as 6 kilos pour toi. Mais bon, devant,
tu as une façade de 50 kilos, 60 kilos ou 80 kilos. Donc au pire, on a
eu 10 kilos avec une façade de 85 kilos. Mais 10 kilos, quand ça
tape, ça tape aussi. Et bon, les oreilles quand tu ressors de ton mix...
De toutes façons, après un mix, ce n'est même pas la peine
de venir me causer, j'ai le cerveau, tu le prends, tu fais une éponge.
C'est sûr, il faut au moins me laisser une bonne heure avant que je m'en
remette.
Quelle est la place de la création, pour toi, dans
la hardtek ?
La base de la création, c'est la fusion des sons. Je ne
sais pas, moi après, j'ai de la création parce que c'est mon
coeur qui fait la création, tout simplement. Et le fait de travailler,
je n'ai pas trop de surprises non plus. Même si des fois, il m'est
arrivé de faire de l'impro, de la très bonne impro. Mais
même en faisant cette impro, il y a quand même quelque chose, une
connaissance des disques finalement. Et je ne sais pas, c'est le
feeling tout simplement. Je ne sais pas. Apparemment, il y a des gens
qui kiffent vraiment ce que je fais. Mais pour moi, j'essaie de me
faire plaisir, et je sais qu'en me faisant plaisir, je pense que je fais
plaisir au gens. Et finalement, c'est ce que les gens me redisent par
derrière. Donc, c'est une symbiose qu'il y a peut être entre moi,
mes années d'expérience mine de rien, la connaissance et la
pratique. Avant, je ne sais pas, tu étais content de caler un disque. Et
maintenant, caler un disque, en 10 secondes top chrono, ton disque il est
déjà calé. Bon, ça c'est l'expérience aussi.
C'est comme si tu donnes une batterie à quelqu'un qui n'en a jamais
fait, il n'y arrivera pas, on en reparle dans 10 ans. Donc forcément,
avec cette aisance que tu as derrière, ça te permet d'ouvrir
encore plus de portes, de portes, et de portes. Donc voilà. Et je
travaille aussi beaucoup, hein. Et puis je m'écoute. Le fait de
s'écouter, ça te permet aussi de te faire évoluer. Et
puis, dans la finalité, je ne suis jamais content de moi. C'est rare que
je sois content de moi. C'est très rare. Il y a toujours quelque chose
qui ne va pas. Mais parce qu'on ne peut pas se satisfaire soi-même. Il
faut toujours avoir un côté perfectionniste. Sinon, c'est que tu
es trop sûr de toi, et ça, ce n'est pas bon. On ne peut pas
être sur de soi.
Est-ce qu'il y a beaucoup de teufeuses ?
De plus en plus. C'est bien aussi parce qu'avant
c'était un milieu assez fermé aux mecs ou aux couples. Et de plus
en plus on voit des personnes féminines venir amener leur touche aussi
de gaieté et c'est plaisant aussi. Hein, ce n'est pas que je sois macho.
Mais au moins on voit que le milieu s'ouvre. Enfin, il s'est ouvert de toute
façon. Et puis chacun, encore une
fois de plus... Tu communiques, tu enrichis les gens, des gens
viennent d'autres horizons, d'autres régions, et puis ainsi de suite, tu
communiques, tu partages ton savoir, et les gens partagent leur savoir avec
toi. Je trouve ça... Oui, oui, de plus en plus. Et puis la musique, les
styles de musiques surtout amènent des gens différents, des
personnes différentes. Et dans la trance,
énormément, ce qui est marrant, les filles ont plus la
facilité d'y aller. Et peut être parce qu'elles sont plus à
l'aise dans ce milieu, parce que tu t'habilles en sarouel, en trucs
éclectiques, excentriques que tu ne vas pas forcément voir en
milieu hardtek ou hardcore. Parce que tout le monde risque de
te regarder ou c'est tous la moitié des célibataires endurcis,
c'est bon, ils voient une fille, ils sont là : « Rrrrr », ils
font les bolosses. Alors que dans les trance, non, finalement les gens
ils s'en foutent, ils viennent là pour la musique. Un peu chaque musique
amène ses people différents. Par contre, c'est clair que les
filles sont de plus en plus présentes dans le milieu. Mais même
pour mixer, tout simplement. Ce n'est pas qu'un milieu d'hommes. Je veux dire,
tout le monde est capable d'y arriver, c'est un instrument de musique. Et en
plus elles ont leur touche à elles. Elles ne sont pas nombreuses,
certes, mais elles ont leur touche. Donc, c'est toujours marrant, c'est
toujours intéressant.
C'est quoi leur touche ?
C'est la technique. Elles n'ont pas du tout les mêmes
techniques que nous. C'est plus fin, plus dans la finesse. En fait vous
êtes, mais comme dans beaucoup de choses... L'homme il est plus... pas
bourrin, mais bon, PAM ! L'impact. La fille c'est plus discret, et pam !
Ça arrive ni vu ni connu et c'est présent. C'est toujours
intéressant. Il y a de très bonnes DJettes.
Est-ce qu'elles ont le même état d'esprit
?
Ben oui, parce que l'esprit c'est toujours le même, il est
universel, c'est la fête. Est-ce qu'elles prennent autant de
produits ?
Alors là, bonne question. Sûrement parce qu'elles
sont à part égale. Elles ont voulu la parité, elles sont
égales. Et oui, donc oui. Pour moi, il n'y a pas photo. Voire plus,
aussi des fois, tu en trouves, elles sont bien arrachées. Donc au niveau
des produits, comme de l'alcool... Mais bon, ça c'est partout. Elles
pourraient être chez elles et se défoncer la gueule à
l'alcool, se bourrer la gueule. Et voilà, c'est pareil en teuf. Mais
après, moi, je ne focalise pas ma penser sur les teufs = drogues. Donc
après, les gens ils font ce qu'ils veulent. S'ils ont envie de prendre
de tout... Et les jeunes d'aujourd'hui... Enfin, moi, à l'époque,
on se défonçait
beaucoup moins, ça c'est sûr. Et même quand
tu prends des trucs, quand tu prends de l'âge et que tu continues
à évoluer dans ce milieu parce que ça t'apportes quelque
chose, tu te calmes. Et puis il y a beaucoup de personnes que je connais depuis
longue date qui à force se sont calmés aussi de fil en aiguilles.
Parce que finalement tu as autre chose à penser aussi. Et que finalement
tu peux passer de très bonnes soirées aussi sans te dire que tu
as besoin de te défoncer la gueule, avec des stupéfiants en tous
cas. Tu peux passer de très bons moments riens qu'en buvant une
bière et en discutant comme on est en train de faire ce soir.
Est-ce que pour toi, elles respectent les codes de la
féminité ?
Ah ben il y en a... Oui, elles sont toujours aussi
féminines qu'elles sont féminines dans la vie. Par contre, il y
en a, voilà, non, parce qu'elles s'arrachent la gueule. Et le
problème c'est que... Il est là le problème
féminin, c'est que tu as des... Tu as des risques, tu as un risque
minime mais qui est quand même présent, on l'a déjà
vu. Et une femme est plus fragile par rapport à un homme. Je n'ai jamais
entendu qu'une femme avait violé un homme en fait. Par contre, des mecs
violer des gonzesses oui. C'est encore arrivé il n'y a pas très
longtemps, par des mauvaises personnes qui n'ont rien à foutre
là. Et ils sont deux ou trois à avoir violé une nana.
Après, qu'est-ce qui s'est passé ? On ne le sait pas. Dans quel
état était la nana ? Est-ce qu'elle les a allumés ou pas ?
Ou est-ce qu'elle était alcoolisée et qu'ils sont arrivés
à l'embrouiller, ils l'on embarquée dans un coin, et puis ils
l'ont violée ? Je ne sais pas. Une femme doit toujours faire attention.
Mais une femme doit toujours faire attention aussi dans la vie de tous les
jours. Tu vas dans un parking sous-terrain si tu as garée ta bagnole, tu
n'es pas à l'abri de tomber sur un pervers ou une connerie comme
ça. Ben c'est pareil en teuf. En plus, nous on a eu un teknival que l'on
a fait, et là voilà, un teknival c'est vraiment là
où il faut faire très attention à ne pas venir trop tout
seul. Et on a eu quand même une femme... une fille de 21 ou 22 ans ou 19
ans je ne sais plus... 19 je crois qui s'est fait violer et que l'on a
retrouvé morte le dimanche matin avec 22 coups de couteau. Et tout
ça... Un mec qui s'est retrouvé là et qui n'avait rien
à foutre là. Et qu'est-ce qui s'est passé dans la
soirée, on ne le saura pas. Enfin, on n'a pas assisté au tribunal
pour le savoir. Mais en tout cas, le résultat il est là, autant
pour la famille que pour les amis parce que ça peut être
douloureux. Donc voilà, il faut faire attention. Mais bon, que tu ailles
dans un festival, dans un concert, c'est pareil.
Toi, est-ce que tu es déjà sorti avec des
teufeuses ?
[Silence ; sa femme est dans la pièce juste à
côté]. Pfff, ouais non. Enfin oui, si ma femme
d'aujourd'hui elle est un peu teufeuse, un peu. Enfin, vite
fait quoi. Mais bon, ce n'est pas... Ouais, c'est une teufeuse du dimanche.
Après, je n'ai pas eu 50 000 relations dans ma vie, donc comme
ça, ça a été très rapide. Et la
première elle disait qu'elle écoutait du son mais bon, ça
se voyait qu'elle n'en écoutait pas tant que ça. Et puis elle,
elle a faillit me faire arrêter de mixer quand même. Et puis
après quand j'ai rencontré ma femme, elle écoutait de la
teck, elle avait déjà ses amis qui écoutaient de
la teck mais bon, elle n'était pas... On ne s'est pas
spécialement rencontrés par la teuf. On s'est rencontré
par l'intermédiaire d'un groupe d'amis. Après, oui, elle
écoute de la techno, mais ce n'est pas elle qui est tout le temps en
teuf avec moi. Moi, j'y allais tout seul, ou avec mes potes ou avec d'autres
gens, mais j'y vais rarement avec elle, ça c'est sûr. En plus le
problème c'est que... le fait d'être ancien sur la scène,
je connais beaucoup, beaucoup de gens, finalement. Et puis tu as beaucoup de
gens qui discutent et j'aime bien parler, je parle beaucoup. Donc je suis
toujours à droite à gauche pour discuter. Donc si j'amène
des personnes, on risque de me critiquer parce que je ne suis jamais avec eux.
Donc faire chacun son truc tout seul c'est intéressant aussi. Et puis,
tu te retrouves le lendemain matin.
Est-ce qu'il y a beaucoup de teufeurs noirs, arabes ou
asiatiques ?
Heu... Peut-être dans les autres pays, oui, surement.
Après, c'est ouvert à tout le monde, sauf qu'il faut qu'ils
amènent la bonne attitude, la good vibe. Je ne fais pas de
racisme ou quoi mais j'ai vu trop de choses où... Trop de choses par des
gens de couleur différente. Techno Parade 98, ce n'est pas des
français qui se sont foutus sur la gueule. C'est des cité de
rebeus et quand je te dis... C'était une baston, mais putain, je n'avais
jamais vu ça. Mais the baston, la baston
générale. Et c'était des rebeus contre des blacks. Et
comme l'histoire du viol de la fille il n'y a pas très longtemps,
c'était au mois de décembre, c'était trois blacks.
Voilà, après, ça peut être des français
aussi, des blancs, il n'y a pas de... Tu vas aller dans d'autres pays, ils
écoutent aussi de la teck et donc, toi tu arrives, et tu es un
blanc pour eux. Donc, non, il n'y a pas de... Il y a de tout. Maintenant, il
faut qu'ils aient la bonne vibe et que malheureusement, la plupart du
temps, ils sont rares à avoir la bonne vibe. Ils sont plus
là à vouloir casser, violer ou taper des gens, à tirer
profit du truc. Quand tu vois les cités qui descendent, ils sont
là pour faire leur business, entre nous. Pour eux c'est business, ils
n'en n'ont rien à foutre du reste.
De quel milieu social tu viens ?
Heu... Comme tout le monde. J'ai des parents... Mon père
travaillait, ma mère était mère au
foyer, mon père commercial. Et puis il a repris
l'entreprise, donc gérant d'entreprise. Voilà, après,
c'est tout. Comme tout le monde. Je n'ai pas de milieu social. La plus basse.
Enfin, la plus basse... ouvrière.
Qu'est-ce que tu penses de la culture de masse
?
Question piège... Qu'est-ce que tu appelles la culture de
masse ? Ce qui passe à la télé, à la
radio...
Ah, oula ! Oula ! No comment. C'est de la lobotomisation,
c'est de la désinformation. Musicalement, c'est de la merde à la
radio ce qu'on écoute. Enfin, c'est de la merde... pas tout,
heureusement, mais beaucoup trop. Entre Fun radio, Skyrock et tout ça,
NRJ, il n'y en a pas une pour rattraper l'autre. Ils te lobotomisent à
longueur de journée la même chose, histoire de bien t'imprimer le
crane : « Achète mon morceau ! Achète mon album ! Vas en
boîte ! ». Voilà, c'est... Alors, je regarde les informations
histoire de ne pas être trop con, histoire qu'on ne ma parles pas d'un
truc le lendemain et que je fasse : « Heu... Ah. Ah ouais, d'accord.
». Donc j'essaie un peu de regarder, mais ça me gonfle un peu.
Parce que c'est n'importe quoi. Le gouvernement c'est des crétins, les
politiciens c'est des crétins, les médias sont des
crétins... et certains artistes sont des crétins. Enfin, c'est
des crétins... ce n'est pas le bon terme que j'utilise, mais bon. Donc
finalement, je reste dans ma bulle et c'est aussi bien comme ça.
Donc pour toi, la teuf et la hardtek, elles sont en
dehors de ça ?
Ah oui, oui, oui. Ah oui, ça c'est sur. Après,
on peut avoir les gens d'en-face qui disent exactement la même chose de
nous... Que nous on est perchés, on est sur une autre planète et
tout le tralala, parce que ça n'avance pas.
Est-ce qu'elles sont en opposition alors ?
Comme tout mouvement de musique en fait. Comme le rock'n'roll
à l'époque. Le rock est arrivé il y a quelques
années, dans les années 60 ou 70... C'était : «
Oulalala, c'est quoi cette musique de tarés, c'est quoi ce machin ?
». Elle a mis beaucoup de temps à se mettre en place. Elle a mis
presque 20 ans. La techno c'est pareil. Elle a fait peur. Et elle continue
à faire peur. Mais on est là, encore une fois de plus, pour leur
montrer qu'il ne faut pas s'arrêter à des préjugés.
Et qu'on se bat encore et encore. Et que certains ont encore la force de
vouloir
continuer à faire avancer ce mouvement et de montrer
que non, on n'est pas des anarchistes, on a des vies, on travaille, on paie nos
impôts, qu'on n'est pas des trafiquants ou que l'on vit du
système.
Est-ce que pour toi, cette opposition ou cette
illégitimité, fait partie de ce qui t'attire dans l'univers de la
teuf ?
Ah oui, puisque que c'est un état libre. On ne va pas
parler de politique en teuf, ça c'est sûr. Ou de ce que tu as
voté, que t'as voté Le Pen ou que t'as voté Sarkozy. Non,
on est là pour faire la fête sans se prendre la tête.
Voilà, c'est la fête.
Quel est ton rapport avec la police ?
Ecoutes, comme tout le monde. Ils nous font chier. S'ils
peuvent nous emmerder, ils nous emmerdent. Maintenant, on n'est pas des
anarchistes donc on sait fermer notre gueule quand il y en a besoin. Quand on
peut l'ouvrir on en profite. Mais on reste toujours... Ils auront toujours le
dernier mot, ils seront plus forts que toi. Donc ce n'est pas la peine de
vouloir faire ton petit rebelle ou faire ton... Parce que tu vas te prendre un
coup de matraque et puis voilà. Donc ça ne sert à rien.
Ça ne sert à rien de faire : « Moi je, moi je, moi je »
parce que tu vas te faire défoncer. Disons, que c'est eux, c'est
toujours la justice qui a toujours raison. Elle est toujours maître. Il y
a une devise sur la justice, je ne sais plus ce que l'on dit mais, c'est elle
quand même qui aura toujours raison. Donc, finalement, comme tout le
monde, on est obligés de faire avec. Et puis, en même temps, au
début on peut peut-être leur faire peur, mais en communiquant avec
eux, ils nous comprennent plus, comme on pourrait communiquer avec des gens qui
ont peur de notre mouvement à qui on montre qu'on n'est pas non plus des
arrachés comme ils pourraient le croire en arrivant sur le site. Et que
l'on reste... Qu'on est capables de pouvoir discuter, de tenir des discussions
qui tiennent la route. Donc les gendarmes on les respecte aussi, c'est des
humains aussi à la base. On n'est pas là, à les insulter.
Ça aussi, quand on organise des trucs, ça me gonfle de voir des
crétins... Comme quand la dernière fois où on s'est fait
saisir, où dans l'espace de 5 minutes, tu ne fais pas gaffe, et tu te
retrouves avec les bolosses qui sont là pour... Qui vont les insulter,
qui vont s'assoir sur leur capot de voiture, qui vont leur arracher leur
gyrophare, qui vont leur voler leur ordinateur de bord. Tu vois, c'est bon. Ah,
tu ne fais pas ça quand tu es tout seul contre eux, hein ! Remarque,
ça arrive aussi dans les faits divers. Mais bon,
généralement, le gars il s'est fait calmer quand même. De
toute façon, ils ont la justice avec eux. Donc, à moins que tu
sois vraiment, que tu n'ais rien dans ta tête... Tu
réfléchis. Donc, non, non, on les respecte. Et de toute
façon, c'est en les respectant qui te respecteront un minimum. Si tu ne
les respecte pas, ils ne te respecteront pas. Et c'est un peu normal.
Donc tu n'apprécies pas forcément le
conflit avec la police ?
Ce n'est pas l'intérêt, ça va se retourner
contre toi. Donc, non, non. On est plutôt ouverts au dialogue avec elle.
A essayer de... Ou même quitte à les protéger. Une fois, on
est resté pendant deux heures à les entourer parce que si on les
avait laissés tous seuls sur le parking, je pense qu'ils se seraient
fait bouffer par la quantité de teufeurs qui étaient là.
Donc on est resté autour d'eux, et au bout de deux heures... Enfin, ils
ne savaient pas si on pouvait continuer à faire notre teuf ou pas. Et on
attendait l'avis du procureur. Et bon, on est restés autour du
véhicule à repousser les teufeurs complètement
alcoolisés et arrachés avec les insultes qui vont avec et qui
vont dans tous les sens. A s'excuser auprès d'eux, à les rassurer
aussi. Et puis au bout de deux heures, on leur a dit : « Bon,
écoutez, nous ce n'est pas tout, mais on a une organisation à
faire, donc on y va. Et maintenant, c'est à vos risques et
périls. ». Donc ils sont partis, et ils sont revenus le
lendemain.
Est-ce que je peux te demander ce qu'est ta
sensibilité politique ?
Mon opinion politique ? Je n'en ai pas. Tous des cons, tous
des pourris. On est dirigés par un pays de merde, par des connards et
des mecs qui s'enrichissent sur notre dos et qui font n'importe quoi. Donc,
non, je n'ai pas d'opinion politique. Et en plus, je ne vais pas voter, j'en ai
rien à foutre. Ça me dégoute de les voir nous enculer,
détourner des millions d'euros. Et ils ont rien, c'est ça qui est
beau, elle est belle... C'est ce qu'il y a de plus beau. Pourtant, apparemment,
on a un système judiciaire assez violent. Enfin, violent... Mais non,
apparemment, pas avec eux. Donc, moi, ce genre de pourris, ça me
désole. Qu'ils restent où ils sont. Mais bon, c'est ceux qui nous
dirige. Donc bon, on fait avec. Sauf que des fois, on a... Si on compare
à d'autres pays, on a plus de chance que d'autres pays par rapport
à la Sécurité Sociale, aux Assedic, aux aides et tout
ça. Parce que dans d'autres pays, il n'y a pas tout ça. Donc, on
fait avec.
Est-ce que tu penses qu'en allant en teuf, tu exprimes
quelque chose politiquement ? Non. Pas du tout. Loin de là.
Non.
Ok. Est-ce que tu as l'impression de faire partie de la
société qui t'entoure ?
Indirectement, tu es un peu obligé parce que si tu
voulais jouer l'anarchiste, tu ne pourrais pas, tu ne survivrais pas dans le
système comme il est, à moins d'être chef d'entreprise.
Mais sinon, si tu veux bosser... Rien que les piercings. Quand je me suis fait
quelques piercings, j'avais une boîte à qui j'avais essayé
de faire gober que les piercings je les avais déjà avant. Ils
avaient bien vu que les piercings, je m'étais refait un bridge, et un
beau jour le chef d'entreprise m'a dit : « Tu n'étais pas
percé. », « Mais si, j'étais percé ! ».
Mais bon voilà, tu ne peux pas arriver non plus percé de tous les
côtés, tatoué. Voilà, ça se voit. Et puis,
encore une fois si on en revient sur la police, le délit de
faciès c'est encore plus facile pour eux. Donc, tout de suite, on
t'assigne à quelque chose. Donc, ce n'est pas le but du jeu non plus. Je
n'ai pas envie de me faire emmerder dès que je sors ou de me faire
arrêter par le premier condé que je vois sur la route. C'est bon,
ils sont assez relous comme ça. Donc, oui, on est obligé,
malheureusement, de vivre avec la société d'aujourd'hui et de
faire... de se mettre dedans. Sinon, tu ne pourrais pas... Enfin, tu pourrais
être anarchiste, mais il y en a beaucoup qui se disent anarchistes mais
qui ne sont pas du tout anarchistes, parce qu'ils profitent quand même du
système. Un anarchiste, il ne profitera jamais du système.
Est-ce que tu penses avoir des valeurs communes ou
contraires à la société ?
Ah non, contraire. Je suis en décalé. Je vis
avec la société d'aujourd'hui, mais je n'ai pas du tout les
mêmes idéologies de société. Mais bon, tu es
obligé de te mouler dans la société dans laquelle tu vis.
Ou de te fondre en tous cas. Sinon, tu serais... Déjà que tu es
très vite mis dans une catégorie. Alors en plus, si tu ne mets
pas les quelques atouts que tu as de ton côté... Donc, tu es
obligé de faire avec.
Est-ce que pour toi, il y a des choses sacrées
dans la teuf ?
Le respect. Le respect d'autrui déjà, c'est
énorme. Voilà. Je crois qu'il n'y a rien d'autre à dire.
Il ne peut pas y avoir... Le respect, et puis ce côté festif sans
prendre... sans aller chercher les embrouilles avec les gens. Ce
côté-là de la teuf aussi m'a intéressé parce
qu'il arrive de temps en temps qu'il ya ait quelques bagarres mais c'est des
bagarres parce qu'il y a quelque chose qui s'est passé, ou parce que
l'autre il a vu l'ex tatati tatata, ou l'ex a vu sa gonzesse avec un autre
gars, l'autre il a pété un boulard, ou une question de trafic.
Mais sinon c'est rare de voir des bastons comme tu as en sortie de boîte.
Comme tu en vois trop. Donc, ce qu'il y a dans la teuf, c'est ça. Mais
la principale vertu ça reste le respect d'autrui qui se fait de moins en
moins... Enfin, qui va être perdu dans la société
d'aujourd'hui. Tu diras plus
facilement bonjour aux gens que tu croises en teuf, que tu ne
diras bonjour à ton voisin d'étage. Moi, je ne dis pas bonjour
à mon voisin à deux ou trois maisons d'ici parce que c'est un con
fini. Pendant un temps, je lui disais bonjour, et maintenant je ne lui dit plus
bonjour parce que il me prend pour un con. Je ne m'embrouille pas pour autant.
Mais en fait, l'ignorance, je crois que c'est le mieux.
Est-ce que pour toi une teuf ça peut se faire
n'importe où, n'importe quand et n'importe comment ?
Ça peut se faire n'importe où, oui. N'importe
quand, oui. Mais n'importe comment, non. Parce que n'importe comment...
N'importe comment... Je vais te donner un exemple. Tu es allée à
Garorock ?
Oui.
Ben voilà. C'est n'importe comment. Ça ne
m'intéresse pas. Vous êtes contents d'aller emmener vos enceintes
sur un festival ? Je vous laisse faire, mais un jour vous vous ferez saisir,
ça me fera bien rire. Parce que vous ne respectez pas les organisateurs.
Encore un manque de respect. Et pourtant ça se dit un Sound System et
ça se dit être un Sound System, mais ça manque de respect.
Tu ne fais pas ça. Nous, on ne va pas organiser une free et il
ne va pas y avoir des crétins qui vont aller poser un peu plus loin.
Sinon, on va leur expliquer. Remballez tout. Là, le multi-sons qu'on est
en train d'organiser, il va être carré. Et je peux te dire qu'il
n'y aura pas un son sauvage, sinon, ça ne va pas le faire. Comme on ne
veut pas de friteries sauvages. Au festival de Soustons en 2007, il y a une
friterie que l'on n'a pas vu arriver qui s'est installée. On y est
allé nous, notre sons et quelques autres, donc on été
quand même pas mal, on lui a bien expliqué que s'il
n'arrêtait pas, ça allais mal finir pour lui. Et au teknival du
1er mai, on en a fait passer un au bakchich. On lui a dit : «
Mon gars, si tu veux continuer à vendre tes bordels devant notre son,
voilà, il faut que tu passes sévèrement à la
caisse. Sinon, il va falloir vite que tu arrêtes. ». Le mec il a
payé. Parce qu'il sait très bien qu'il n'a rien à faire
ici. Il nous manque de respect. Donc, nous, à partir de là, on
fait notre police. On n'en veut pas. Je peux comprendre que les mecs ils
fassent de la bouffe, mais ils sont là juste pour le business. Ils ne
vont pas aider à faire vivre les Sound Systems et puis en plus, ils sont
capables de rendre les gens malades. Donc en plus, sanitairement... Et comme
les services sanitaires ne se déplaceront pas... Donc voilà, on
préfère les arrêter, plutôt qu'ils aillent foutre
tout le monde malade ou qu'ils manquent de respect.
Est-ce que tu as l'impression d'être reconnu
différent par la société ?
Aujourd'hui ? De toute façon, j'ai toujours
été différent, et ça depuis bien longtemps. Donc,
oui, je suis différent, à tous points de vue, et en plus
musicalement. Même si de plus en plus, avec les années, on fait
moins peur. Moi, je suis souvent habillé avec des pulls à
l'effigie de notre truc, je ne cache pas ma musique. Bon après, je ne
vais pas aller en parler à mon directeur d'agence. Mais, si tu as envie
de discuter avec moi de la techno, j'en discuterai aisément. Mais oui,
je suis différent de la société d'aujourd'hui, ça
c'est sur.
Est-ce que tu as l'impression de faire partie d'une
communauté ?
Ouais. Carrément, la communauté de notre son. Et
on essaie d'inculquer aux gens cet état d'esprit que l'on a. Et s'ils
sont réceptifs, ils comprendront. S'ils ne sont pas réceptifs,
ils comprendront dans un ou deux ans. La vie continue. Ou ils ne comprendront
jamais, ce n'est pas grave. On ne le fait pas... On le fait pour eux, mais
surtout pour nous. On le fait pour un mouvement, on le fait pour une
communauté.
Est-ce que tu penses que l'on peut dire que la teuf c'est
une culture ?
Bien sur. Une culture musicale, même s'il y en a qui
vont dire que c'est du boum boum. Dans la déco, musicalement, ouais,
ça reste quand même une culture. Et certains Sound Systems ont pu
entreprendre ou entreprennent toujours de partir dans d'autres pays. Et de fil
en aiguille, monter un cirque avec deux ou trois fois rien pour donner à
des gens qui n'ont pas de moyen du spectacle, de la musique. Voilà,
c'est une culture, comme tout style de culture. Comme le rock est une culture,
comme chaque musique est une culture finalement. Parce qu'il y a quelque chose
qui gravite autour de chaque... Il y a une mentalité, il y a quelque
chose qui tourne autour de chaque style de musique et qui se partage. Et la
techno c'est pareil. Et on en revient surtout à l'esprit... faire la
fête librement et puis toujours ce côté d'essayer
d'être respectueux. Et puis on arrive quand même à... Au fur
à mesure on a pu voir que... Au début les gens étaient
crados. Même s'il y en a qui sont crado encore aujourd'hui, on arrive
quand même à faire comprendre tout doucement aux gens que, oui, on
fait des teufs, mais on n'est pas là forcément pour ramasser
leurs merdes. Quand ils peuvent laisser leurs merdes dans un sac, ça ne
leur coûte pas grand-chose, et voilà. Et puis nous, on passera
derrière ramasser les sacs, mais bon, ça nous aide beaucoup. Donc
on voit quand même que ce qu'on apporte depuis des années,
ça porte son fruit à force. On ne se bat pas pour rien non plus.
Et rien que ça c'est encore une fois une preuve que l'on n'est pas
là pour rien et qu'à force de se
battre, on fera encore évoluer la chose. Pour
toi, c'est quoi une vie réussie ? Il n'y a pas de vie
réussie.
Et le bonheur ?
Pas de bonheur non plus. Enfin, si. Je ne sais pas. Le bonheur
c'est quand... Oh lala... Le bonheur est à la porte de tout le monde,
comme le bonheur peut t'attendre à chaque virage. Le bonheur c'est ma
femme, c'est ma fille, c'est la musique. Mais après, ouais,
voilà, c'est tout. Après, c'est ma famille, ou ce qu'il en reste
en tous cas. Bon, après, il y a eu beaucoup de malheur, donc c'est dur
d'y voir du bonheur. Mais ça, chaque personne est différente dans
son vécu. Le bonheur, c'est la chose la plus merveilleuse que l'on peut
espérer à chaque personne. Mais bon, c'est difficile parce qu'il
y aura toujours quelque chose pour t'en éloigner. A moins de te retirer
en haut d'une montagne et d'avoir des chèvres et des vaches,
voilà, ta petite maison dans la prairie. Ça c'est là vie.
La vie n'est pas facile donc il y a des parties de bonheur, des parties de
malheur. Après, il faut peser la balance pour savoir ce qui fait que
l'on se lève tous les matins, ou ce qui fait qu'on continue à
vivre. Mais bon, c'est la vie aussi.
Et comment tu te vois dans 10 ans ?
Oh, je ne sais pas, peut-être à faire du son
encore. Ou peut-être ma fille. J'ai déjà une photo d'elle,
alors qu'elle a à peine 8 mois, en train de toucher les platines, la
table de mixage. Ouais, elle aime déjà ça la petite. Ou
peut être que je serais 10 mètres sous terres. Je ne vis pas au
jour le jour mais... Je n'en sais rien en fait. Nul ne sait de quoi demain est
fait. Chaque jour qui passe est un jour différent. Tu te lèves,
tant mieux. Qui dit que demain tu ne vas pas te lever, et puis tu vas prendre
ta douche, tu vas glisser, tu vas te casser les cervicales ? C'est pour
ça, des fois, il ne faut pas non plus... Il faut vivre dans l'instant
présent et ne pas se dire que tu feras ça dans 10 ans. Il faut
essayer d'être le plus heureux possible.
Annexe 4 : Etude de cas en sociologie de
l'information - L'amendement Mariani-Vaillant, protecteur ou
liberticide ?
(Réalisé par Coralie Vogelgesang et Noémie
Lequet dans le cadre du séminaire « Sociologie de l'information
» présenté par Eric Macé)
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