WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'univers techno de la teuf : entre marginalité et post-modernité

( Télécharger le fichier original )
par Noémie Lequet
Université Victor Segalen Bordeaux 2 - Maîtrise de sociologie 2010
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

PARTIE 1 - HISTOIRE ET MYTHES, PETIT RETOUR EN ARRIERE

« Le caractère le plus profond du mythe, c'est le pouvoir qu'il prend sur nous, généralement à notre insu. »

Denis de Rougemont

Avant d'avoir le visage qu'il a aujourd'hui, le phénomène techno a du naître, évoluer, être influencé, migrer et subir la répression. Plus qu'un simple historique, il est nécessaire d'entrevoir ses influences, ses acteurs et ses déboires afin de comprendre ce qu'il est devenu.

De plus, ce mouvement musical, comme beaucoup d'ailleurs, est ancré dans son temps. En effet, « les formes sous lesquelles elles s'assemblent (les styles de musiques) sont attachées à des époques, à des moments de l'histoire. » (Racine, 2004). Ainsi, comme le jazz ou le rock à leur époque, la techno est un indicateur des orientations idéologiques des jeunes (et des moins jeunes) qu'elle conquiert. Il s'agira donc ici de montrer en quoi son ascension en dit long sur les peurs et les espérances d'une génération.

Il faut aussi noter que, comme beaucoup de phénomènes culturels, la techno apporte avec elle ses mythes. Un mythe, un récit qui se veut fondateur et explicatif d'une pratique sociale, est généralement basé sur des faits ayant réellement existé, mais leur apporte bien souvent une embellie notoire. En ce qui concerne la scène française, il s'agira donc de montrer l'importance du Sound System* de la Spiral Tribe dans la naissance du mouvement et les influences du mythe qu'elle véhicule.

I- La naissance du virus house

La musique techno prend ses origines dans la house noire américaine des clubs de Detroit et Chicago. Au début des années 80, elle se joue encore dans des clubs fermés, réservés le plus souvent aux habitués. Ce qui n'est alors encore que de la house-techno sera transporté jusqu'à Ibiza par quelques DJ et deviendra ce qui est alors appelé à l'époque le balearic-beat*. Ses basses répétitives et ses ondes hypnotiques jouées par des DJs espagnols résonnent sur toute l'île jusqu'au petit matin. Lorsque les clubs ferment, on continue sur la plage. Des touristes anglais, lassés par la trop forte popularité de San Antonio, affluent à Ibiza pour y trouver « the jouissance of Amnesia, where nobody is but everybody belongs » (Redhead, 1993). Déjà, ils

trouvent dans la danse qui accompagne cette nouvelle vibration une absence du « gaze » sur les corps.

A la fin de l'été 1987, quelques DJs britanniques importent le balearic-beat dans les clubs anglais ; les touristes reviennent au pays avec un nouveau style et une nouvelle drogue, l'ecstasy*. Très vite, le virus de la house est transmis dans les villes du Nord de l'Angleterre, notamment Liverpool et Manchester où le club de l'Hacienda devient l'étendard de cette nouvelle vague. C'est l'obligation de fermeture des clubs à deux heures du matin qui pousse la jeunesse à organiser des « wharehouse parties » (littéralement des « soirées entrepôt »), sortes d'afters privés mis en place à la fermeture des boîtes de nuit et diffusant de la musique house. Peu à peu, ces soirées sont organisées indépendamment des sorties de clubs dans des hangars désaffectés ou des champs. Une nouvelle esthétique est née. La house devient l'acidhouse*. Les jeunes fans adoptent le smiley jaune (sourire béat aux yeux ronds) sur leurs T-shirts en guise de référence aux années psychédéliques. On est en 1989.

De son côté, la presse anglaise fustige ce nouvel élan. Dès ses débuts, ils associent l'acid-house au LSD - aussi appelé Acid - et à sa cousine proche inscrite au tableau des stupéfiants en 1985 que les touristes d'Ibiza avaient ramenée dans leur poches, l'ecstasy. Les tabloïdes titrent sur « L'horreur de l'acid-house », « Des orgies de sexes et de drogues » et lancent un appel : « Interdisez ces chansons du diable ! » (Kyrou, 2002). La panique morale est née autour de cette musique supposée favoriser la consommation de drogue chez les jeunes. A ce moment là, les wharehouse parties ne sont pas encore des rave-parties, il faudra pour cela que la répression s'en mêle. Mais l'on voit déjà apparaître la polarisation de l'univers techno entre une frange qui reste dans les carcans de la vie nocturne tolérée et une frange qui se marginalise pour pouvoir continuer la fête.

II- Festivals et répression britanniques Influences new age travellers et punks

Parallèlement à cette migration de la vague house au Royaume-Uni, les grands concerts gratuits (« free festivals ») se développent dès le début des années 80. Y affluent ceux que l'on appelle les new age travellers. Ces voyageurs anglais ont suivi la voie ouverte par les hippies quelques décennies plus tôt. Depuis la fin des années 70, les travellers ont choisi une vie d'itinérance en bus ou en caravane. Ils voyagent de festivals en festivals par convois de

véhicules qui leur servent de maison

consommation et le matérialisme sont rejetés en bloc.

police les traque et essaie de stopper les convois et les festivals.

Le festival du solstice d'été à Stonehenge est

plus tard des hippies, le lieu de convergence annuelle des festival, en juin 1984, ils sont quelques 50

2003). C'est à la suite de ce rassemblement d'une ampleur encore jamais vue que

police renforcent leurs raids dans les groupes de 1985 que la plus forte vague de répression touche les resté dans les mémoires tant il a été violent. C'est la b

Act est voté en 1986 sous l'impulsion du Gouvernement Thatcher. Il incorpore un paragraphe réglementant les convois de masse.

1er juin 1985. Brutalités policières à la bataille de Beanfield.

L'explosion de la scène punk londonienne a également joué un rôle imp cette histoire. Ces crusties (littéralement «

tabula rasa musicale afin d'avoir la plus grande liberté de création possible. Ils squattent les immeubles abandonnés et appellent à l'autogestion

Mais cette autogestion et la multiplication des espaces occupés sans droits ni titres amènent le Premier Ministre Margaret Thatcher à faire voter le Housing Act (Acte sur l'habitat) en 1988 (Spault, 2008). Ce texte propulse les punks à la rue et sur les routes, où ils finiront par rencontrer les new age travellers. Les punks viennent finalement grossir les rangs des amateurs du festival de Stonehenge.

Naissance des premiers Sound Systems et rave-parties

C'est lorsque les premiers Sound Systems itinérants naissent que la techno rencontre le magma des new age travellers et des crusties dans les grands festivals anglais. Un Sound System (littéralement « système de son ») est à l'origine l'ensemble du matériel nécessaire à l'émission de musique électronique en plein air (tables de mixage, enceintes, groupe électrogène...). Par extension, c'est aussi le nom donné au groupe de musiciens qui posent du son (jouent de la musique) grâce à ce matériel. Les premiers Sound Systems sont nés en Jamaïque avec la musique dub*. L'idée est arrivée en Angleterre par la voie de l'immigration. Comme on l'a vu, l'interdiction d'ouverture des clubs après deux heures du matin, mais aussi la censure de toute musique électronique sur les ondes britanniques à la fin des années 80 par le gouvernement Thatcher (Mousty, 2003) renforcent le phénomène des wharehouse parties.

Les premières fêtes techno, les rave-parties s'organisent dès octobre 1990, notamment sous l'impulsion des Spiral Tribe. C'est aux alentours de Londres que ce Sound-System s'est constitué. Les premiers mois après sa formation, la « Spi » se fait une place dans les soirées underground* londoniennes, jusqu'à prendre la route en juin 1991. Elle devient alors l'un des principaux acteurs de la scène rave anglaise de l'époque et jouera un rôle important dans l'arrivée du mouvement en France. Les membres du groupe propulsent l'esthétique techno plutôt joyeuse jusqu'alors dans un versant plus sombre. Ils sont underground : ils rejettent la musique mainstream*. Ils sont hardcore*, leur « musique se veut bruit : on s'approprie les pollutions sonores que la société rejette, et on les revendique en ce qu'elles ont de plus insupportable comme pour construire une frontière implicite. » (Kyrou, 2002). Comme les punks, ils prônent un modèle d'autogestion ; comme les new age travellers, ils vivent dans leur camion et vont de fêtes en fêtes. Leur seule revendication : « The right to party ! » (Le droit de faire la fête).

Diversité des événements techno

Plusieurs types d'événements techno existent alors à l'époque. La principale césure réside dans la légalité ou l'illégalité des soirées organisées. Les free-parties sont clairement dans le versant de l'illégalité. Elles ont été la réponse à la répression menée par le gouvernement. Le mot free fait ici référence à la liberté d'accès de ces fêtes, de par leur prix libre et l'absence de service d'ordre à l'entrée. Leur illégalité les entraîne dans des endroits reculés, où les forces de l'ordre ne pourront pas les trouver à temps. Pour s'y rendre, les raveurs ont recours à des techniques d'éviction de celles-ci. « Petit à petit, l'odeur du gasoil utilisé pour les groupes électrogènes, va remplacer celles des cotillons foulés. Le cadre va se faire plus rude, plus radical par manque de moyens, et ces fêtes vont attirer de plus en plus de monde [...]. » (Mousty, 2003).

De l'autre côté, on trouve les fêtes légales, qu'elles soient soirées en clubs ou rave parties. Pour ce qui est des clubs, ils respectent la fermeture légale à deux heures du matin, et pratiquent des politiques de sélection à l'entrée très peu appréciées des partisans de free-parties. Le clubbing, pratique festive incorporée à l'imaginaire bien pensant anglais, est à l'opposé des raves hardcore qui se construisent bel et bien dans cette opposition. En ce qui concerne les rave-parties, ce sont des soirées organisées sur le mode free-party mais accédant aux exigences de la légalité : demandes d'autorisations, mise en place d'un service d'ordre...

Criminal Justice Act et migration

En mai 1992, les autorités britanniques empêchent les convois de se rendre sur le lieu où la fête d'Avon est généralement célébrée. Le convoi change de route et s'établit à Castlemorton (Worcestershire). Face à 50 000 ravers, une dizaine de Sound System ont posé du son, dont la Spiral Tribe qui sera poursuivie en justice pour « troubles à l'ordre public avec préméditation » à l'issu de ce festival. La multiplication des raves dans les campagnes britanniques et les débordements du festival de Castlemorton en 1992 encouragent le gouvernement à prendre des dispositions spécifiques. Le Criminal Justice Act est voté en 1994. Il est notamment composé d'une clause spécifique concernant les manifestations techno et les travellers. Les raves sont alors définies comme « un rassemblement en plein air de cent personnes ou plus (autorisées ou non à occuper les lieux) dans lequel une musique amplifiée est jouée durant toute la nuit (avec ou sans permission) ». La loi interdit ces réunions sous l'emblème d'une musique « aux rythmes répétitifs » et permet aux autorités la saisie immédiate du matériel sonore en cas d'infraction.

En 1992, après que la Spiral Tribe soit sortie innocente du procès attenté à son encontre, ses membres organisent une fête en plein coeur de Londres pour le solstice d'été, le site de Stonehenge étant totalement encerclé par les forces de police. C'est sur les anciens docks de Canary Wharf, sur l'Isle of Dog qu'ils frappent une dernière fois avant de quitter le lendemain matin le sol anglais pour la France. Ils impulsent de cette manière un grand mouvement de migration des Sound Systems fuyant la répression. En effet, c'est en 1994, après le vote du Criminal Justice Act, que la plupart des Sounds Systems anglais rejoignent les Spiral Tribe sur les routes européennes. En Angleterre, la scène s'étouffe. Les quelques Sound Systems restant se heurtent désormais à une police beaucoup plus organisée. L'avenir de la techno hardcore se joue désormais ailleurs.

III- Importation du mouvement en France Scène européenne

En France, la techno avait déjà fait ses premières apparitions dès 1988 et 1989 dans quelques clubs de Paris : le Boy, le Rex et le Palace, lors de soirées spécialisées. Et « si la composante homosexuelle de la mouvance techno était importante [à ce moment là], elle constitue aujourd'hui un fait relativement marginal mais, pour ces raisons historiques, bien intégré. » (Racine, 2004). Mais c'est en 1990 que les premières rave-parties fleurissent dans l'hexagone, du fait de la connexion en réseaux des mondes festifs de Londres et de Paris. Ici aussi, c'est par le principe des afters que la techno underground conquis les coeurs, notamment par l'intermédiaire des mix du dimanche matin du DJ Manu le Malin. Déjà, la division de la techno en deux mondes et deux systèmes de représentation, celui des clubs branchés parisiens et celui des afters undergrounds, est bien réelle.

Ailleurs en Europe, les réactions à l'arrivée de la techno sont souvent plus précoces, et surtout beaucoup moins influencées par l'esthétique hardcore des Sound Systems anglais. En Allemagne, l'arrivée de l'acid-house coïncide avec la Chute du Mur de Berlin. L'Europe baigne dans une vague d'optimisme. Les berlinois de l'Est découvrent tous les espaces qu'il est possible d'investir sans être obligé de demander d'autorisation. La première Love Parade prend place de manière imprévue dès juillet 1991. Dans la capitale allemande, les clubs fleurissent. « Les pièces du puzzle se rejoignent à la faveur du vent nouveau : libération politique sur les rythmes des pioches dont on a encore en mémoire les coups sur le mur [...]. »

(Kyrou, 2002). En Italie et en Espagne, le milieu des années 90 sonne l'heure des premières organisations de grands festivals techno européens. Ainsi, dans les alentours de Barcelone, le festival Sonar sera le premier d'une longue lignée. Plus au Nord, en Belgique et aux Pays-Bas, la fièvre techno monte dès le début des années 90. Ici, c'est le new-beat qui fait fureur, une house aseptisée qui fera très peu de fans dans le versant hardcore importé par les Sound Systems anglais.

Mais c'était sans compter sur la volonté de transmission du virus des Spiral Tribe et autres Sound Systems qui suivront leurs traces sur les routes d'Europe.

Evolution française vers la free-party

Fin juin 1992, les Spiral Tribe atterrissent à Paris, et s'y installent. Ils conquièrent la scène parisienne et imposent leur image : une bande de travellers anglais hardcore. Ils se font connaître en province avec une tournée dès la fin 1992, notamment du côté de Montpellier. L'année suivante, ils sont à l'origine de l'organisation du premier festival français. Ainsi, en juillet 1993 aux alentours de Beauvais, les Spiral Tribe et les Nomads (Sound System français) posent le son du premier teknival. Contrairement à ce qui se pratiquait en Angleterre du fait de la présence des new age travellers et des punks, la seule musique à être jouée ici est de la techno. A la suite de cet événement, nombre de Sound Systems sont créés à leur image dans l'hexagone (Hérétiks, Troubles fêtes ou OQP) et les free-parties prolifèrent. La même année, le magazine mensuel Coda, commentateur de la scène rave française et internationale, tire son premier exemplaire. Les magasins spécialisés vendant les disques vinyles nécessaires

à la création et au mix techno se créent partout en région parisienne. Ils sont aussi le lieu les adeptes peuvent trouver les flyers*, ces petits papiers indiquant les soirées à venir et le

numéro de l'infoline*, répondeur téléphonique donnant des informations sur le lieu de la fête au dernier moment.

Le mythe Spiral Tribe

Même si d'autres Sound System ont émigré en Europe dans le but de transmettre le virus techno, les Spiral Tribe restent en France considérés comme les fondateurs de la free-party, du style de techno qui s'y joue et des modes de vie qui s'y attachent.

Dès leur arrivée à Paris, les membres du Sound Systems se divisent en deux sousgroupes informels. Certains, que l'on appellera les techno travellers auront pour vocation de

prendre la route afin de faire connaître leur musique de par le monde. Les autres resteront sur

; SP 23

Paris afin d'entretenir le label Network 23 (créé lorsqu'ils étaient encore à Londres dans sa versio

n française). L'idée est ici de favoriser la création techno et de presser les vinyles nécessaires à celle-

ci. Déjà, avec cette première différenciation dans les approches de l'univers techno , on voit apparaître une des ambiguïtés

du mouvement, celle d'une esthétique

underground recherchant une certaine reconnaissance.

Un des multiples logos présents sur les flyers de la Spiral Tribe,
reconnaissables entre tous par les fans.

La branche techno travellers de la Spiral Tribe est donc celle qui a pris la route, d'abord en France, et qui a

impulsé le premier teknival. A partir de 1993, les Spis entament

ndre un

leur campagne européenne. Au départ, ils prennent la route pour tenter de rejoi collectif d'artistes sculpteurs utilisant toutes sortes de machines et de vieux véhicules, les Mutoïds . Ils finissent par les rattraper aux alentours de Rome. La fusion a lieu. Ensemble, ils parcourent les routes d'Allemagne, d'Autriche, d'Italie et du Portugal et y organisent des événements musico-

artistiques.

Ils poussent vers l'Europe de l'Est aux alentours de 1995 et organisent le premier teknival tchèque.

C'est la volonté de conquête de l'Ouest américain qui signe une nouvelle césure dans

le g

roupe. Ceux qui en ont les moyens financiers partent, les autres restent. Le voyage aux Etats-Unis est une débâcle. De leur côté , ceux qui n'ont pas pu partir, créent de nouveaux Sound Systems sur le modèle de la Spiral Tirbe. Ainsi, Kaos crée les Sound Conspiracy et prend de nouveau la route, cette fois -ci vers Goa* en Inde, berceau des full moon parties.

Mais plus que leur parcours, c'est bien du mode d'organisation du groupe et de leurs revendications que nait le mythe. D'abord, il faut noter que, même si la Spiral Tribe est à l'origine de l'organisation de nombreux événements techno en France et en Europe, la frontière assez floue du groupe et sa tendance à se poser comme initiateur augmente considérablement la perception du nombre de soirées organisées. En effet, d'une part cela s'explique par l'attitude choisie par les membres fondateurs de la Spiral Tribe : ils se posent d'eux-mêmes comme les leaders du mouvement. De cette façon, ils catalysent l'essor de la mouvance free-party à leur manière. D'autre part, un amalgame est rapidement fait entre les Spiral Tribe et l'ensemble des DJs et travellers qui ont participé à un moment où à un autre à une soirée organisée par eux. D'ailleurs, cet amalgame est en partie créé par l'attitude même des membres fondateurs, n'hésitant pas à répéter lors de chaque free-party : « If you come in the tribe, you're a Spiral Tribe ! » (Si tu viens dans la tribu, tu es un Spiral Tribe). Ce Sound System semble donc omniprésent à l'époque de l'essor de la free-party en France, alors même que la plupart des membres sont soit à Paris, soit sur les routes d'Europe de l'Est. Au final, « seul les acteurs ou les passionnés connaissent les différentes déclinaisons de sounds systems présents à cette époque. C'est en partie cette méconnaissance qui a mythifié le sound system et ses membres. » (Mousty, 2003).

Le DVD documentaire sur les World Traveller Adventures jouera également un rôle important dans la transmission du mythe à ceux « qui n'étaient pas là ». Il retrace d'une part l'histoire de la naissance de la Spiral Tribe en Angleterre et de ses déboires avec les autorités, et d'autre part trois voyages en Afrique, en Inde et en Europe de l'Est de sound systems dérivés de la Spiral Tribe tel que Sound Conspiracy. Sur fond d'humanitaire et d'itinérance, ils organisent des soirées techno un peu partout dans le monde pour que la musique ne s'arrête jamais (« music never stops »). C'est par cette volonté de transmettre leur passion qu'ils deviendront les emblèmes d'une mouvance musicale en création. Ils véhiculeront grâce à ce prosélytisme non seulement leur musique, mais aussi leurs idéaux contestataires et hardcore.

Accueil du mouvement par les médias et la société

De 1988 à 1993, le mouvement passe plutôt sous silence. Mais très vite en France, comme chez nos voisins anglo-saxons, la scène rave est associée à la consommation et au marché de drogue. Du fait de la prédominance de la techno hardcore des Spiral Tribe, c'est aussi le caractère jugé inhumain et a-musical de ce nouveau style qui est traité. C'est la réaction des journaux locaux aux différentes petites raves organisées dans leur région qui

lance la spirale de la panique morale. Jusqu'en 1996, les journaux nationaux reprennent le sujet et produisent des articles alarmants, comme ce texte tiré du Nouvel Observateur par Etienne Racine (2004) :

« Les consommateurs d'ecsta, on les repère à la mini-bouteille d'Evian qu'ils ont à la main pour éviter la déshydratation. Ils sont les seuls à se tenir à un centimètre de l'air vibrant des enceintes. Ils y resteront jusqu'au matin. Mais la grande star de la soirée, c'est bien sûr le haschich [...]. Affalés dans les bosquets, ils sont peut-être 2000 à faire tourner des pétards. Les plus cassés cherchent fébrilement dans la terre les restes imaginaires de leur boulette. On dirait une gigantesque fumerie d'opium en plein air, rassemblant des étudiants, des fumeurs occasionnels et des scotchés de la défonce. »

De leur côté, les autorités commence à se saisir du sujet et lancent une première action répressive et préventive gouvernementale avec la parution en janvier 1995 de la circulaire « Les raves, des soirées à hauts risques : mission de lutte anti-drogue » par la Direction Générale de la Police Nationale. L'idée est que les raves ne pouvant malheureusement pas faire l'objet d'une action répressive du fait des risques dus à une intervention immédiate, doivent faire l'objet d'une action préventive d'interdiction (Racine, 2004). A l'échelle locale, une action plus directe est menée par la mairie d'Avignon en mai 1996 qui établit un arrêté précisant que « les soirées musicales dénommées rave-parties sont strictement interdites sur le territoire communal ».

Mais le mouvement commence à s'organiser. Les interdictions sont jugées abusives par les organisateurs. Ainsi, à la suite de l'annulation de la rave Polaris prévue le 24 février 1996 à Lyon mise en oeuvre par des tenanciers de discothèque ayant fait pression sur la mairie, le collectif Technopol est crée. Cette association a pour objectif « la défense de la culture, des arts et des musiques électroniques issues des mouvements house et techno ». Elle offre un cadre légal et officiel à la mouvance rave-party. L'association parviendra à obtenir une victoire symbolique en faisant annuler l'arrêter anti-rave de la mairie d'Avignon. Outre Technopole, la volonté d'organisation du mouvement est visible dans la présence d'autres associations sur le terrain. Ainsi, en 1997, Médecins du Monde lance sa Mission rave. Elle a pour but d'avoir une action préventive sur les effets et les risques des drogues et est financée par une action gouvernementale. Déjà, en 1995, un collectif de teufeurs avait vu le jour dans ce but, l'association Techno Plus.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci