IV- Polarisation française
S'ensuit alors une polarisation de la scène techno
française. D'un côté, on voit apparaître un versant
du phénomène tendant vers la reconnaissance. Ainsi sont
organisées, dans le sillon des expériences européennes de
la Love Parade de Berlin par exemple, les premières Techno Parades
françaises. En effet, les membres de Technopole, avec le soutien
d'acteurs politiques, notamment Jack Lang, lancent en 1998 la première
Techno Parade dans les rues de Paris. Ils seront 130 000 à affluer cette
année là, de plus en plus les années suivantes. Les
partisans de l'institutionnalisation du mouvement vivent cet
événement comme une libération, une reconnaissance tant
attendue du phénomène techno.
De l'autre côté, la scène rave continue
d'exister et est, du fait de l'apparition d'une mouvance se cantonnant dans des
pratiques festives ayant des formes officielles et tolérées, de
plus en plus stigmatisée. « Il existe donc une rupture
"idéologique" entre les amateurs de boîtes de nuit, "victimes de
la société de consommation", et les adeptes des free-parties,
défenseurs d'un mode de vie alternatif par rapport à cette
société marchande. » (Tessier, 2003).
En 1999, une nouvelle circulaire ministérielle parait :
« Instruction sur les manifestations rave et techno ». Les objectifs
des ministères cosignataires (l'Intérieur, la Défense et
la Culture) sont clairement de promouvoir les événements
légaux d'un côté, et d'avoir les moyens d'engager des
poursuites à l'encontre des organisateurs d'événements
illégaux de l'autre.
La distinction entre rave-party et free-party est alors
très claire. Il y a ceux qui accèdent aux injonctions
gouvernementales de légalité en mettant en place des services
d'ordres et de sécurité et ceux qui choisissent de ne pas
demander d'autorisation. Ils peuvent alors se permettre de ne pas payer de
service d'ordre, de proposer une soirée gratuite ou à prix libre,
de ne pas s'encombrer de demande de licence de débit de boisson ou de
déclaration à la SACEM.
Mais c'est en mai 2001 que le lien entre techno et politique
franchit une nouvelle étape. Le député RPR Thierry Mariani
dépose alors un amendement à la loi sur la sécurité
quotidienne. Ainsi, une clause visant spécifiquement les free-parties se
retrouve à côtoyer dans une même loi des textes sur la
délinquance des mineurs, sur la vente d'armes, ou même sur la
lutte contre le terrorisme. L'article relatif aux rave-parties stipule que les
organisateurs
doivent déclarer l'événement
auprès du préfet du département et obtenir l'autorisation
du propriétaire du terrain. Alors, « si le rassemblement se tient
sans déclaration préalable ou en dépit d'une interdiction
prononcée par le préfet, les officiers de police judiciaire [...]
peuvent saisir le matériel utilisé, pour une durée
maximale de 6 mois, en vue de sa confiscation par le tribunal ».
Après une période estivale où
l'actualité médiatique est ponctuée de discours sur les
événements techno, survient la catastrophe du 11 septembre 2001.
L'heure est alors à la coalition. Le projet de loi est finalement
voté le 31 octobre 2001. Des décrets d'application de la loi
préciseront qu'au dessous d'un seuil de 250 personnes, puis de 500, la
loi n'a pas à être appliquée. Des free-parties de petite
taille, non autorisées mais non illégales, peuvent alors se
développer à nouveau.
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