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Dynamique urbaine a Nouakchott (Mauritanie) : évolution spatiale des dépressions salées (sebkha)

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par khadijetou SENEH
UCAD - DEA 2006
  

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INTRODUCTION

Pour les pays côtiers d'Afrique de l'Ouest, la zone côtière représente un espace de développement d'importance stratégique. C'est là en effet que sont situées les principales agglomérations urbaines et où vivent près de 60 % des habitants des pays côtiers de l'Afrique de l'Ouest (PRCM, 2004).

A l'instar de celles des autres pays côtiers d'Afrique de l'Ouest, la côte mauritanienne a connu un accroissement considérable de sa population. Avant les années 50, le littoral mauritanien était quasiment inhabité : la majeure partie de la population du pays était constituée de nomades, vivant à l'intérieur des terres ; les agriculteurs étaient concentrés le long du fleuve Sénégal au sud. Cette répartition ancienne des populations s'est modifiée à partir des années 1960 et 1970, suite à une série de sécheresses qui a rendu difficile la subsistance nomade et a accentué les phénomènes d'exode rural.

Aujourd'hui, plus du tiers de la population mauritanienne vit le long de la zone côtière. Les densités sont particulièrement importantes dans la capitale Nouakchott qui à elle seule, représente près du quart de la population du pays (ONS, 2000). Nouakchott concentre également l'essentiel des activités économiques.

La zone côtière de Nouakchott est le lieu du développement des secteurs clés : transport, énergie et pêche. Elle abrite trois sites portuaires importants qui constituent des pôles d'attraction pour la population. La découverte récente du pétrole offshore a aussi entraîné la mise en place d'importantes installations et équipements et créé de nombreux emplois. Le littoral concentre aussi d'importantes activités économiques parmi lesquelles la pêche, l'extraction de matériaux de construction et l'extraction de sel.

Par ailleurs, la ville de Nouakchott est située à l'extrémité occidentale d'un ensemble dunaire continental. Ces dunes constituent une des contraintes environnementales majeures à l'expansion de la ville vers l'Est. Aussi, l'extension de la ville s'est-elle orientée davantage vers l'ouest, sur la côte de la mer. A cet égard les quartiers les plus peuplés de Nouakchott jouxtent la frange côtière.

L'occupation du sol dans la zone côtière de Nouakchott, comme dans la plupart des pays africains, s'est faite d'une manière anarchique, entraînant ainsi des problèmes spatiaux et environnementaux aigus. Parmi ces problèmes on note :

- le développement des quartiers spontanés (bidonvilles) sur une zone impropre à l'habitat (dépression salée ou sebkha) ; l'assainissement de ces quartiers serait une entreprise difficile à mener, de même que leur approvisionnement en eau potable et en électricité ;

- les inondations en cas de fortes pluies ou de remontée de la nappe phréatique ;

- la pollution de la nappe phréatique et des eaux de mer : les rejets des ordures présentent des risques élevés de contamination des nappes proches, dans les zones basses de la sebkha et des eaux marines ;

- la dégradation des ressources naturelles ;

- l'érosion, qui est au-delà des phénomènes marins, en rapport avec une occupation du Domaine Public Maritime, occupation faite de constructions mal localisées, à une surexploitation du sable des dunes et à une dégradation de la couverture végétale (Ba A. D., 1991).

C'est dans ce contexte d'occupation anarchique du sol et de pressions considérables sur l'écosystème que la planification des activités sur la frange littorale devient urgente. Aujourd'hui, un Plan Directeur d'Aménagement du Littoral Mauritanien est en cours d'élaboration et un observatoire du littoral a été mis en place pour mieux résoudre les problèmes.

Dans le même ordre d'idées, on peut noter qu'il y a d'ailleurs plusieurs travaux entrepris au niveau national, parmi lesquels on peut citer :

- une étude de l'environnement aux abords de Nouakchott menée par le bureau d'étude Saint M. P. et IRC. Cette étude pose la problématique de la vulnérabilité de la ville de Nouakchott liée à la fragilisation du cordon littoral ;

- le Schéma Directeur d'Aménagement Urbain de Nouakchott qui a été réalisé par l'Agence de Développement Urbain. Ce plan se révèle d'une importance capitale dans la planification du littoral et fournit un cadre de référence pour le développement futur de la ville de Nouakchott pour les horizons 2010 et 2020.

Ces initiatives sont toutes intéressantes et soulignent le rôle fondamental de la recherche et de la collecte de données de base dans le processus d'une gestion durable des espaces littoraux. Néanmoins, le point faible de ces travaux est l'insuffisance de l'etat d'analyse de la dynamique de l'évolution spatiale et temporelle de l'occupation du sol, ainsi qu'une réflexion sur la perspective de développement de la ville de Nouakchott et des régions côtières du littoral de Mauritanie.

Le but de cette étude est de contribuer à la documentation de cette dynamique spatiotemporelle de la ville de Nouakchott, particulièrement la zone de sebkha, en utilisant les outils de la géomatique et de la recherche sociologique.

Les principales questions que nous nous sommes posées sont les suivantes : comment l'occupation du sol a-t-elle évolué durant ces dernières décennies ? Quels sont les problèmes environnementaux et socio-économiques rencontrés au cours de cette évolution ? Quels sont les facteurs explicatifs de l'occupation du sol ?

L'objectif principal de ce travail est de comprendre les changements de l'occupation du sol et les interactions entre les sociétés humaines et leur environnement sur la côte de Nouakchott, compte tenu du développement des activités économiques de cet espace côtier. Les objectifs spécifiques sont les suivants :

> retracer l'évolution spatio-temporelle de l'occupation du sol sur la côte de Nouakchott de 1980 à 2002 ;

> identifier les problèmes environnementaux et socio-économiques qui découlent de cette occupation ;

> identifier les facteurs associés à l'occupation du sol de la zone.

Au terme de nos recherches, nous avons analysé et présenté les résultats à travers la structure suivante :

- la première partie est consacrée à la présentation de la méthodologie et à la description des caractéristiques générales, physiques et humaines de la zone d'étude ;

- la deuxième partie porte sur l'évolution de l'occupation du sol de la dépression salée de Nouakchott. Dans cette partie, sont abordés les facteurs et les problèmes environnementaux associés à cette occupation.

PREMIERE PARTIE : CADRE DE L'ETUDE

1. CADRE CONCEPTUEL ET METHODOLOGIQUE

Le cadre conceptuel et méthodologique a pour objet de présenter et de discuter les principaux concepts, les variables d'analyse, les méthodes et techniques de collecte utilisées dans cette recherche.

1.1. Cadre conceptuel

Au cours de cette étude, le mot Sebkha sera largement utilisé. Mais nous signalons la différence entre Sebkha désignant un des arrondissements de la capitale et sebkha qui est une unité géomorphologique, un terme géographique d'origine arabe qui signifie une dépression salée1. Cette dernière est utilisée pour désigner la zone que nous avons choisie comme objet d'étude et qui englobe trois arrondissements de la ville de Nouakchott : Tevragh Zeina, Sebkha et El Mina (carte 1).

Nous développons l'idée que l'évolution de l'occupation du sol de la sebkha est repérable à travers l'étude de deux domaines d'analyse que sont l'exploitation des ressources naturelles et l'occupation de l'espace ; comme nous tentons de le présenter dans le diagramme de la figure 1.

Figure 1 : Diagramme conceptuel de l'occupation du sol

OCCUPATION/UTILISATION
DU SOL

Occupation de l'espace

Utilisation de l'espace /
Exploitation des RN

Halieutique

Carrières

Sel

Habitat

Infrastructures

Dépôt d'ordures

Le diagramme présente les différents domaines qui sont respectivement abordés dans notre analyse de l'utilisation de l'espace et de l'exploitation des ressources naturelles et dans celle de l'occupation de l'espace :

- l'occupation de l'espace : il s'agit de l'espace qui sert de cadre de vie et d'activités aux hommes ; il est constitué par l'habitat, les infrastructures et les sites de dépôt de déchets ;

1 A la suite de nombreux autres auteurs, Helley E. (2005) définit la sebkha comme une dépression fermée dans les régions désertiques. De taille variable, elle est submergée par l'eau salée en saison des pluies, desséchée et couverte d'efflorescences salines en saison sèche.

- l'utilisation de l'espace et l'exploitation des ressources naturelles : Il s'agit des activités humaines déployées dans un espace déterminé et de la pression humaine sur les ressources naturelles. Il est question ici de l'exploitation des ressources halieutiques, des sables de dunes du littoral, des coquillages et du sel.

Pour analyser les facteurs associés à cette occupation, nous partons de l'idée que l'occupation de la sebkha peut être liée à des facteurs exogènes et à des facteurs endogènes (figure 2).

Figure 2 : Diagramme conceptuel des facteurs associés à l'occupation du sol

FACTEURS ASSOCIES A
L'OCCUPATION DU SOL

Facteurs
exogènes

Facteurs
endogènes

Sécheresse

Pauvreté de la
zone rurale

Crise
agropastorale

Disponibilité
de l'espace

Infrastructures de
développement

Disponibilité des
RN

Dans le contexte de l'étude, les facteurs exogènes sont : la sécheresse, la crise agropastorale et son corollaire que constitue la pauvreté des zones rurales. Theunynck S. et Widmer N. (1987) écrivent dans ce sens :

«La capacité d'accueil du milieu naturel est saturée : on estime, sur la base des systèmes d'agriculture et d'élevage traditionnel, que la population supportable par le milieu rural ne dépasse probablement pas un million d'habitants. Or, la population rurale de la Mauritanie a déjà dépassé ce chiffre depuis 1970. La poursuite de la croissance de cette dernière, au rythme de 1% par an, compromet les maigres possibilités de restauration des équilibres naturels, même si les conditions climatiques redevenaient favorables. Ces facteurs expliquent les mouvements de migration des populations qui quittent l'intérieur du pays pour aller vers les agglomérations urbaines». p14

Par facteurs endogènes nous entendons, la richesse, relative de la zone côtière, en ressources naturelles, la disponibilité de l'espace, les objectifs et politiques de développement qui visent une concentration des activités économiques sur la côte. Ces facteurs expliqueraient l'appel des populations vers les zones côtières, en particulier Nouakchott.

Dans cette analyse, les influences anthropiques et naturelles sont souvent difficilement séparables : elles sont fortement imbriquées dans le temps et dans l'espace. Pour nous, il s'agira aussi, d'appréhender l'articulation entre l'échelle locale et le niveau national et à chaque fois, de tenir compte des facteurs socio-économiques et écologiques dans l'analyse de la dynamique de l'occupation du sol.

1.2. Méthodologie

Ce travail a surtout utilisé les techniques et méthodes qualitatives combinant les approches géographiques et sociologiques. L'approche méthodologique adoptée comprend quatre phases que sont : la recherche documentaire, les enquêtes de terrain, le travail cartographique et l'analyse des données.

1.2.1. Recherche documentaire

Tout au long de cette étude, un travail de documentation sur la problématique de recherche a été réalisé, en faisant recours aux différents documents cartographiques, ouvrages, articles, rapports et revues spécialisées dans le domaine. Nous avons en particulier exploité la documentation existant dans la bibliothèque du LERG et dans divers autres centres de documentation à Nouakchott (CCF, UICN, PNUD, DATAR et BU de l'Université de Nouakchott) et à Dakar (BU de l'UCAD).

1.2.2. Enquêtes sur le terrain

Au cours de la période du 7 avril au 7 mai 2005, nous avons effectué une mission de terrain à Nouakchott. Il s'agit d'une recherche de type exploratoire où nous avons surtout utilisé les techniques et méthodes qualitatives de collecte de données. Par ailleurs, cela nous a permis d'être en contact avec les personnes-ressources, de procéder à des visites et observations de sites, de faire des relevés cartographiques et d'avoir des entretiens qualitatifs.

1.2.2.1.Contacts avec les services techniques

Nous avons eu des entretiens et collecté des données secondaires auprès des structures techniques suivantes :

- l'Agence de Développement Urbain ;

- la Direction de l'Aménagement du Territoire et de l'Action Régionale (cellule d'aménagement du littoral) ;

- le Bureau local de l'Union Mondiale pour la Conservation de la Nature ; - le Bureau d'étude BSA ;

- la Direction de l'Environnement et de l'Aménagement Rural ;

- la Direction de l'Habitat et le Service de Topographie du Ministère de l'Equipement ; - la Direction de la Marine Marchande ;

- le Département de Géographie de l'Université de Nouakchott ;

- l'Office National de la Statistique.

1.2.2.2.Les visites de sites

Nous avons visité les zones d'habitations et d'activités économiques localisées le long de la partie du littoral concernée par notre étude que sont :

- les quartiers spontanés d'El Kebba dans les arrondissements de Sebkha et d'El Mina ; - une partie des quartiers populaires d'El Mina et de Sebkha ;

- le quartier spontané du Wharf ;

- une partie de Tevragh Zeina (la nouvelle cité de Maawiya) ;

- la « Plage des pêcheurs » ;

- les sites d'extraction du sel dans la sebkha active à Tevragh Zeina et El Mina ;

- le site de séchage et de transformation de poissons sur les dunes du littoral. 1.2.2.3.Les observations de sites

Au cours de nos visites, nous avons procédé à des observations de terrain sur l'habitat, les activités socio-économiques et les problèmes environnementaux. Ces observations ont été couplées à des prises de photos.

1.2.2.4.Les relevés cartographiques

Le GPS avec lequel nous avons relevé les coordonnées géographiques est de type Garmin 12XL configuré avec le système de projection UTM Zone 28. La quarantaine de coordonnées recueillie sur le terrain a facilité la correction des images traitées.

1.2.2.5.Les entretiens qualitatifs

Nous avons effectué des entretiens individuels et des entretiens de groupes.

- Les entretiens de groupe ont concerné séparément, les extracteurs de sel (à Sebkha et à Tevragh Zeina), les pêcheurs de la « Plage des pêcheurs » et les femmes des bidonvilles d'El Kebba.

- Les entretiens individuels sont de types informels et semi-structurés. Ils ont concerné des personnes appartenant à différents groupes d'activités économiques (pêcheurs, transformateurs de produits halieutiques, extracteurs de sel, mareyeurs, commerçants, ouvriers des ports). Les personnes ciblées sont de différentes nationalités, de divers groupes ethniques (Maures, Peuls, Wolofs et autres ressortissants étrangers), d'âges et de sexes différents.

1.2.3. Analyse des données sociologiques

L'analyse des données sociologiques a été faite en utilisant les méthodes d'analyse qualitative. Il s'agit de faire l'analyse thématique qui recense les thèmes abordés dans les textes d'entretien. Ensuite, nous avons procédé au sommaire ethnographique qui consiste à extraire les citations les plus significatives, à les comparer pour ensuite dégager celles qui sont typiques de la situation que l'on veut décrire. L'objectif étant de voir ce qui fait la cohérence des idées exprimées et de restituer les idées exprimées par les populations ellesmêmes.

1.2.4. Le travail cartographique

Le travail cartographique effectué peut se résumer en trois étapes essentielles : la collecte des données images, leur prétraitement, la cartographie proprement dite et la vérification sur le terrain.

· Nous avons procédé à la collecte des images multi-dates : photographies aériennes de 1980 et image SPOT du 1 avril 2002 de la zone d'étude.

· Le traitement des données a consisté en la transformation des données images en documents cartographiques avec une échelle et une projection déterminée (Ellipsoïde WGS 84, Projection UTM zone 28). Pour cela, le recours à des logiciels appropriés (ArcView, Er Mapper, MapInfo et Envi) a été indispensable. Les différentes opérations du traitement comprennent :

- les rectifications géométriques pour amener les photographies aériennes et l'image SPOT à un même référentiel cartographique que nous avons réalisé avec la version 6.4 du logiciel Er Mapper ;

- le mosaïquage des photographies aériennes de 1980, opéré avec le logiciel Envi 3.5 après rectification ;

- et la vectorisation ou édition cartographique des différentes unités de paysage de la zone d'étude à une échelle donnée, réalisée grâce aux logiciels ArcView 3.2 et MapInfo 6.5.

· Les travaux de terrain ont permis d'affiner la typologie de l'occupation du sol et les correspondances entre les images et les paysages sur le terrain. Une quarantaine de points de calage pour préciser la localisation de différents types d'occupation du sol ont été relevés au GPS.

2. CADRE PHYSIQUE

2.1. Situation géographique

Nouakchott, capitale de la République Islamique de Mauritanie, est situé au 18° 07`Nord (latitude) et au 15° 05` Ouest (longitude). La zone objet de notre étude proprement dite est localisée dans la partie Ouest de la ville. Elle se trouve dans la dépression salée (sebkha) et englobe les parties Ouest des arrondissements de Tevragh Zeina, Sebkha et El Mina (carte 1). Ces quartiers représentent respectivement le 5e, le 6e et le 4e arrondissement dans le découpage administratif de la ville de Nouakchott.

2.2. Climat

La position géographique de Nouakchott sur la bordure océanique du Sahara lui confère les caractéristiques d'un désert côtier marqué par la présence d'un courant marin froid.

2.2.1. Les vents

Nouakchott est soumise à l'influence saisonnière de différents régimes de vents dont les plus fréquents proviennent des secteurs Nord 33 %, Nord-Ouest 22 % et Nord-Est 14 % (Pigeon J. L., 2001). Ces principaux régimes sont:

· les alizés représentés par :

- l'alizé continental (harmattan), de direction dominante nord à nord-est. Ce vent provient des zones de hautes pressions thermiques (anticyclone du Sahara) qui règnent sur le Sahara d'octobre à décembre, et sur la mer Méditerranée de décembre à février. C'est un vent d'origine continentale ; il est très sec, sa température varie largement entre le jour et la nuit, et au cours de l'année. Il joue un rôle important dans les transports éoliens. Ces alizés sont les vents dominants ;

- l'alizé maritime de direction dominante de nord à nord-ouest et d'une vitesse moyenne de 6-10 m/s. Il est frais et humide et a pour origine la zone des hautes pressions de l'anticyclone des Açores.

· Les vents de mousson sont générés par l'anticyclone de Sainte-Hélène et de direction Ouest-Sud Ouest. Ils sont à l'origine de quelques précipitations annuelles de courte durée. Le vent de mousson se fait sentir à partir de juin sur la Mauritanie méridionale et produit son effet maximum en août. Son action est limitée le long de la côte où il n'est pas suffisamment fort pour repousser l'alizé maritime.

2.2.2. Les précipitations

Les précipitations résultent essentiellement de la mousson. Elles interviennent durant les mois de juillet, août et septembre. Cependant, on observe des incursions d'air polaire pendant la saison froide qui engendrent des pluies dites de « Heug ». Les moyennes pluviométriques calculées sur la période 1970-2003 donnent 81.7 mm. Le déficit pluviométrique est très important et on remarque une mauvaise répartition des pluies durant la période de sécheresse

des années 1970 et 1980. Cependant, la figure 3 montre que les précipitations connaissent d'importantes variations inter annuelles.

Figure 3 : Evolution inter annuelle des pluies à Nouakchott (1970-2003)

300

250

200

150

100

50

0

Pluies annuelles Moyenne

années

Source : ASECNA, 2004

Comme on peut le noter sur la figure 3 au cours des années 1970 s'ouvre une période de déficit pluviométrique dont l'année 1977 constitue l'année record. Cette période s'est poursuivie pratiquement jusqu'à la fin des années 80 avec des déficits record en 1984. On peut observer une nette reprise à partir de 1986.

2.2.3. Température

L'action des masses d'air Polaire et la situation sur le littoral atlantique entraînant une réduction des températures par rapport à la partie continentale, on observe aussi des écarts de températures moins prononcés du fait de la proximité de l'océan. Les températures oscillent entre 28,4°C et 36,4°C pour les maxima et entre 14,6°C et 25,7°C par les minima (ADU, 2002). Nouakchott présente, trois saisons climatiques :

- une saison froide (d'octobre à janvier) qui bénéficie de températures basses (moyenne des minima : 19°C), d'une évaporation importante et d'une humidité faible ;

- une saison chaude (de février à juin) marquée par des températures élevées, surtout dans la journée mais adoucies le soir par l'alizé maritime (moyenne des maxima : 32°C) ;

- une saison tiède et humide, de juillet à septembre et correspondant à la période pluvieuse.

2.3. Géologie

Nouakchott se situe aux confins de l'immense bassin sénégalo-mauritanien. Seules les couches géologiques récentes (Quaternaire) déposées depuis environ un million d'années affleurent à Nouakchott et dans les environs immédiats. Ces formations du Quaternaire sont constituées d'une alternance de dépôts marins coquilliers mie en place lors des transgressions et de sédiments continentaux lors des régressions.

Le Quaternaire comprend les étages principaux que sont : le Quaternaire ancien ou Tafaricien (1 000 000-700 000 ans BP), le Quaternaire moyen ou l'Aioujien (500 000-300 000 ans BP), le Quaternaire récent ou l'Inchirien (40 000-20 000 ans BP) et le Nouakchottien qui a commencé à #177; 6730 ans BP. Comme en témoignent les nombreuses formations coquilleuses2 d'Arches, comme Anadara senilis dans les sédiments de la région de Nouakchott, tout le long de la côte, autour des sebkhas de Ndhamcha et de l'Aftout Es Saheli (Caruba R. et Dars R., 2000).

Selon Caruba R. et Dars R. (2000), la sebkha a été formée pendant le Quaternaire récent. La formation du cordon dunaire littoral actuel isole progressivement ce golfe de l'océan : après de nombreuses fluctuations, les lagunes qui communiquent épisodiquement avec l'océan ne sont plus alimentées et l'évaporation interne transforme les zones les plus basses en sebkhas à cause de l'aridification progressive du climat.

2 Sur les hauts-fonds de l'Aftout Es Saheli a vécu une abondante faune d'Arca senilis qui a laissé une couche de faluns de près de un mètre d'épaisseur et qui est exploité comme agrégat pour les bétons et bitumes (ADU, 2002).

2.4. Géomorphologie

La sebkha est une vaste dépression de quelques kilomètres de large, nommée aussi Aftout Es Saheli3. Elle se situe juste dernière le cordon littoral (dans la partie occidentale de la ville). Les altitudes de sebkha sont comprises entre +1 et -1 m par rapport au niveau de la mer et les terrains sont argilo-saliféres de surface (Pitte J.R., 1985).

La nappe phréatique saumâtre de la sebkha est sub-affleurante, avec des profondeurs de l'ordre de 2 à 4 m (DATAR, 2000), ce qui entraîne des inondations lors de fortes précipitations.

La sebkha est limitée à l'est par les multiples cordons dunaires rouges de l'erg du Trarza orientés nord-est sud-ouest (Figure 4). Ces dunes ont des altitudes de 5 à 20 mètres et des largeurs de 1 à 2 kilomètres ceinturant la ville (Caruba R. et Ould Sidaty M., 1996). A l'ouest, la sebkha est limitée par un cordon dunaire relativement étroit, faiblement végétalisé et large de 150 m en moyenne et avec une attitude inférieure à 6m. Il en résulte que ce cordon littoral est écologiquement précaire, géomorphologiquement et hydrologiquement favorable à l'érosion.

Figure 4 : Coupe géomorphologique de l'Aftout Es Saheli

Ouest Est

Cordon littoral Dépressions salées Terrasse marine Massif dunaire continental

(sebkha)

La ville de Nouakchott

Source: Hebrard L., 1968

3 Selon Vernet R. et Ould Mouhamed Naffé B. (2003) un Aftout est un couloir formant une dépression entre deux massifs dunaires. L'Aftout Es Saheli a 230 km de longueur et 5 à 10 km de largeur, et se développe jusqu'à Saint-Louis (figure 4).

2.5. Sols et végétation 2.5.1. Sols

Les sols de Nouakchott sont principalement constitués des formations salines (gypse, anhydrite, sel, etc.), d'argiles, de calcaires, de grés, de dolomies et de sables. Ils se composent en surface soit de strates de faluns coquilliers fossilisés, soit de sable fin.

A titre illustratif, la coupe géologique effectuée par Pierre Elouard en 1968 sur l'une des carrières situées en bordure de la route de Rosso (sud de Nouakchott) a indiqué les différents terrains suivants :

- 0 à 0,20 m : sable argileux ;

- 0,20 à 0,30 m : coquilles ;

- 0,30 à 0,70 m : sable blanc fin renfermant de nombreux débris coquilles ;

- 0,70 à 1,30 m : falun à « Arca senilis » de grande taille et autres coquilles ; - 1,30 à 2,35 m : sable blanc et jaune fin ;

- 2,35 à 2,80 m : « beach-rock4 » dur massif ; mélange de gros grains de quartz et de coquilles cassées.

Dans les dépressions salées de la sebkha les sols sont halomorphes. Leurs caractéristiques pédologiques sont déterminées par le phénomène de salinité.

2.5.2. Végétation

Les études réalisées dans le cadre du projet biodiversité du littoral mauritanien ont montré que la ville de Nouakchott et sa périphérie sont caractérisées par une forte dégradation du couvert végétal. A cet égard, la sécheresse de ces dernières années et l'exploitation intensive des ressources par les populations ont renforcé cette dégradation aux abords immédiats de la ville (DEAR et PNUE, 1998). Les récits que nous avons recueillis mentionnent une présence ancienne de végétation dans la zone de sebkha et sur les dunes du littoral. Aujourd'hui ces zones sont complètement dénudées. Ainsi, un informateur âgé déclare : « il y avait beaucoup

4 Grés de plage

d'arbres, mais depuis quelques années on ne voit plus de végétation ici. Si on voulait implanter ici une usine ou faire une construction on coupait les arbres ; même nous, la première fois que nous sommes venus ici, nous n'avons pas trouvé assez d'espace pour le séchage de nos poissons, nous avons été obligés de couper les arbres. Maintenant, il n'y a plus rien, ici tout est désert ». Mais, il est difficile de dater cette période où la zone était relativement bien couverte par des arbres. Cependant, l'examen des données aériennes et spatiales tend à confirmer ces récits recueillis auprès des populations. Ainsi, on voit nettement la différence des écarts de surface entre les photographies aériennes de 1980 où la sebkha et les dunes du littoral sont relativement végétalisées, et l'image satellitaire de 2002 où la sebkha et les dunes littorales sont dénudées.

Selon toujours la même étude de DEAR et PNUE (1998), la répartition de la végétation suit celle des unités géomorphologiques. La dépression de la sebkha est caractérisée par une végétation halophile pauvre et diffuse à cause de la dureté du sol ; dans cette zone seules les plantes supportant le sel se développent (Tamarix senegalensis, Tamarix passerinoides, Tamarix aphylla, Zygophyllum waterlottii) quand le sol n'atteint pas un certain niveau de concentration du sel. Mais au-delà d'un certain taux de salinité, aucune plante ne se développe, laissant un sol dénudé. Il y a eu peut être une augmentation progressive de la concentration du sel à la suite probablement de la sécheresse. Sur la bordure de la plage, se développent Polycarpea nivea, une petite plante grêle à fleurs soyeuses, et Traganum moquini. Le cordon littoral est surtout colonisé par le (Tamarix amplexicaulis) et le Nitraria refusa. Sur les dunes ogoliennes s'accrochent une végétation adaptée aux substratums sableux ou argilo-sableux (Euphorbia balsamifera, Zygophyllum waterlottii, Amaranthus graecizans)

3. CADRE HUMAIN

3.1. Caractéristiques démographiques

La ville de Nouakchott est caractérisée par une croissance démographique galopante. Ce phénomène peut être expliqué par un exode rural persistant et par une politique d'Etat qui centralise tous les pouvoirs politiques, administratifs et économiques dans cette ville.

Dès 1962, Nouakchott qui comptait environ 5 800 habitants, soit 7,3 % de la population urbaine mauritanienne, est devenue le pôle principal d'attraction des migrants. Entre 1977 et 1988, la population a presque quadruplé, passant de 135 000 à 420 000 habitants. Elle s'est développée avec un taux de croissance annuelle de l'ordre de 13 %. A titre de comparaison, Dakar et Bamako avaient à la même période, des taux moyens de croissance voisins de 4 à 5 % jugés déjà très rapides (ADU, 2002).

En 1988, Nouakchott comptait près de 21 % de la population du pays et 53 % de la population urbaine. Selon les chiffres du recensement en 1988, les immigrants représentaient près de 20 % de la population nouakchottoise. En 2000, la ville de Nouakchott comptait 558195 personnes, soit 24 % de la population totale du pays et un taux de croissance annuel moyen de 3,75 %, supérieur au taux moyen de croissance de la population du pays (2,6 %) selon l'ONS, 2000. Entre 1995 et 2000, la population des arrondissements de la ville a continué à enregistrer une croissance démographique importante, comme le montre la figure 5.

Figure 5 : Répartition de la population de Nouakchott par arrondissement en 1995 et en 2000

Population

160000

120000

40000

80000

0

El Mina Ksar Sebkha Tevragh

2000

1995

Arrondissement Zeina

Teyarett Toujounine Arafat Dar naïm Riyad

Source : ONS, 2000

La figure 5 montre qu'en 1995, El Mina était l'arrondissement le plus peuplé de Nouakchott soit 25 % de la population totale. Tevragh Zeina qui était moins peuplé concentrait 4 % de la population de la ville, alors que Sebkha représentait 12 % de la population totale en occupant la 4e position après El Mina, Arafat (14 %) et Toujounine (13 %). A partir de 2000, suite aux nouveaux lotissements des quartiers dans les arrondissements de Nouakchott, Arafat devient le plus peuplé (18 %), suivi d'El Mina 17 % ; alors que Sebkha et Tevragh Zeina occupent, respectivement, la 3e et 7e position en terme d'importance de la population des arrondissements de Nouakchott.

D'une manière générale, on estime que les migrations touchent plus fortement les hommes que les femmes. C'est peut-être pourquoi certains quartiers comme ceux de la zone étudiée ont une population masculine plus nombreuse que celle féminine.

Figure 6 : Répartition par sexe de la population dans les arrondissements étudiés

Population

40000

60000

20000

50000

30000

10000

0

Sebkha El Mina Tevragh Zeina

Arrondissement

Masculin Fémmin

Source : ONS 2000

La population résidente de la zone d'étude se caractérise par une prépondérance des hommes qui représentent 54,9 % contre 45,1 % pour les femmes. Cette situation est liée essentiellement à un fort taux de migration observé chez les hommes.

3.2. Caractéristiques socio-économiques de la zone d'étude

La population de la zone étudiée peut être divisée en plusieurs catégories :

- une population relativement pauvre qui habite les communes de Sebkha et d'El Mina. Elle est en majorité composée de groupes ethniques noirs. Il s'agit, le plus souvent de Harratines (esclaves affranchis), de Hal Pular, de Soninké et de Wolof. Ces ethnies cohabitent souvent avec quelques Beydanes (Maures blancs) ;

- une population relativement aisée, composée pour la plupart de « Maures blancs » et aussi de Soninké et de Hal Pular. Ces personnes travaillent généralement dans le secteur du commerce international ou des petites et moyennes entreprises. Dans la zone étudiée, cette catégorie est surtout localisée dans les quartiers de Tevragh Zeina. Les terrains de ce quartier sont considérés comme très chers et pratiquement réservés à ce qu'on peut qualifier de « nouvelle bourgeoisie locale » ;

- une population très pauvre qui habite les zones appelées El Kebba (Dépotoir/bidonville en Hassania) situées dans les communes d'El Mina et de Sebkha. Ce sont essentiellement des Harratines. Ils ont le statut social le plus bas et sont marginalisés et exclus socialement. Ces populations vivent dans des conditions économiques extrêmement difficiles et sont exposées à de multiples risques sanitaires et environnementaux.

3.3. Activités économiques

La sebkha est un lieu qui concentre d'importantes activités économiques parmi lesquelles l'extraction de matériaux de construction, l'extraction de sel, la pêche et la transformation de produits halieutiques. Le nombre approximatif de personnes employées dans le secteur de la pêche artisanale est de 3300 personnes et celui des transformateurs et des mareyeurs de l'ordre de 2040 personnes (MPEM, 2004). Selon les extracteurs du sel eux-mêmes, leur effectif serait de 70 personnes dans la zone d'extraction de Tevragh Zeina.

La zone côtière abrite aussi trois sites portuaires importants qui sont le Port Autonome de Nouakchott / Port de l'Amitié (PANPA), le complexe portuaire de la plage des pêcheurs et le Wharf. Ces sites constituent des pôles d'attraction pour la population. Cette dernière y tire une grande partie de ses revenus. Ces infrastructures portuaires emploient plus de 18 000 personnes et assurent plus de 90 % des importations (ADU, 2002).

DEUXIEME PARTIE : EVOLUTION DE L'OCCUPATION DU SOL

1. EVOLUTION SPATIALE DE LA ZONE D'ETUDE
1.1. Historique de l'urbanisation de Nouakchott

La Mauritanie s'est urbanisée récemment suite à des vagues de sécheresses successives (depuis les années 1970) qui ont accéléré le phénomène de migration vers les grands centres urbains. Aujourd'hui elle présente l'un des plus forts taux d'urbanisation (62 %) des pays d'Afrique Subsaharienne (BM, 2003).

La faible urbanisation de la Mauritanie pendant la période coloniale s'explique par le fait qu'elle ne représentait pas aux yeux de l'administration coloniale un intérêt économique d'envergure dans un contexte où le nomadisme prédominant impliquait l'absence de villes et de grandes agglomérations. La France avait choisi Saint-Louis (Sénégal) comme chef-lieu de sa colonie mauritanienne. C'est le 19 janvier 1957 à Saint-Louis que le gouvernement français avait pris la décision de transférer la capitale en territoire mauritanien (Ould Sidi M, 1987).

Des études d'urbanisme ont été entreprises avant la décision définitive du transfert du chef-lieu à Nouakchott. Comme dans la plupart des villes africaines, les planificateurs « coloniaux » avaient réservé la zone nord-ouest comme zone administrative (le quartier colonial). Le sud ouest était réservé à la Médina qui comprend actuellement les quartiers de Sebkha et El Mina. Alors que la médina ne dispose que d'une mosquée et d'un Soukh (le marché), le nord-ouest (le quartier colonial) concentre tous les services administratifs et ceux du secteur tertiaire. Les plans coloniaux ne prévoyaient aucune extension de la ville. Celle-ci était limitée entre le plateau dunaire au nord et la sebkha au sud. Le plan Leconte de 1959 fut le 1er plan effectif d'aménagement urbain de Nouakchott. Il est la base sur laquelle va s'élaborer la série de développements urbains subséquents.

La faiblesse des infrastructures et le fait que les plans n'aient pas prévu l'extension de la ville de Nouakchott font que celle-ci n'était pas en mesure de gérer de façon adéquate, l'afflux important des populations nomades. Cette situation a provoqué l'apparition de problèmes socio-économiques et environnementaux. L'émergence de quartiers spontanés insalubres comme conséquence de cette immigration échappait à toute planification. Ce phénomène a généré le problème de manque d'eau potable, des mesures d'hygiène précaires, des problèmes d'assainissement du fait de l'occupation rapide de zones non aedificandi (sebkha).

La croissance urbaine chaotique de Nouakchott a rapidement rendu inopérant les efforts de
planification et d'équipement des autorités urbaines. Au moment où était élaboré le premier

plan d'urbanisme (adopté en 1983, puis révisé en 1987), il y avait déjà un grand nombre d'habitants installés dans des conditions précaires. Les quartiers pauvres encerclaient le noyau urbain dans la partie Sud et Est. Après l'adoption du SDAU de 1987, la situation n'a guère changé et l'application du plan s'est révélée rapidement inefficace.

L'extension de la ville de Nouakchott a dépassé largement les prévisions qui auraient été faites dans les années 1960 et 1970. A cet égard, la capitale a été planifiée pour accueillir 8000 habitants en 1970. En réalité, la population de la ville a atteint cet effectif depuis 1963. Une autre estimation avait prévu 100 000 habitants en 1980 ; en fait il y en avait plus de 200 000 à cette date. La ville était envisagée comme devant s'étendre vers le nord et l'ouest, mais dans les faits, elle s'est développée au Sud-Ouest, vers la sebkha et à l'est vers les dunes ogoliennes (Caruba R. et Ould Sidaty M., 1996). Ces imprévus se sont traduits par une occupation systématique de dépressions inondables.

1.2. Evolution spatiale de la dépression salée de la sebkha (1980-2002)

L'évolution de la ville n'est pas seulement démographique. On peut noter dans la zone étudiée que l'occupation du sol a subi de profondes mutations remarquables dans le bâti, dans les zones d'exploitation des ressources naturelles et dépotoirs d'ordures.

Selon diverses sources, ces mutations de l'occupation du sol se sont accentuées depuis les années 1970. La comparaison des données aériennes de 1980 et de l'imagerie Spot de 2002, par le biais de la cartographie et du calcul de surfaces, fournit des indications sur les profonds changements observés au sein de l'unité géomorphologique de la sebkha et du bâti à Nouakchott.

En 1980, le bâti dans la zone étudiée et l'unité géomorphologique de la sebkha occupaient respectivement une superficie de 869 ha et 15584 ha. Des différences notables sont constatées avec un accroissement considérable du bâti (9139 ha en 2002) et un grignotage de la sebkha qui ne s'étend plus que sur 6368 ha en 2002.

En comparant les cartes 2 et 3, nous notons que l'occupation du sol a beaucoup changé. En termes relatifs la sebkha couvrait en 1980, 61,33 % de la zone d'étude et 29 % de la surface totale de Nouakchott. Cette dépression salée n'occupait plus en 2002 que 25 % de la superficie étudiée et 12 % de la ville. Par contre, l'espace bâti qui ne couvrait que 3,64 % de la superficie en 1980, a atteint 36 % en 2002, soit une augmentation supérieure à plus de dix fois l'étendue initiale en 1980. Cependant, si en 1980 la sebkha qui est une zone non aedificandi (ou impropre à l'habitat) abritait 38 % des habitations de Nouakchott, ce pourcentage a relativement diminué en 2002 (33 %). Cette baisse, malgré l'extension effective du bâti dans la sebkha, est liée à l'agrandissement de la ville de Nouakchott le long des grands axes routiers et la mise en place de nouveaux quartiers. En effet, l'extension actuelle du bâti se fait principalement vers l'est, le long de la route de l'Espoir, le sud, vers Rosso et le nord, vers Akjoujite.

1.3. Evolution spatiale de l'habitat

Sur les cartes 4 et 5 nous avons représenté l'habitat de trois arrondissements (Tevragh Zeina, El Mina et Sebkha), en trois catégories : les bidonvilles d'El Kebba d'El Mina ; les quartiers populaires de Sebkha et d'El Mina et les quartiers résidentiels de Tevragh Zeina.

L'un des traits le plus marquants des changements de l'occupation du sol est la progression de l'habitat comme on peut le constater la figure 7 :

Figure 7 : Evolution des types d'habitat de la sebkha entre 1980 et 2002

Surface en hectare

1600

1400

1200

1000

400

800

600

200

0

populaire résidentiel spontané total

2002

1980

Type d'habitat

L'analyse de la figure 7 indique que la surface de l'habitat a doublé dans un intervalle de 20 ans. L'étendue des surfaces changent selon le type d'habitat. Ainsi, les quartiers résidentiels (regroupant des catégories aisées ou relativement aisées de Tevragh Zeina) ont connu l'extension spatiale la plus importante. La surface de ces quartiers a quasiment quadruplé, passant de 248 ha en 1980, à 622,62 ha en 2002 soit 46,67 % de la surface totale de l'habitat. Cet accroissement s'explique par la taille des parcelles attribuées dans ces quartiers. Dans le même temps, la surface des quartiers populaires (regroupant des catégories de populations pauvres ou de conditions socio-économiques modestes de Sebkha et d'El Mina) passait de 207,73 ha en 1980 à 440,69 ha en 2002, soit une augmentation de 5 % seulement par rapport à la surface initiale. En comparaison avec les quartiers résidentiels, on peut dire que les quartiers populaires de Sebkha et El Mina n'ont pas connu une grande extension spatiale, ce qui explique la densité actuelle très élevée (350 et 450 habitants / ha) de ces quartiers. En ce qui concerne la surface du bidonville d'El Kebba, elle n'a quasiment pas évolué. Ainsi, ces quartiers qui occupaient en 1980 37,5 % de la surface totale de l'habitat n'occupent plus en 2002 que 20,29 %.

2. DYNAMIQUE DE L'HABITAT

2.1.1. L'habitat des bidonvilles d'El Kebba

L'évolution de la ville de Nouakchott met en relief l'extension de la pauvreté et la précarité de l'habitat dans un contexte de difficultés économiques croissantes depuis 1975. L'urbanisation de la Mauritanie se caractérise par l'extension démesurée de poches de pauvreté autour de quelques centres urbains. En 1975, 43 % des ménages urbains du pays occupaient un habitat précaire. Durant la même année prés de 55 % des ménages de Nouakchott résidaient dans les différentes Kebbas, forme locale du « bidonville » constituées à l'époque, majoritairement de tentes (habitat identique à celui que les nomades ont abandonné dans leur milieu rural d'origine) (Urbaplan, 2000). Avec la création des lotissements de recasement des 1e, 5e et 6e arrondissements, cette proportion a diminué de 37 % environ en 1981. La plus célèbre Kebba est celle d'El Mina, quartier périphérique constitué par un espace d'habitat précaire, abritant environ 40 000 habitants soit 7 % de la population totale de Nouakchott.

L'évolution a échappé au contrôle des pouvoirs publics, du fait d'une prise de conscience tardive de la dérive urbaine, dans un contexte de rareté des ressources. Le résultat de cette croissance fulgurante est la formation d'une ville duale qui ne répond que difficilement aux aspirations et exigences de ses habitants. Dès lors, il n'est pas étonnant de constater les effets d'une croissance anarchique que symbolise la prolifération de quartiers spontanés et précaires, résultat d'une gestion et de pratiques informelles et/ou illégales. De même, cela se comprend du fait que les systèmes d'attribution des parcelles et d'une gestion foncière, sont des activités nouvelles dans un pays de nomades.

Selon Diagana I. (2001), la « bidonvilisation » de l'espace nouakchottois au milieu des années 1970 a conduit les pouvoirs publics à engager à partir de 1974 une opération de résorption de l'habitat périphérique illégal, par le morcellement et la distribution de vastes zones principalement au sud-ouest de la ville, dans les arrondissements de Sebkha et El Mina. Cette procédure exceptionnelle que justifiait une situation d'urgence, va par la suite se banaliser puisque les opérations de recasement et/ou de régularisation vont se succéder à un rythme soutenu.

On note dans les textes d'entretien, l'idée de précarité dans les rapports fonciers consécutifs à
l'occupation irrégulière de propriétés publiques ou privées. Ainsi, selon plusieurs

informateurs, les terrains sur lesquels se sont établies les populations étaient à l'origine des lotissements prévus pour des implantations industrielles. Des informateurs évoquant le quartier spontané du wharf relèvent qu'il y a plus de 700 familles dans ce quartier ; elles n'ont pas de titres fonciers et habitent des terrains qui sont déjà attribués aux hommes d'affaires. L'analyse de l'habitat spontané dans la zone fait ressortir l'idée qu'un grand nombre de personnes vivent dans le « provisoire » et « l'incertain ». Or, on fait peu d'investissements sur des terrains qu'on ne détient que provisoirement. Bien que beaucoup d'habitants de ce quartier y soient depuis plus de 15 ans, on ne note pas de signes clairs d'une volonté d'appropriation et de mise en valeur des parcelles par leurs occupants.

Dans les quartiers d'El Kébba, la précarité ne touche pas seulement le foncier. Elle est d'abord ressentie au niveau des revenus. Les ménages sont pauvres et cumulent parfois plusieurs petits emplois pour assurer le quotidien. Les infrastructures et les équipements de base dans ces zones doivent être financés par la collectivité, sans possibilité de recouvrement ultérieur des coûts par les taxes ou les impôts. De même, l'accession à un logement décent est hors de portée pour beaucoup de ménages. La densité dans ces zones est très élevée, elle est de 300 habitants /ha (Urbaplan, 2000). L'analyse thématique fait ressortir de plusieurs textes d'entretien, l'idée de promiscuité. L'importance des densités dans un espace réduit et les conditions de l'habitat (matériaux en bois léger) font que les familles ont l'impression de perdre leur intimité. L'organisation du tissu urbain y est particulièrement anarchique. Il n'y a aucun alignement et ordonnancement des maisons les unes par rapport aux autres. L'absence ou la sinuosité des ruelles dans les quartiers spontanés et populaires rend difficile l'intervention des services de la protection civile, notamment lors de grandes catastrophes comme les incendies.

Le dénuement et l'absence d'infrastructures sociales de base apparaissent comme les caractéristiques marquantes de l'occupation de la zone décrite par un de nos interlocuteurs : « On habite dans les «Mbar''5, on n'a pas d'eau, on achète les barriques d'eau. On n'a pas d'électricité ni de sanitaire, c'est derrière les carcasses des voitures que nous faisons nos besoins ». Il y'a une carence en infrastructures de base (écoles, centres de santé, eau, électricité, moyens de communication).

5 Habitats traditionnels construits avec du bois et de la paille ou du tissu

Photo 1 : Habitats précaires dans le quartier Kebba d'El Mina, mai 2005

La grande majorité des habitants de ces zones (53 %) y vit depuis plus de 15 ans, au sein des ménages comprenant en moyenne 7 personnes et dirigés à 35 % par des femmes. L'analphabétisme est une des caractéristiques prépondérantes de cette population puisqu'il touche près de 64% des chefs de ménages et seuls 53 % des enfants sont scolarisés (Urbaplan, 2000). Les hommes sont souvent au chômage ; ce qui accentue l'état de dénuement des familles. Le taux de chômage des chefs de ménage est élevé (41 %). Ils exercent pour la plupart dans le secteur informel (journaliers, porteurs, âniers-transporteurs...) qui leur procure un revenu mensuel instable de l'ordre de 25 000 UM6 (Urbaplan, 2000). Cette population arrive difficilement à s'adapter aux conditions complexes de la vie urbaine et mène un combat dur pour subsister, quitte à avoir recours à des méthodes peu vertueuses : prostitution, vol, banditisme armé.

La sécheresse a détruit la couverture végétale et décimé le cheptel. Dans ce contexte les populations ne sont pas seulement attirées par les villes dans l'espoir d'y trouver des emplois et des revenus élevés, mais aussi le fait qu'elles soient « forcées » de quitter les zones rurales en raison de facteurs comme le manque de terre et la baisse des revenus tirés de l'agriculture et l'élevage.

En plus de la sécheresse, lors de la guerre du Sahara Occidental en 1975, les terrains de parcours encore viables étaient devenus dangereux du fait de la violence des combats (Koita T, 1997). Les nomades qui possédaient encore quelques têtes de bétail se sont alors repliés vers le Sud où existaient de rares et restreints pâturages verdoyants. D'autres ont simplement

6 Ouguiya Mauritanien : 1 € est équivalent à environ 300 Ouguiyas

abandonné l'élevage pour venir alimenter le flux de personnes déplacées qui se sont établies dans la ville de Nouakchott.

Le conflit entre le Sénégal et la Mauritanie en 1989 a aussi entraîné à son tour un rapatriement massif de populations qui se sont par la suite installées dans ces bidonvilles.

L'historique de l'habitation dans cette zone met également en évidence des antécédents de déguerpissement de populations pauvres qui, habitaient anciennement ces quartiers, par la suite occupée par des classes plus aisées. La politique de l'Etat pour la résorption de l'habitat spontané donne parfois lieu à des opérations de déguerpissements qui occasionnent pour les déguerpis des pertes inestimables au plan socio-économique. A considérer que chaque déguerpi aurait consenti une importante partie de son épargne à l'acquisition d'un terrain et à l'édification de sa maison. De telles opérations occasionnent également d'importantes dépenses de la part de l'Etat. En cas de déguerpissement, parfois l'Etat attribue des parcelles de recasement aux déguerpis ou leur accordait des indemnités de réinstallation. Certains en profitaient pour vendre ces parcelles à des prix exorbitants, et s'installer dans d'autres zones, dans l'espoir que le même processus (de déguerpissement et de recasement) se renouvellerait.

La corruption aussi est un élément déstructurant de l'accès à la propriété foncière. Les populations à faibles revenus sont généralement refoulées à la lisière des centres urbains, dans les zones non loties. Quand il y a des opérations de lotissement, ces mêmes populations ne sont souvent, pas sûres d'obtenir des parcelles, ceci, malgré les dispositions réglementaires.

Le coût élevé des loyers dans les quartiers aménagés est ainsi souvent évoqué pour expliquer en partie le développement de ces quartiers pauvres. Quand le coût des loyers subit une inflation, il n'est pas rare d'assister au déplacement des familles pauvres des quartiers réguliers (où elles n'ont plus les moyens de payer la location), vers les habitations spontanées.

2.1.2. Les quartiers populaires de Sebkha et d'El Mina

La caractéristique principale dans ces quartiers sous-équipés et lotis est que la majorité des résidents sont propriétaires de leurs parcelles.

Ces quartiers défavorisés n'échappent pas non plus à la fièvre spéculative sur les terrains nus ou sur les propriétés bâties. De nombreux lots ou habitations sont régulièrement mis en vente par des populations toujours prêtes à se laisser séduire par les offres de spéculateurs. C'est ce qui explique peut-être l'accélération de la transformation dans certaines parties de ces

quartiers, où l'arrivée massive des populations crée une dynamique de changement axée sur l'amélioration des conditions d'habitat. Ce sont les couches sociales intermédiaires, dont les attentes en matière de logement sont toujours restées non satisfaites, qui maintiennent la demande de terrains à bâtir à un niveau élevé (Diagana I., 1993).

La densité de ces quartiers est comprise entre 350 et 450 habitants/ha (ADU, 2002). C'est la densité la plus forte de tous les quartiers de Nouakchott. Cette forte densité s'explique par l'ancienneté des lotissements dans la Sebkha et El Mina. Mais, la plupart des résidents disent aussi avoir été attirés par le prix des terrains relativement bon marché, comparés aux autres communes de Nouakchott. D'autres habitants indiquent également avoir choisi la zone, en raison de sa proximité de leur site de travail. C'est le cas des pêcheurs et des travailleurs des usines et des ports.

A Sebkha et El Mina, le niveau de vie des populations semble relativement plus élevé que celui des habitants d'El Kebba. Mais, même lorsque les habitants disposent de la sécurité foncière, ils n'ont pas forcément les moyens de construire en dur. Ces quartiers ont presque les mêmes problèmes d'accès au réseau d'assainissement et aux infrastructures de base. A tout cela s'ajoutent les problèmes de promiscuité, de précarité des conditions d'hygiène et de sécurité qui ne facilitent pas la gestion tant au plan du réseau d'équipements collectifs à créer, qu'au plan de la collecte et du traitement des ordures ménagères.

Cependant, contrairement aux quartiers aisés de Tevragh Zeina, les quartiers populaires de Sebkha et El Mina restent encore sous-équipés en matière d'infrastructures sociales.

D'après les enquêtes récemment menées par la SONELEC, seuls 25% des habitants de la capitale ont un accès à un branchement domiciliaire en eau potable. Dans les quartiers de Sebkha et El Mina seuls 20% des habitants sont alimentés par un branchement domiciliaire en eau alors qu'ils sont 78 % dans les quartiers de Tevragh Zeina. Le réseau de distribution d'eau est faiblement étendu et le coût du branchement individuel est très élevé, ce qui prive la majorité des populations de l'eau courante. Les ménages qui ne peuvent pas se payer un branchement direct sont obligés de s'approvisionner à partir de la nappe phréatique parfois polluée. Cette situation explique la forte prévalence de maladies liées à la qualité de l'eau (diarrhée infantile et choléra).

Les quartiers défavorisés de Sebkha et El Mina sont souvent décrits comme abandonnés par
les services de l'Etat. Les infrastructures (voirie, écoles, dispensaires) sont rares et le réseau

d'assainissement quasi-absent. On peut dire que la relative amélioration du niveau d'équipement (par rapport aux bidonvilles d'El Kebba) provient plus des initiatives individuelles que de l'intervention de l'Etat. On peut toutefois douter de la capacité de ces populations à faire face aux problèmes cruciaux et non moins complexes de gestion quotidienne auxquels elles sont confrontées, parce que les dynamiques dont elles sont porteuses ne mènent qu'à des résultats mitigés. La faiblesse de l'intervention des pouvoirs publics, dont les moyens sont sans doute limités dans le temps, nous conduit pourtant à nous interroger sur le rôle des populations dans la perspective d'une amélioration de leur cadre de vie, compte tenu de leurs moyens et de leurs limites.

Photo 2 : Habitats affectés par les effets du sel dans le quartier de Sebkha, mai 2005

Le développement de la ville de Nouakchott est théoriquement régi par un Plan Directeur d'Urbanisme élaboré en 1983 et légèrement modifié en 1987. Ce document qui se présente comme un plan d'occupation du sol, semble à l'heure actuelle, dépassé par l'évolution réelle de la ville. La prolifération incontrôlée des occupations anarchiques est favorisée par la lenteur observée dans l'aménagement des zones d'extensions. Ce phénomène peut être expliqué par un effort de planification urbaine qui s'est peu concrétisée sur le terrain du fait des retards observés dans l'élaboration et dans l'application des documents d'urbanisme. L'absence d'une politique volontariste de constitution de réserves foncières handicape la réalisation des prévisions des plans d'urbanisme. On note aussi que l'immatriculation des terrains du domaine public national et l'expropriation des terrains privés reposent sur des procédures complexes et longues qui ne facilitent pas la mise à disposition des terrains de construction aux moments opportuns.

Les terrains qui se trouvent dans la dépression salée de la sebkha sont théoriquement impropres à l'habitat dans les plans urbains. Ces terrains sont distribués par l'Etat sans aménagements préalables et la plupart des populations n'ont pas les moyens de les aménager. L'effet de la forte concentration du sel, qui rend les habitations précaires, est plus visible dans ces quartiers que dans ceux de Tevragh Zeina. Les types d'habitats sont des baraques ou des logis faits de ciment et sont mal construits sur des terrains salés. Ces derniers selon le SDAU de 2002 ont un effet « corrosif » sur les ciments ordinaires qui se désagrègent rapidement. Dans cette dépression, seuls des moyens de construction onéreux (fondations résistant au sel) offrent des garanties durables, comme dans les quartiers de Tevragh Zeina, excluant ainsi les catégories de population moins aisées de Sebkha et d'El Mina. Pour la population relativement pauvre de la zone, avoir une maison convenable coûte très cher ; il faut beaucoup d'argent pour les remblaiements des terrains salés avant la construction, pour acheter du ciment spécial, du goudron et autres matériaux anti-corrosifs. Theunynck S et Widmer N (1987) indiquent d'ailleurs que jusqu'en 1981, le ciment était importé par route de la cimenterie de Rufisque au Sénégal et par mer, de France et d'Espagne ; ce qui le rendait à l'époque moins accessible pour les populations moins aisées.

En outre, la nappe d'eau saumâtre a un effet corrosif important sur les conduites d'eau et la canalisation des eaux usées. L'assainissement individuel est également difficile, car le creusement de fosses se heurte à la proximité de l'eau salée de la nappe. Enfin, les variations de niveau de la nappe influencent la pression hydrostatique et déstabilisent les éventuelles « fosses étanches ».

2.1.3. Les quartiers résidentiels de Tevragh Zeina

Les quartiers résidentiels sont regroupés essentiellement dans l'arrondissement appelé Tevragh Zeina. Les quartiers résidentiels avec des maisons de haut standing n'ont commencé à exister que dans les années 1980. L'ensemble des quartiers bénéficie d'un taux d'infrastructures et d'équipements relativement élevés. Les rues sont larges, les lots sont de grande surface et les habitants des quartiers très riches font partie de la bourgeoisie locale.

La construction dans la zone fait appel à des matériaux spéciaux (ciment spécial, goudron, sachet en plastiques...) pour résister au sel ; seules des personnes ayant des revenus élevés peuvent s'offrir ces matériaux. Un informateur résume ainsi la situation d'équipement et les conditions de vie dans ces quartiers : « J'habite dans une maison en dur construite avec du

ciment anti-sel. On dispose de toilette avec fosse septique. On dispose de l'électricité et de l'eau courante. On utilise comme énergie pour la cuisson du gaz butane».

Le coût élevé des terrains de construction est lié à la grande taille des parcelles distribuées (la parcelle peut y atteindre 2500 m2 ce qui explique la densité très faible dans ces quartiers entre 30 à 50 habitants/ha), à l'existence d'éclairage public, d'un réseau d'adduction d'eau et d'électricité. Ces investissements ont renforcé le phénomène spéculatif au détriment des populations les plus démunies. En définitive, toutes les énergies et les financements dépensés pour ces opérations de construction de voirie et de viabilité ont eu pour effet de perpétuer, voire d'accentuer les différences socio-économiques, en favorisant la création de nouvelles zones excentrées d'habitats spontanés.

Pour justifier leur établissement dans ces quartiers, les populations de Tevragh Zeina évoquent les avantages du microclimat des abords de la mer et le calme des quartiers aisés. En plus de la sécurité assurée par un gardiennage privé mais aussi par l'attention particulière des forces de sécurité publique.

Les besoins d'une meilleure formation attirent de plus en plus des populations de catégorie aisée. En effet, Nouakchott regroupe la presque totalité des établissements d'enseignement supérieur et technique, de santé et de l'administration.

3. DYNAMIQUE DE L'EXPLOITATION DES RESSOURCES NATURELLES ET LEURS IMPACTS SUR L'ENVIRONNEMENTS

La carte 6 localise les différents sites d'activités économiques dans la zone d'étude. Ces activités sont l'extraction du sel, du sable et des coquillages ainsi que l'exploitation de ressources halieutiques.

3.1. Extraction du sel

L'exploitation du sel a connu un développement important surtout après les évènements sénégalo-mauritaniens de 1989. Ainsi l'exploitation du sel est apparue comme une activité génératrice de revenus dans un contexte d'accentuation de la pauvreté. L'augmentation du nombre d'extracteurs s'explique par la nouvelle valorisation du produit. Le sel est de plus en plus acheté en gros par de riches commerçants. Depuis quelques années, l'Etat a fait des campagnes de sensibilisation pour que la population consomme le sel iodé ; comme c'est

moins cher et plus facile à mélanger avec l'iode les commerçants l'écoulent en grande quantité.

Les zones d'exploitation du sel font l'objet de compétition très serrée entre exploitants et promoteurs immobiliers ou les personnes désirant y construire des habitations régulières. Un informateur explique : « En 2002, les hommes d'affaires ont voulu acheter cette zone pour la transformer en espace bâti, ils nous ont envoyé la police pour nous déguerpir. Mais, nous avons refusé de quitter les lieux et nous sommes allés voir le ministre. Celui-ci nous a dit de rester tranquilles et qu'il va nous trouver une solution ». Depuis, le statu quo semble installé. Cependant, plusieurs informateurs ont peur que ce statu quo ne soit que précaire et qu'ils soient amenés à quitter la zone du fait des pressions des hommes d'affaires sur l'Etat. Les exploitants ne semblent pas se laisser faire. Ils expriment leur résistance. Cette situation peut être expliquée par des incompréhensions, sur le plan humain et social, en raison du conflit qui oppose le droit coutumier qui stipule que l'occupation ou la mise en valeur d'un bien ouvre des droits et la loi qui peut décider d'accorder la propriété des sols à l'Etat ou à une collectivité locale.

En outre, on note un déséquilibre dans les rapports de forces entre exploitants de sel et promoteurs immobiliers. La compétition pour l'occupation de l'espace entre ces deux derniers oppose une catégorie sociale aisée et une catégorie pauvre et déshéritée. Ce qui est à l'origine de nombreux conflits. Les quartiers de Tevragh Zeina jouxtent et empiètent sur les lieux

d'extraction du sel. En effet, les extracteurs se plaignent du fait que des gens riches et aisés trouvent facilement des papiers administratifs et peuvent ainsi occuper leur aire de travail. Ainsi assiste-t- on à un recul des superficies occupées pour l'exploitation du sel.

Cette situation de fait a conduit à un désengagement de l'Etat en matière de promotion immobilière et cela en l'absence d'un cadre formel de suivi et de contrôle.

L'augmentation des inégalités socio-économiques et des phénomènes d'exclusion fait que les populations marginales n'arrivent plus à s'insérer dans les systèmes formels de redistribution des ressources et de gestion du pouvoir. De ce fait, elles ne participent plus directement aux processus de structuration et de régulation de la société. Pour faire face à cette dynamique d'exclusion et assurer leur insertion en milieu urbain, les populations défavorisées mettent en place des mécanismes de défense et des stratégies de survie parfois violentes. Elles développent, individuellement ou collectivement, des tactiques d'intégration pour lutter contre la précarité et la vulnérabilité de leurs conditions de vie. Ces stratégies sont multiples et se développent aussi bien dans la sphère économique, sociale, politique que spatiale, donnant une large part à l'informel.

3.2. Extraction du sable

L'incursion marine de 1992 et la submersion de certains quartiers périphériques qui en a découlé ont sensibilisé les autorités et le public sur les réels dangers inhérents à la fragilisation du cordon littoral. L'interdiction des extractions n'a cependant été effective qu'en 2002. Mais, selon plusieurs informateurs, des camionneurs continuent de faire des prélèvements clandestins de sable sur les plages, pendant la nuit.

Le sable entre dans la composition des ciments, des mortiers et des parpaings, réalisés par les tâcherons du secteur informel pour les catégories les plus pauvres de la ville. On note que le sable, extrait des dunes de formation éolienne non loin de la ville, est moins cher, parce que plus proche que le sable de mer provenant du cordon littoral situé à 5 km à l'ouest de la ville. En revanche, ce sable de granulométrie très fine a une surface spécifique très étendue qui exige plus de ciment que le sable de mer.

Dans plusieurs entretiens, les populations reconnaissent les conséquences néfastes de
l'extraction du sable sur l'environnement. En plus des phénomènes naturels, l'avancée de la
mer est accentuée par l'extraction non contrôlée du sable marin. L'exploitation des ressources

est présentée comme pouvant engendrer non seulement leur diminution ou leur raréfaction mais de plus, elle provoquerait une avancée de la mer. Le prélèvement de sable dans le cordon dunaire est estimé à 50 camions de 5 à 6 m3 par jour. Cette exploitation considérable s'effectuait essentiellement entre la plage des pêcheurs et le Wharf où la dune littorale a été fragilisée en divers endroits. Ainsi, en août 1992, la mer y a ouvert une brèche d'environ 50 m au nord de l'hôtel Sabah entraînant l'interdiction de toute extraction dans ce secteur (Marico D., 1996).

3.3. Extraction des coquillages

Depuis 1950, le gisement qui se trouve aux abords de la ville de Nouakchott est massivement exploité, au point qu'on parle déjà (peut-être un peu vite), d'épuisement. C'est le seul agrégat disponible dans un rayon de quelques centaines de kilomètres de Nouakchott. La production d'enrobés bitumineux pour la réalisation des deux routes Rosso-Nouakchott entre 1972 et 1975 puis Rosso-Néma entre 1977 et 1981 a nécessité plusieurs millions de m3 de coquillage qui ont rendu possible, à ces périodes, la mise en place de méthodes d'extraction mécanisées : bulldozers, chargeurs, sauterelles, tamis etc. La production d'agrégats pour les chantiers de construction de Nouakchott continue donc de se faire exclusivement par le truchement d'une multitude de petits artisans maures. Ces derniers tamisent à la main, en deux ou trois jours, un tas de coquillages que viennent leur acheter les entreprises de construction ou les transporteurs du secteur informel (Theunynck S. et Widmer N.,1987).

A cause de l'extension rapide de la ville, d'anciennes carrières de coquillages ont complètement disparu sous les constructions de certains quartiers (Dar Naïm). D'autres aux abords immédiats de la ville, sont encore visibles sous forme de champs de petits monticules coquilliers et de trous remplis de déchets. Les carrières de coquillages sont cantonnées dans des zones limitées (terrasses, dépressions salées...) et ne sont pas renouvelables. C'est pour cette raison qu'elles sont quasiment épuisées dans les environs immédiats de la ville.

3.4. Exploitation des ressources halieutiques

La filière halieutique est une activité essentielle aussi bien dans l'économie de la ville de Nouakchott que dans celle de la Mauritanie. La pêche représente environ 12 % du PIB et près de la moitié des recettes en devises de la Mauritanie (PRCM, 2004). Elle emploie, d'amont en aval de la filière, plus de 20 000 personnes. Le port des pêcheurs de la ville de Nouakchott participe à hauteur de 25 % à l'effort de pêche mauritanienne (MPEM, 2004).

La plupart des pêcheurs et des transformateurs habitent dans la zone de sebkha, soit dans les quartiers d'El Mina, de Tevragh Zeina ou de Sebkha. Le réaménagement du port des pêcheurs en 1996 a engendré la délocalisation des activités et des logements associés à la filière pêche sur les marges des infrastructures portuaires. La dune et la plage sont massivement occupées par des baraquements, des cabanons en bois et des pirogues. S'y concentrent quelques logements de pêcheurs, ainsi que toutes les professions auxiliaires de la filière pêche : entretien des matériels (moteurs, pirogues, filets...), restauration, cordonnerie etc.

Les ressources halieutiques ont enregistré une diminution importante et un éloignement des bancs de poissons. La diminution des ressources halieutiques est repérable à travers la baisse des quantités capturées, l'augmentation du temps mis pour trouver la ressource et les distances parcourues en mer pour atteindre les bancs de poissons.

Cette diminution des ressources halieutiques peut être expliquée surtout par la fréquentation de la côte par les bateaux de pêche industrielle. Ces bateaux non seulement surexploitent la ressource, mais en plus détériorent le milieu écologique dans lequel le poisson vit et se reproduit. Il y'a une atteinte physique (destruction de frayère) et une atteinte biologique (rejet de poissons morts).

D'autres informateurs insistent sur l'urbanisation et les changements alimentaires consécutifs pour rendre compte de l'engouement autour des activités de pêche. Dans le contexte de la croissance de la ville de Nouakchott, la consommation de viande semble avoir régressé dans l'alimentation traditionnelle des catégories sociales défavorisées : « Avant les Mauritaniens ne mangeaient pas de poisson et c'était honteux de travailler dans des activités liées à la mer ou de vendre du poisson mais depuis que les gens habitent dans les villes, la situation a changé. La viande est devenue chère, le poisson est actuellement plus accessible pour tout le monde ». La pêche est un secteur en pleine expansion non seulement à cause des exportations mais aussi à cause de la consommation locale liée à la croissance démographique et aux changements alimentaires.

Cependant, la pêche reste toujours un secteur important, ce qui s'explique par le fait qu'elle constitue l'une des rares activités génératrices de revenus importants. Le développement de la pêche est en relation avec les flux migratoires qui attirent des populations des pays de la sousrégion notamment des Sénégalais, des Maliens et des Guinéens pour la pêche artisanale. Pour la pêche industrielle nous rencontrons surtout des Chinois, des Coréens et des Européens.

Une sourde rivalité existe entre transformateurs mauritaniens et étrangers. Les exploitants mauritaniens se plaignent que les pêcheurs privilégient les exploitants étrangers. Cette situation s'explique par le fait que les étrangers exportateurs sont prêts à payer plus cher que les autochtones. Cette situation constitue une réelle menace pour les autochtones qui voient leurs revenus diminués.

Dans certains entretiens, on note la référence à la diminution des ressources naturelles pour expliquer la dynamique démographique de la zone. Les populations qui sont venues ici dans l'espoir d'améliorer leur situation économique en exploitant les ressources naturelles n'y trouvent plus le même intérêt de départ, du fait d'une diminution de celles-ci. Par Conséquent, nous remarquons une diminution de l'effectif des employés et une baisse de leur revenu. A cet égard, on peut constater à quel point l'exploitation des ressources naturelles peut constituer l'un des traits marquants pour la dynamique de l'occupation du sol dans la partie côtière de la ville.

4. DECHETS ET RISQUES SANITAIRES

La concentration de la population et de l'industrie sur la zone littorale est à l'origine d'une production importante de déchets solides et liquides. C'est là, un résultat manifeste du déséquilibre démographique qui s'est opéré en faveur ou plutôt au détriment du littoral nouakchottois. Les déchets rejetés dans la sebkha et l'infiltration des eaux usées domestiques et industrielles dans un contexte d'inexistence d'un réseau d'assainissement, posent de réelles menaces de contamination de la nappe phréatique. Il est à peine besoin de souligner les malencontreux effets esthétiques et sanitaires d'une telle invasion de déchets.

Sur la carte 7, on a localisé 7 décharges dans la zone étudiée. Deux décharges sont très proches de l'habitat des quartiers de Sebkha et une près de la « Plage des pêcheurs ». Le reste des décharges se trouve dans l'arrondissement d'El Mina, deux sur 4 décharges se trouvent près de l'habitation de cet arrondissement et deux autres décharges sont près du Port Autonome de Nouakchott. Concernant la zone d'étude, dans plusieurs textes d'entretien, on signale que les lieux de décharge des ordures se sont développés. Cependant, on note aussi que pour l'essentiel des décharges, les ordures produites dans les autres quartiers de Nouakchott sont déversées dans la zone des dépressions salées de la sebkha.

4.1. Ordures ménagères solides

Un des grands problèmes d'environnement urbain concernant la ville de Nouakchott est que les ordures ménagères sont souvent déposées dans des décharges non contrôlées au niveau des dépressions (voir carte 7). Les conséquences sur la santé des populations des quartiers pauvres et la pollution de la nappe sont autant d'aspects à considérer dans les plans directeurs d'urbanisme.

Certains des sites mentionnés dans notre étude avaient déjà été signalés dans des travaux effectués auparavant par d'autres chercheurs. Ainsi, Saint M P. et IRC- Consultant 2004, avaient analysé les sites pollués sur le littoral qui portent atteinte au paysage et à l'environnement. Le tableau 1 donne des informations additionnelles sur les caractéristiques de ces dépôts d'ordures.

Tableau 1 : Inventaire de 5 majeurs sites de pollution du littoral de Nouakchott

Site

Coordonnées géographiques du site

Nature des rejets

Quantité rejetée

Site 1

N 18°06, 180'

WO 16°01 128'

ordures ménagères plastiques et cartons

20 et 35 tonnes

Site 2

N 18°06, 161'

WO 16°01 155'

ordures ménagères

moins de 10 tonnes

Site 3

N 18°06, 191'

WO 16°01 081'

rejet de ferrailles

- ND

Site 4

N 18°06, 233'

WO 16°01.076'

résidus irrécupérables après prélèvement par les artisans

supérieure à 45 tonnes

Site 5

N 18°06, 141'

WO 16°01 233'

non conventionnelle

supérieure à 15 tonnes

Source : Saint M P. et IRC- Consultant 2004

Cependant, ces décharges ne sont pas immuables. On note des successions de périodes où l'habitat domine et de périodes de déguerpissement et de transformation de la zone en décharge publique. C'est le cas de quartier de Mellah à El Mina où les populations ont été déguerpies suite à des inondations que la zone a connu en 1995. Cet espace laissé vacant est devenu une décharge d'ordures ménagères et de rejets de ferrailles. La zone de dépression

salée est un lieu de compétition entre le désir de certaines populations de la transformer en zone d'habitat et la volonté des pouvoirs publics et de certaines catégories sociales d'en faire un site de dépôts d'ordures et de déchets de toutes sortes.

Selon la plupart des informateurs, les groupes les plus exposés aux risques de maladies liées à l'environnement sont les femmes et les enfants. Les maladies les plus fréquemment citées sont les maladies diarrhéiques et les maladies de la peau. Dans un texte d'entretien un informateur note : « Ici il y a des maladies qui sont fréquentes chez les enfants comme la diarrhée, les maladies de la peau ; les médecins ont dit que c'est à cause de la concentration du sel dans cette zone ; il y a aussi les maladies des yeux, parce que les enfants ici jouent sur les ordures. En ce qui nous concerne nous femmes, les maladies les plus fréquentes sont les avortements, les maux de bas ventre parce qu'ici il fait très froid surtout pendant la nuit et comme nous habitons près de la mer, il y a toujours l'humidité de la mer et de la sebkha en plus on habite dans les Mbar, nous sommes exposées à ces maladies ». La plupart des textes d'entretien reconnaissent des risques sanitaires en relation avec la situation environnementale de la zone d'étude. Les risques les plus fréquemment cités sont mis en relation avec la présence des ordures et des odeurs. Une observation des motifs de consultations dans les centres de santé de la ville montre que certaines pathologies liées à l'assainissement sont assez fréquentes. Le taux de prévalence des diarrhées (22,3 %) est le plus élevé du pays (PNUD, 2003).

Photo 3 : Nuisances et habitats dans le quartier de Sebkha, mai 2005

La présence de décharge n'est pas le seul problème concernant les ordures. Les quartiers de Sebkha et d'El Mina sont marqués par une absence presque totale de système d'évacuation, mais aussi celle du stockage des déchets dans les unités domestiques. Dans les quartiers pauvres, il n'y a souvent pas de dispositifs dans les maisons pour stocker les ordures et préparer leur évacuation.

On signale aussi que les autorités municipales érigent des entraves au système des charrettes. Ces derniers temps (avril 2004). Ils ont interdit aux charrettes qui évacuent les ordures de continuer à le faire. De temps à autre selon plusieurs habitants de Sebkha et d'El Mina, on assiste à un blocage de la situation des ordures. Dans certains cas, on signale la présence de charrettes pour évacuer les ordures ; mais ce dispositif ne fonctionne pas toujours. La gestion des ordures dans ces quartiers reste un domaine méconnu où les interventions des acteurs manquent de coordination. L'absence de gestion des ordures génère rapidement des situations explosives et du fait de l'urgence du problème, le mécontentement populaire.

Dans les Stratégies de gestion des ordures mis en place dans la ville de Nouakchott le problème a toujours été vu en terme financier et technique et cela a donné les résultats que l'on connaît : collecte partielle des déchets, prolifération de décharges sauvages, odeurs nauséabondes, prolifération des mouches. En d'autres termes, ces stratégies n'ont pas pris en compte certains facteurs géographiques notamment : les problèmes de la croissance urbaine, la localisation des sites d'émission des déchets et la qualité des aménagements dans tout programme de collecte et d'élimination des déchets.

4.2. Déchets liquides

La présence des eaux usées domestiques constitue une gêne majeure pour les populations riveraines. Elles sont associées à de grands problèmes d'hygiène qui se traduisent par des odeurs et des mouches envahissantes qui peuvent être des agents vecteurs de germes pathogènes. Si on constate une certaine tolérance des populations vis-à-vis des ordures, pour ce qui est du déversement des eaux usées par contre, on note une résistance des riverains. Les conflits entre les conducteurs des citernes de vidange et les populations locales tournent à l'avantage des premiers, du fait des faibles moyens de surveillance.

Alors que l'assainissement défectueux des quartiers est ressenti comme le principal facteur de
gêne, paradoxalement, personne ne s'occupe de la salubrité des espaces publics. Les eaux
usées domestiques sont évacuées d'une façon ou d'une autre de la parcelle et s'accumulent en

flaques nauséabondes sur les routes. Pourtant, les populations en attribuent la responsabilité aux lacunes du service public plutôt que à leurs comportements. La même enquête menée auprès de la population indique que les principaux motifs de plainte cohabitent avec les odeurs dégagées par les fosses, le pullulement des mouches et la prolifération des cafards. Il faut aussi noter les problèmes liés au manque d'eau pour l'entretien des latrines.

A Nouakchott, un premier réseau d'évacuation des eaux usées de 38 km avait été réalisé en 1960-1965. En 1981-1984, une extension de 31 km a été réalisée mais celle-ci n'est toujours pas fonctionnelle.

La station d'épuration d'eaux est d'une capacité théorique de 900 m3/jour. Les conditions techniques de fonctionnement de la station d'épuration sont rarement satisfaisantes. L'entretien du réseau, assuré en principe par le service d'assainissement de la SONELEC, ne dispose pratiquement d'aucun moyen technique ou financier. Les regards sont en très mauvais état et les trois postes de relevage demandent une réhabilitation complète.

Seul le centre ville et l'arrondissement de Tavragh Zeina disposent d'un réseau d'assainissement qui draine les eaux usées et pluviales. Selon Abdou Wedoud C. (1996) plus de 96 % de la population de Nouakchott utilisent l'assainissement individuel sous forme de latrines, fosses d'aisance, ou fosses septiques, ce dernier dispositif épurateur étant très minoritaire.

L'absence de schémas cohérents et opérationnels de l'assainissement, se traduit par les rejets de presque 90 % (DATAR, 2000) des volumes de résidus issus des fosses septiques de la ville sur le littoral. Ces rejets représentent, évidemment, un risque de pollution grave et menacent de contaminer les nappes dans les zones de la sebkha.

Dans les quartiers de Sebkha et d'El Mina l'assainissement est loin d'être suffisant ; seuls 1 % de logements sont branchés au réseau d'assainissement urbain, 80 % disposent d'un sanitaire avec puits perdus et 19 % n'ont aucune installation sanitaire (Ould Sidi M., 1987). Lorsque l'eau de boisson est contaminée par des agents pathogènes, c'est parce que généralement il y a eu pollution de la nappe qui alimente les puits et les forages. Un autre danger apparaît quand les effluents infiltrent le sol à faible profondeur au voisinage de canalisations dans lesquelles le débit est intermittent ou la pression de temps à autre est très basse. Lorsque les canalisations sont pleines, l'eau sort par les joints en mauvais état, les fissures et les trous. En

revanche, lorsque les canalisations sont vides ou sous pression réduite, les effluents peuvent y pénétrer par la même voie et créer ainsi des risques sanitaires.

Dans les zones aisées, les problèmes d'ordures semblent moindres du fait qu'elles sont dotées d'un réseau d'évacuation relativement complet et opérationnel. S'il apparaît que les quartiers anciens de Tevragh Zeina sont effectivement dotés d'un réseau relativement complet, la situation actuelle de l'hygiène du milieu n'en demeure pas moins préoccupante. Selon UICN, 2005, 50 % des quartiers de Tevragh Zeina sont théoriquement reliés au réseau d'égout de Nouakchott mais celui-ci, vétuste, connaît des problèmes de débordements fréquents. Certains ménages ont alors développé des systèmes d'assainissement autonomes utilisés quand les difficultés surviennent, ou de manière permanente. Il y a des camions de vidange de la mairie ou de privés, mais le prix de leur intervention les met hors de portée de l'immense majorité des habitations de Nouakchott.

Le service de vidange actuel pose la question du traitement des excréta qui sont rejetés directement dans des terrains vagues aux alentours de la ville ou vendus à des exploitants maraîchers. Les eaux brutes sont distribuées sans désinfection aux maraîchers d'El Mina (10 % de la production maraîchère nationale selon la FAO, 2002), qui utilisent également ces eaux usées non traitées avec tous les risques sanitaires associés. Ce ne sont pas seulement les exploitants qui sont potentiellement exposés aux risques sanitaires liés à l'activité maraîchère, mais également toutes les personnes fréquentant le site en général et/ ou les produits agricoles du site. Il s'agit en particulier des visiteurs ou passants, des enfants qui jouent sur le site et des acheteurs de légumes, des consommateurs et des revendeurs.

4.3. Déchets industriels

Les zones qui sont occupées par les activités productives sont aussi très souvent envahies par les ordures qui augmentent sans cesse. Des études antérieures montrent que les industries installées à Nouakchott produisent de grandes quantités de déchets (tableau 2).

Tableau 2 : Principaux produits et rejets par industrie à Nouakchott

Société

Produits

Production

Rejets

PLASTRIM

Divers plastiques

100 à 150 tonnes par an

- Rejets récupérables

SOMACOGIR

Bougies

30000 bougies par jour

- Bougies

- Emballages en carton

SAADA

Matelas mousse

200 matelas par jour

- Matelas

- Fûts de polyol

- (produit non toxique)

MPA

pâte alimentaire,

Non déterminés

- Aliments

- Emballages en sac de plastique

- Huiles usagées des machines thermiques

SAMIA

Gypse et plâtre

100 000 tonnes par an

- Sacs en polyéthylène - Huiles de vidange

- Déchets d'emballage en

papier kraft

Ciment De Mauritanie

Ciment

250000 tonnes par an (production effective approximative)

- Graisses

- Huiles de vidange

Savon De Nouakchott

Savon

36 tonnes par an

- Fûts vides

- Emballages

- Déchets liquides

SAPEINT

Peinture

4380 tonnes par an

- Sacs vides

Ets Ahmed Beddi

Divers plastique

300 tonnes par an

- Non déterminés

Source : Saint M P. et IRC- Consultant 2004

Les principales industries de la ville sont situées aux abords du littoral. Elles occupent en 2002, 296 ha, soit 14 % des surfaces totales du bâti de la zone d'étude.

Les activités portuaires et industrielles menées sur le littoral engendrent différentes formes de pollution et de nuisance qui touchent la sebkha et les eaux marines. Actuellement, sur l'ensemble des trois sites (Wharf, « Plage des pêcheurs » et PANPA), aucun collecteur ne recueille les eaux usées et aucun prétraitement n'est effectué avant rejet.

L'opérateur en charge de la collecte municipale ne se rend pas sur le littoral. De ce fait, les unités implantées se contentent de rejeter un peu plus loin les nuisances qu'elles génèrent. Enfin, en l'absence d'une véritable décharge municipale, les ordures industrielles collectées dans Nouakchott sont en partie déchargées dans l'Aftout Es Saheli (Carte 7).

Les déchets identifiés aux abords du marché au poisson et sur la plage sont, selon des informations reçues, le fait des industries de transformation situées dans les environs. Les informateurs indiquent aussi qu'il y a une pollution marine qui menace la population humaine qui consomme les poissons contaminés. Les conséquences de cette contamination sont considérées comme dangereuses, comme l'affirme un de nos interlocuteurs : « On a vu ce problème plusieurs fois, même moi j'ai un ami qui est décédé parce qu'il a mangé une espèce de poisson qui s'appelle Gaunate qui avait avalé des déchets. Quand mon ami est tombé malade, on l'a évacué à l'hôpital mais c'était trop tard et le médecin a dit qu'il avait une intoxication ». Selon les gens il y a une forte relation entre la pollution marine et la qualité de la santé humaine. La pollution des eaux de mer par les déchets est susceptible de créer nombre de problèmes parmi lesquels on peut citer : des risques pour la santé des humains, des dommages aux ressources biologiques ou aux écosystèmes marins, des atteintes aux valeurs d'agrément, ou des entraves aux autres utilisations légitimes de la mer.

Les produits halieutiques pouvant être contaminés, présentent des risques sanitaires pour les consommateurs. Les transformations s'effectuent souvent dans des chantiers en plein air sans infrastructures minimales permettant de garantir la qualité sanitaire des produits.

Dans les zones d'exploitation du sel, on se plaint aussi des dépôts d'ordures qui affectent la qualité de la ressource.

Photo 4 : Site d'extraction du sel à Tevragh Zeina, mai 2005

Selon le Ministère de la Santé, la consommation du sel provenant de la zone de Tevragh Zeina engendre des risques sanitaires du fait de sa pollution microbienne et d'une forte concentration en nitrate7. Mais, ce poit de vue est contesté par les extracteurs de sel qui affirment que le produit est de bonne qualité. Cependant, nous n'avons pas trouvé de document attestant cette affirmation. Mais pour les extracteurs, l'argument sanitaire est seulement un prétexte qui cache des intérêts fonciers.

7 Deux types de risques peuvent être envisagés comme résultant d'une teneur considérée comme excessive de nitrates dans l'alimentation : Les nitrites (NO2) dérivés des nitrates (NO3) par réduction microbiologique intestinale, sont toxiques pour les nourrissons. Ils sont la cause de méthémoglobinémies qui peuvent entraîner la mort. Chez l'adulte, sont des facteurs cancérigènes, surtout de l'appareil digestif (Salem G., 1998).

5. RISQUES D'INONDATIONS

La topographie (au-dessous du niveau de la mer), la nature des dépôts (sol argileux et imperméable), la nappe d'eau sub-affleurante de la sebkha et la rupture toujours possible du cordon littoral expose les occupants de cette zone à des risques d'inondations à l'occasion de pluies abondantes. A titre d'exemple, on évoque le cas du quartier de Melah à El Mina dont les populations ont été déguerpies en 1995 à la suite de fortes pluies qui ont fait remonter la nappe phréatique.

Il existe peu de travaux sur l'historique des inondations de la ville de Nouakchott. Saint M P. et IRC- Consultant (2004) ont pu recenser quatre inondations majeures depuis 1950. Ces inondations sont les suivantes :

- en 1950, des crues exceptionnelles du fleuve Sénégal provoquent l'inondation de l'Aftout Es Saheli ;

- le 25 février 1987, une violente tempête provoque une double rupture du cordon dunaire, dans la zone d'érosion située au Sud du Port de l'Amitié. Deux brèches, d'une vingtaine de mètres chacune, ouvrent la voie à la mer ;

- en août 1992, des vagues, poussées par une violente tempête, franchissent le cordon littoral au nord de l'Hôtel Ahmedi. La mer avait ouvert une brèche d'une cinquantaine de mètres dans le cordon littoral ;

- Dans la nuit du 14 au 15 décembre 1997, sur une distance d'environ 4 kilomètres, des pirogues de pêcheurs sont balayées par les vagues et il y a eu plusieurs victimes. Ces inondations sont liées à des incursions maritimes.

Dans le cadre de l'étude de l'environnement aux abords de Nouakchott en 2004, le profil topographique réalisé en direction de Tevragh Zeina montre que l'Aftout Es Saheli présente une pente vers la ville, facilitant l'arrivée rapide des eaux vers les quartiers périphériques : à 1500 mètres de la plage, le terrain est à + 0,54 m IGN, soit 3 mètres en dessous du niveau maximum annuel et de 1,7 mètres en dessous du niveau de pleine mer de vives-eaux.

Les données recueillies lors des entretiens mettent en relief l'idée d'une augmentation de la
fréquence des inondations. Certains disent que, maintenant chaque année, il y a des

inondations. La description généralement faite des inondations est qu'elles sont consécutives à de fortes pluies. Mais, on ajoute aussi que cette situation résulte de l'absence d'un système d'évacuation ou de drainage des eaux pluviales. La situation est aggravée par le fait qu'il s'agit d'un milieu marécageux où les sols sont imperméables et la nappe phréatique subaffleurante. Ce qui explique que les eaux de pluies stagnent plus longuement surtout dans les quartiers de Sebkha et El Mina.

Des activités humaines comme l'extraction du sel, du sable ou des coquillages ne sont pas mises par les informateurs en relation avec la survenue des inondations. Mais, les mêmes informateurs s'accordent volontiers à dire que les inondations résultent du fait que des populations sont venues habiter des zones non aedificandi. C'est plutôt l'occupation du sol qui apparaît comme la cause du phénomène. Actuellement, des populations continuent à occuper cette zone inondable.

Les principaux arguments évoqués par les populations sont l'absence ou la rareté de zones habitables. Les populations estiment qu'elles se trouvent dans une situation de précarité de leurs habitats. Les citations d'un texte de focus groupe sont à ce propos illustratives « On est là depuis le conflit sénégalo-mauritanien ; quand on venait ici il y'avait beaucoup de gens, mais l'Etat les a déguerpis suite aux inondations que cette zone a connues depuis quelques années. Il y avait beaucoup de familles qui ont perdu leurs biens à cause de ces inondations ; nous, nous avons refusé de quitter nos baraques. Actuellement, l'Etat a décidé d'affecter cette zone comme décharge d'ordures ». Les dégâts causés par ces inondations sont : la destruction des biens des habitants et de leurs activités, le coût des secours et des réparations, des accidents et dans certains cas des morts.

Le bâti industriel et touristique est composé d'installations vastes situées en général directement sur les cordons littoraux. Ces derniers constituent la seule protection de la zone basse de sebkha contre les inondations.

La construction du Wharf n'a eu qu'un impact mineur sur la morphologie du trait de côte. Par contre, la construction du port de l'amitié, édifié entre 1979 et 1986, a entraîné une modification rapide du trait de côte.

Les simulations numériques réalisées dans le cadre de l'étude de l'environnement aux abords
de Nouakchott en 2004 confirment que les infrastructures portuaires bloquent annuellement
près d'un million de m3 de matériaux sableux. Ainsi que les cordons du littoral ont disparu

complètement sur près de 5 kilomètres. Sur ces 5 kilomètres, seule la digue de retenue longue de 1500 mètres, constitue un rempart contre les incursions marines.

Selon Richard A. (2005), la progression du trait de côte est d'environ 35 m/an ; le contournement du port par l'Atlantique devrait intervenir entre 2010 et 2015. D'autres études commanditées par le Gouvernement indiquent qu'en cas de rupture du cordon dunaire 79 % de la superficie globale de Nouakchott sera inondable à l'horizon 2020 et c'est toute la ville qui le sera d'ici à 2050.

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