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La loi du 12 juillet 2010, portant engagement national pour l'environnement et la responsabilité des constructeurs

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par Florence COUTURIER- LARIVE
Université Aix- Marseille III - Master II Droit immobilier public et privé 2010
  

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DEUXIEME PARTIE : LA CREATION D'UNE DESTINATION DE L'OUVRAGE ISSUE DE LA LOI

222. Une évolution de la responsabilité spécifique des constructeurs- En accord avec le Professeur Périnet-Marquet lorsque celui-ci constate que « (...), la Loi « Grenelle II» remet sur le devant de la scène les deux notions les plus controversées de la loi de 1978, celle d'ouvrage et celle de destination402(*) (...)», force est de constater qu'en érigeant l'éco performance au rang des « vertus essentielles de l'ouvrage », la Loi du 12 juillet 2010 ébranle les convictions accumulées par la Doctrine et la jurisprudence en matière d'ouvrage et de destination depuis la loi Spinetta. En effet, en adaptant aux contraintes contemporaines ces deux concepts qui comptent parmi ceux fondateurs du droit classique de la responsabilité spécifique des constructeurs403(*), la Loi du 12 juillet ne se contente pas de concevoir une nouvelle source de responsabilité (Titre II) ; elle impose aux parties à l'opération de construction une véritable destination légale de l'ouvrage (Titre I).

TITRE PREMIER : L'ECO PERFORMANCE : UNE DESTINATION IMPOSEE PAR LA LOI

223. Une acception large de la notion d'impropriété à la destination- Le critère d'impropriété à la destination se trouve être par essence de nature subjective, ce qui a pour conséquence de générer des incertitudes en ce qui concerne la délimitation de la frontière entre la responsabilité décennale et la responsabilité de droit commun des constructeurs404(*). Malgré ces difficultés et dans le silence de la Loi n° 78-12 du 4 janvier 1978, c'est la jurisprudence seule qui a explicité, en optant pour une conception large, la notion de destination (Chapitre premier) et dans sa mouvance, la Loi du 12 juillet 2010 a continué à étendre ce concept (Chapitre II)

Chapitre premier : La construction jurisprudentielle de la notion de destination.

224. Deux catégories d'impropriété à la destination- On l'a vu405(*), conformément aux dispositions de l'article 1792 du code civil, la garantie décennale s'applique en cas d'atteinte à la solidité de l'ouvrage ou en cas d'impropriété à sa destination. Celui-ci dispose en effet dans son premier alinéa, que : « tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ». Dans l'imprécision de la notion d'impropriété, il appert de l'analyse de la jurisprudence qui s'est élaborée, notamment depuis la Loi n° 78-12 du 4 janvier 1978 , une orientation progressive vers une conception extensive du critère de l'impropriété à la destination de l'ouvrage. En effet, peu à peu se sont dessinés les contours de multiples applications de cas d'espèce à cette impropriété, ce qui a pour conséquence qu'en dépit de la nature subjective de la notion, des cas de destination propres à tous les ouvrages se sont distingués, donnant lieu à des cas d'impropriété à destination objective (Chapitre premier), tandis que parallèlement, chaque cas d'espèce pouvant donner lieu à des cas d'impropriété spécifiques, une destination subjective, dite « destination convenue », est apparue (Chapitre II)

Section I- La destination objective de l'ouvrage

225. Destination et usage habituel - La destination objective de l'ouvrage est celle que l'on est en mesure d'attendre pour tous les bâtiments. Ainsi, il est impossible de concevoir un ouvrage, quel que soit l'usage auquel il se destine, qui serait susceptible de générer même en l'absence de dommages, par un défaut de conception, un risque pour ses occupants. On parle alors dans cet exemple, « d'impropriété- dangerosité ». De même qu'un défaut d'implantation ou une violation des règles d'urbanisme constituent également des cas d'impropriété objective. Enfin, tout simplement, la destination objective d'un bâtiment se déduit de la capacité que celui ci a à remplir une fonction banale, commune, habituelle (§1), comme le cas des locaux à usage d'habitation par exemple406(*).

226. Destination et norme légale- Parallèlement, au regard de l'appréciation de cette destination, se pose la question du respect des normes légales par les constructeurs. La jurisprudence, toujours dans sa politique d'application extensive de la notion, a introduit le respect de la norme dans le champ d'application de la responsabilité décennale, grâce encore à la qualification d'impropriété. Or, la question de la sanction du non respect des normes légales en matière de construction prend une acuité nouvelle à la lumière des nouvelles réglementations thermiques (§2)

§1- La notion d'usage habituel

227. L'atteinte à l'utilité- Si le concept malléable « d'usage habituel » d'un ouvrage ne semble pas très juridique du fait de l'insécurité qu'il est appelé à générer, il n'en demeure pas moins que celui ci conserve l'avantage d'être facilement appréhensible. En effet, dans le cas de la destination d'ouvrages à usage d'habitation, le juge va rechercher une « atteinte à l'habitabilité » du bâtiment407(*). Il en va ainsi des désordres affectant le chauffage, la ventilation, l'isolation, l'étanchéité, l'isolation phonique....Cela peut être le cas de défauts affectant l'isolation rendant impossible le fait d'obtenir des températures normales408(*), de l'insuffisance généralisée du chauffage due à une perte de charge des robinets supérieure à 50%409(*), de vices affectant la ventilation mécanique contrôlée et les extracteurs empêchant l'arrivée d'air frais dans certains locaux, ainsi que de vices affectant le chauffage410(*)...Comme le cas d'un court de tennis dont le revêtement présente des «empreintes en creux de quelques dizaines de millimètres de profondeur411(*) », lesquelles nuisent objectivement à l'exercice de l'activité. Pour résumer, l'impropriété à la destination objective réside dans l'impossibilité de se servir de l'ouvrage conformément à sa finalité, à son utilisation412(*).

228. Le cas des locaux à usage professionnel- En matière de locaux à usage professionnel, la difficulté réside dans le fait que l'appréciation de la destination se trouvera forcément panachée entre la capacité minimale d'usage auquel on est en droit de s'attendre pour tous les locaux du même type (par exemple, de pouvoir chauffer suffisamment en hiver) et l'usage spécifique lié à l'activité qui sera exercée, lequel sera forcément subjectif. Il faut ajouter à ces considérations, le rappel important413(*) que l'article 1792-7 du Code Civil, issu de l'Ordonnance du 8 juin 2005414(*), fait obstacle depuis sa mise en vigueur415(*), à l'application de la notion d'élément d'équipement d'ouvrage, au sens des articles 1792 et suivants du Code civil, dont la fonction exclusive est de permettre l'exercice d'une activité professionnelle dans l'ouvrage. Ceci dit, l'appréciation de la destination dans des locaux à usage professionnel sera différente s'il est question par exemple de locaux destinés à l'exercice d'une activité d'avocat ou à l'exercice d'une activité de médecin. Mais en tout état de cause, l'impropriété sera retenue pour les désordres affectant objectivement l'usage du bâtiment. Pour exemple, la jurisprudence antérieure à l'Ordonnance du 8 juin 2005 avait retenu l'impropriété à destination pour des défauts de dallage présentant des déformations importantes, se traduisant par un pianotage lors de la circulation des chariots de manutention qui, retentissant sur les machines-outils avait entraîné la nécessité de refaire la totalité de la partie production d'une usine416(*).

229. L'impropriété-dangerosité- Enfin, concernant la destination objective, en plus de la question d'habitabilité et de celle, plus généralement, d'usage de l'ouvrage, se pose celle de la sécurité des personnes. Ainsi, la violation de règles parasismiques « facteur d'ores et déjà avéré et certain de perte de l'ouvrage par séisme417(*) » constitue une « impropriété- danger », voire presque une atteinte à la solidité certaine.

230. Champ d'application restreint de la destination objective de l'ouvrage- La notion de destination objective de l'ouvrage est donc aisément perceptible et bien qu'elle soit appelée à revêtir de nombreuses formes, il est de sa nature que ces formes demeurent somme toute relativement peu nombreuses, dans la mesure où un usage réellement atypique ne relèvera plus de la notion de destination objective, mais de celle de destination subjective418(*). Cependant, en atténuation de cette conception restrictive de l'acception objective de la destination, il convient d'ajouter en tant qu'élément constitutif, le respect des normes légales.

* 402 H. Périnet-Marquet, Colloque de l'AFDC du 5 nov 2010, Propos conclusifs, RDI 2011 p. 57

* 403 Supra, n°64 et s.

* 404 P. de Lescure, « Garantie décennale et impropriété à la destination de l'ouvrage », RDI 2007 p. 111

* 405 Supra, n°114 et s

* 406 V. P. de Lescure, Op.cit.

* 407 V. L. Karila et C. Charbonneau « Droit de la construction : responsabilités et assurances » éd. Litec, coll. Litec Immo 2007, n° 176 à 180

* 408 Par ex. V.CA PARIS 7 ème ch., 6 juin 2006 juris-data n° 2006-308819

* 409 Cass. Civ. 3e, 19 févr. 1992, pourvoi n° 90-16.487

* 410 Cass Civ. 3e, 17 juin 1998, pourvoi n° 96-19.573

* 411 CA Dijon, 1re ch., 17 sept. 1992, RDI 1993. 227

* 412 R. Saint Alary et C. Saint Alary- Houin Memento dalloz série droit privé Droit de la construction 9eme éd. 2008, pp. 182 et 183

* 413 Supra, n°81

* 414 Ord. N° 2005-658 du 8 juin 2005, Art. 1

* 415 JORF du 9 juin 2005

* 416 Civ. 3e, 3 déc. 2002, pourvoi n° 01-13.292

* 417 Cass Civ 3e 25 Mai 2005, N° 03- 20.247, Bull III N°113

* 418 Infra, n° 236 et s.

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