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La loi du 12 juillet 2010, portant engagement national pour l'environnement et la responsabilité des constructeurs

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par Florence COUTURIER- LARIVE
Université Aix- Marseille III - Master II Droit immobilier public et privé 2010
  

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Section II- En référence à la lettre de la Loi du 12 juillet 2010 : l'obligation de construire un ouvrage éco performant

263. Impact de la Loi Grenelle II sur la notion de destination- Tel qu'il a été étudié, la définition de la destination de l'ouvrage s'est élaborée au fil d'une construction jurisprudentielle qui conçoit la notion dans une acception particulièrement extensive497(*). Avec l'entrée en vigueur de la Loi du 12 juillet 2010, la nouvelle conception dynamique de l'ouvrage éco performant498(*) bouscule les acquis du droit de la construction, en particulier en ce qui concerne le régime de responsabilité spécifique des constructeurs. Or, dans le cadre de la mise en oeuvre de cette responsabilité, la question se pose de savoir comment s'insère la notion d'ouvrage éco performant dans notre droit classique de la construction. Si l'on conçoit comme un fait acquis que l'éco performance relève dorénavant de « l'essence de l'ouvrage499(*) », il semble que ce soit essentiellement au niveau du concept de destination que cette nouvelle essence va impacter le droit de la responsabilité des constructeurs. Dès lors, entre destination convenue et destination objective, l'on s'interroge sur la manière de lui intégrer la notion l'éco performance: celle-ci pourrait-elle relever de la sphère contractuelle, à l'instar de la destination convenue (§1) ou bien, d'une consécration par la Loi Grenelle II de la destination objective avec une destination légale de l'ouvrage (§2) ?

§ 1- La destination relevant de la sphère contractuelle

264. Des performances énergétiques de nature contractuelle- Pour écarter la possibilité que l'éco performance puisse relever d'une destination convenue entre les parties, l'on serait tenté de rappeler que la Loi du 12 juillet 2010 met à la charge des maîtres d'ouvrage, afin que des performances minimales soient respectées, des obligations de résultat500(*) assorties de sanctions civiles et pénales501(*). Par conséquent, cette obligation de résultat interdirait aux parties de déroger aux minima énergétiques imposés par la Loi, ce qui exclurait la performance énergétique du champ contractuel. Or, a contrario de cet impératif de respect des minima, la Loi du 12 juillet 2010 incite, par un certain nombre de mesures502(*) destinées à motiver les maîtres d'ouvrage, à ce que ces derniers optent pour la construction de bâtiments présentant des garanties de performances énergétiques supérieures à celles exigées par la Loi. Dans ce cas, cette performance entrera forcément dans le champ contractuel.

265. La recherche de la volonté des parties- La question se pose donc de savoir comment les manquements à ces attentes seront sanctionnés sur le plan de la responsabilité spécifique des constructeurs. Deux cas peuvent se présenter face à un bâtiment destiné à présenter des performances supérieures à celles requises par la Loi : soit le dépassement des minima a été expressément voulu par le maître d'ouvrage et accepté par le constructeur, soit ce dépassement n'a pas été spécifiquement désigné comme une caractéristique essentielle de l'ouvrage. Dans la conception classique de la destination convenue, la recherche de la volonté est essentielle, en principe, « par une référence expresse à la performance énergétique que le bâtiment atteint ou devra atteindre (...), les parties procèdent à ce qui peut être conceptualisé par la notion d'essentialisation (...)503(*) ». Cependant, un arrêt en date du 9 juin 1993 de la troisième Chambre civile de la Cour de Cassation a fait un pas vers une objectivation de l'appréciation de la destination convenue, en tenant compte des exigences du contrat issues de travaux visant à réaliser des économies d'énergie. En l'espèce, le syndic commun de copropriétaires de plusieurs résidences de sports d'hiver avait assigné en réparation maître d'oeuvre, installateurs et fabricants en raison du mauvais fonctionnement de convecteurs issus de l'installation d'un chauffage électrique individuel dans tous les appartements de chacun des immeubles, en complément des anciennes installations de chauffage central conservées pour assurer un chauffage collectif de base. Condamnés en appel, les défendeurs à la procédure prétendaient que les désordres affectant des éléments d'équipement dissociables du corps du bâtiment relèvent normalement de la garantie de bon fonctionnement de deux ans instituée par l'article 1792-3 du Code civil et qu'ils ne relèvent en revanche de la garantie décennale de l'article 1792 du même code que lorsqu'ils rendent l'immeuble impropre à sa destination. Or, à ce titre, il avait été constaté que malgré des défauts affectant les convecteurs, "un chauffage à 19° pouvait être obtenu intégralement avec l'installation au fuel" existante, ce dont il résultait que l'immeuble pouvait, en tout état de cause, répondre à sa destination ». A cette argumentation, la Cour de Cassation a répondu en ces termes : « mais attendu qu'ayant constaté que les quinze immeubles, à usage de résidences de sports d'hiver, étaient rendus impropres à leur destination par la déficience des éléments d'équipement que constituent les systèmes électriques de chauffage d'appoint, compte-tenu des nouvelles exigences impliquées par les travaux visant à réaliser des économies d'énergie et des risques d'incendie, même si en cas de nécessité un chauffage à 19 degrés pouvait être obtenu intégralement par l'installation au fioul et retenu exactement que l'action en garantie décennale, formée sur le fondement de l'article 1792 du Code civil, était recevable et bien fondée, la cour d'appel a, sans se contredire, légalement justifié sa décision de ce chef ; »504(*). Cet arrêt illustre bien le fait qu'en matière énergétique, le doute s'installe sur la primauté de la volonté des parties, quand bien même les performances énergétiques de l'ouvrages relèveraient de la sphère contractuelle.

266. L'exemple des contrats de performance énergétique- Pour exemple, en ce qui concerne les copropriétés, la Loi du 12 juillet 2010 prévoit que, dans tout immeuble équipé d'une installation collective de chauffage ou de refroidissement, le syndic a, à présent, l'obligation d'inscrire à l'ordre du jour de l'assemblée générale des copropriétaires qui suit, l'établissement d'un diagnostic de performance énergétique ou d'un audit énergétique, ainsi que la question d'un plan de travaux d'économies d'énergie ou d'un contrat de performance énergétique505(*). Ce contrat facultatif porte, sur une longue durée, sur un parc de bâtiments mettant en oeuvre des investissements lourds. D'autres modèles de contrats de performance énergétique sont possibles, en fonction de la variété des volontés et des moyens financiers des maîtres d'ouvrage. L'ensemble de ces contrats ont la même finalité, à savoir l'amélioration de la performance énergétique des bâtiments et tous garantissent les performances contractuelles506(*). La garantie des performances contractuelles par un contrat créé par la Loi ne peut donc que laisser peu de place à l'appréciation de la volonté des parties en matière de performance énergétique.

267. Une destination hors du domaine de la destination convenue- Dès lors, on s'interroge sur le fait de savoir si l'ouvrage éco performant laisse encore la place à la destination convenue en matière énergétique. En effet, ne serait ce pas appliquer à la lettre une loi qui facilite la mise en oeuvre de tout effort à l'investissement d'amélioration thermique, que de décider que tout objectif de performance énergétique non atteint relèverait de l'impropriété à la destination de l'ouvrage? Et ce quelque soit la valeur accordée par le maître d'ouvrage aux stipulations relatives aux moyens mis en oeuvre pour aboutir à une performance supérieure à celle exigée légalement. Ceci est loin d'être une hypothèse d'école, car un arrêt de la troisième Chambre civile de la Cour de Cassation, en date du 27 septembre 2000 a déjà pris en compte le simple caractère écologique convenu entre le vendeur et le maître d'ouvrage pour qualifier l'impropriété à la destination de l'ouvrage507(*). En outre, les assureurs redoutent déjà à ce titre que soit englobée la défaillance des travaux de performance énergétique dans la notion de destination, « dans la mesure où elle constituerait la seconde destination de ces ouvrages, à titre conventionnel, et que rien ne permet dans la loi de retenir une destination plutôt que l'autre 508(*)». Enfin, pour aller plus loin, on serait tenté d'avancer que si une telle solution pouvait être retenue en ce qui concerne les dépassement des minima thermiques légaux, ce serait la fin du concept de destination convenue en ce qui concerne les performances thermiques des bâtiments, au profit d'une destination objective, voire légale.

268. Conséquences sur la responsabilité des constructeurs- Ceci dit, en ce qui concerne les conséquences sur la responsabilité des constructeurs, une telle conception ne changerait pas grand chose à l'état actuel de la pratique. En effet, étant donné que les constructeurs ne peuvent prétendre assumer leur mission que dans la mesure où ils intègrent parfaitement les désirs du maître d'ouvrage dans la conception de la construction, ils ne pourront considérer la réglementation en vigueur comme une obligation minimale : ils seront nécessairement tenus de respecter des dépassements des exigences légales qui devront être fixées dans le contrat509(*).

269. Une extension de l'impropriété à la destination- En tout état de cause, si une nouvelle extension de la notion d'impropriété serait considérée comme malvenue par une partie de la Doctrine déjà hostile à la tendance jurisprudentielle de se livrer à une large interprétation510(*), il n'en demeure pas moins que ne pas considérer la performance énergétique de l'ouvrage, même négociée, comme la destination de celui-ci reviendrait à désavouer la lettre de la Loi du 12 juillet 2010.

* 497 Supra, n°224 et s.

* 498 Supra, n° 146 et s.

* 499 Supra, n° 241 et s.

* 500 Supra, n° 184 et s.

* 501 Supra, n° 205 et s.

* 502 Supra, n° 154 et s.

* 503 G. Durand-Pasquier, « La performance énergétique des bâtiments . - Des règles de droit entre incitation et contrainte », La Semaine Juridique Notariale et Immobilière n° 8, 26 Févr 2010, 1113

* 504 Cass Civ 3ème, 9 juin 1993, n° 91-16375

* 505 Dont la définition est donnée par l'article 3 de la directive 2003/32 du 5 avr. 2006 comme étant : « un accord contractuel entre le bénéficiaire et le fournisseur d'une mesure visant à améliorer l'efficacité énergétique, selon lequel des investissements dans cette mesure sont consentis afin de parvenir à un niveau d'amélioration de l'efficacité énergétique qui est contractuellement défini ».

* 506 O. Ortega, « Les contrats de performance énergétique des bâtiments », Rev. Le Moniteur, 5 nov. 2010

* 507 Cass Civ 3ème, 27 sept 2000, n° 98- 11.986, citée par H. Périnet Marquet « La grenellisation du droit de la construction » dans « Grenelle 2 impact sur les activités économiques » collection Lamy Axe Droit p 55, n° 51

* 508 P. Dessuet, « L'influence de la crise sur l'assurance- construction : crises économique et environnementale », RDI 2010 p. 48

* 509 F. G. Trebulle, « L'accroissement de la prise en compte du développement durable dans le secteur de la construction », RDI 2008 p. 176

* 510 V. Not. O. Tournafond - Vente d'immeuble à construire : exécution - 2010, D. Action Dr. de la construction, Ed. D. 2010, n° 532.480 et Ph. Malinvaud - Responsabilité des constructeurs (droit privé) : garantie bienno-décennale - domaine : les ouvrages et leurs désordres - 2010, D. Action Droit de la construction, Ed. D. 2010 n°473.290

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry