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Politique environnementale et développement durable en Cote d'Ivoire

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par Brou Germain Alexis Edoh KOMENAN
Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest/Unité Universitaire d'Abidjan - Maitrise 2009
  

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Paragraphe 2 : Les milieux anthropiques

Par milieux anthropiques, il faut entendre les milieux naturels remaniés par l'homme, son cadre de vie, en un mot son habitat : les villages et les villes67(*). En conséquence, l'étude de la situation environnementale des zones rurales (A) et des zones urbaines du pays (B) complète celle de l'état des milieux naturels pour caractériser les grandes lignes de la politique nationale de l'environnement.

A. La situation des zones rurales

Les zones rurales ivoiriennes sont situées dans un cadre environnemental où l'espace habité est entouré par un milieu naturel dominant - supplanté il est vrai, ça et là, par de vastes paysages de cultures commerciales. Le système s'intègre dans une certaine dynamique écologique. Car l'aménagement rural traditionnel, pour ce qui est des activités internes à l'espace d'habitation, est simple et sobre, par conséquent peu demandeur en ressources naturelles, même si les systèmes locaux de régulation écologique, lorsqu'ils persistent, sont soit rudimentaires, soit en voie de disparition68(*). Pour ainsi dire, l'environnement rural traditionnel ivoirien est dans l'ensemble plutôt sain et équilibré. Cependant, le mode de vie traditionnel se restreint avec la modernisation, et ce depuis la période coloniale. Le développement économique, basé sur les grandes exploitations agricoles, l'augmentation des infrastructures modernes et la décentralisation administrative ont remodelé et influencé les zones rurales dans leur ensemble. Des matériaux nouveaux, industriels, sont importés des centres urbains et leur utilisation, toute aussi nouvelle pour les populations, pose des problèmes de gestion et d'environnement. C'est particulièrement le cas pour les menues matières jetables, les matières en plastique ou en aluminium. L'inexpérience se fait aussi sentir dans la gestion des systèmes de canalisation d'eaux usées, qui ont fait leur apparition en même temps que les installations sanitaires modernes et l'industrie des détergents. Bref, le visage des villages ivoiriens pourrait fort bien devenir, à la longue et avec cette tendance au niveau de la gestion environnementale, semblable à celui des villes.

Quel visage présentent-t-elles, à ce propos ?

B. La situation des zones urbaines

La population urbaine de Côte d'Ivoire utilise les infrastructures et équipements modernes de l'industrie, tout en se basant naturellement sur l'exploitation des ressources naturelles locales.

En 1998, la population urbaine était de 6 529 138 habitants, soit 43% de la population totale contre 8 865 448 habitants du milieu rural, soit 57% de la population totale. Dix ans plus tôt, les citadins représentaient 39% de la population et, en 1975, le pourcentage d'habitants des villes était de 32%. Le pays comptait, il y a peu, 19 régions et 59 départements, avec 197 communes de plein exercice, sans compter les départements-collectivités décentralisées créés en 200269(*). La décentralisation du pays a encore progressé avec une loi et deux décrets portant création d'un grand nombre de nouvelles circonscriptions administratives et collectivités décentralisées70(*).

Une telle configuration des entités urbaines, associée à la croissance industrielle que cela implique, a assurément un impact sur les ressources du milieu, les sols, les eaux, la biosphère, et la qualité de la vie.

Parlant de la situation urbaine, un auteur relate que « presque la moitié de la population (sept millions de personnes) vit maintenant dans les zones urbaines, entraînant des conséquences considérables pour l'environnement, les égouts et les services sanitaires étant insuffisants, en particulier à Abidjan, où le système d'égouts ne suit pas le développement. La plus grande partie des eaux d'égout ne sont traitées que sommairement et une bonne quantité finit dans la lagune Ebrié. Non seulement cela aboutit à l'eutrophisation, mais représente aussi une menace sérieuse pour la santé des individus. La collecte et le traitement des déchets solides suscitent également beaucoup de préoccupations. »71(*)

Au niveau des ressources hydriques, le système d'alimentation en eau potable est basé sur l'exploitation des nappes aquifères du pays. Les besoins actuels en eau de la Ville d'Abidjan sont de l'ordre de 300 000 m3 par jour et sont satisfaits par une nappe phréatique dont la question de l'intégrité se pose de plus en plus avec le développement de l'agglomération. Problème aussi bien quantitatif que qualitatif. Au plan quantitatif, plusieurs chiffres faisant état de l'augmentation rapide des populations urbaines ont déjà été mentionnés. Inutile donc de dire que les besoins en eau iront augmentant. Cependant, ceux-ci ne seront pas couverts en totalité puisque la poussée démographique ignore les capacités écologiques - limitées à un certain seuil - de la nappe aquifère et des eaux douces. Il est important de souligner que la nappe phréatique d'Abidjan constitue la principale ressource pour l'alimentation en eau potable de la ville et des centres urbains périphériques depuis plus de 30 ans72(*). Au plan qualitatif, la pollution des eaux en milieu urbain constitue un véritable drame qui semble n'émouvoir personne. Pourtant, « avec la pression de la population sur la ville d'Abidjan et le développement anarchique des quartiers précaires, des experts en eau craignent une pollution de la nappe phréatique qui alimente la capitale économique en eau douce. »73(*) Or, s'il en est ainsi de la nappe aquifère, qu'en est-il de la situation des eaux de surface - situation à peu près connue de tous ? A ce niveau, il apparaît donc nécessaire de donner la parole aux spécialistes : l'Organisation mondiale de la santé fixe le taux maximal de bactéries présentes dans les écosystèmes de l'hydrosphère à 200 coliformes fécaux par millilitre. Or, ce taux est allègrement dépassé dans la baie de Biétry qui, selon une étude de la Royal Haskoning effectuée en 1999, contenait 60.000 coliformes fécaux et 110.000 streptocoques fécaux par millilitre74(*). Ajouté à cela, la dommageable présence de métaux lourds, zinc, mercure, plomb. La baie de Biétry est, comme la baie de Cocody dont la situation est non moins préoccupante75(*), un bourgeon en souffrance du vaste écosystème de la lagune Ebrié, écosystème malheureusement gémissant sous les yeux des populations et des pouvoirs publics. Les autres systèmes lagunaires du littoral ivoirien ne sont guère épargnés par la dégradation due aux activités humaines. Pour ce qui regarde les sources de pollution de ces écosystèmes, excepté les déchets domestiques et industriels, les lagunes ivoiriennes sont aussi la proie de la pollution par les hydrocarbures imputable aux « fuites qui surviennent sur les oléoducs des exploitations et distributions de pétrole. Et au déversement des eaux de ballast par les pétroliers en pleine mer. Cela est surtout courant du côté de Jacqueville où, dit-on, l'on peut relever «des concentrations de l'ordre de 70 g/10m2 d'huile sur les plages»  (Voir livre blanc du littoral ivoirien). »76(*)

Quant aux ordures ménagères, gisant en pleine ville, elles peuvent résumer à elles seules la situation de l'environnement en Eburnie. Tant elles font partie du vécu quotidien des populations. Tant elles démontrent l'indifférence, le laxisme et le manque d'initiatives de celles-ci77(*). Car, s'il est vrai que les pouvoirs publics ne sont guère exempts de tout reproche dans la gestion des déchets domestiques et de l'hygiène publique, il faut leur reconnaître le mérite de s'être sincèrement attelés à la sensibilisation des habitants du pays, des zones urbaines en particulier. Cependant, le problème demeure. C'est à croire que même la chanson « Nettoyez chez vous, nettoyez chez vous, faites semblant de balayer chez vous, nettoyons chez nous un jour (...) Sauvez-nous ôôôô on peut pas respirer...78(*)» n'a pu faire changer l'attitude étrange, honteuse, scandaleuse et incivique de beaucoup qu'il y a lieu de dénoncer.

La qualité de l'air est aussi problématique, particulièrement à Abidjan. Et pour cause, l'extension du parc automobile libérant d'importantes quantités de dioxyde de carbone dans l'espace. Situation d'autant plus grave qu'une importante part des véhicules, toutes catégories confondues, sont des véhicules âgés, de seconde main. Il y a environ deux décennies, la Côte d'Ivoire faisait partie des vingt-cinq pays les plus grands émetteurs de gaz à effet de serre dans le monde. La situation s'est sans doute davantage dégradée avec l'accroissement du parc automobile du pays et particulièrement du nombre des véhicules de seconde main, moins coûteux. Selon une analyse du Centre d'études sur les réseaux, les transports, l'urbanisme et les constructions urbaines, « la pollution constitue le premier enjeu environnemental du système de transport abidjanais, avec un coût des dommages y afférent se chiffrant entre 34 et 61 milliards de FCFA.79(*) » Dommages se traduisant, par exemple, par la croissance des crises d'asthme chez les enfants, ainsi que l'a constaté un rapport de l'OMS.80(*)

Les eaux usées, les ordures ménagères, l'air pollué, la verdure en recul sont, comme étudié, source de détérioration écologique aussi bien des zones naturelles sauvages que des zones anthropiques, puisque l'espace est un. Et par conséquent de dégradation sanitaire préjudiciable à un développement durable. Aussi la politique d'assainissement est-t-elle une tâche essentielle pour l'Etat81(*). Dans ce contexte, M. Tihi Kpao Victor, directeur de l'assainissement en 2005, a pu dire : « Les mauvaises conditions sanitaires dans la plupart des villes, des quartiers et des villages en Côte d'Ivoire, constituent aujourd'hui une préoccupation majeure du Ministère de la Construction et de l'Urbanisme (MCU) et des gestionnaires urbains au regard d'une démographie galopante et des ressources financières limitées... Le constat, de manière générale, est que l'assainissement suit les opérations d'aménagement au lieu de les précéder ; ce qui amène parfois des surcoûts importants quand il s'agit de « rattraper » la situation avec des déplacements de réseaux ou de construction d'ouvrages. L'occupation de l'espace précède la mise en place des infrastructures d'assainissement... »82(*) Il ajoute plus loin, en analysant la situation de la capitale économique : « Si des mesures courageuses ne sont pas prises dès maintenant sur tout le territoire de la ville, Abidjan encourt des risques sanitaires et écologiques majeurs et multiformes sans précédents. »83(*)

L'expert en assainissement touche ici du doigt des réalités que tous vivent au quotidien. On mesure par conséquent l'importance de la prise en compte du secteur de l'assainissement dans le cadre d'une politique de l'environnement bien pensée pour les agglomérations ivoiriennes actuelles. Mais surtout, et dès à présent, c'est l'urbanisation elle-même qui doit être reconsidérée en profondeur. A ce propos il est fort utile d'écouter l'avis d'un spécialiste : « La plupart des gens pensent que l'urbanisation va continuer. Mais ce n'est pas nécessairement vrai. Si le monde est confronté à une pénurie d'eau, la disponibilité de l'eau et ses coûts de transport sur longues distances peuvent commencer à restreindre la croissance des villes. Plus généralement, un avenir de pénurie d'eau est presque assurément aussi un avenir de pénurie alimentaire, puisque 70 % de l'eau pompée dans le sous-sol et détournée des cours d'eau est utilisée pour l'irrigation. »84(*) Voilà un coup de starter pour une vision prospective de ce que doit être la cité ivoirienne de demain, et dont les agglomérations actuelles, avec leur environnement malsain ainsi que leur développement anarchique et dysharmonique, n'offrent qu'une bien pâle image.

Dans ce contexte, que dire du système juridico-social de gestion de l'environnement dans l'Etat ivoirien ?

* 67 S'agissant du terme « ville », il y a lieu de distinguer ici la définition classique, selon laquelle la ville, en Côte d'ivoire, est « une localité d'au moins 3000 habitants agglomérés dotée d'une fonction politique et administrative... au sein de laquelle la population active non agricole est supérieure ou égale à 50% » (La Côte d'Ivoire en chiffres, édition 2007, p.15), de la définition administrative donnée par le législateur ivoirien, qui fait de la ville une collectivité décentralisée située hiérarchiquement entre le District et la commune (Lazare Passo SERI, La politique ivoirienne de décentralisation sous la Deuxième République, mémoire de Diplôme d'Etudes Approfondies en Droit Public, Université de Cocody, 2008). La définition classique sera ici utilisée dans un souci de distinction d'avec les agglomérations à peuplement numériquement inférieur, appelées communément villages.

* 68 Sur l'aménagement de l'espace rural, voir Kindo BOUADI, Dynamisme économique et organisation de l'espace rural chez l'Agni du N'Dénéan et du Djuablin (Côte d'Ivoire), thèse n° 1, Université d'Abidjan, 1978.

* 69 La Côte d'Ivoire en chiffres, édition 2007.

* 70 Loi n° 2001-476 du 9 août 2001 portant orientation générale de l'administration du territoire, article 32 portant création du district. Décret numéro 2005-314 du 6 octobre 2005 portant création de 520 communes. Décret n° 2008-115 du 6 mars 2008 modifiant et complétant le premier, portant création de 269 communes supplémentaires. Pour de plus amples renseignements sur le sujet, voir Lazare Passo SERI, La politique ivoirienne de décentralisation sous la Deuxième République, mémoire de Diplôme d'Etudes Approfondies (DEA) en Droit Public, Université de Cocody, 2008.

* 71 Kadio AHOSSANE, op.cit.

* 72 Grands Lacs Hebdo, 25 août 2008, article de Théodore KOUADIO. Site : www.manews.com.

* 73 Jacques ANDOH, ex-ministre de l'Environnement, des Eaux et Forêts. Entrevue réalisée à Mexico par Théodore KOUADIO à l'occasion du quatrième Forum mondial de l'eau. Cahier économie & environnement n° 93, in Fraternité Matin du Lundi 3 avril 2006.

* 74 Fraternité Matin, Cahier économie & environnement, n° 15 du Lundi 3 mai 2004, p. XI.

* 75 Ibid.

* 76 Ibid.

* 77 Cet amer constat ne doit guère occulter les actions menées par de braves personnes soucieuses de la propreté de l'environnement. Voir Débats numéro 41, « La gestion des ordures ménagères », janvier 2007, Les Editions du CERAP, p. 15-20.

* 78 Tiré de l'album Bouche B du groupe musical « Les Salopards », sorti en 1995.

* 79 Cahier économie & environnement, n° 35 du Lundi 27 septembre 2004, p. VIII.

* 80 Cahier économie & environnement, n° 112 du Lundi 2 octobre 2006, p. VI.

* 81 Kadio AHOSSANE, op. cit.

* 82 Kpao Victor TIHI, « Assainissement de la ville d'Abidjan. On occupe l'espace avant son équipement en infrastructures », in Cahier économie & environnement, n° 51, p.VII, Fraternité Matin du Lundi 4 avril 2005.

* 83 Ibid., p. VIII.

* 84 Lester R. BROWN, op .cit., p. 284-285.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo