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La transgression du Sacré (XIIème- XIIIème siècle)

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par Jean-François POISSON-GUEFFIER
Paris III Sorbonne Nouvelle - Master 2 2012
  

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B. CREATION ET LEGITIMATION DE LA FICTION

Le rapport de la branche XXV à l'intertexte biblique vise, nous l'avons vu, à légitimer l'ensemble du cycle renardien. Intégrer les personnages et les formules de la Création à cette branche du Roman emblématise sa fonction de seuil du récit, donnant à lire l'origine des animaux sauvages et la ruse originelle de Renart, qui vole trois jambons à Isengrin pour le punir de n'avoir pas voulu les partager. Cette relation de la branche à la Genèse s'avère résolument bestournée :

Entre les autres en issi

Li gorpis, si asauvagi. 96

Rous ot le poil comme Renarz,

Molt par fu cointes et gaingnarz

183 Sur cette question, on se reportera à Le Moyen-âge et la Bible, dir. Pierre RICHE et Guy LOBRICHON, Paris, Beauchesne, 1984, p. 429 et suivantes, au chapitre 6, intitulé « Les Apocryphes Bibliques » : « Même si le Moyen-âge n'est plus une époque féconde pour la littérature apocryphe, de nombreux aspects de la civilisation du VIIe au XVe siècle sont influencés et parfois même déterminés par les livres non canoniques. La mise à l'index de ces livres (...) n'a pas empêché leur large diffusion et leur pénétration (...) La popularité des apocryphes s'explique par une curiosité pour des détails passés sous silence, ou peu commentés, des évènements qui figurent dans la Bible ».

La comparaison, comme Renarz, suggère que les animaux crées par Eve ont reçu leur nom d'après les personnages du roman, ce qui revient à inverser l'ordre des choses : le personnel romanesque et ses attributs moraux (anging et art, v. 103) donnent leur nom aux bêtes nouvellement créées par Eve. Dans cet apocryphe hétérodoxe, la création de la fiction prend place, paradoxalement, avant la Création divine du monde. La fiction renardienne échapperait ainsi par essence au monde, affirmant au contraire sa singularité. Dans cette perspective, reprendre le paradigme de la Genèse reviendrait à s'en extraire. De même, lorsqu'il est question d'Isengrin, présenté comme un pillard qui « par nuit et par jor fort lerre » (v. 114) :

Icelui [Isengrin] l'en senefia Qui les berbiz Adam roba.

Tot cil qui sorent bien rober 117

Et par nuit et par jor enbler, Sont bien a droit dist Ysengrin

Isengrin, « représenté par le loup qui déroba les brebis d'Adam », selon la traduction proposée par Sylvie Lefèvre, semble, à l'instar de Renart et d'Hersent, antérieur à la création des animaux. Le verbe senefier est répété au v. 125, Hersent représentant « la leuve qui si est haïe, / Qui si par aigre d'anbler » (v. 126-127).

Quant à l'unité de caractères et de symboles du vice que forment Renart, Isengrin, Hersent et Richeut, elle peut se lire comme le revers vicieux la Trinité184, le conteur insistant sur leurs traits caractéristiques (Ysengrin est mestre lerre (v. 144), Renart est forz roberre (v. 145), « Si Richeuz est abaiaresse, / La gorpille est fort lecharesse », v. 147-148). Alors que la Trinité est le symbole de la vertu, les deux couples principaux du Roman de Renart évoquent bien plutôt l'univers des péchés capitaux : « Cist quatre furent bien asanblé / Einz ne furent mes tel trové », v. 143-144. Chiffre symbole du cosmos dans la tradition biblique, le quatre est ici au centre d'une nouvelle cosmogonie, dont un autre pan apparaît dans la branche XXIII.

184 On reprend ici les éléments d'interprétation sur la symbolique des nombres mis en évidence par Jacques RIBARD, Le Moyen-âge. Littérature et Symbolisme, Paris, Honoré Champion, coll. « Essais », 1984, pp. 13-34 : « Sans être toujours synonyme de méchanceté ou de perversion, le nombre pair reste malgré tout le signe concret, visible, d'une humanité divisée, imparfaite », p. 16. « Les nombres impairs au contraire - et singulièrement le un et le trois - parce qu'indivisibles et donc incorruptibles, sont symboles de pureté et de perfection ; ils connotent volontiers le bien, l'éternel et le divin », p. 15.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore