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Les contes égyptiens anciens et les contes de l'Afrique subsaharienne: essai d'une analyse comparée

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par David Elysée Magloire TESSOH
Université Yaoundé 1 - Master en littérature et civilisations africaines 2011
  

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I-1-4 Les chants

Pendant sa prestation, le conteur peut improviser ou imiter un personnage en chantant. Si l'auditoire est en symbiose avec le conteur, il va l'accompagner en battant des mains ou en jouant les choeurs. Cette symbiose qui existe entre le conteur et l'auditoire a amené Paulette Roulon a affirmé :

« Les contes sont pour la plupart des chantefables, c'est-à-dire qu'ils constituent un chant que le conteur lance et que l'auditoire reprend »19(*)

Il s'en suit que la poéticité du conte lui confère le nom de chantefable. Eno Belinga défini la chantefable comme étant :

« Un récit oral de fable ou de conte mêlé de strophes chantées ; le récit et la mélodie se coupant mutuellement avec harmonie » 20(*)

Dans notre corpus, sept contes négro-africains sont des chantefables. Ce sont les contes

n° 11 "les coépouses"

n°12 "La jeune fille et le lion"

n° 16 "Le fils de Nkan"

n°17 "Les épouses de Kalak"

n°22 "L'origine du divorce"

n°25 "Le roi qui voulait épouser sa filles"

n ° 29 "Les trois soeurs et Itrimoubé"

Dans le conte n°11 intitulé "Les coépouses" nous avons deux chansons. La première est :

 Bonjour, la bien aimée de mon mari

Je passe, je vais porter le repas à ton mari,

Je sais que tu as faim, toi et ton enfant

Mais que faire,

Il n'y a pas d'ouverture

Pour que je te donne à manger.

Oh ! Pauvre femme.

Le ciel s'occupera de toi,

Au revoir, je suis partie. 

Cette chanson est indubitablement une ironie, une raillerie, une moquerie de la part de la première femme à l'endroit de sa coépouse. Elle est aussi l'expression de l'esprit machiavélique de la première épouse qui, par jalousie va trouver un exutoire qui consistera à enfermer sa rivale dans un arbre. Son objectif atteint, elle viendra chaque fois qu'elle pourra narguer cette dernière. La seconde chanson est la suivante :

 Arbre, ouvre-toi,

Je te supplie, ouvre-toi,

Je reconnais mes torts,

Ouvre-toi

Je ne recommencerai plus, pardon, ouvre-toi.

Cette chanson à l'allure d'une formule magique est une confession, une repentance de la première femme qui, après avoir été menacée de mort par son mari passe aux aveux et reconnaît son forfait (son ignoble crime).

Dans le conte n°12 "La jeune fille et le lion" nous avons la chanson suivante :

Bonjour Warimangan !

Warimangan tambour jembe bonjour

Mon père m'avait dit

Qu'il tuerait un lion pour moi

Un lion très galant pour moi

Et faire un tambour avec sa peau pour moi

C'est ce jour qui est arrivé.

Ce chant repris 3 fois par la petite Warimangan est une arme ou plus exactement une astuce, une hardiesse dont la petite use pour faire fuir le lion chaque fois que ce dernier s'approche d'elle.

Dans ce conte n° 16 "Le fils de Nkan".

Un homme nommé Nkan a trois femmes. Kooko, Gang et Itiitii à qui il avait ordonné de n'accoucher que les filles et jamais de garçons. Kooko et Gang accouchent chacune d'une fille. Itiitii quant à elle accouche d'un garçon. Ne voulant pas d'un fils, Nkan prit son fils et le jeta dans un tas de fourmis. Ce dernier sera récupéré par Kpong-l'antilope naine. L'enfant grandit et fabrique une flûte de roseau avec laquelle il joue la chanson suivante :

Fooori fori fooori fori

Foro fori fori

Foro fori foriii

Mon père m'avait jeté dans un tas de fourmis

N'eût été Kpong- l'antilope naine

J'aurais perdu la vie

Fooo.

Ce chant qui apparaît deux fois dans le texte a une double valeur. Il est une satire et une louange. Sa valeur satirique est perceptible à travers la dénonciation de l'ignoble crime dont il a été victime, le criminel étant contre toute attente son papa. Ce chant exprime le mécontentement du fils vis-à-vis de son papa qui a voulu le tuer en le jetant dans un tas de fourmis comme l'atteste ce vers « Mon père m'avait jeté dans un tas de fourmis ». Ce faisant, le fils punit par la même occasion son père en le faisant avoir des remords et la honte. Outre cet aspect satirique, ce chant est une louange à l'endroit de l'antilope. En le faisant, le fils exprime ainsi sa gratitude à l'égard de son bienfaiteur Kpong-l'antilope sans qui il serait mort dans ce tas de fourmis.

« N'eût été Kpong-l'antilope naine

J'aurais perdu la vie. »

Le conte n° 22 "L'origine du divorce" est celui qui parle d'un couple, jadis heureux, qui a fini par sombrer dans le divorce. Le mari est chasseur et la femme est cultivatrice. Elle a un grand champ de maïs qu'un groupe de gorilles vient le plus souvent piller la récolte. Devant le refus de son mari à vouloir l'aider à chasser les gorilles, la femme décide d'aller elle- même à la chasse aux gorilles. Elle s'arme du carquois et de l'arc de son mari ; et réussit à abattre le chef des gorilles. De retour au village, la femme qui s'attendait aux félicitations de la part de son mari, reçoit plutôt un savon de ce dernier qui lui demande de retourner illico sur ses pas récupérer sa flèche. Dans son chagrin, elle se met à chanter.

Mince alors ! Aller chez les gorilles, aller cher les gorilles, mince alors !

La flèche a atteint quelle partie d'abord ? Mince alors !

La jambe ou le bras ? Mince alors !

Le bras ou la jambe ? Mince alors !

La tête ou le ventre ? Mince alors !

Le ventre ou la tête ? Mince alors ! (Etc.)

Ce chant est incontestablement une complainte. Elle est l'expression du chagrin de la femme qui lance un appel ; une demande d'assistance à tous ceux qui peuvent l'aider à identifier avec précision la partie du corps du gorille atteinte par la flèche.

Dans le conte n° 25 "Le roi qui voulait marier sa fille" il s'agit de l'histoire d'un roi et sa très belle fille. Visiblement exigeant, ce dernier décide d'enfermer sa fille dans une case sans issue afin qu'elle ne puisse pas tomber amoureuse de n'importe quel homme. Les prétendants défilent, mais le roi ne trouve aucun à son goût. Un jour les servantes qui donnaient à manger à la princesse entendent les pleurs d'un nouveau-né. Courroucé par cette situation, le roi convoque une assemblée afin que le géniteur de l'enfant soit identifier et tuer. Pour ce faire, chacun vient chanter devant l'enfant cette chanson.

Enfant qui commence à marcher oh,

A pas mal assuré,

Enfant qui commence à marcher oh,

A pas mal assuré,

Si tu es mon fil,

Marches et viens vers moi,

A pas mal assuré.

Ce chant est un test de paternité que tous les membres de l'assemblée convoquée par le roi doivent chanter afin que l'enfant désigne son père en s'avançant vers lui.

Dans le conte n°29 "Les trois soeurs et Itrimoubé"

Un couple vit avec ses trois filles Ramatou, Raïvou et Ifara. Ifara la plus jeune est également la plus jolie. Jalouses, ses aînées décident de l'éliminer, pour ce faire elles vont mettre sur pied un plan diabolique, qui la conduira dans les filets du monstre Itrimoubé. Le monstre décide de l'engraisser afin qu'elle soit bien dodue et bonne à rôtir. Le jour J, une petite souris aide Ifara à s'enfuir. Le monstre Itrimoubé hume l'air et réussit à la rejoindre. La pauvre Ifara qui ne retrouve plus son chemin aperçut un corbeau à qui elle demanda de l'aide en chantant :

Joli corbeau, joli corbeau,

Je lisserai tes plumes noires,

Si tu veux m'emporter avec toi, vers le puits de mon père.

Le corbeau refuse de l'aider en lui rappelant qu'elle avait raconter à tout le monde qu'il mangeait les arachides vertes « Non, dit le corbeau, je ne t'emporterai pas ; tu n'aurais pas dû raconter que je mangeais des arachides vertes ».

Après le corbeau, elle aperçut un milan et lui chanta :

Mon beau Milan, mon beau milan,

Je lisserai tes plumes grises,

Si tu veux m'emporter avec toi,

Vers le puits de mon père.

Comme le corbeau, le milan refusa Ifara et lui tint ces propos « Je ne t'emporterai pas. Tu n'aurai pas dû raconter que je mangeais des rats morts ».

Pendant qu'elle regrettait d'avoir été très bavarde, elle aperçut un pigeon à qui elle chanta.

Joli pigeon, joli pigeon,

Je lisserai tes plumes bleues,

Si tu veux m'emporter avec toi,

Vers le puits de mon père.

Au rebours du corbeau et du milan, le pigeon éprouva de la pitié pour la jeune fille et l'emporta vers le puits de son papa.

Ces trois chansons sont à priori des flatteries dans lesquelles la petite Ifara confondue à une enjôleuse comme l'attestent les premiers vers de chaque chanson.

«  Joli corbeau, joli corbeau » chanson 1

«  Joli milan, joli milan » chanson 2

«  Joli pigeon, joli pigeon » chanson 3

Mais la situation ou plus exactement le contexte de ces chants montrent qu'il s'agit plutôt d'un signal de détresse, d'un appel à l'aide que la petite qui ne retrouve plus son chemin lance à l'endroit des oiseaux afin que ces derniers l'emportent chez ses parents.

En clair, nous pouvons dire que les chansons ne sont pas facultatives dans les contes. Elles sont à contrario plurivoques. Elles concourent à l'évolution dramatique du récit en facilitant sa compréhension, elles provoquent la gaieté ou la mélancolie. Face à un public exigeant elles peuvent être une bonification pour le narrateur. Justifiant l'omniprésence des chants dans les contes africains, Roland Colin a pu dire :

Toute la courbe littéraire africaine est poésie ou brodée d'une frange poésie qui est chanson, rythme et danse des mots. Le conte est d'ailleurs tout imprégné de poésie véritable : à chaque instant, une chanson légère ou poignante y naît comme le retour du thème d'une symphonie.21(*)

Après cette étude sur la manifestation, intéressons nous à présent aux procédés stylistiques.

* 19 Paulette,Roulon, Wardo et l'origine des choses, contes d'origines gbàyà-Kara, Paris, l'Harmattan, 1977. p.12.

* 20 Martin,Eno Bélinga, Découverte des chantefables au Cameroun, Klincksieck, Paris, 1970, P.27.

* 21 Roland, Colin, Les Contes noirs de l'ouest-africains, Paris présence Africaine, 1957, P.55.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe