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Le président de la RDC dans l'Ordonnancement constitutionnel congolais du 20 janvier 2002

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par Xavier KITSIMBOU
Université internationale de Brazzaville - Certificat en droit constitutionnel 2012
  

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LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE DANS L'ORDONNANCEMENT CONSTITUTIONNEL CONGOLAIS DU 20 Janvier 2002.

Par

Xavier KITSIMBOU1(*)

L'institution présidence de la république a toujours été au centre de toutes les mutations qui se sont opérées dans la vie politique congolaise. En effet, du lendemain des indépendances jusqu'à nos jours, le Congo a connu sept chefs d'Etat 2(*). Ce qui le place parmi les pays les plus instables de la sous-région3(*).

Lorsque la République du Congo accède à l'indépendance en 1960, une constitution est adoptée par référendum organisant la dévolution du pouvoir par la voie des urnes. En 1961, l'Abbé Fulbert Youlou est élu président de la jeune république. Les évènements des 13-14-15 août 1963 qui entraînent sa chute posent le problème de l'alternance au pouvoir à la suite de la vacance entraînée par le coup d'Etat.

Sans être élu, Massamba Débat accède à la magistrature suprême en 1964. Le mouvement insurrectionnel qui amène le capitaine Marien N'Gouabi au pouvoir donne le ton de la gestion politique par l'armée et surtout l'instauration du parti Etat où dorénavant le pouvoir est détenu par le parti dirigeant l'Etat donc le parti unique.

La conférence nationale souveraine qui se tient à Brazzaville du 25 février au 10 juin 1991 reconfigure le paysage politique. Le multipartisme est instauré. Une nouvelle constitution est adoptée en 1992. Cette nouvelle constitution prévoit désormais l'élection du président de la République au suffrage universel direct en définissant les règles applicables en cas de vacance du pouvoir4(*).

En 1997, le conflit armé qui éclate à Brazzaville se solde par la victoire militaire de Dénis Sassou N'Guesso qui devient le nouveau président. Or la constitution en vigueur en 1997 prévoit l'élection d'un nouveau président en cas de vacance. L'abrogation de la constitution de 1992 et l'adoption d'un acte fondamental le 24 octobre 1997 reprécise les termes du pouvoir en légitimant cette victoire par la force.

A la lumière de cette réalité, il apparaît que depuis 1963, l'alternance au poste de président de la République au Congo s'est toujours opérée en dehors du cadre juridique et constitutionnel en vigueur qui pourtant définissait les conditions légales d'accession au pouvoir. De tout temps, la constitution congolaise a toujours fait l'objet d'ajustements lorsque les autorités politiques ont voulu répondre aux besoins que la constitution n'a pas pris en considération ou encore pour orienter les équilibres constitutionnels des institutions. A titre d'illustration, le Congo a usé bien des constitutions, faisant ainsi de ce pays un champion de l'instabilité et le plus vaste cimetière institutionnel de l'ensemble des pays d'Afrique. En trente-six ans, six textes et sept Actes fondamentaux ont été adoptés, de telle sorte que le régime provisoire apparaît comme étant la règle et la Constitution, l'exception5(*).

Soucieux de revenir sur des bases politiques plus saines, une ènième constitution est adoptée par référendum le 20 janvier 2002. En considération de l'expérience vécue depuis 1991, date de l'instauration d'une démocratie pluraliste, le Congo a entendu renforcer le rôle du président de la République dans l'équilibre institutionnel de l'Etat. En optant pour un régime présidentiel fort ou encore un présidentialisme forcené selon l'expression du professeur Félix Bankounda-Mpélé, le président de la république du Congo est devenu un personnage stratégique dont les pouvoirs ont été considérablement renforcés. Ce qui fait dire à F. Bakounda-Mpélé que si en France, et sous la Ve république, l'on a voulu faire du président de la république la clé de voute des institutions, il ressort qu'en Afrique (et plus précisément au Congo), celui-ci s'impose, au-delà des institutions, comme la clé de voute de la société, en raison de l'importance des prérogatives de droit et de fait qui lui sont reconnues, ou qu'il s'octroie>>6(*)

Le président vient au premier rang dans l'ordre de présentation des organes constitutionnels. La constitution lui consacre son titre V7(*). Cette préséance symbolise une primauté qui se traduit dans son mode de désignation et son statut.

Dans cette étude, nous allons nous contenter de faire une analyse des dispositions de la constitution actuellement en vigueur sur les aspects qui concernent le président de la République en tant qu'institution. Aussi sans revenir sur les conditions d'émergence de cette constitution, nous allons décrypter le statut du président de la république (I) avant d'aborder les pouvoirs que lui confère la constitution du 20 janvier 2002 (II).

I - LE STATUT DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE

Aborder la question du statut du président de la république du Congo revient à analyser les règles applicables à son élection et les mécanismes d'alternance au pouvoir.

A - LES REGLES APPLICABLES A L'ELECTION DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE

Tous les systèmes de désignation du chef de l'Etat républicain ont à choisir entre l'élection directe par le peuple et l'élection par ses représentants8(*). Au Congo, depuis 1992, le choix de l'élection directe du chef de l'Etat a été privilégié. Le but ultime de ce choix était de conférer au titulaire de la charge suprême une légitimité et une autorité accrues. Ainsi, la constitution de 2002 en a définit les règles de désignation.

A1 - L'éligibilité

Pour être candidat à une élection présidentielle au Congo, il faut satisfaire à sept conditions. Aux termes de l'article 58 de la constitution <<nul ne peut être candidat aux fonctions de président de la république :

- S'il n'est de nationalité congolaise d'origine ;

- S'il ne jouit de tous ses droits civils et politiques ;

- S'il n'est de bonne moralité ;

- S'il n'atteste d'une expérience professionnelle de quinze ans, au moins ;

- S'il n'est âgé de quarante ans, au moins, et de soixante dix ans, au plus à la date du dépôt de sa candidature ;

- S'il ne réside de façon interrompue sur le territoire de la république au moment du dépôt de sa candidature depuis au moins vingt quatre mois. L'obligation de résidence sus-indiquée ne s'applique pas aux membres des représentations diplomatiques ou consulaires, aux personnes désignées par l'Etat pour occuper un poste ou accomplir une mission à l'étranger et aux fonctionnaires internationaux ;

- S'il ne jouit d'un état de bien-être physique et mental dûment constaté par un collège de trois médecins assermentés, désignés par la cour constitutionnelle >>.

L'article 48 de la loi 24-2001 du 24 novembre 2001 portant loi électorale précise que tout candidat à l'élection présidentielle doit faire une déclaration de candidature légalisée comportant :

- Ses nom et prénom, date et lieu de naissance, profession et domicile ;

- Quatre cartes de photographies d'identité et le logo choisi pour l'impression de ses affiches électorales ;

- un curriculum vitae certifié sur l'honneur ;

- un certificat médical délivré par un collège de trois médecins assermentés désignés par le juge constitutionnel ;

- un spécimen de signature;

- un casier judiciaire ;

- un certificat de nationalité ;

- une déclaration de moralité fiscale ;

- le récépissé de versement au trésor public d'un cautionnement de cinq millions (5.000.000) de francs CFA, soit 7621,95€ remboursable au candidat ayant obtenu au moins 15% de suffrages. Il appartient à la cour constitutionnelle9(*) de statuer sur la recevabilité des dossiers de candidatures.

En restreignant les conditions d'éligibilité, les constituants congolais entendaient s'inspirer des dérives qui ont marqué les quatre dernières décennies de l'histoire politique congolaise en misant sur la compétence et la maturité dans la gestion des affaires de l'Etat.10(*) Or une lecture critique de ces conditions montre que les considérations d'ordre partisanes ont prévalu dans ces restrictions.

D'une part, l'obligation d'une résidence permanente et ininterrompue sur le territoire de la république depuis au moins vingt quatre mois, excepté les membres des représentations diplomatiques ou consulaires, les personnes désignées par l'Etat pour occuper un poste ou accomplir une mission à l'étranger et les fonctionnaires internationaux, est difficile à prouver en raison du flou entretenu par la loi elle-même. Il reste que cette restriction est une réelle exclusion surtout pour les personnalités  en poste à l'étranger et des nationaux dont les missions de travail imposent des multiples déplacements à l'étranger. On peut citer entre autres les expatriés des sociétés privées, les entrepreneurs, les enseignants chercheurs, les sportifs, les artistes, les experts des missions des ONG etc. ;

D'autre part, en limitant l'âge à 70 ans maximum, cette condition écarte beaucoup de candidatures potentielles qui sont désormais frappées par le facteur âge car rien ne peut justifier politiquement, intellectuellement ou physiquement cette limite. En 2009 par exemple, le candidat Dénis Sassou N'guesso n'a pas eu des pointures crédibles dans la lutte pour son maintien au pouvoir car né en 1943, il n'avait que 66 ans. Donc éligible pour un deuxième mandat alors que tous ses adversaires vieillissants ne pouvaient plus se prévaloir des conditions édictées par les textes pour candidater à l'élection présidentielle11(*).

C'est cet article qui a été utilisé par la Cour Constitutionnelle pour vérifier la régularité des candidatures à l'élection présidentielle de 2009. Dans sa décision n°003/DCC/EL/PR/09 du 19 juin 2009 relative à la recevabilité des dossiers de candidatures à l'élection du président de la République, scrutin du 12 juillet 2009, la Cour Constitutionnelle a invalidé les candidatures de :

- M. Ange Edouard Poungui, M. Marcel Guitoukoulou et M. Rigobert Ngouolali pour absence de preuve de résidence permanente et ininterrompue au Congo sur les vingt quatre derniers mois précédant le scrutin. D'interprétation restrictive, le juge constitutionnel a considéré que ne remplissait pas la condition de résidence permanente et ininterrompue M. Ange Edouard Poungui qui a fourni deux adresses différentes (Poto-Poto & Moungali) pourtant dans la même ville Brazzaville et le fait d'effectuer pour des raisons de convenances personnelles des voyages à l'étranger soit quatre voyages en 2007 et cinq voyages en 2008;

- M. Christophe Moukoueké pour avoir dépassé l'âge requis pour être candidat. Né le 25 avril 1939, Le candidat avait atteint 70 ans, un mois et dix-huit jours au 12 juin 2009, date du dépôt de sa candidature. Au sens de l'article 58, sa candidature était donc irrecevable car âgé de plus de soixante dix ans.

Cette décision de la Cour Constitutionnelle a fait l'objet de vives contestations. En effet, la Cour a été vertement critiquée pour ces invalidations : il lui a été reproché de faire de l'article 58-6 de la constitution, une machine à éliminer, au seul bénéfice du président sortant, et, en particulier, de priver de compétition le candidat du seul parti d'opposition représenté au parlement12(*) La lecture de cet article laisse clairement apparaitre la volonté de verrouiller l'élection présidentielle car les conditions de la compétition présidentielle ont été revues et corrigées, de manière à avantager le Président sortant par l'élimination à priori de rivaux gênants.

A2 - Le mode de scrutin

Plus de quarante années après les indépendances, le Congo n'aura connu que quatre élections présidentielles libres et transparentes. En 1961, le Congo organise sa première élection au suffrage universel direct qui a porté l'abbé Fulbert Youlou au pouvoir. Après son renversement, une longue période du parti unique met entre parenthèse le phénomène du vote comme moyen d'accès au pouvoir.

A la faveur de la vague de démocratisation qui secoue le continent africain à la fin des années 1980, le Congo opte pour le pluralisme politique. Une élection est organisée pour élire le nouveau président du Congo démocratique et pluriel.

En 2002, la nouvelle constitution prévoit un mode de scrutin uninominal, majoritaire à deux tours. Au premier tour la majorité des suffrages exprimés est exigée pour être élu. Au deuxième tour, seuls les deux candidats en tête peuvent se présenter. C'est ce qui ressort des stipulations de l'article 59 selon lesquelles << le président de la république est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés. Si celle - ci n'est pas obtenue au premier tour du scrutin, il est procédé vingt et un jours après à un second tour. Seuls peuvent s'y présenter les deux candidats ayant recueilli le plus grand nombre de suffrages au premier tour. Est déclaré élu au second tour, le candidat ayant recueilli le plus grand nombre de suffrages exprimés >>. C'est sur la base de cet article que furent convoquées les élections présidentielles de 2002 et celle de 2009, élections qui consacraient la victoire par les urnes du président Dénis Sassou NGUESSO avec des résultats au premier tour qui rappelaient l'âge d'or du parti unique. A titre d'illustration, les résultats des élections de 2002 et 2009.

*Les résultats du 1er tour de l'élection présidentielle du 10 mars 2002

 

Nombre

% des inscrits

% des votants

Inscrits

1 733 943

 
 

Votants

1 380 651

74,70

 

Suffrages exprimés

1 202 611

 

87,10

Bulletins blancs ou nuls

97 208

 

12,90

Abstentions

531 332

25,30

 

Candidat

Voix

% des exprimés

 

Dénis Sassou Nguesso

1 075 247

89,41

 

Kignomba kia Mboungou

33 154

2,76

 

Angèle Bandou

27 849

2,32

 

Jean Félix Demba Tello

20 252

1,68

 

Luc Adamo Mateta

19 074

1,59

 

Come Manckassa

15 054

1,25

 

Bonaventure Mizidy

11 981

1,00

 

*Les résultats du 1er tour de l'élection présidentielle du 12 juillet 2009

 

Nombre

% des inscrits

% des votants

Inscrits

2 079 294

 
 

Votants

1 380 651

66,40

 

Suffrages exprimés

1 342 242

 

97,20

Bulletins blancs ou nuls

38 409

 
 

Abstentions

 

43,60

2,80

Candidat

Voix

% des exprimés

 

Dénis Sassou Nguesso

1 055 117

78,60

 

Kignomba kia Mboungou

100 181

7,50

 

Nicéphore Antoine Fylla de Saint Eudes

93 749

7,00

 

Mathias Dzon

30 861

2,30

 

Joseph Hondjouila Miokono

27 060

2,00

 

Guy Romain Kinfoussia

11 678

0,90

 

Jean Francois Tchibinda Kouangou

5 475

0,40

 

Ernest Bonaventure Mizidy Bavoueza

3 594

0,30

 

Clément Mierassa

3 305

0,30

 

Bertin Pandi Ngouari

2 749

0,20

 

Marion Michel Mandzimba Ehouango

2 612

0,20

 

Jean Ebina

1 797

0,10

 

B - LE MANDAT DU PRESIDENT CONGOLAIS

Le mandat présidentiel peut être considéré comme la période qui débute le jour de la prestation de serment et prend fin après l'élection présidentielle plus précisément à la passation de pouvoir du nouvel élu. Ainsi définit, plusieurs interrogations interpellent l'esprit à savoir la durée du mandat, son interruption et celle de sa remise en cause, c'est-à-dire la responsabilité du président pendant l'exercice de ses prérogatives.

B1-La durée du mandat : le septennat

La durée du mandat présidentiel au Congo n'a jamais fait l'objet de nombreux débats. En effet excepté l'éphémère expérience démocratique du lendemain des indépendances, le Congo a très tôt opté pour un régime de parti unique. Le Parti dirigeant l'Etat, le président du bureau politique du parti unique était de droit chef de l'Etat. L'alternance au pouvoir ne se faisait qu'au rythme des congrès du parti. C'est dans cet esprit que le président Dénis Sassou Nguesso alors membre du bureau politique de Parti Congolais du Travail était devenu le chef de l'Etat en 1979 jusqu'à la vague de démocratisation de la fin des années 1980.

La conférence Nationale, après avoir stigmatisé les maux dont avait souffert le Congo durant le long règne du parti unique, a décidé la fin du monopartisme, l'instauration de la démocratie pluraliste et de l'Etat de droit. En reconnaissant l'existence des partis politiques comme un des fondements de la démocratie pluraliste, le Congo tournait définitivement la page à la période des « présidents à perpétuité ».

La constitution du 15 mars 1992 qui concrétise cette rupture prévoyait l'élection du président de la république au suffrage universel pour un mandat de cinq ans.

C'est sous l'empire de cette constitution que sont organisées les premières élections présidentielles au Congo en élisant le 16 août 1992, de manière libre et démocratique, Pascal Lissouba à 61,32% des suffrages contre 38,68%.

A la différence de la constitution du 15 mars 1992 qui avait prévu le quinquennat, celle de 2002 a opté pour un septennat renouvelable. L'article 58 de la constitution précise que le président de la république est élu pour un mandat de sept ans renouvelable une fois.

En rallongeant le mandat présidentiel, le Congo s'est aligné dans la moyenne des pays de la sous-région dont la durée du mandat est de 7 ans. Cette rallonge a été également motivée par la nécessité de favoriser une réelle stabilité des institutions au lendemain des expériences vécues durant les vingt dernières années essentiellement marquées par de violents conflits. Il était tout à fait « normal » que le Congo stabilise la vie politique.

B2-La fin du mandat

En principe, deux situations peuvent justifier la fin du mandat présidentiel :

Soit, le président parvient au terme normal de son mandat. Le scrutin est alors organisé trente jours au moins, et quarante jours au plus, avant la date d'expiration du mandat du Président de la République en exercice. La continuité de la fonction présidentielle est ainsi assurée en même temps qu'est limitée la situation désagréable et fâcheuse due à l'existence simultanée de deux présidents : le nouvel élu, en droit sans pouvoir, et le sortant, sans grands pouvoirs en fait. Elu normalement en 2009, le mandat du président devrait prendre fin si les règles constitutionnelles sont respectées en 2016 date de la prochaine élection présidentielle ;

Soit le président cesse ses fonctions de façon prématurée en raison d'un décès, d'une démission, un empêchement définitif de remplir sa mission. Le scrutin aura alors lieu 90 jours après cessation de ses fonctions par le président sortant, ou après la constatation du caractère définitif de l'empêchement. Il faut du temps pour organiser l'élection sans toutefois laisser trop longtemps cette vacance du pouvoir. En prévision de cette donnée, le constituant congolais a organisé le régime de l'interruption du mandat selon que cette incapacité découle des raisons indépendantes de la volonté du président (Intérim) ou que celle - ci découle de son propre chef (Suppléance).

- L'intérim.

En cas de vacance du président de la république par décès, démission ou toute autre cause d'empêchement définitif constatée par la cour constitutionnelle, saisie par le président de l'assemblée nationale, les fonctions du chef de l'Etat sont provisoirement exercées par le Président du Sénat.

Les pouvoirs du président de la république par intérim sont ceux reconnus au président de la république sauf ceux relatifs à la nomination des membres du gouvernement (art. 74), à l'exercice du droit de grâce (art. 80), à l'exercice des mesures exceptionnelles en cas de menace grave et imminente (art. 84), l'organisation du référendum (art. 86) et enfin l'initiative de la révision constitutionnelle (art. 185)

A la différence de la constitution française de 1958 qui prévoit à son article 7 l'intérim du président du sénat <<et, si celui-ci est à son tour empêche d'exercer ces fonctions, par le Gouvernement>>, la Constitution congolaise n'a pas prévu cette éventualité. Ce qui suppose un vide institutionnel en cas de vacance simultanée du président de la république et du Président du Sénat. Cette situation est d'autant plus préoccupante qu'elle peut entraîner le Congo dans une véritable crise en l'absence des mécanismes de substitution.

Dans tous les cas de figure, l'histoire politique du Congo n'a jamais connu l'hypothèse d'une alternance normale et constitutionnelle du pouvoir13(*). Depuis 1963, la dévolution et l'alternance au pouvoir ont toujours été faites en dehors du cadre constitutionnel établi. En 1963, alors que la constitution de mars 1961 prévoyait les mécanismes d'alternance en cas de vacance du pouvoir c'est-à-dire l'organisation d'une élection, le président Massamba Débat a été installé manu militari au pouvoir à la suite des événements du 13-14-15 août 1963 qui ont entraîné la chute du président Youlou.

A la mort du président Marien NGOUABI en 1977, un comité militaire du parti a été mis en place pour gérer les affaires de l'Etat alors que la constitution en vigueur prévoyait l'intérim du pouvoir par le vice-président du Bureau politique du Parti - Etat, le Parti Congolais du Travail.

En 1997, le président Dénis Sassou Nguesso s'est autoproclamé président de la république après sa victoire militaire contre le président Pascal Lissouba alors que la constitution de mars 1992 qui a été adoptée par référendum prévoyait l'urne comme mode constitutionnel pour pallier à la vacance du pouvoir.

Par ailleurs, Il faut souligner que le régime de l'intérim est bien encadré. L'article 71 de la constitution prévoit la durée maximale de l'intérim à quatre-vingt-dix jours. C'est le président du sénat, assurant les fonctions du président de la république qui a pour mission d'organiser le scrutin présidentiel qui doit avoir lieu, sauf cas de force majeure constatée par la Cour Constitutionnelle, quarante-cinq jours au moins, et quatre-vingt-dix jours, au plus après l'ouverture de la vacance ou de la déclaration du caractère définitif de l'empêchement.

Pour éviter toute ambiguïté et surtout pour dépassionner le débat politique préélectoral, le président du sénat, assurant l'intérim, ne peut être candidat à cette élection.

Mais l'empêchement peut résulter aussi du propre chef du président créant ainsi une situation de suppléance.

- La suppléance.

Lorsque le président de la république ne peut exercer une partie de ses prérogatives, il peut être supplée dans ses fonctions par un ministre à condition que le président l'ait décidé explicitement. C'est ce qui ressort des stipulations de l'article 74 alinéa 3 aux termes desquelles le président de la république <<... peut déléguer une partie de ses pouvoirs à un ministre>>

B3-La mise en cause du Président : la responsabilité présidentielle

En principe, la responsabilité du président de la république ne peut être engagée sous l'empire de la constitution du 20 janvier 2002. Ce principe de l'irresponsabilité présidentielle est celle qui a toujours prévalu dans tous les textes constitutionnels congolais. Elle couvre :

- La responsabilité pénale et civile du président pour les actes commis dans l'exercice de ses fonctions. Il ne peut être poursuivi à leurs propos devant les tribunaux ;

- Et, surtout sa responsabilité politique, en ce sens que même en cas de désaccord, le parlement ne dispose d'aucune procédure pour le révoquer ou le contraindre à la démission. Ceci est d'autant plus vrai que cette irresponsabilité n'est que la traduction du régime présidentiel opté par la constitution.

A tout bien prendre, les constituants congolais se sont inspirés du principe de l'irresponsabilité en Droit Français. En effet, sous la monarchie en France, le principe selon lequel « le roi ne peut mal faire » excluait toute responsabilité du souverain car le droit ne connaissait que la responsabilité fondée sur la faute. La constitution française de 1958 a confirmé ce privilège en faisant peser cette responsabilité non sur le chef d'Etat mais sur le gouvernement14(*). Sa responsabilité ne pouvant être engagée que sur un terrain particulier qui est celui d'une « hypothétique » haute trahison15(*). Selon l'article 87 de la constitution congolaise, <<La responsabilité personnelle du chef de l'Etat peut être engagée en cas de haute trahison. Le président de la république ne peut être mis en accusation que par le parlement réuni en congrès statuant par vote au scrutin secret à la majorité des deux tiers de ses membres>>. La mise en accusation du président de la république devant la haute cour de justice est en théorie une limite au principe de l'irresponsabilité car on ne saurait admettre que le président viole gravement et impunément les devoirs de sa charge sans encourir de sanctions.

Dans la réalité politique congolaise en particulier et en Afrique en général, cette disposition relève d'une pure « fanfaronnade constitutionnelle » en ce qu'il est quasi impossible d'engager la responsabilité d'un chef d'Etat africain en exercice. La plupart des chefs d'Etat de la sous-région par exemple ont connu sinon animé « des dictatures exotiques » et sont devenus démocrates par la force du temps. On ne devient pas démocrate en vieillissant. Pères de la nation, ils sont la loi.

Sur le plan politique, malgré le rôle important joué par le Président congolais, la question de sa responsabilité ne s'est jamais posée. Le chef de l'Etat Congolais est politiquement irresponsable. La nature même du régime mis en place en justifie le cadre. Le président de la république ne peut dissoudre l'Assemblée Nationale, tout comme celle-ci ne peut le démettre (article 114)

C - LES INCOMPATIBILITES

« Superman »16(*) peut être de la vie politique congolaise en raison des attributions que les constituants lui ont fixées, les fonctions du président de la république sont soumises à un certain nombre d'incompatibilités auxquelles celui - ci ne peut en échapper. Les fonctions du président de la république selon la constitution du 20 janvier 2002, sont incompatibles avec l'exercice de tout autre mandat électif, de tout emploi public, civil ou militaire, et toute activité professionnelle. Le président de la république ne peut pas non plus avoir une responsabilité au sein d'un parti politique. N'étant pas un citoyen comme les autres, il ne peut pas par lui-même ou par intermédiaire, ni acheter, ni rien prendre en bail qui appartienne au domaine de l'Etat. Il ne peut pas non plus prendre part aux marchés publics et aux adjudications pour les administrations ou les institutions dans lesquelles l'Etat a des intérêts.

Ces interdictions et incompatibilités sont d'autant plus importantes qu'elles limitent les confusions qui règnent dans la gestion patrimonialiste de l'Etat.

En considération de tout ce qui précède, il y a lieu d'admettre que la constitution du 20 janvier 2002 a mis en place les bases de sa solidité et défini des verrous pour permettre la respiration de la vie politique.

En ce qui concerne les bases de sa solidité, la constitution a proclamé :

- Le suffrage universel est la seule source du pouvoir législatif et exécutif. Il garantit la légitimité au Parlement et à l'exécutif ;

- La séparation stricte du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif avec pour conséquence l'irresponsabilité respective du parlement vis-à-vis de l'exécutif. Le gouvernement ne peut dissoudre l'assemblée et celle-ci ne peut démettre le gouvernement.

- L'indépendance de l'autorité judiciaire proclamée gardienne des libertés essentielles.

Pour éviter l'expérience des « présidents éternels »17(*), père de la nation, la nouvelle constitution a mis en place des verrous pour faciliter l'alternance constitutionnelle donc la respiration de la vie politique.

· La limitation a deux mandats non renouvelables.  Elu en 2002 et réélu en 2009, le président actuel aura atteint la limite fixée par l'article 58 de la constitution ;

· Le verrou de l'âge.  Né en 1943, le président Sassou NGUESSO aura 73 ans donc largement au-delà de l'âge requis ;

· La non-révision constitutionnelle sur le principe de la limitation du mandat. Contrairement au bidouillage constitutionnel qui a été fait au Cameroun et au Sénégal pour déverrouiller la constitution et permettre une énième candidature du président sortant, au Congo, le constituant a entendu -théoriquement- interdire toute révision constitutionnelle qui a pour finalité de remettre en cause la limitation du mandat du président de la République. L'article 185 alinéa 3 dispose que <<La forme républicaine, le caractère laïc de l'Etat, le nombre de mandats du Président de la République (...) ne peuvent faire l'objet de révision>>.

En somme si ces dispositions ont été adoptées en 2002, l'applicabilité stricte de la constitution pose le problème de l'avenir politique du président Dénis Sassou NGUESSO. Quel que soit les cas de figure, le président actuel ne peut plus prétendre à une nouvelle candidature car ne remplissant plus les conditions définies par la mouture constitutionnelle en vigueur. De ce point vu, le respect des règles constitutionnelles devrait permettre au Congo de connaître une alternance politique en 2016.

II - LES POUVOIRS DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE

Les différents conflits qui ont secoué la vie politique au Congo dans la décennie 1990 ont justifié l'option d'un régime présidentiel où le président de la république est présenté comme l'alpha et l'oméga de tout le dispositif institutionnel congolais. Selon l'article 56 de la constitution, le président de la république est le chef de l'Etat. Il incarne l'unité nationale. Il veille au respect de la constitution et au fonctionnement régulier des institutions publiques. Il protège les arts et les lettres.

Garant de la continuité de l'Etat, de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire et du respect des traités et des accords internationaux, le président est le chef de l'exécutif et du Gouvernement. Il détermine et conduit la politique de la nation. Il dispose du pouvoir réglementaire et assure l'exécution des lois. L'ensemble de ces pouvoirs qui fait du président congolais le personnage central de la constitution, peuvent être classés en deux catégories : les pouvoirs exclusifs qui ne peuvent être mis en oeuvre que par le président lui-même et les pouvoirs partagés qui ne peuvent être mis en oeuvre qu'avec le concours d'un autre organe du pouvoir.

A - LES POUVOIRS PROPRES DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE

Les pouvoirs propres du président sont ceux qu'il met en oeuvre de façon indépendante. La constitution définit la fonction du président autour de trois missions fondamentales :

*Le gardien de la constitution. Le président doit veiller au respect de la constitution. Pour cela, il devra rappeler, au besoin, leurs devoirs aux autorités publiques, interpréter parfois la constitution, user de ses pouvoirs pour la faire respecter.

*L'arbitre. Le président doit par son arbitrage assurer le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'Etat.

*Le garant. Le président est le garant de l'indépendance de la nation, de l'intégrité du territoire et du respect, par le Congo et par ses partenaires, des accords internationaux. C'est le volet extérieur des attributions du chef de l'Etat. La constitution lui donne aussi les moyens concrets de préserver les intérêts supérieurs de la nation.

La constitution a mis à la disposition du président de la république des pouvoirs et procédures propres dont la mise en oeuvre n'exige pas le contreseing des ministres. Il s'agit concrètement :

- Le pouvoir de nomination des membres du Gouvernement. De caractère moniste, le pouvoir exécutif congolais est dirigé par le chef de l'Etat qui est lui - même chef du Gouvernement. Il nomme par voie de conséquence tous les ministres qui ne sont responsables que devant lui. Il met naturellement fin à leurs fonctions dans les mêmes conditions (article 74) ;

- Le droit de message. Aux termes de l'article 85, le président de la république adresse, une fois par an, un message sur l'état de la nation au parlement réuni en congrès. Il peut à tout moment adresser des messages à l'assemblée nationale ou au Sénat tout en sachant que ces messages ne peuvent donner lieu à débat.

- L'organisation du référendum (article 86). Le Président Congolais a seul le pouvoir de recourir au référendum après consultation des présidents des deux chambres du parlement. Ce pouvoir n'est pas reconnu au président de la république par Intérim.

- Les relations avec la Cour Constitutionnelle. Le président nomme trois membres de la Cour Constitutionnelle. Il les choisit librement. Il peut déférer à la Cour une loi ou un traité qu'il estime contraire à la constitution. Il agit alors en gardien de la constitution et n'a à solliciter l'accord de personne.

- L'exercice du droit de grâce. Le droit de grâce est une prérogative exclusive du chef de l'Etat. Dans l'esprit du constituant, le droit de grâce est l'affirmation du pouvoir étatique et de l'autorité du chef de l'Etat qui seul peut punir, et a fortiori, détient le pouvoir de pardonner. Au sens de l'article 80, le président de la République exerce le droit de grâce c'est à dire le droit de remettre aux condamnés, en partie ou en totalité, leurs peines. Il est le dernier recours.

- La dictature de salut public ou l'exercice des mesures exceptionnelles en cas de menace grave et imminente. Le président de la république dispose des pouvoirs exceptionnels qu'il met en oeuvre pendant les périodes de crise. Ce pouvoir propre au président de la république n'est que la réplique de l'article 16 de la constitution française de 1958. Selon l'article 84 de la constitution congolaise <<Lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la Nation, l'intégrité du territoire national ou l'exécution des engagements internationaux sont menacés de manière grave et imminente et que le fonctionnement régulier des pouvoirs est menacé ou interrompu, le président de la république, après consultation des Présidents des deux chambres du parlement et du président de la cour constitutionnelle, prend les mesures exceptionnelles exigées par les circonstances. Il en informe la nation par un message. Le parlement se réunit de plein droit en session extraordinaire. Le parlement fixe le délai au terme duquel le président de la république ne peut plus prendre des mesures exceptionnelles>>. La mise en oeuvre des mesures exceptionnelles répond simplement à la maxime selon laquelle « à période exceptionnelle, mesures exceptionnelles ». En d'autres termes, le président de la république garant de la continuité et du fonctionnement des institutions doit, pour sauver l'Etat, exercer une «véritable dictature légale » qui ne peut se justifier dans un Etat démocratique que par une menace grave et imminente qui pèse sur les institutions de la République, sur l'indépendance de la nation, sur l'intégrité du territoire ou enfin sur l'exécution des engagements internationaux. Le recours à ces pouvoirs quasi illimités ne peut donc être invoqué que lorsque la menace peut avoir pour conséquence d'entraîner le fonctionnement irrégulier des pouvoirs publics constitutionnels

Même s'il est théoriquement encadré par la consultation des deux chambres du parlement et par la cour constitutionnelle, les pouvoirs « quasi-incontrôlés » que confère la constitution du 20 Janvier 2002 au président de la république lui sont propres. De plus dans les sociétés politiques africaines, le recours à ses mesures constitue la règle.

Dans le cas du Congo, la pratique politique congolaise a montré que l'action aussi bien du parlement que le recours à une institution n'a été que symbolique dans la prise des décisions du Président. Toutefois, il faut reconnaitre les pouvoirs propres font du président de la République, un acteur qui compte dans le jeu politique, peut-être plus à cause du fait que l'éventualité de leur utilisation doit être prise en considération que par l'emploi qu'il en fait. Ils ne lui permettent pas de gouverner18(*).

B - LES POUVOIRS PARTAGES

Les pouvoirs du président de la république sont dits « partagés » lorsque ceux-ci ne peuvent être mis en oeuvre qu'avec le concours d'un autre organe ou d'une autre autorité. Dans le cas du Congo, le président ne partage pas assez de prérogatives en raison du caractère moniste de l'exécutif et surtout de son hyper - puissance. Toutefois, à la lumière de la constitution actuellement en vigueur, on relève quelques domaines d'action pour lesquels, la mise en oeuvre nécessite l'aval des membres du gouvernement. Selon l'article 82, les actes du président de la république, autres que ceux prévus aux articles 74 (nomination des ministres), 84 (la mise en oeuvre des mesures exceptionnelles), 86 (l'initiative du référendum), sont contresignés par les ministres chargés de leur exécution. C'est le cas de :

- La nomination des ambassadeurs et les envoyés extraordinaires auprès des puissances étrangères et des organisations internationales. Le président de la république accrédite les ambassadeurs envoyés à l'étranger et reçoit les lettres de créances des ambassadeurs étrangers au Congo. Il négocie et ratifie les traités.

- La nomination aux emplois civils et militaires de l'Etat. Le président de la République dispose du pouvoir de nomination aux emplois civils et militaires de l'Etat.;

- La promulgation des lois. Une fois votée, la loi doit être mise en application. Sa promulgation par le Président est la formalité qui permet sa mise en vigueur, c'est le dernier acte de la procédure législative. Le président dispose de vingt jours à compter de la transmission qui lui en est faite par le bureau de l'Assemblée Nationale. Ce délai est réduit à cinq jours en cas d'urgence déclarée par le parlement. Avant l'expiration de ces délais, le président peut demander au parlement une seconde délibération de la loi ou de certains de ses articles. Cette seconde délibération ne peut faire l'objet d'un refus (article 83) ;

- La convocation des sessions extraordinaires et leur clôture. En dehors du rythme normal de ses sessions, la constitution prévoit que le parlement peut se réunir en session extraordinaire. Chaque chambre du parlement peut être convoquée en session extraordinaire par son président sur un ordre du jour déterminé, à la demande du président de la république. La clôture intervient dès que la chambre saisie a épuisé l'ordre du jour pour lequel elle a été convoquée et, au plus tard, quinze jours à compter de la date du début de sa réunion.

- L'initiative de la révision constitutionnelle (article 185). L'initiative de la révision de la Constitution appartient, concurremment, au Président de la République et aux membres du Parlement. Lorsqu'il émane du Président de la République, le projet de révision est soumis directement au référendum, après avis de conformité de la Cour constitutionnelle. Lorsqu'elle émane du Parlement, la proposition de révision doit être votée par les deux tiers des membres des deux chambres du Parlement réuni en congrès, après avis de conformité de la Cour constitutionnelle. Dans les deux cas, la révision n'est définitive qu'une fois approuvée par référendum.

- La signature des décrets et des ordonnances. Dans la tradition parlementaire, le pouvoir réglementaire appartient au premier ministre, mais le président y est associé dans la mesure où il doit signer les ordonnances et les décrets pris en conseil des ministres. Le régime mis en place par le constituant Congolais exclut l'existence d'un premier ministre. Il apparait dès lors que le président de la république, chef de l'Etat est le chef du Gouvernement. Il détermine et conduit la politique de la nation. A ce titre, il dispose au sens de l'article 56 alinéa 2 du <<pouvoir réglementaire et assure l'exécution des lois>>. Ici la signature du chef de l'Etat n'est pas une simple convention.

- La relation avec la justice. En tant que garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire, le président de la République dispose de certaines prérogatives à savoir la présidence du Conseil Supérieur de la Magistrature et la nomination des magistrats. Ici, il se fait souvent remplacer par le garde des sceaux.

Tous ces pouvoirs partagés qui s'exercent dans des domaines divers sont soumis à contreseing.

CONCLUSION

Fort de sa légitimité populaire liée à son élection au suffrage universel direct, le président de la République du Congo exerce une fonction qui fait de lui le centre de tous les mécanismes constitutionnels et politiques. Malgré la relative stabilité des institutions introduite par la constitution du 20 janvier 2002, et au regard des turpitudes de l'histoire politique de ce pays, malin est celui qui déterminera avec exactitude, la durée de vie d'un tel texte19(*) tant et si bien que la pratique politique congolaise a montré que chaque alternance correspondait à un nouveau texte constitutionnel20(*).

En optant pour le régime présidentiel, le Congo a entendu pallier aux manquements de la constitution du 15 mars 1992 dont les insuffisances ont été perceptibles dès les premières années de son applicabilité.

En portant le mandat de 5 ans à 7 ans, le Congo a misé sur la stabilité des institutions qui au regard des péripéties des deux dernières décennies, ont entraîné le pays dans un véritable chaos politico - institutionnel entre 1992 à 2000. D'autre part, la durée extrêmement longue permet au président de la république d'avoir une maîtrise et une domination sur presque tous les rouages de l'appareil d'Etat pour garantie la paix et la sécurité du pays.

En somme, au-delà des critiques qui ont suivi l'adoption de cette constitution, il faut reconnaître qu'elle a eu le mérite de pacifier l'exercice du pouvoir depuis 2002. En témoigne, l'accalmie qui a suivi les élections présidentielles (2002 et 2009), législatives (2002 ; 2007 et 2012) qui généralement sont sources de conflit au Congo. Cette constitution a peut-être « accalmisé » la vie politique, la question que se posera, le néophyte de la vie politique congolaise est celle de savoir si on doit imputer cette stabilité au texte constitutionnel en vigueur ou encore à la personne du chef de l'Etat tout en sachant qu'un texte constitutionnel aussi parfait soit-il ne vaut que par la ténacité et la capacité des acteurs en charge de l'appliquer. « That's a question ».

Seul le tourbillonnement politique post Sassou Nguesso pourra clarifier la situation et surtout répondre à la question du néophyte. L'expérience de ces cinq dernières décennies du constitutionnalisme congolais a montré à bon escient que les constitutions apparaissent rigides quant à la forme et aux conditions de révision mais la pratique en fait très souvent des constitutions souples, et allègrement modifiées au gré des circonstances. Les constitutions congolaises, devenues pendant longtemps, le jouet des politiques, ont toujours été aisément et fréquemment remaniées par des montages et démontages au gré des stratégies et alliances politiques.

L'inconsistance structurelle de l'Etat congolais et l'histoire sociopolitique récente laissent à penser que les fondements d'un Etat véritablement démocratique sont encore loin d'être en place. Le processus de démocratisation de la vie politique reste encore un grand chantier tant et si bien que les conditions qui ont motivé le non respect des règles constitutionnelles au Congo sont toujours réunies. C'est dire que le Congo n'est pas à l'abri d'un dérapage sociopolitique si les règles constitutionnelles relatives à l'alternance politique ne sont pas respectées en 2016. Les mêmes causes produisant les mêmes effets.

* 1 - Juriste, Diplômé en Sciences Politiques. Chercheur, Consultant en Gouvernance & Elections - Chargé de Cours visiteur à l'Université Internationale de Brazzaville (UIB) et l'Ecole Supérieure de Gestion et Administration des Entreprises (ESGAE-Brazzaville).

* 2 - Abbé Fulbert Youlou (1961-1963) ; Alphonse Massamba Débat (1963-1969) ; Marien NGouabi (1969-1977) ; Jean Jacques Joachim Yhombi Opango (1977 - 1979) ; Dénis Sassou Nguesso ( 1977 - 1992) ; Pascal Lissouba (1992 - 1997) ; Sassou Nguesso (Depuis 1997).

* 3 -Pour la même période c'est-à-dire de 1960 à nos jours, le Gabon a connu trois président : Léon Mba, Omar Bongo Ondimba et Ali Bongo Ondimba depuis 2009 ; Le Cameroun, deux présidents : Ahmadou Ahidjo et Paul Biya depuis 1982 ; La RCA, six présidents, Barthélemy Boganda, David Dacko, Jean Bedel Bockassa, André Kolingba, Ange Félix Patassé et Francois Bozizé depuis 2003 ; Le Tchad, cinq présidents, Francois Tombalbaye, Félix Malloum, Goukouni Oueddei, Hissène Habré, Idriss Déby depuis 1990 ; La Guinée Equatoriale, deux présidents, Macias NGuema et Théodore Obiang Nguema depuis 1979 ; La RDC, quatre présidents, Joseph Kasa-Vubu, Joseph Désiré Mobutu, Laurent désiré Kabila, Joseph Kabila depuis 2001.

* 4 - Les articles 69, 70 et 71 de la constitution du 15 mars 1992 définissaient les règles applicables pour assurer la vacance et l'élection du président de la république.

* 5 -C'est-à-dire de 1961, année d'adoption de la première Constitution postindépendance qui établissait un régime

présidentiel - sans préjudice pour les principes du constitutionnalisme français - à 1997, année d'adoption du tout dernier Acte fondamental, après le coup d'Etat de l'été 1997, du général Sassou-Nguesso. Pour une lecture plus approfondie, lire Félix Bakounda <Une septième constitution, pourquoi faire ?> http://www.politique-africaine.com/numeros/pdf/081163.pdf

* 6 - Pour une analyse critique des régimes constitutionnels mis en place en Afrique noire Francophone aux lendemains des indépendances, lire Félix Bankounda-Mpélé, Repenser le Président Africain, VIIe congrès de Droit Constitutionnel, Paris AFDC, septembre 2008

* 7 - Le titre V de la constitution du 20 janvier 2002 ne parle pas expressément de Président de la république mais plutôt du pouvoir exécutif.

* 8 - Philippe Ardant, Les institutions de la Ve république, Hachette Livre, Paris 1997, p.45

* 9 - L'article 146 de la constitution dispose <<La cour constitutionnelle veille à la régularité de l'élection présidentielle...>>

* 10 - Né le 31 décembre 1938, le Président Marien NGouabi est devenu chef de l'Etat en 1968 à la suite du mouvement insurrectionnel qui a renversé le président Massamba débat. De même, le président Dénis Sassou NGuesso né le 23 novembre 1943 est devenu chef de l'Etat pour la première fois en 1979 avant de revenir en 1997

* 11 C'est le cas de Yhombi Opango, président du RDD, Pascal Lissouba, président de l'UPADS et Thystère TCHICAYA, président du RDPS tous mis « hors jeu » par l'âge.

* 12 - Pour plus de lecture concernant l'analyse critique de cette décision de la Cour Constitutionnel, cf Stéphane BOLLE, La constitution est dure, mais c'est la constitution, http : www.la-constitution-en-afrique.org

* 13 - Une nuance doit être faite lorsque le président de la république s'inclinait sur le verdict des urnes en 1992 à la suite d'une transition pacifique qui avait engagé l'ouverture de la vie politique au pluralisme. Il y a lieu d'indiquer aussi qu'à cette période, le président Dénis Sassou NGuesso n'avait pas la réalité du pouvoir pour s'opposer de quelques manières que ce soit à cette élection en particulier du fait de la vague de démocratisation qui déferlait en Afrique.

* 14 - Philippe Ardant, les institutions de la 5e république, 4e éd. Hachette livre, 1997, p52

* 15 - La notion de haute trahison est floue. Elle n'est ni définie par le code pénal ni la pratique. Pour le Professeur Philippe Ardant, cette imprécision n'est pas sans danger. Car on pourrait abusivement qualifier de haute trahison n'importe quel comportement, n'importe quel désaccord politique. Or, cette qualification doit être réservée au cas où le président abandonnerait ou, au contraire, déborderait largement ses prérogatives, ne respecterait pas la constitution dont il a la garde.

* 16 -Pour Aymar, <<Le président de la République est une personne qui n'est pas comme les autres. Dans cet Etat, les constituants ont élevé le chef de l'Etat d'une façon progressive jusqu'à créer un « superman politique » par son rôle à jouer dans les enjeux de la majorité parlementaire>> in «Le président de la république dans la constitution congolaise du 20 janvier 2002 : L'écart du mimétisme de la 5e république, Mémoire, Master Recherche, Université de Poitiers, 2006 »

* 17 - Le président Dénis Sassou Nguesso est au pouvoir : De 1979 à 1992 et depuis 1997 à nos jours.

* 18 - Philippe Ardant, Idem, P61

* 19 - Excepté les lois constitutionnelles de 1958, le Congo a adopté à ce jour plus d'une dizaine de textes constitutionnels, actes fondamentaux compris.

* 20 - Par exemple la période qui part de 1991 à 2002 a vu apparaître deux textes constitutionnels qui ont au fond ne correspondent qu'à deux changements. En 1992, le président Dénis Sassou Nguesso a été battu aux urnes sur la base de la constitution du 15 mars 1992. La victoire militaire qui l'apporte au pouvoir a entraîné l'abrogation de la constitution de 1992. Un acte fondamental organisant le fonctionnement des institutions pendant la période transitoire, a été mis en place. En 2002, une nouvelle constitution est adoptée par référendum en remplacement de celle de 1992 pour légitimer par la voie des urnes la victoire militaire du Président Dénis Sassou Nguesso.






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