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Enseignant. E. S. et animateur. E. S face à  la socialisation genrée des jeunes

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par Noémie Lequet
Université Bordeaux 2 Segalen - Master sociologie : ingénierie et intervention sociales 2012
  

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3- Les représentations de genre : des regards sur l'homme et la femme

Cette partie développe les regards que portent les professionnel.le.s sur l'homme et la femme dans la société, leurs positions, leurs différences. Il s'agit, en effet, de comprendre leurs positionnements par rapport à ces différences : Sont-elles innées ou acquises ? Quelle est la place de l'éducation ? Dans quelle mesure adhèrent-ils.elles au schéma hétéronormé ?

La répartition des rôles et des tâches : des différences complémentaires

D'une manière générale, l'homme et la femme sont présenté.e.s comme ayant des rôles différents (qu'il s'agisse des tâches qui leur incombent ou des qualités qu'ils.elles peuvent développer), que les professionnel.le.s considèrent cet état de fait comme naturel ou construit.

L'homme et la femme sont d'abord présenté.e.s comme étant différents, ou plutôt comme ayant quand même quelques différences, qu'elles soient des attributs physiques ou de caractère.

[Photo 3 : galanterie] « J'aime beaucoup la galanterie. Pour moi, ce n'est pas du sexisme, c'est faire attention à l'autre, comme moi je pourrais faire attention à l'autre aussi. [...] Je ne trouve pas que ce soit s'abaisser à l'homme, on est un peu différents quand même, hein. » (B6, animatrice)

« Après, moi, je pense que la femme et l'homme ne sont pas égaux, physiquement. Il y a des choses que je trouve normal que ce soit l'homme qui les fasse plutôt que la femme. Je ne suis pas pour l'égalité des sexes... intellectuellement peut-être, mais physiquement, on est quand même différents. » (J3, professeure de mathématiques)

Pour certains, et notamment lorsque le thème des tâches ménagères est abordé, la répartition doit en être complémentaire. En effet, hommes et femmes sont supposés ne pas avoir les mêmes qualités physiques et psychologiques. La répartition des tâches entre donc dans une logique d'habilités supposées.

[Photo 10 : fer à repasser] « Je suis de la génération où effectivement toutes les tâches ménagères nous incombent. Mais, pour moi, c'est une harmonie, une entente aussi. Chacun vit sa vie de couple comme il l'entend. [...] Voilà, ça ne me choque pas. Moi, j'ai toujours repassé, mon mari fait autre chose que je ne fais pas. » (B1, infirmière scolaire)

[Photo 10 : fer à repasser] « Vu les journées que je me tape, il n'est pas question à la maison que j'en fasse plus que l'autre. Mais il y a des trucs tout cons au niveau de la force. On a beau dire, les garçons, ils sont plus forts, ils sont plus forts. Et donc du coup, dans le partage des tâches, s'il y a déplacer des bûches ou faire la vaisselle, je n'irais pas forcément déplacer des bûches où je vais me faire mal au dos. » (B7, animatrice)

[Photo 10 : fer à repasser] « Non, non, je crois qu'aujourd'hui on est dans une société, pour la classe moyenne, de taches partagées, ou de taches négociées d'ailleurs. » (B2, éducateur spécialisé)

Certain.e.s professionnel.le.s, en précisant qu'ils.elles dépassent ce lien, rappellent à quel point cette notion de partage des tâches est liée aux idées de féminité et de masculinité.

[Photo 10 : fer à repasser] « Je suis pour la répartition des tâches. Moi, je cuisine tous les soirs pour ma petite famille. J'aime ça, ce n'est pas un souci. En fait, avec moi, tu es bien tombée pour ton entretien, j'ai une grande part de féminité ! » (B5, professeur en Segpa)

[Photo 10 : fer à repasser] « Le fer à repasser, ça ne me dérange pas, je me mets devant la télé, je regarde le match, comme quoi ! » (J4, entraîneur badminton)

Une part importante des femmes interrogées (4 sur 10, dont 3 sur 5 du quartier Jardin Public) indique, toujours concernant les tâches ménagères, en faire bien plus que leur conjoint. Aucune d'entre-elles n'attribue cette situation à un choix volontairement égoïste de la part de celui-ci : il travaille plus, a été mal élevé par sa mère, les femmes sont maniaques...

L'une d'entre elles considère même qu'elle l'a empêché d'y contribuer.

[Photo 10 : fer à repasser] « A la maison, je râle parce que c'est souvent moi qui fais le ménage. [...] Ce n'est pas une question de mec. Je n'ai pas ce rapport d'opposition, pour moi c'est une question de personne. [...] Alors, on pourra dire que c'est sexiste, mais les nanas, on a un seuil de tolérance, pour la plupart, beaucoup plus limité à la poussière que les hommes. Et les mecs la voient moins. » (B6, animatrice)

[Photo 10 : fer à repasser] « Moi, avec mon mari, on s'est partagé les tâches dès le début. Après, lui, il avait un métier qui était très prenant, donc il fallait bien qu'il y en ait un qui fasse un petit peu plus. » (J3, professeure de mathématiques)

[Photo 10 : fer à repasser] « Chez nous, mon mari est loin d'être macho, mais il s'en fiche. C'est le strict minimum. [...] Et puis chez nous, c'est particulier, parce que mon mari n'est pas le père de mon fils, donc je me suis un peu obligée à faire tout ça, pour pas qu'il n'ait à supporter... Je m'en suis trop mis sur les épaules, j'en suis bien consciente. » (J5, entraîneuse cardio-boxe)

[Photo 10 : fer à repasser] « Je vis avec quelqu'un qui gagne très bien sa vie, et qui donc n'a pas le temps pour les tâches ménagères. Ça a été très difficile pour moi. Ce n'est pas une question que ce soit un garçon ou que ce soit une fille, parce que sa soeur c'est exactement pareil, leur mère ne voulait pas de conflit, donc du coup, elle les a servi, et elle continue. [...] Au début, vous lui apprenez, et puis en même temps, le soir, il rentre de bosser il est 22h, donc vous n'allez pas lui tendre l'aspirateur. Donc, vous le faites. » (J8, professeure d'histoiregéographie)

Deux des dix hommes rencontrés (1 sur Bastide, 1 sur Jardin Public) développent un discours clairement axé sur une répartition des tâches entre hommes et femmes liée à la distinction entre public et privé, entre production et reproduction. Les femmes doivent s'occuper de la maison, des enfants, et de leur conjoint - leur mari - lorsqu'il rentre le soir. L'homme doit aller travailler.

« Je connais des femmes qui disent ce qu'elles veulent à leur mari, qui bavardent, qui font les courses quand elles veulent, qui font à manger quand elles veulent, qui font l'amour quand elles veulent. Non, non ! Pourquoi on ne parle que des femmes maltraitées ? » (J7, entraîneur football)

« On dit que sur les salaires, il y a une différence de 30% entre

l'homme et la femme, sauf que nous, on n'a pas 9 mois de maternité

aussi. On ne porte pas les enfants, donc tous les jours on est au travail. Ça fait depuis 1987 que je travaille ici, je n'ai jamais été absent pendant 1 jour. Une femme ne pourra pas dire la même chose. » (J7, entraîneur football)

[Photo 10 : fer à repasser] « On est en France, mais on va trouver aussi des femmes qui assument leur position de femme au foyer, qui assument leur ménage, l'entretien de leurs enfants et de leur mari. Ce n'est pas du tout imposé, elles assument. C'est un accord. [...] Il y a des femmes qui aiment bien avoir un homme à la maison, et quand on veut avoir un homme à la maison, il ne faut pas demander à un homme de devenir une femme. Il y a des femmes qui aiment les hommes virils. » (B9, animateur)

Finalement, si la plupart des professionnel.le.s apparaissent être en faveur d'une certaine égalité de répartition des tâches et des rôles, on voit bien que ce n'est pas toujours le cas dans la réalité de leurs foyers. On peut tout à fait envisager que, dans les équipes d'animations, où il est demandé aux professionnel.le.s de « mettre de soi » (Herman, in Raibaud et al., 2006) dans leurs activités, la même séparation soit produite.

Une essentialisation des différences de sexe et de genre

Dans une large majorité d'entretiens, les différences observées entre garçons et filles, entre hommes et femmes sont liées à une différence de nature entre ces derniers, qu'il s'agisse d'une nature physique ou psychologique. L'essentialisation des différences, ou l'illusion naturaliste « vise à trouver coûte que coûte à l'inégalité socialement constatée une justification biologique qui serait tapie dans les corps, et qu'il serait donc illusoire de vouloir nier » (Héritier, 2005).

« Il y a ça aussi : ces jeunes filles qui interdisent aux autres d'exister en tant que jeunes filles. Elles sont pires que les mecs. Elles sont limite asexuée. Je suis vachement inquiète pour ces filles là, qui sont très en colère. Je pense que c'est le moyen qu'elles ont trouvé aussi pour exister, pour ne pas être embêtées par les garçons. Mais elles sont dans l'extrême. Je ne pense pas qu'elles s'éclatent, je ne pense pas qu'elles soient très heureuses comme ça, à renier une partie d'elles. » (B3, assistante sociale)

« C'était des hommes robustes qui travaillaient avec leur corps, leurs muscles. C'est le propre de l'homme. On est dans des sociétés modernes aujourd'hui, où toutes les tâches sont réparties et l'homme ne veut plus forcément... a trouvé d'autres terrains qui l'intéressent plus. Mais sa

propre nature, ce n'était pas ça. » (J2, professeure d'anglais)

« Physiologiquement, ils sont faits comme ça, point barre. [...] Je pense que c'est dans leur nature quand même, ils ne peuvent pas lutter. » (J5, entraîneuse cardio-boxe)

« Après, est-ce qu'on parle déjà ici de testostérone et d''hormones qui... Enfin, on sait que les filles et les garçons ont des développements totalement différents, donc ça joue. » (J6, professeur d'EPS)

« Chez l'homme, c'est le système du trop plein, alors que chez la femme il y a ce cycle, cette période qui revient. Donc les relations ne peuvent pas être égales, identiques. » (J9, professeur de lettres-musique)

L'inné et l'acquis

La question de savoir si les différences entre hommes et femmes, entre filles et garçons, dont parlent les professionnel.le.s sont pour eux.elles des caractéristiques innées ou acquises est fondamentale. En effet, si ces différences sont acquises, il convient de se demander à la fois comment, à quel moment, et par qui elles sont transmises. Le rôle du professionnel.le dans cette transmission est alors questionné (même s'ils.elles considèrent généralement que cet apprentissage se fait auprès des parents dans la petite enfance).

Evidemment, d'un point de vue sociologique, ces différences sont considérées comme acquises au travers de la socialisation de genre (dans la famille, à l'école, dans le groupe de pairs...). Comme le souligne l'anthropologue Françoise Héritier, la seule véritable différence de nature est celle de la reproduction. En effet, « alors que les hommes ne peuvent se reproduire dans leur mêmeté, les femmes ont la capacité incompréhensible de produire des corps différents d'elles-mêmes » (Héritier, 2005).

Un certain nombre de professionnel.le.s interrogé.e.s, sans forcément soulever la question de l'inné et de l'acquis, relèvent la place de l'éducation dans la différenciation entre garçons et filles. Dans ce cadre, l'action des parents dans la petite enfance est considérée comme déterminante.

« On n'est pas sorti, de la petite fille qui joue à la poupée et du petit garçon qui joue à la bagarre, ou à des choses viriles en tous cas. On n'est pas encore sorti de tout ça, le rose, le bleu. Et je pense que tout ça, ça ressort aussi. » (B1, infirmière scolaire)

« Je pense que c'est l'éducation. Je pense que quand on est parent, peut être qu'on est plus patient avec un garçon qui est turbulent en se disant que c'est normal, parce que c'est un garçon. Alors qu'il n'y a aucune raison. Et que quand c'est une fille, on est peut être un peu moins patient, tout simplement. » (J8, professeure d'histoire-géographie)

[Photo 9 : coeurs d'adolescente] « C'est un peu un truc, bizarrement, que l'on hérite et que l'on transmet sans y faire gaffe. Qu'on soit un garçon ou une fille, on a l'impression d'être élevés de la même manière, mais pas du tout en réalité. [...] Oui, finalement, que l'on transmet malgré nous, parce qu'on est là-dedans nous, et que finalement, le schéma reste quasiment le même. » (J1, responsable Espace Lagrange)

[Photo 9 : coeurs d'adolescente] « Ah, l'inné et l'acquis là-dessus c'est compliqué parce que je pense aussi que si l'on élève sa fille comme le garçon que l'on n'a jamais eu, et qu'on ne lui fait faire que des choses de garçon, on va la modifier. Je fais partie de ceux qui disent que l'acquis est une part hyper importante de la personnalité d'un individu. Mais globalement, c'est vrai aussi que lorsqu'on élève une petite fille on a plutôt envie, schématiquement, qu'elle fasse de la danse plutôt que de la boxe. Et ça, que l'on soit un homme ou une femme. Donc, une fois que l'on a induit ces choix pour elle, elle va s'imprégner et donc elle va se "fillifier" de plus en plus. » (B6, professeur d'EPS)

Nombre de professionnel.le.s avouent tout simplement ne pas savoir quelle est la part d'inné et d'acquis dans les différences de genre qu'ils.elles observent au quotidien. Il est alors impossible pour eux.elles de déterminer la place que leur institution - et donc eux.ellesmêmes - peut prendre dans la construction du genre.

[Photo 9 : coeurs d'adolescente] « La question serait : est-ce que c'est de l'acquis ou de l'inné ? Est-ce que c'est la société qui amène à faire penser aux jeunes filles qu'elles ont le droit de pleurer, qu'elles doivent être romantiques, faire des petits coeurs, tomber amoureuse, que la sexualité... qu'elles n'ont pas accès à la sexualité des garçons, qu'elles n'ont pas le même désir ? Je ne sais pas trop. J'aurais tendance à dire que oui, les filles sont plus fleur-bleue que les garçons, la question c'est de savoir si elles le sont de façon intrinsèque ou si elles le sont devenues parce que la société les a fait grandir au milieu d'histoires de princesses et de princes charmants. Je n'en sais trop rien. Après, il y a plein de garçons qui aujourd'hui sont aussi romantiques. Et puis il y a des filles qui sont aussi prédatrices. » (B2, éducateur spécialisé)

« Il y a une histoire de père et de mère. Ça doit être daté de... C'est inconscient à mon avis et puis ça vient de notre culture où le père, au début, c'est lui qui travaillait. La mère, elle était là pour organiser la famille. On pensait que le père avait des connaissances et que la mère en avait moins. Peut-être que ça vient de là. Mais je n'en sais rien. Je pense

qu'il y a des choses qui sont dans la culture et qui sont ancrées depuis très longtemps, qui sont inconscientes. » (J3, professeure de mathématiques)

« Il y a une différence, je pense, qui est plus profonde, je dirais sociétale, dans l'éducation familiale entre la fille, caricaturalement, que l'on va faire jouer à la poupée et le petit garçon que l'on va faire jouer au petit soldat. Voilà, l'éternel cliché, que l'on va retrouver dans l'expansion d'énergie et dans le fait de savoir se tenir ou pas en société ou dans un groupe, et s'insérer dans un cadre. » (J6, professeur d'EPS)

[Photo 10 : fer à repasser] « Normalement, ça ne devrait pas être lié au sexe. Mais ça l'est, même de ma part. Est-ce que c'est quelque chose d'inné qui est lié au sexe, est-ce que c'est quelque chose d'acquis ? » (J9, professeur de lettres-musique)

Une seule des personnes interrogées, une animatrice du quartier Bastide, affirme que les différences de sensibilité et de caractère qu'elle observe chez les jeunes et dans la société entre femmes et hommes sont déterminées par le sexe.

[Photo 9 : coeurs d'adolescente] « Je ne pense pas qu'on apprenne à être des filles. On ferait des coeurs quand même, on ramasserait des coquillages sur la plage, et on attendrait le prince charmant pareil. Je me dis que c'est ce qui fait qu'on est une fille ou un garçon. [...] Je reste persuadée qu'il y a des choses qui sont innées. Ce côté un peu gnangnan de la fille, et le garçon un peu plus dur. Je pense que ça, ça peut être déterminé par ton sexe. » (B7, animatrice)

Les professionnel.le.s qui s'expriment ici semblent donc être assez partagé.e.s et indécis quand à la part de l'inné et de l'acquis dans les différences de sexe et de genre qu'ils.elles observent au quotidien. En effet, soit qu'ils.elles soient convaincu.e.s de la place de l'inné, soit qu'ils.elles se retrouvent perdus face à ce dilemme, soit qu'ils.elles considèrent que l'acquis a bien une place, mais que cela se joue bien avant que les jeunes entrent dans leur classe ou dans leur centre d'animation, les enseignant.e.s et animateur.e.s ne se sentent pas acteur.e.s d'une socialisation genrée.

Des valeurs changeantes

Quelques unes des photographies présentées aux professionnel.le.s leur ont permis d'exprimer une forme d'insécurité quant aux valeurs liées aux différences de sexe. Ainsi, certain.e.s sont perdu.e.s quant aux codes de la galanterie : s'agit-il d'une forme de

reconnaissance des femmes, ou, au contraire, de leur relégation séculaire à un statut de plus grande faiblesse ?

[Photo 3 : galanterie] « C'est vrai, on est mal à l'aise par rapport à ça. Parce qu'en fait on veut aussi cette égalité un petit peu et puis en même temps on s'offusquerait presque qu'un homme nous passe devant. Alors, je ne sais pas trop, je n'arrive pas trop à me situer. L'air du temps... » (B1, infirmière scolaire)

[Photo 3 : galanterie] « Il y a quelque chose de désuet dans la galanterie, et en même temps qui fait partie je pense des symboles de la séduction. Oui, ça interroge sur la place de la femme, et en même temps j'ai l'impression que c'est dans les codes, dans nos codes. [...] Je pense que ça se perd, mais ça se perd aussi parce que la place de l'homme et de la femme bougent. » (B2, éducateur spécialisé)

[Photo 3 : galanterie] « C'est quand même laisser la femme dans une position de nunuche et le mec dans le pouvoir. Et à côté de ça, c'est complètement ambivalent, c'est agréable aussi. » (B3, assistante sociale)

Un professionnel du quartier Bastide confie même ses doutes quant aux identités et places respectives des hommes - donc, la sienne - et des femmes dans la société.

[Photo 6 : mariage homosexuel] « Quand on parle de la place de l'homme dans la société, c'est intéressant de le lier à l'homosexualité, aux représentations. Parce que l'homme s'est en partie féminisé, dans nos représentations de ce qu'est la féminité, c'est-à-dire qu'il prend soin de lui physiquement, dans ses habits, ce qui jusque là était un attribut de la femme mais pas de l'homme. [...] Et dans mes représentations, l'homme a tellement bougé que les femmes aujourd'hui sont un peu perdues. Et du coup, j'ai l'impression que l'homme a une place un peu compliquée aujourd'hui parce qu'il ne sait plus très bien où se situer. Est-ce qu'il doit être doux et tendre ou quand même cet arbre solidement ancré qui résiste au vent, qui sécurise la famille, la femme. » (B2, éducateur spécialisé)

Finalement, cette partie et la précédente ne font que refléter l'idée que les professionnel.le.s ne sont pas sensibilisé.e.s aux questions du genre et qui donc, ayant été socialisé.e.s dans une société où les normes de genre évoluent et se multiplient, ont peu de repères.

Images de la féminité et de la virilité

Sont explorées ici les représentations des professionnel.le.s quant à la féminité et la

masculinité. Comment faut-il se comporter, se vêtir lorsqu'on est un homme ou une femme ?


· Etre pudique et séduire : la femme sous le regard du « male gaze »

Un nombre important de professionnel.le.s rencontré.e.s s'expriment, lorsque, le plus souvent, les photographies d'une femme en burqa, d'une prostituée, ou du collectif Femen9 leur sont présentées, sur les façons de s'habiller et de se présenter des femmes. Il s'agit de cet aspect capital de la domination masculine qui est de constituer « les femmes en objets symboliques dont l'être est un être perçu », puiqu' « elles existent par et pour le regard des autres » (Bourdieu, 1998).

Duits et Van Zoonen (2006) parlent de « regulation of female sexuality » à travers le « male gaze », ce regard de l'homme auquel la femme ne doit ni trop se soumettre, ni trop se soustraire. « The task for a girl is to find a place somewhere in the middle of this decency continuum, between visible G-strings and headscarfs, in order to satisfy the contradictory requirements of western modernity and feminism. » (Duits and van Zoonen, 2006).

[Photo 2 : action du collectif Femen] « Parce que quand les filles sont voilées, c'est une chose, mais quand les nanas sont en string, ça me choque tout autant. » (B3, assistante sociale)

Ainsi, les femmes doivent se plier à des critères de décence, ne pas trop montrer leur corps, au risque qu'il soit sexualisé par ce « male gaze ».

[Photo 2 : action du collectif Femen] « Mais ça ressemble à quoi ? A rien. Non, honnêtement, c'est provoquer pour provoquer. » (B1, infirmière scolaire)

[Photo 2 : action du collectif Femen] « Qu'est-ce qu'elles donnent à voir là ? Cette photo est quand même assez hallucinante, on voit la moitié des fesses des deux jeunes filles et heureusement que la troisième a de longs cheveux sinon on verrait son décolleté... [...] Elles donnent à voir une position de femme qui va à l'encontre de... » (B2, éducateur spécialisé)

[Photo 2 : action du collectif Femen] « Outre l'aspect plutôt sympathique de voir des seins nus exhibés, c'est aussi une réaction qui me semble extrêmement excessive et qui, je dirais brutalement, défavorise la condition féminine. » (B10, professeur 3e insertion)

9 Voir photographies en annexe 3.

[Photo 2 : action du collectif Femen] « Je trouve ça nul ! Franchement, c'est honteux. C'est choquant en plus.[...] Elles montrent une image de la femme dégradante. » (J3, professeure de mathématiques)

[Photo 4 : Ilham Moussaïd] « Les décolletés aussi... A partir de quel moment, nous, on doit considérer que le décolleté est trop plongeant ? Par rapport à nous, adultes, hommes en plus ou à leurs camarades, congénères, par rapport aux filles qui ne sont pas encore développées, qui ne sont pas encore pubères. Oui, ça pose souci. C'est délicat d'intervenir là-dessus. » (J6, professeur d'EPS)

A l'inverse, elles ne doivent pas non plus se cacher, se soustraire au regard des hommes, et des autres femmes.

[Photo 5 : femme en burqa] « Ah ça ! Là, je ne comprends pas. Je ne supporte pas, je ne peux pas. Alors pour moi, elle se cache, ce n'est pas possible. (...) Il y a des moments où l'on n'est pas tolérant, je suis honnête. Je ne peux pas. Pour moi, c'est une façon de se cacher. Ça représente quoi ça ? Non. J'ai écouté leurs témoignages à la télé. Non. Cette soumission aux hommes... » (B1, infirmière scolaire)

[Photo 5 : femme en burqa] "Comme je t'ai dit, je suis musulmane, et je ne comprends pas qu'on puisse vouloir absolument se protéger ou se cacher de cette manière là. » (B4, éducatrice spécialisée)

[Photo 5 : femme en burqa] « Je me dis mince, elle est cachée de tout, elle se cache. Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi on ne cache pas l'homme, à la limite ? Pourquoi que la femme ? » (B6, animatrice)

[Photo 5 : femme en burqa] « J'aime les belles femmes, alors quand je vois une femme, comme ça, qui cache son visage, une partie que l'on doit admirer, que l'on doit adorer, je me dis qu'il manque quelque chose. [...] Il manque quelque chose, il manque sa beauté. Je me demande si elle se méfie de moi. [...] J'aime draguer les femmes, mais quand je vois une femme comme ça, je n'ose même pas. » (J7, entraîneur football)

Une des animatrices du quartier Bastide interviewée dénonce cet état de fait en rappelant la catégorisation en deux types de femmes (la mère et la putain), en substituant au modèle de la mère celui de la bonne musulmane.

[Photo 4 : Ilham Moussaïd] « Quand tu le vois comme ça, tu te dis que c'est plutôt sympa aussi, de ne pas tout montrer, de se réserver à un milieu intime et familial. Ce qu'il y a, c'est que c'est très mal perçu. Dès l'instant où tu te dis que telle personne elle est habillée comme ça, donc... Ouais, tu portes une mini-jupe, t'es une pute. Tu portes un foulard, t'es une bonne musulmane. » (B6, animatrice)


· De la virilité

La virilité semble plus difficile à définir pour les interviewé.e.s, sûrement du fait de l' « androcentrisme qui nous fait penser le masculin comme le normal, le général, et les femmes comme le particulier, le spécifique » (Welzer-Lang, 2010). Les descriptions de la virilité qui suivent parlent d'une façon d'être, d'une physionomie. L'homme est viril parce qu'il est homme, parce qu'il est lui-même.

[Photo 7 : Sébastien Chabal] « Ce n'est même pas de l'autorité, ce n'est même pas de l'apparence, c'est surement une impression plutôt, une façon d'être. » (J1, responsable Espace Lagrange)

[Photo 7 : Sébastien Chabal] « Il est viril parce que nous on n'a pas autant de poils, nous on n'est pas viriles, donc oui, forcément c'est le contraire de nous. [...] C'est quelqu'un qui est bien avec lui-même. L'homme, de toute façon, va être viril dans ses comportements, s'il est ce qu'il est, bon ben voilà. » (J5, entraîneuse cardio-boxe)

[Photo 7 : Sébastien Chabal] « Je ne me suis jamais posé la question de ce que c'est être viril. Après, il y a peut-être une question de puissance aussi liée à la virilité, mais bon, c'est induit de fait par la morphologie. » (J4, entraîneur badminton)

[Photo 7 : Sébastien Chabal] « Je pense que c'est plus dur pour un homme que pour une femme de répondre à ça. Est-ce qu'il est viril ? Moi, je suis hétérosexuel, et c'est vrai que ce n'est pas forcément évident pour moi de dire s'il est viril ou pas. [...] C'est quoi être un homme pour moi ou pour une femme qui veut être séduite par un homme ? [...] Pilosité, masse musculaire, carrure, force physique. C'est peut-être ça la virilité. » (J6, professeur d'EPS)

Pouvoir et soumission : des sensibilités différentes

Directement liées aux images de la féminité et de la masculinité dans le discours des interviewé.e.s, se trouvent les représentations qu'ils.elles ont de leur « tempérament ». Ainsi, l'homme serait un prédateur sexuel avide de pouvoir, et la femme un être à protéger, même si, bien sûr, les professionne.le.s, pour la plupart d'entre eux.elles, apportent des nuances à cette première description.


· Pouvoir et prédation sexuelle de l'homme

Ainsi, si la régulation de la sexualité féminine contraint les femmes à ne se montrer ni trop, ni trop peu, ce serait du fait d'une sexualité masculine débordante, incontrôlable, nécessaire.

[Photo 5 : femme en burqa] : « J'ai envie de dire non, question de respect pour la femme, de sa place dans la société, ce n'est pas possible. Et même, vis-à-vis de l'homme, parce que la burqa est présente sur les femmes parce que les hommes sont des animaux et qu'ils ne sont pas capables de se contenir. » (B2, éducateur spécialisé)

[Photo 8: prostituée] « Ça interroge sur la place de la femme et aussi de l'homme du coup... Parce que ça ramène quand même l'homme à une place de prédateur qui a besoin de sexualité, qui est prêt à payer pour le faire, et la femme qui, elle, n'est pas du tout là-dedans. » (B2, éducateur spécialisé)

[Photo 8: prostituée] « Peut-être parce que la personnalité masculine, cet aspect qu'on a évoqué de puissance, passe aussi par cette puissance sexuelle. Alors, outre le fait de satisfaire des besoins ou des envies, cette puissance passe aussi par la puissance sexuelle. Et peut être que l'homme a besoin, sexuellement, de s'épancher plus que la femme. Ils n'ont pas forcément les mêmes besoins. » (B10, professeur 3e insertion)

[Photo 8 : prostituée] « Je pense qu'il y a des hommes qui en ont besoin, parce qu'ils n'ont pas d'autres moyens. Donc je pense que... je l'ai entendu dire par des psychologues ça, mais bon, je le pense aussi... je pense que ça peut empêcher des choses un peu plus... des viols, des choses comme ça. » (J4, entraîneur badminton)

[Photo 5 : femme en burqa] « Le fait de cacher la femme... Ça sous entend que l'homme n'est pas capable de maîtriser ses pulsions, donc il doit absolument cacher ces objets de désir. » (J9, professeur de lettresmusique)

Cette sexualité débordante est liée à la notion de pouvoir. En effet, l'homme qui a du pouvoir dans son travail aurait besoin de se défouler, de trouver un exutoire. A l'inverse, l'homme qui manque de pouvoir - et qui a donc du mal à asseoir sa masculinité - aurait besoin de cette sexualité abondante pour se sentir homme.

[Photo 1 : DSK] « On ne sait pas ce que c'est d'avoir ce genre de responsabilités. J'aurais autant de pouvoir de décision, je ne sais pas de quoi j'aurais besoin pour décompresser. [...] Mais je crois que les gens qui ont énormément de responsabilités, la société fait que ce sont les hommes, mais je suis sûre que si c'était les femmes ce serait pareil, ce n'est pas vraiment lié au sexe... Le sexe, c'est quand même un rapport de

force, c'est quand même un exutoire, il y a une notion de plaisir, et ce n'est pas de la drogue, dont on sait que c'est mauvais pour la santé. » (B7, animatrice)

[Photo 1 : DSK] « Je pense que des hommes comme lui sont de toute façon mégalos, sont de toute façon des gens à fort caractère, et pourquoi pas avec une forte libido directement liée à toutes ces capacités à encaisser ce stress, cette vie incroyable. » (J6, professeur d'EPS)

[Photo 8: prostituée] « Et je pense que les hommes, ils sont dans cette recherche de pouvoir, qu'ils ne peuvent pas forcément trouver ou dans leur boulot parce que peut-être qu'ils sont subalternes, ou à la maison parce que leur femme a pris une position... Et ce pouvoir, ils le trouvent dans les prostituées, et ils payent, et ils trouvent naturel de payer. » (B3, assistante sociale)

Ce « caractère » de l'homme est bien sur un effet de la socialisation de genre, où les garçons apprennent, parfois dans la douleur, à se positionner en tant que dominants. C'est ce que Daniel Welzer-Lang (2007) appelle le « dressage à la libido dominandi ».


· Soumission de la femme, désir de sécurité

Le pouvoir et la sexualité débridée de l'homme est souvent associé au risque de soumission pour la femme et à un désir de sécurité. Ainsi, la femme serait quelqu'un - ou quelque chose - à protéger (de cette sexualité masculine, en fondant un foyer où un homme assurerait cette protection).

[Photo 3 : galanterie] « Il y a ce côté protecteur. Forcément, on est fait différents, et ça, ça va toujours rester, la femme un peu plus faible, entre guillemets, que l'homme. » (J5, entraîneuse en cardio-boxe)

Ainsi, on en revient au contrôle de la sexualité et de l'apparence des femmes. Porter la burqa pour une musulmane est vu comme un acte de soumission (et jamais comme un acte de parole).

[Photo 5 : femme en burqa] « C'est le manque de connaissance qui fait qu'elles se soumettent. Elles n'ont pas de sens critique, elles n'ont pas assez d'ouverture sur le monde, donc le premier qui va leur dire de se mettre ça, et bien elles vont le mettre. » (J3, professeure de mathématiques)

[Photo 5 : femme en burqa] « Je ne suis pas sûr qu'une femme prenne

la décision de s'habiller comme ça d'elle-même. Elle doit subir certaines pressions qui font qu'elle s'habille comme ça pour ne pas plaire à d'autres, elle doit appartenir à... C'est une femme objet. » (J7, entraineur football)

Se prostituer, vendre son corps, qui devrait être protégé, est vu comme un acte de soumission.

[Photo 8: prostituée] « L'image de la femme, la façon dont elle traite son corps qui nous renvoie à quelque chose de dégradant que l'on a envie de protéger. [...] J'ai envie de dire non, pas de prostitution pour protéger les femmes. » (B2, éducateur spécialisé)

Dans le même ordre d'idée, et pour justifier cette nécessité de protéger la femme, certains des interviewé.e.s rappellent qu'hommes et femmes ont des caractères et des attentes bien différents : si l'un, comme on l'a vu, recherche la sexualité, l'autre attend amour et protection.

[Photo 8: prostituée] « La femme, avant tout, c'est une douceur. L'homme, il va consommer comme si, je ne sais pas, il allait voir une pièce de théâtre ou voir un film. Là, il va passer un moment avec une femme. [...] Une femme qui fait de la prostitution, je dirais que c'est par obligation financière. L'homme, il peut consommer sans amour. Mais la femme, normale, qui n'a pas de problèmes, elle ne peut pas consommer sans amour. La femme, qu'on le veuille ou non, elle a quand même cette dignité en elle. Elle vend son corps, mais au fond d'elle, elle est dégoutée. Lui, le désir, il l'a, avec amour ou sans amour, c'est le désir. C'est pour ça qu'on parle de viol. Un homme qui viole, il a un désir, la femme qui se fait violer, non. Parce que la femme, elle a une pudeur par rapport à son corps qui est plus valorisante. » (B9, animateur)

[Photo 9 : coeurs d'adolescente] « Les filles sont romantiques... Je ne sais pas pourquoi. On a un cerveau qui réfléchit en pensant à la protection parce qu'on est formatées pour avoir des enfants aussi. On imagine un foyer, on imagine une maison, et de l'amour. » (J2, professeure d'anglais)

Or, ces désirs, lorsqu'ils existent, chez les femmes, sont le résultat de la socialisation genrée. Comme l'explique Daniel Welzer-Lang (2007) : « les filles sont socialisées dans le travail de la beauté, la quête du Prince Charmant, les apprentissages à leur (futur) rôle de mère par l'incorporation de la maternitude, de la libido maternadi [...] ».

Hétéronormativité, homosexualité, homoparentalité

Lorsque l'on s'intéresse au genre, à la construction des normes genrées, l'homosexualité et l'hétéronormativité ont une place particulière. En effet, comme le précise Welzer-Lang (2007) : « j'ai proposé de définir l'homophobie comme la discrimination envers les personnes qui montrent, ou à qui l'on prête, certaines qualités (ou défauts) attribués à l'autre genre. L'homophobie bétonne les frontières de genre. »

Parmi le panel des interrogé.e.s, un quart se dit favorable au mariage homosexuel et à l'homoparentalité. Pour eux, il s'agit d'un droit.

[Photo 6 : mariage homosexuel] « Au niveau civil, je n'y vois aucun inconvénient. Je crois que la société, il faut inévitablement qu'elle soit plus ouverte à ça. Ce n'est pas une maladie, l'homosexualité. [...] Je crois que quand ils ont cette dynamique là de vraiment avoir envie de donner, d'élever un enfant, ils sont encore beaucoup plus motivés qu'un couple hétérosexuel. Alors oui, ça ne me gêne pas du tout. » (B1, infirmière scolaire)

[Photo 6 : mariage homosexuel] Super, moi je suis pour le mariage des homosexuels. [...] Voilà, il a deux papas. Mais ce n'est pas pour autant que l'enfant sera en danger moral, sexuel ou éducatif. » (B3, assistante sociale)

[Photo 6 : mariage homosexuel] Alors ça, moi, je suis archi-pour. C'est con, déjà, de devoir se marier pour justifier que l'on soit un couple. [...] Moi, je suis pour l'adoption, pour que des homosexuels puissent adopter. Franchement, pour moi, c'est évident. Je suis d'accord pour dire qu'il faut qu'un enfant ait une relation avec un homme et une relation avec une femme, mais dans un environnement, on a tout ça. » (B6, animatrice)

[Photo 6 : mariage homosexuel] « Quand on dit mariage, on dit adoption, ça ne me pose pas de problème non plus. En plus, eux, ils savent qu'ils sont regardés, donc je pense qu'ils feront plus attention que n'importe quels parents. [...] Il y a un moment où il y a des enfants qui n'ont pas de parents, et ce dont a besoin un enfant, c'est de parents. Je préfère qu'ils soient adoptés par des homosexuels plutôt qu'ils restent croupir dans un foyer. » (B7, animatrice)

[Photo 6 : mariage homosexuel] « Je trouve ça bien qu'ils aient les mêmes droits. Je pense même qu'ils peuvent adopter des enfants, comme tout le monde, qu'ils ont exactement les mêmes droits que les hétérosexuels en fait. » (J10, professeur de guitare)

Cependant, au moins autant de professionnel.le.s rencontré.e.s s'opposent à l'idée de

l'adoption. Pour eux.elles, elle remet en cause la norme du couple hétérosexuel comme seul modèle de parentalité, et, en ce sens, met en danger la stabilité de la construction des enfants, puisque cette construction est liée à l'apprentissage des normes de genre, données en exemple par les rôles du père et de la mère.

[Photo 6 : mariage homosexuel] « L'homosexualité, c'est un comportement qui personnellement ne me choque pas. [...] Par contre, je suis père de famille, j'ai une idée assez définie de la conception de l'enfant et de la manière dont il doit être élevé, de son équilibre. » (B10, professeur 3e insertion)

[Photo 6 : mariage homosexuel] « S'ils ont le droit d'être ensemble, ils ont le droit de se marier, ils ont le droit d'adopter. Alors après, au niveau des enfants, il y a peut être un souci qui se pose. Après, moi, je ne suis pas psychologue. Il y a peut-être un souci qui se pose au niveau de la psychologie. » (J4, entraîneur en badminton)

[Photo 6 : mariage homosexuel] « Ils sont bien mignons mais... J'accepte ça, je veux dire... je les comprends, de s'aimer, de vouloir sceller leur union... Mais au point de se marier, je ne sais pas. Je ne trouve pas ça... Je ne dis pas que c'est réservé juste aux femmes et aux hommes, mais... je ne sais pas, c'est l'aspect homme-homme ou femme-femme carrément, c'est un peu... Je ne sais pas, je suis un peu mitigée sur l'homosexualité de toute façon. [...] - (Question) : Et l'adoption ? - (Elle) : Ah, encore moins, ça je trouve ça aberrant complètement. Tu imagines les repères ? Complètement faussés ! Déjà que c'est difficile avec cette société capitaliste trop sexuée, tu imagines là ? Le flop total. » (J5, entraîneuse cardio-boxe)

[Photo 6 : mariage homosexuel] « Est-ce qu'on n'a pas quand même intérêt à avoir comme référent encore la bulle, le foyer nucléaire avec un homme et une femme, ou est-ce qu'on peut se permettre de proposer un couple homosexuel pour l'éducation d'enfants ? » (J6, professeur d'EPS)

[Photo 6 : mariage homosexuel] « Pour avoir l'équilibre d'un enfant, je crois qu'il faut qu'il ait un papa et une maman. Quand même, je m'occupe d'enfants, et je connais pas mal de gamins qui sont un peu déboussolés, ne serait-ce que par le divorce des parents. Si maintenant, à la maison, ils ont pour parents naturels deux hommes, franchement, ils ne s'en sortent pas, je ne crois pas. » (J7, entraineur football)

Deux des enseignant.e.s et animateur.e.s interviewé.e.s exposent, quant à eux, des propos clairement homophobes. En effet, pour eux, la sexualité et l'union homosexuelles vont à l'encontre d'une nature des relations sexuelles qui serait nécessairement hétérosexuelle et menace donc l'ordre établi.

[Photo 6 : mariage homosexuel] « Moi, je ne cautionne pas ça, parce qu'en fait, derrière ça, il y a autre chose, l'adoption. Ça, ça me gêne. Après, que leur boite à caca fasse commerce, c'est leur problème. Qu'ils se marient, ça ne me dérange pas, mais après, il faut s'arrêter là. Il faut s'arrêter au sexe, il ne faut pas aller au-delà. Il ne faut pas confondre une famille normale avec des homosexuels. [...] Depuis la nuit des temps, depuis que l'homme et la femme existent, ça a toujours été un homme avec une femme, une famille. C'est ça, la société. Sinon, il n'y a plus de société. » (B9, animateur)

[Photo 6 : mariage homosexuel] « Alors, les homosexuels. Moi, tant qu'ils ne m'embêtent pas, ils font ce qu'ils veulent. Dès qu'ils vont venir influer sur ma façon de vivre, je ne serais pas d'accord. Mais là, je m'en fiche. Qu'ils vivent entre eux. » (J3, professeure de mathématiques)

S'il faut relever qu'un quart des professionnel.le.s adopte une position progressiste sur l'homosexualité, plus nombreux sont ceux qui adhèrent au modèle hétéronormé, surtout lorsqu'on aborde l'éventualité de l'homoparentalité.

Les représentations qu'ont les professionnel.le.s des différences et des rapports entre hommes et femmes apparaissent donc comme fortement ancrées dans les schémas hétéronormés et hétérosexistes, même s'ils revendiquent généralement un idéal d'égalité, et que certains d'entre-eux.elles semblent, sur certains points, chercher à s'en détacher.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery