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Enseignant. E. S. et animateur. E. S face à  la socialisation genrée des jeunes

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par Noémie Lequet
Université Bordeaux 2 Segalen - Master sociologie : ingénierie et intervention sociales 2012
  

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II- Enjeux scientifiques

1- Intersections

Si les politiques de lutte contre le sexisme et l'homophobie se sont dans un premier temps tournées vers les quartiers d'habitat social ou populaires, c'est bien parce que les jeunes hommes de ces territoires sont considérés comme plus sexistes et ayant des comportements à risques vis-à-vis des jeunes femmes et des autres hommes (monopolisation de l'espace public, virilité exacerbée, viols collectifs...). Or, on peut penser qu'il s'agit partiellement d'une construction de l'imaginaire collectif, largement relayée par les médias sensationnalistes (Mucchielli, 2001).

Bien sur, il ne s'agit pas de nier la recherche du « capital guerrier » que décrit Thomas Sauvadet (2006) : « les groupes de jeunes de cité constituent des univers hautement concurrentiels où le mode principal de hiérarchisation renvoie à l'intimidation et à l'affrontement physiques. Dans ce contexte, l'accumulation de capital guerrier rend accessibles toutes sortes de ressources symboliques et matérielles ». En ce sens, le capital guerrier peut être vu comme un capital de masculinité.

Si cette course à la virilité décrite par Thomas Sauvadet peut-être expliquée par le contexte difficile de la cité, elle peut également être liée à la socialisation genrée et à « l'appel » à devenir un homme. Ainsi, dans un contexte social paupérisé, où nombre de ces jeunes hommes se retrouvent au chômage, ils chercheraient à construire et à revendiquer leur identité de mâle par d'autres moyens que le travail ou l'indépendance financière. Daniel Welzer-Lang décrit ce phénomène : « D'autres, en particulier ceux exclus des privilèges de virilité, ceux qui ne peuvent afficher les signes et les grades de virilité (argent, belle compagne, grosse voiture, pouvoir.), ceux qui n'apparaissent pas désirants dans les injonctions de séduction qui guident nos rapports de genre... ceux-là, ont tendance à se replier dans des comportements virilistes qui se traduisent par des violences, souvent suicidaires, entre eux, contre eux et envers les femmes » (Welzer-Lang, 2007).

De plus, la recherche d'une masculinité chez les jeunes de banlieue peut être considérée comme un retour du stigmate de la colonisation. En effet, si une part importante des jeunes vivant dans les quartiers populaires est d'origine immigrée (le plus souvent, des pays du Maghreb), ces quartiers et les jeunes qui s'y trouvent s'en sont trouvés « orientalisés »10 (Said, 1978), c'est-à-dire vus comme différents du référentiel neutre qu'est le reste de la société, cette différence étant largement associée à la religion musulmane ou à la descendance d'immigré.e.s maghrébin.e.s. Ainsi, les jeunes des cités, même lorsqu'ils.elles ne sont pas d'origine « orientale » se retrouvent dans ce sentiment d'être « Autre », avant tout parce qu'ils.elles sont perçus comme tel.le.s.

A cela s'ajoute l'idée défendue par Christine Delphy et Christelle Hamel qu'à travers la colonisation, l'homme oriental a été construit comme sexiste. En effet, « dès le début de la colonisation, la question du sexe, ou du genre, est posée comme la ligne de partage entre les deux "communautés" ainsi créées. Dans le stéréotype raciste créé par le colonisateur, les

10 Orientalisme : Idée que l'Orient ait été créé par l'Occident comme différent, notamment par le biais de la colonisation, l'Occident et ses valeurs étant vus comme le référentiel neutre.

indigènes ne "traitent pas bien les femmes" » (Delphy, 2008). Le sexisme que développeraient les jeunes arabes de cité, et par extension, les jeunes hommes des cités, serait « un sexisme exacerbé par le contre-racisme, c'est-à-dire la revendication par les garçons du machisme qu'on leur reproche » (Hamel, 2005).

Ces processus sont décrits par nombre de chercheurs comme des effets d'intersections race/classe/genre. Didier Lapeyronnie (2008), en dépeint les effets : « chez ces jeunes garçons arabes, le racisme et la discrimination cumulent le genre et la race mais aussi l'âge (la jeunesse) et en font le signe d'une sexualité agressive et d'une masculinité violente ».

Quelques professionnel.le.s, majoritairement provenant du quartier Bastide, montrent qu'ils.elles sont conscient.e.s de ces enjeux, qu'il s'agisse de l'intersection entre genre et race ou entre genre et classe sociale.

[Photo 7 : Sébastien Chabal] « Quand c'est Chabal la barbe, c'est de la virilité, et quand c'est un jeune de banlieue avec la barbe, on parle de terrorisme. Ça dépend qui la porte. A l'époque des Vikings, c'était des combattants, c'était viril. Et aujourd'hui, quand c'est des maghrébins, c'est des Djihadistes. Ce n'est pas vu pareil par les gens. » (B9, animateur)

[Photo 1 : DSK] « J'espère que sa position sociale ne fera pas oublier cette affaire. » (B1, infirmière scolaire)

[Photo 1 : DSK] « Et les sanctions, pareil, que ce soit lui ou pas, que ce soit les mêmes sanctions que ce soit le petit arabe de cité, ou le petit français qui n'a rien. Comme, c'est pareil, là, il est sorti. Si ça avait été un jeune, il serait resté en prison, en attendant. » (B8, animateur)

[Photo 1 : DSK] « Mais c'est plus sur après ce qui se passe, les moyens qu'ils ont de se protéger, d'avoir des avocats très forts... Un lambda, pour la même chose sera très vite accusé. » (B4, entraîneur en badminton)

[Photo 1 : DSK] « J'ai l'impression quand même qu'il y a une culpabilité évidente et qu'il y a des passe-droits, qu'il y a le tout puissant politique, ou en tout cas homme en général, ou femme en général, avec des passe-droits terribles et qu'il n'y a pas une justice qui soit la même pour tout le monde. » (J6, professeur d'EPS)

Finalement, ne vouloir luter contre le sexisme et l'homophobie que dans les quartiers populaires renforce la stigmatisation de ces quartiers, des jeunes hommes qui y grandissent, des jeunes femmes également, et donne à penser que le reste de la société française (dont ils

ne font pas réellement partie, étant relégués dans ces quartiers orientalisés) est exempte de tout sexisme.

En ce sens, la volonté de la mairie de Bordeaux de s'intéresser à d'autres quartiers que les quartiers populaires quant il s'agit de sexisme et d'homophobie participe d'une déstigmatisation des jeunes hommes des cités. En ce qui concerne les jeunes, filles et garçons, cette étude ne permet pas de déterminer s'il y a de véritables différences dans les représentations qu'ils.elles peuvent avoir des rapports entre hommes et femmes selon les quartiers. En revanche, elle montre que, concernant les professionnel.le.s qui travaillent à leur côté au quotidien et qui participent donc de leur socialisation de genre, les représentations et les stéréotypes sont sensiblement les mêmes : l'idéal d'égalité prédomine largement, même si les valeurs sont floues et ancrées dans le schéma hétéronormé et essentialiste.

Si l'on veut espérer luter contre le sexisme et l'homophobie, quel que soit le « degré de sexisme » des jeunes considéré, l'école et les lieux de loisirs sont les institutions les plus à même de faire l'objet de politiques publiques allant dans ce sens, les autres instances de socialisation (famille, groupe de pairs,...) n'étant pas accessibles. Alors, que ces politiques publiques ne se concentrent pas uniquement sur les quartiers de relégation apparaît comme une nécessité.

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