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La visualisation des informations

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par Christel Morvan
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II - 2 Le langage visuel

Si le moyen le plus couramment utilisé pour transmettre une information est le texte, nous l'avons vu, c'est loin d'être la seule solution que nous avons à notre portée pour communiquer. Hors, comme nous l'avons constaté dans la première partie du mémoire, les nouvelles modalités du flux d'information nous impose du texte de manière surabondante.

Pour dégager une information précise d'un paragraphe, il faut le lire en entier puisque la signification du paragraphe n'apparaît sue lorsque les mots qui la composent sont placés, et donc assimilés dans un ordre précis. Chaque mot constituant la phrase, rappelons-le, est un signe, ce qui signifie que chaque mot est analysé avant d'être mentalement assemblé au sein de la phrase pour que celle-ci prenne un sens. Ce processus est linéaire et requiert de la patience. Pour obtenir l'information que l'on attend, on est obligé de recevoir d'autres messages, d'attendre que la phrase entière soit lue. Et tout

44 Précis de sémiotique générale, p.33, op. cité.

45 La syntagme désigne l'ordre de combinaison des signes.

46 Dans son livre L'aventure Sémiologique, Rolland Barthes évoque les différents types de relation qui ont été mises en évidence par différents sémioticiens, sémiologues, linguistes.

ça pour parfois, ne pas recevoir l'information que l'on attendait ou se retrouver avec une phrase sans valeur informationnelle.

Le processus va a l'encontre des nouvelles modalités de lectures engendrées par la surinformation. Car l'utilisateur veut aller directement à l'information qui l'intéresse, et ne lira un texte de manière profonde que si il est certain que celui-ci l'intéresse. D'autre part, la surabondance de texte sur une page internet par exemple crée du bruit, car les yeux de l'utilisateur sont attirés par tous les stimulus (éléments visuels) auquel il a accès, et sa concentration risque donc d'être atténuée, ou pire, il risque de mélanger les stimulus et de ne pas encoder le message dans le bon ordre. Un surplus de signes textuels aurait donc tendance à nuire à l'information.

Mais alors quel code utiliser pour mieux véhiculer des informations? Le signe iconique, image mimétique

Dans l'histoire du signe et de la communication, l'image est arrivée bien avant les mots. Les peintures rupestres sont les premières formes de signe produites sur un canal fixe et donc permettant une communication à distance temporelle. Dans les premières formes d'écriture, les choses et les objets étaient représentées sous forme de pictogrammes, c'est à dire sous forme de signe-image, et d'idéogrammes, sous forme de signe-idée. Dans le cas des pictogrammes, le signe représentait la chose sous forme d'image, en reproduisant sa forme globale, tandis que dans le deuxième cas, on utilisait les images des objets concrets pour représenter une idée. L'écriture était alors issu d'un processus visant à dessiner le monde.

En occident, l'écriture est devenue une représentation signe-langue. Chaque lettre ou combinaison de lettre visant à reproduire les sons produits par les individus. Mais l'utilisation de l'image comme véhicule d'information ne c'est pas perdue pour autant.

Au moyen-age, alors que seul les élites étaient capables de lire et d'écrire, l'image s'est imposée comme le code idéal pour transmettre l'histoire biblique. L'image ne requiers pas à priori d'apprentissage pour être compris car, contrairement à la langue, elle reproduit visuellement notre monde. Elle est donc par essence plus accessible.

L'image, dans le processus de représentation des objets, arrive en préambule de l'écriture et des autres codes de représentation. Lorsque celuici nous est décrit, nous visualisons mentalement l'objet : cette propriété de l'image est unique. Il est en effet difficile de se représenter mentalement un son plutôt qu'une image. Pour Michel Sers47, cette visualisation est automatique, le phénomène de la vision apocalyptique48 en est une illustration. « Le prophète reçoit une révélation (...), faite précisément sous la forme d'une vision. Après coup seulement la vision est traduite sous une forme discursive. ». Pour lui, cet exemple est significatif de la valeur de

47 Dans sa préface au livre de Wassily Kandinsky, Point et ligne sur plan, Michel Sers explique en quoi l'art abstrait est fondé à devenir support de l'image prophétiuque.

48 Apocalypse dans le sens grec, ?ðïêÜëõøéò / apokalupsis, qui signifie révélation.

l'image : « on peut supposer que l'apparition de cette révélation sous une forme visuelle n'est pas un effet du hasard. Il existe un caractère particulier de la communication visuelle qui la rend essentielle en face de la communication verbale ».

Mais cela reste également un des meilleurs moyen de concevoir l'univers qui nous entoure et de nous situer par rapport à lui. Il est par exemple impossible d'envisager une carte où ne figureraient que des données pour un public peu averti. De même, dans la plupart des cours d'introduction à la physique chimie, à la science naturelle, et à d'autres disciplines, il est fréquent d'employer des schémas pour aider les élèves à comprendre le sujet. L'image reste encore le moyen le plus efficace pour nous représenter l'espace et les objets qui nous sont inconnus.

L'image est instantanée, immédiate, elle fait donc à priori appel à moins de processus cognitif que le texte. Mais comme les autres signes, elle repose sur des processus bien spécifiques, une grammaire qui lui est propre49. De même, pour représenter quelque chose par l'image, on peut procéder de plusieurs manières. De même que dans les premiers langages où l'on distingue idéogrammes d'une part et pictogrammes d'autre part, l'image peut imiter la réalité ou représenter une idée plus abstraite.

L'image peut donc être utilisée de différentes manières.

On peut déjà distinguer deux types d'images : les signes iconiques, qui représentent les choses par mimétisme, et les signes plastiques qui reposent sur des codes spécifiques passant par le trait, la couleur, la forme, sans pour autant procéder par analogie. Mais il ne faut pas croire que ces deux signes soient parfaitement distincts. Bien souvent dans l'art pictural, les représentations font appelle en même temps à ces deux types de signe. Les tableaux du moyen-age représentant l'annonciation par exemple marchent par mimétisme : la vierge est une représentation par mimétisme de la femme, mais en même temps ils procèdent de codes purement plastiques, la couleur, la pâte, l'emplacement des protagonistes, leur taille. A l'inverse, certaines représentations, comme dans l'art abstrait par exemple, ne font appelle qu'à des signes plastiques.

Ces deux types d'images doivent cependant faire appelle à deux analyses bien distinctes, puisque leurs signifiants sont différents. Les signifiants iconiques relèvent d'unités discrètes, alors que les signifiants plastiques sont plus difficiles à cerner.

La structure du signe iconique est assez similaire à celle des autres signes. Ce schéma en explique le fonctionnement :

49 La question d'une rhétorique de l'image a principalement été étudiée par le le Groupe u, à la fin des années 60. Dans leur livre, Traité du signe visuel (1992), le groupe de réflexion élabore une grammaire de l'image, et distingue le signe iconique du signe plastique, ce qui a permis par la suite d'envisager ce dernier de manière indépendante. Le groupe u poursuit depuis 1967 des travaux interdisciplinaires en rhétorique, en poétique, en sémiotique et en théorie de la communication linguistique ou visuelle, travaux qu'il signe d'un nom collectif. Ses membres à l'époque sont Francis Édeline, Jean-Marie Klinkenberg, Jacques Dubois, Francis Pire, Hadelin Trinon et Philippe Minguet.

Illustration 6: Structure du signe iconique. Extraite du livre de Jean-Maire Klinkenberg, précis de sémiotique générale p.383, op. cité

Le stimulus, comme nous l'avons vu dans la partie sur la pluralité des codes et des canaux de diffusion, est le support du signe. Un stimulus visuel est une tache sur un morceau de papier, ou une projection lumineuse sur un mur. Le référent est la classe auquel l'objet représenté par le signe visuel appartient. Le signifiant regroupe les caractéristiques, les traits du stimulus. C'est en distinguant ces traits que l'on fait le rapprochement entre le stimulus et le type auquel il se rapporte50. Le type, enfin, est un modèle théorique auquel appartient le référent. Pour mieux différencier un type et un référent, disons que le triangle est un type de forme, et que le triangle isocèle, l'objet référent.

Ne confondons pas le type avec le signifié en langage. Pour Jean-Marie Klinkenberg, ces deux attributs sont bien distincts : « Le «type» a une fonction particulière que l'on comprendra si l'on considère la structure du signe iconique (, par exemple le dessin d'un chat). Le stimulus, c'est-à-dire le support matériel du signe (taches, traits, courbes, etc.), entretient avec le référent (la classe des animaux que l'on appelle chats) une relation de transformation : le chat dessiné n'est pas du tout identique à l'animal chat.

50 La définition exacte du stimulus donné en sémiotique visuelle est « Ensemble modélisé de stimuli visuels correspondant à un type stable, identifié grâce à des traits de ce signifiant, et qui peut être associé à un référent reconnu, lui aussi comme hypostase du type ; il entretient avec ce référent des relations de transformation ». Groupe m (1992), Traité du signe visuel-Pour une rhétorique de l'image, p.135.

Mais je reconnais un chat parce que le stimulus est conforme à un modèle (le signifiant) équivalent à un type (un ensemble d'attributs visuels) qui luimême est conforme à ce que je sais de l'animal chat (le référent). Tout cela peut sembler compliqué mais permet de comprendre que pour un signe iconique, le processus de signification est assuré par le fait que le stimulus (le dessin) et le référent (la chose représentée) entretiennent des rapports de conformité avec un même «type», qui rend compte des transformations qui sont intervenues entre le stimulus et le référent. »51.

Pour créer un signe visuel iconique, il faut déterminer quel est le le type du référent (soit de l'objet à représenter) pour en extraire les traits caractéristiques et ainsi pouvoir le transformer en stimulus. Pour comprendre à quoi l'image renvoie, l'observateur suivra le chemin inverse : il reconnaît d'abord dans le stimulus des traits particuliers (le signifiant), ce qui lui permet de faire une assimilation avec le type auquel d'objet auquel il peut appartenir, pour finalement reconnaître le référent à l'origine de la transformation. En réalité, il peut parfois n'y avoir aucun référent, dans le cas où le destinataire ne connaît pas l'objet ou si celui-ci a été imaginé par le producteur du signe. Dans ce cas, il établira une comparaison avec les autres objets appartenant au type qui lui semble le plus approprié. Si l'observateur n'arrive pas à établir de lien entre le signifiant et le type, alors le signe iconique n'est pas compris.

La transformation du référent en stimulus peut s'effectuer de manières différentes. On peut représenter un objet en effectuant sur celui-ci des transformations géométrique Il existe plusieurs types de transformations du genre :

· Les transformations homothétiques jouent sur l'échelle du référent, mais en conservant ses proportions. La plupart des stimulus connaissent ce type de transformation : on effectue rarement le dessin d'une vache à taille réelle!

· Les projections transforment le référent de telle manière qu'il peut se retrouver sur un plan différent, avec une autre orientation, et que ses angles peuvent être modifiés. On retrouve notamment ce type de transformation lorsque l'on passe d'un référent en 3D à un référent à deux dimensions.

· Les transformations topologiques modifient le référent à la fois dans son échelle et son orientation pour ne garder que les propriétés comme « fermé » ou « ouvert », les plans de métros en font l'objet, puisque loin de représenter le circuit du métro dans son ensemble, avec les voies de maintenance, celles désaffectées ou les changements de niveau, ils se contentent d'indiquer ce qui est utile au voyageur, en représentant les stations par des ronds et les trajets par des segments.

Ensuite il y a les transformations de type analytiques, qui appliquent des

51 Extrait du livre de Jean-Marie Klinkenberg , Qu'est-ce que le signe ? , paru dans le Sciences humaines édition spéciale sur le langage, paru en 2001, p. 105-112.

techniques de l'algèbre aux éléments visuels :

· La discrétisation permet de passer d'un référent au visuel continu à un stimulus où les unités visuelles sont nettement séparées. Ce procédé est notamment utilisé dans le dessin, où seul le seuil entre les différents éléments est représenté par un trait.

· Les filtrages, qui portent sur les paramètres de la couleur, autrement dit sur la teinte, la luminosité et le contraste.

Les transformations de type optique influent sur les caractéristiques optiques du référent, comme la netteté, la profondeur de champ, le renflement. Les transformations cinétiques jouent sur le point de vue du référent, c'est à dire sur le cadrage, l'angle, le zoom.

Familles de trans Géométriques Analytiques Optiques Cinétiques

formations

Opérations

Adjonction (+) -homothéties

positives

Suppression (-) -homothéties

négatives

Substitution (+-) - projections

-transformations topologiques

- filtrages positifs -indifférenciations - continuisations

- filtrages négatifs - différenciations - discrétisations

- filtrages substitutifs

- accentuations de contrastes

- dilatations de profondeur

- élargissement du champ de netteté

- atténuations de contrastes

- contractions de profondeur -rétrécissement du champ de netteté

- déplacements du contraste

 

Permutation (>) - translations

- rotations

- déplacements - congruences

 

- inversions (négatif)

-intégrations -

anamorphoses

 

Enfin, les transformations de style indiquent que dans le processus de transformation, le producteur du signe y insère (volontairement ou non) un élément propre à lui. C'est en quelque sorte une signature, ce qui détermine qu'un stimuli aura telle ou telle forme selon une personne et pas selon une autre. A partir du même référent on peut obtenir un dessin stylisé, réaliste, ou bien psychédélique. Le choix de la transformation de style peut aussi indiquer une appartenance culturelle. Chaque producteur de signe utilisera des procédés particulier, propres à lui. Ce choix de style influe aussi sur la valeur des éléments du stimuli puisque le producteur peut choisir de leur donner plus ou moins de valeur selon qu'il les juge importants. Une caricature par exemple, procède d'une transformation de valeur.

Encore une fois ces processus ne sont visible que pour celui qui les analyse, chez nous ils sont automatique. Mais comprendre ces mécanismes nous aide à comprendre comment créer des signes visuels qui fonctionne, et pourquoi ils peuvent échouer dans leurs rôle de substitut.

Le signe plastique, image symbolique

Pour en revenir aux différents types d'image, après le signe iconique, motivé par mimétisme, on distingue le signe plastique.

Le signe plastique repose entièrement sur les propriétés du stimuli, et ne cherche par à reproduire un objet, de manière générale d'ailleurs, il ne se substitue pas un à un objet mais à une idée.

L'analyse du signe plastique ne repose donc pas sur la transformation du référent au stimuli, mais sur les composantes du stimuli, soit sa couleur, sa forme et sa texture :

· La texture est une propriété de la surface. Elle se compose en fait de micro-éléments qui ne sont pas séparément exprimés. L'unité texturale se définit donc à la fois par la nature (moiré, lisse, granulé, etc...) et par l'organisation de ces éléments que l'on appelle les texturèmes.

· La forme est une propriété spatiale. Elle se définit aussi en fonction de micro-éléments : par sa position, sa dimension, sont articulation. Ce éléments s'appellent les formèmes, et ont chacun potentiellement leurs propres signifiés. Mais la forme n'est pas simplement la somme des éléments qui la composent. Dans un tableau par exemple, le signifié de la forme dépend aussi des relations qu'elle entretient avec les autres formes.

· La couleur enfin, est la propriété plastique la plus étudiée jusqu'à maintenant. Comme les autres propriétés, elle est constituée de composantes plus petites, la teinte, la luminosité, et la saturation. Ce sont les chromèmes. La teinte, ou dominance chromatique correspond à une longueur d'onde bien précise. Comme on l'a vu précédemment, c'est par convention que l'on arrête une longueur d'onde et qu'on lui attribue un nom : la teinte. La saturation correspond à la pureté de la teinte : plus la teinte est pure, plus elle est saturée, plus elle est diluée, plus elle tombe dans les gris. La luminosité correspond à la quantité de lumière injectée dans la couleur. Comme pour la forme, c'est l'assemblage des couleurs (autrement dit la syntagme) qui lui donne un sens.

Chacune de ces composantes et micro-composantes ont chacun un signifié potentiel. Le signe plastique ne se définit donc non pas par un signifié, mais par un entrelacs de signifiés. Par exemple, une couleur saturée peut exprimer l'énergie, un aplat à la texture brillante, le calme, une forme à angles pointus la violence... Ces signifiés sont la plupart du temps des symboles, c'est à dire qu'il se rapportent à une culture donnée dans un contexte donné (exemple : le noir symbole de deuil).

Mais si les propriétés du signe plastiques sont à priori reliées aux conventions culturelles, il n'en est pas toujours le cas. Certains paramètres sont en effet communs à l'humanité. Par exemple, la longueur d'onde correspondant au rouge correspond, peu importe à culture, à une notion de violence et de danger, en liaison avec la couleur du sang, de la même manière que la longueur d'onde associée au bleu renvoie universellement au ciel.

Vers un vocabulaire formel de l'image.

Vassily Kandinsky, peintre et théoricien de l'art, a tenté dans deux ouvrages, Du spirituel dans l'art52, et Point et ligne sur plan53 de construire un langage formel de l'image en s'appuyant sur ses propres expériences en tant que peintre mais aussi sur les réactions de ses élèves54 et des spectateurs de ses oeuvres. A la suite de ses premières recherche, il finit par déduire qu'en définissant l'image de manière scientifique, on l'enlève de son poids culturel. Dans le premier ouvrage, il s'attarde surtout aux couleurs, voulant mettre en avant l'influence des couleurs sur la psychologie et la « résonance intérieure ».

En optique, on comprend aisément l'analogie de Kandinsky entre la couleur et l'influence qu'elle pourrait avoir sur le cerveau. La couleur en soi n'a pas d'existence propre, elle est une partie du spectre lumineux, qui, captée par l'appareil récepteur qu'est l'oeil, est interprétée par le cerveau puis classée (en fonction des conventions culturelles évoquées plus haut) dans une couleur. Les objets qui nous entourent n'ont pas de couleur en soi, ils possèdent simplement un filtre qui empêche certaines longueurs d'onde d'atteindre nos yeux. D'ailleurs, l'oeil ne capte qu'une faible partie du spectre lumineux.

Illustration 7: Ce schéma représente le spectre lumineux, c'est à dire l'ensemble des ondes lumineuses, et celles captées par notre cerveau.

52 Du spirituel dans l'art, paru pour la première fois en 1911.

53 Point et ligne sur plan, publié pour la première fois en 1926.

54 Wassily Kandinsky (1866-1944) était professeur au Bahaus, école célèbre d'architecture et d'art novateur, et ce, de 1922 à 1933.

Cela signifie qu'à une couleur donnée correspond une longueur d'onde spécifique. Le tableau suivant (illustration 8) nous indique que chaque couleur possède une fréquence et une longueur d'onde particulière :

Illustration 8:

Pour Kandinsky, lorsque l'on regarde une couleur en particulier, on discernerait en premier lieu la chaleur de la teinte, puis le taux de luminosité. En faisant le parallèle avec les longueurs d'ondes, les couleurs froides correspondraient donc aux couleurs à faible longueur d'onde (du violet au bleu) et les couleurs chaudes, celles ayant une longueur d'ondes plus élevée (du jaune au rouge). En procédant par analogie au monde qui nous entoure, cette distinction entre couleurs froides et couleurs chaudes existe aussi puisque les objets chauds tendent vers le jaune et le rouge, tandis que les objets froids auront plutôt tendance à virer au bleu ou au violet (bien qu'il existe des exceptions à cette règle : les flammes bleues sont par exemple plus chaudes que les flammes rouges).

Kandinsky, dans son livre, procède à une analyse des principales couleurs du spectre visible de la lumière :

· Le jaune, couleur chaude, la couleur la plus terrestre, évoquerait une sensation de pénibilité, de stridence et d'agression. Elle possèderait un mouvement excentrique, c'est à dire qu'une surface jaune donnerait l'impression de se rapprocher de nous (en tant que spectateur).

· Le bleu, opposé au jaune est la couleur froide par excellence. Elle évoquerait le ciel et donc le calme. Son mouvement, contrairement au jaune, serait concentrique, c'est à dire qu'elle « s'éloigne de

l'homme en un mouvement dirigé vers son propre centre »55. C'est aussi la couleur de l'infini et du surnaturel.

· Le vert, qui se trouve au milieu du spectre, est obtenu par le mélange du bleu et du jaune (en synthèse soustractive), et donc est une couleur neutre ou tiède. Le vert est rassurant et ne serait mu d'aucun mouvement.

· Le rouge qui est, comme le jaune une couleur chaude, inspirerait la vivacité et l'agitation.

Enfin, les nuances lumineuses, du noir au blanc en passant par les nuances de gris auraient également chacun leur propriétés :

· Le blanc inspirerait un profond silence, mais aussi l'ouverture à tous les possibles.

· Le noir, absence de lumière, inspirerait au contraire une fermeture à tous les possibles, le silence sans espoir, le néant.

· Le gris quant à lui, oscillant entre le noir et le blanc serait neutre, sans mouvement. Sa « tonalité affective »56 se rapprocherait du vert.

En nous reportant une fois de plus au tableau des longueurs d'ondes (ill. 8), on peut donc en déduire que plus la longueur d'onde de la couleur est élevée, plus elle est perçue comme violente.

Dans un deuxième temps, Kandinsky s'attarde à la géométrie dans son ouvrage intitulé « Point et ligne sur plan »57. Pour commencer, l'élément qui induit tous les autres est le point. Selon Kandinsky le point est la plus petite unité géométrique équivalent au zéro numérique, c'est donc l'origine de toute création visuelle. D'un point de vue informatique, l'équivalent du point, le pixel, est également la plus petite unité visuelle représentée. D'un point de vue linguistique, le point représente le silence, mais aussi l'union du silence et de la parole.

Ensuite, le point peut sortir de son état de trois manières :

1. par abandon de sa tension concentrique au profil d'une direction, ce qui donne le trait.

2. par dédimentionnement proportionnel, ce qui revient à le grossir pour obtenir une surface.

3. par accumulation. Dans ce cas on créée une combinaison (KOMPLEX). Une image peut être constituée d'un amas de point, avec une organisation précise, prennent du sens.

Ces états, selon lui, forment la genèse de la forme. C'est donc uniquement les effets (inclinaison, brisure, ondulation, pivotement, etc...) donnés au trait qui permettent la formation de formes géométriques.

Kandinsky explique ensuite que l'effet du trait sur le spectateur dépend de son inclinaison : la ligne horizontale se rapporterait au sol, et possèderait

55 Citation extraite de l'ouvrage de Wassily Kandinsky, Du spirituel dans l'art, op. cité.

56 ibid.

57 op. cité.

une tonalité affective sombre et froide, comme le bleu et le noir. Elle inspirerait également l'immobilité. La ligne verticale, au contraire, qui représente la hauteur, possèderait une tonalité affective chaude et lumineuse, à l'instar du jaune et du blanc, et inspirerait le mouvement. La ligne horizontale, croisement des deux, aurait une tonalité affective plus ou moins chaude selon qu'elle se rapproche d'un positionnement horizontal ou vertical.

La ligne brisée possèderait aussi des tonalités intérieurs selon son angle : un angle aigu (triangle) aurait une tonalité chaude et agressive, tout comme le jaune, et un angle obtus (cercle) aurait plutôt une tonalité froide et passive, tandis qu'un angle droit (carré) serait plutôt comparable au rouge.

Kandinsky apporte dans son livre plusieurs exemples picturaux et photographiques pour appuyer ses théories.

Alors, à travers ses théories sur l'image et la forme, Kandinsky a-t'il réussi à établir un vocabulaire formel de l'image? Celui-la même qui permettrait de définir l'image de manière scientifique, indépendante d'une quelconque culture, nous permettant de formuler un langage universel?

II - 3 De l'impossibilité d'un langage universel L'influence de la culture dans le signe visuel

Si, en certains points, l'analyse de Kandinsky se rapproche d'un raisonnement scientifique (comme c'est le cas pour la couleur qui se rapporte aux longueurs d'ondes, donc un à un phénomène physique universel), il reste des points qui peuvent nous faire douter de l'approche purement objective de la démarche.

Si en effet, Kandinsky s'éloigne du signe plastique symbolique, il se rapproche en revanche du signe iconique, qui est purement analytique. En effet, dans toutes ses analyses, il fait le parallèle avec des objets du monde qui nous entoure. Il établi par exemple que le bleu se rapporte au ciel, le jaune à la terre, et le vert à l'eau. Il est vrai que ces rapprochements semblent être universels car les objets auxquels il fait appel sont communément présent sur la surface du monde. Mais si l'on postule que des êtres aient toujours vécu sous terre, le rapprochement ne tient plus. Ce qui semble être issu de typologies universelles sont en fait communs aux cultures terrestres connues, et donc viennent de connaissances encyclopédiques58.

Enfin, même si le signifié d'un signe visuel peut être déterminé de manière scientifique, comme c'est le cas pour les couleurs, n'oublions par qu'un stimuli présuppose différents signifiés possibles selon son contexte d'application. Ce qui signifie que même si un individu considère le jaune comme un signe se rapportant à la vivacité, l'agressivité, et la terre, il le rapportera aussi à d'autres référents. La couleur reste un symbole, c'est à dire

58 Encyclopédie vient de encyclopædia, ce qui signifie littéralement « le cercle des connaissances ». En sémiotique, l'encyclopédie désigne l'ensemble des connaissances d'un individu.

un « signe arbitrairement créée par des découpages correspondants » et donc dépendants d'une culture donnée. Par exemple, le jaune59, dans le Panthéon Aztèque symbolise le soleil et la divinité. Il symbolise aussi l'éternité, ce qui, pour Kandinsky, est une tonalité propre au bleu. Dans le théâtre de Péquin, le jaune est symbole de dissimulation et de cynisme. Dans la tradition de l'islam, s'il est doré, le jaune symbolise la sagesse, tandis que pâle, il est symbole de trahison et de déception. En définitive, même si on attribue au stimuli une signification qui se rapporte à son état purement physique, on ne peut en pêcher l'observateur de s'en référer aussi à des conventions sociales : la culture aura toujours un impact dans leur compréhension des signes.

On ne peut clairement attribuer à la couleur un caractère spécifique et arrêté. Rappelons que celle-ci est une longueur d'onde distribuée en unités par convention, et qu'elle dépend aussi de l'appareil récepteur qui est l'oeil. Dans les cas aigus de daltonisme, par exemple, le rouge et le vert ne sont pas différentiables. Pour Jean-Marie Klinkenberg, « le découpage de l'univers n'est pas défini une fois pour toutes. Il est toujours relatif, lié qu'il est au système de connaissances, aux valeurs d'une culture, aux fonctions utilitaires définies par celles-ci. A ce que l'on nommera une encyclopédie. »60. Dans certaines cultures, les couleurs ne sont pas définies de la même manière. Dans une langue du Libéria par exemple, il n'existe que deux couleurs, la première désigne l'ensemble de ce que l'on nomme les couleurs chaudes, et la deuxième les couleurs froides. Dans les langues celtiques, le bleu et le vert n'ont pas de mots à proprement parler, ils sont assimilés au gris et aux marron.

La couleur ne renvoie pas seulement à un objet ou à un concept, elle peut aussi être associée à certains objets toujours par convention. Dans ce cas, la couleur est un modèle : par exemple le vert renvoie à poubelle, pomme, herbe... L'utilisation du vert rappellera automatiquement à l'observateur les différents objets auquel il est associé, par convention donc, mais aussi par habitude.

Illustration 9: Pictogramme d'une chèvre, environs 3000 avant J-C

Outre les couleurs, la construction des
images elle-même dépend de la valeur que
donne la culture aux éléments qui la
composent. Reprenons l'exemple des
pictogrammes datant de l'époque de
l'écriture cunéiforme. Le pictogramme ci-
contre (illustration 9) représente une chèvre.
Dans ce dessin, seuls les éléments jugés
pertinents par la société qui l'utilise sont
représentés : on ne distingue pas quatre
pattes, mais les deux formes partant de la base de l'animal font penser que
celui- ci se déplace sur quatre pattes. De même, la chèvre étant une bête
servant principalement à la nourriture et la transaction, il n'est pas alors utile

59 La symbolique des couleur est expliquée plus en détails dans le dictionnaire des symboles de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, 1969, aux éditions Robert Laffont.

60 Précis de sémiotique générale, op. cité.

de dessiner les yeux ou la gueule de l'animal. En revanche, la queue, touffue et les cornes en forme de croissant sont représentés, car ils ont une valeur commerciale.

L'impact de la culture dans les images qui nous entoure est omniprésente, mais discrète, car tant que nous faisons partie de la culture à laquelle l'image est adaptée, elle nous semble naturelle. Prenons un autre exemple de signe iconique plus actuel : le pictogramme qui représente un café (illustration 10). Cette icône nous renvoie directement à l'image du café, pourtant, l'attribution de ce signe au référent café, est loin d'être inné. Comment savoir que le référent de cette image est le café, alors que le café, en tant que boisson n'est même pas représenté? C'est seulement parce que l'on associe cette forme de tasse en particulier que l'on fait ensuite l'association entre l'image et la boisson.

Illustration 10: Pictogramme du café

Voici comment l'image est interprétée : d'abord, l'image (ou le stimuli) arrive à nos yeux (appareils récepteur du canal visuel), nous reconnaissons en cette image un signifié grâce à sa forme , l'anse, la soucoupe (signifié), ce qui nous permet de classer l'objet dans un type. Nous faisons alors appel à notre encyclopédie, c'est à dire au répertoire de choses et objets connus, et par comparaison, associons l'image à un récipient. Enfin, parmi les autres objets du type récipient, nous identifions la tasse à café en comparant les propriétés (le signifié) de l'image avec les propriétés des tasses à café que nous avons déjà expérimenté (nous faisons donc encore appel à notre connaissance encyclopédique). Mais l'interprétation ne s'arrête pas là : par convention, nous savons que représenter une tasse à café se rapporte au café. La tasse devient alors un signe de type indice.

L'image ne pas non plus être arrêtée à une signification donnée. Elle peut avoir diverses fonctions en fonction du contexte où elle se trouve : la silhouette d'une vache (illustration 11) aura une fonction référentielle chez le boucher(1), référentielle et conative sur un panneau de la route(2), et métasémiotique sur un abécédaire(3)61.

61 Voir les différentes fonctions d'un message, p. 24.

Illustration 11: Trois fonctions du signe représentant la vache, sur une affiche de boucher(1), un panneau du code de la route (2), et un abécédaire (3).

Pour reprendre l'exemple du pictogramme du café, si il est indiqué sur un une carte de menu, en tant qu'insigne sur un bâtiment, il aura une signification différente : dans le premier cas il symbolise la boisson, mais dans le deuxième cas, il indiquera que le bâtiment est un café (un endroit où on sert le café).

De la même manière, c'est toujours en fonction de l'usage auquel on réserve un signe iconique que l'on opte pour tel ou tel type de transformation. Pour être transformé en un panneau situé sur la route qui indique la présence d'un café (l'échoppe), le référent doit être agrandit, schématisé, transformé en aplat. Ce qui implique des transformations de type géométrique et analytique. Alors qu'un café représenté sur une boite de café ne subira pas pas forcément de transformation analytique, surtout dans le cas où c'est une photo.

Le signe comme trace d'un code

Mais le signe visuel n'est pas le seul à être influencé par la culture. Ce sont des codes précis qui nous permet d'associer un signifiant à un signifié, et donc à l'objet que le signe substitue. La décision sémiotique, c'est à dire la décision d'attribuer une chose à une signification s'appuie à la fois sur la connaissance de l'équivalent proposé par un autre code dans une société équivalente, et la connaissance des circonstances dans lesquelles cette équivalence est valable. L'objet, l'image ou le phénomène ne prennent donc la valeur de signe que sous certaines conditions.

Hors, pour Jean-Marie Klinkengerg62, le mot « code » lui-même semble renvoyer à une convention établie entre les humains. Ce sont ces mêmes codes définis par conventions qui transforment les stimulus en référents porteurs de sens. Des données naturelles peuvent par exemple devenir des

62 Dans son livre Précis de sémiotique générale, op.cité.

signes culturels : la nature elle-même ne nous envoie pas de signe, c'est donc bien le code qui transforme un objet en signe. Par exemple, le type de plante poussant à un endroit indiquera la qualité de la terre, mais c'est seulement parce qu'auparavant on a dû répertorier le type de plante poussant selon tel ou tel type de sol. Une fois qu'un objet est reconnu par les mêmes membres d'une société, il devient convention, et fait alors partie d'un code donné, ici, le code des plantes. « Se référer à un signe, c'est donc ipso facto se reporter à une culture donnée ». Ce sont donc les membres d'une même communauté qui attribuent un signifiant à un signifié.

Toute forme de langage est propre à un groupement humain. Selon Saussure, "un ensemble de conventions nécessaires adoptées par le corps social pour permettre l'usage de la faculté du langage chez les individus"63. Le langage est normé (par les codes) et conventionnel. Il est donc difficile de penser qu'un langage puisse être commun à toutes les cultures.

Si l'on se réfère à internet, on peut avoir de prime abord que les codes qui y sont utilisés sont universels, mais cet aprioris n'est pas exacte : en réalité les sites internationaux comme Facebook ou Twitter n'utilisent pas des codes universels mais occidentaux. Les sites provenant du japon par exemple, nous sont souvent inaccessibles, car non seulement ils utilisent un langage que nous ne pouvons pas nous approprier avec les claviers de type azerty ou querty (il est donc impossible avec ce type de matériel d'effectuer une recherche avec les mots-clefs renvoyant au site), mais ils utilisent aussi des codes qui leurs sont propres. Internet ne tend pas à unifier les codes et les langages, mais bien à les occidentaliser.

Hormis l'aspect culturel du langage, il y a aussi un aspect individuel à ne pas omettre. C'est toujours un contexte qui donne son statut au signe, et c'est aussi le contexte qui détermine son type, qu'il soit iconique ou symbolique. Même dans un code donné, un signe peut avoir plusieurs significations, c'est la condition d'apparition du signe, sa catégorie d'appartenance et sa situation précise dans le temps et l'espace qui lui donne une signification particulière et unique. Le contexte est fonction de l'individu : de sa situation, sa condition, ses aprioris, les groupements auxquels il appartient...

Construire une structure universelle et commune des signes est utopiste, car l'individu a, par rapport au signe, plusieurs niveaux d'interprétation et de reconnaissance. Qu'est-ce qui est, dans un signe, à la fois collectif et invariant, et au contraire individuel et momentané?

Il existe quatre niveaux d'interprétation d'un signe, prenons la couleur rouge à titre d'exemple :

· Physique (ou scientifique) : dans le spectre de la lumière visible, le rouge a la plus forte longueur d'ondes.

· Universel : le rouge est universellement (du moins du point de vue humain) interprété comme symbole de violence, de danger et d'agressivité, car en tant que modèle, le rouge renvoie au sang.

· Culturel : dans la culture japonaise traditionnelle, le rouge, porté par

63 Ferdinand de Saussure (1972 [1916]) : Cours de linguistique générale.

les femmes, symbolise la sincérité et le bonheur.

· Personnel : une personne attachée aux voitures de luxe aura tendance à associer le rouge à une marque de voiture en particulier, alors qu'un passionné d'art aura plutôt tendance

· Momentané : si dans une situation neutre, le rouge aura tendance à indiquer un danger (sur les panneaux de la route par exemple), dans une autre situation, intime par exemple, il sera symbole de passion et d'érotisme.

Vers l'élaboration d'un modèle transposable

Si le langage universel est impossible à réaliser, comment transmettre un message de sorte qu'il soit accessible, compréhensible par tous, et qu'il ne souffre pas d'ambiguïté?

Si les langages sont divers et variés et qu'ils ont tous leurs fonctionnement propre, on peut cependant retrouver des mécanismes et des structures similaires dans chacun d'entre eux, nous venons d'en faire l'expérience dans cette partie en analysant ces mécanismes de manière cursive.

La sémiotique nous prouve aussi que dans chaque langage il y a des éléments similaires, puisque cette discipline étudie les mécanismes de la signification dans sa production, son codage sa transmission. Autrement dit elle étudie les méthodes de production et de réception des signes. La sémiotique nous fourni donc un outil nous permettant de décomposer et de comprendre le signe de telle sorte qu'il devient possible de comprendre une relation entre signifié et signifiant même si on ne fait pas partie de la culture qui en établi les codes.

Dans la structure du signe, nous pouvons discerner les éléments propre à un signe particulier dans des conditions données, mais aussi une structure qui est similaire dans tout signe du même type.

Illustration 12: Structure du signe iconique

Dans le signe iconique (illustration 12), nous distinguons à la fois les éléments spécifiques au signe, mais aussi les éléments qui permettent aux stimuli, au signifiant, au type et au référent de communiquer entre eux. Ces derniers sont en fait des éléments du processus de structuration du signe que l'on nommera éléments grammaticaux.

Le mot grammaire désigne à la fois un dispositif producteur d'énoncés (par exemple le livre de grammaire) et la description de ce dispositif. Dans le sens non prescriptif du terme, c'est donc un dispositif qui produit les énoncés d'une sémiotique. Dans le construction sémiotique il y a :

· les règles qui déterminent la construction des unités.

· celles qui président à leur combinaison, autrement dit aux règles de syntaxe du signe.

· celles qui président à l'usage pragmatique des unités.

Par exemple, en cuisine, les unités sont l'entrée, le plat et le dessert. A l'intérieur de ces unités il y a des sous unités, comme les viandes, les légumes et les féculent, et de plus petites unités encore qui sont sucré, salé, chaud ou froid. La grammaire d'une cuisine détermine la syntaxe, soit l'ordre des plats, leur coordination, leur hiérarchie, et les sous-unités qui doivent participer aux unités plus importantes. Même si les éléments du repas changent, un repas cohérent doit suivre une grammaire particulière.

Rappelons que dans l'élaboration sémiotique, la combinaison des unités est primordiale, puisque c'est cette même combinaison qui donne sa signification au signe.

Mais élaborer une grammaire universelle et commune à toutes les sémiotiques est aussi utopiste que de vouloir créer un langage universel.

Pour commencer, les sémioticiens ne sont pas d'accord sur la structure du signe (illustration 13). Certains l'envisagent selon un modèle triadique64 (en triangle) et d'autres selon un modèle tétradique65 (en carré). Ce qui pose déjà un problème de formulation de cette structure. Mais à l'intérieur même de la représentation tétradique du signe, il y a des différences de structures entre le modèle du signe au sens stric et celui du signe iconique (voir illustration 12) où le référent et le stimulus sont directement liés d'une part, et où le type remplace le signifié. Le signe visuel lui-même peut avoir des divergences de modèle suivant qu'il est de type iconique ou de type plastique : on distingue ainsi nettement le signifiant iconique aux unités discrètes reconnaissables, et le signifiant plastique aux unités plus floues et variables.

La structure du signe dépend d'abord de sa nature.

Illustration 13: Les deux principaux modèles sémiotiques

Pour qu'une grammaire soit applicable d'un signe à l'autre, ces signes doivent donc être du même type. Hors on sait que la typologie d'un signe dépend à la fois du contexte et de l'individu.

Pour rendre une grammaire transposable, il faut donc définir de manière stricte la typologie et le contexte des signes sur lesquels appliquer la transposition. Si les signes sont de type différent ou employés dans un contexte différent, leur structure sera forcément différente. L'emploi d'une structure erronée nuit gravement à l'interprétation du signe, voir la modifie totalement.

En revanche, dans l'emploi de signes similaires, il est possible de poser les structures rigides, qui seraient la grammaire, à l'intérieur desquelles transiteraient des éléments interchangeables, les éléments du signe. Avec ce type de fonctionnement, il serait en théorie possible de traduire le signe et l'adapter à une culture différente en changeant simplement les éléments de

64 Le modèle triadique du signe a été mise en place par Charles Sanders Pierce (1839-1914) dans son ouvrage intitulé Écrits sur le signe.

65 Précis de sémiotique générale, p.93, op.cité.

structure pré-établis dans ce signe. Autrement dit, d'effectuer une opération de transcodage.

Pour cela, il faut commencer par établir des modèles de visualisation. III Comment visualiser l'information?

Dans le chapitre suivant, nous allons donc nous concentrer à élaborer un modèle de visualisation en nous appuyant sur les recherches préalablement effectuées sur le langage, et surtout sur les enjeux de la visualisation des informations. Définir des lois président à la spatialisation des visualisations, une grammaire qui puisse être transposable. Pour cela, nous proposerons des règles à suivre pour obtenir une visualisation efficace et pertinente.

Mais pour commencer, pourquoi visualiser de l'information?

Nous devons optimiser la visualisation des informations pour gérer leur complexité. La visualisation sert à trier, comprendre, voir, « se représenter » comme le dit si justement l'expression, les informations plus rapidement et systématiquement.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote