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Le pilotage maritime dans l'Union Européenne: statuts, organisations et responsabilités civiles des pilotes en 2010

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par Pierre CASTETZ
Université du Havre faculté des affaires internationales - Master 2 droit de la mer et des activités portuaires 2009
  

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II ) Les responsabilités civiles résultant de l'organisation du pilotage

La responsabilité civile est par définition l'obligation légale de réparer le préjudice causé à autrui dans l'exercice d'une action, par inexécution d'un contrat ou de toute action dommageable commise par soi même, ou par une personne qui dépend de soi, ou par une chose dont on a juridiquement la garde61. Elle vise à réparer, non à sanctionner.

Le capitaine restant maître incontesté de son navire, encore faut-il comprendre dans quelle mesure le pilote, ou son employeur, qu'il soit l'État par voie directe, ou qu'il dépende d'une organisation exclusivement dédiée au service, pourraient-ils voir leurs responsabilités recherchées en cas de dommage.

En effet, même si le pilote est largement reconnu comme travailleur indépendant en Europe, mais restant néanmoins très largement sous tutelle de l'État pour sa nomination, cela a entraîné, légitimement, non seulement des recherches des responsabilité du pilote provenant des tiers, mais aussi, plus étonnamment, des tentatives de recours contre les structures organisatrices du pilotage ou l' état qui certifie les pilotes ou qui les emploie.

A) Cas de responsabilité de l'autorité compétente organisatrice du service

D'une façon générale, en Europe, en raison de leur statut d'agents publics d'états ou de fonctionnaires reconnu dans certains pays, ou tout simplement par le lien qui lie un pilote à son employeur, la recherche de responsabilité en cas de dommage pourrait introduire la responsabilité soit de l'état lui même, ou de son représentant, ou d'un employeur privé, dans les opérations de pilotage. En effet, parce que dans la plupart des pays d'Europe, nous l'avons vu, l'administration de l'état détient le pouvoir d'autoriser des pilotes à exercer leur métier, et parce que, dans quelques uns de ces pays, les pilotes sont directement employés par l'administration, ou parfois même par des sociétés, ou des autorités portuaires, la responsabilité des autorités ayant certifiées, formées et autorisées à exercer, peut être soulevée.

61 La garde juridique est le pouvoir de contrôler et d'utiliser à ses fins une choses que l'on utilise.

En premier lieu, et nous allons le voir, des cas de litiges ont été rencontrés et jugés en Angleterre, au sujet des obligations des pilotes vis à vis de leur employeur général, dans un pays où les pilotes sont liés62 à une autorité portuaire (du type CHA), par un contrat de travail.

i) Les problèmes émanant d'un contrat de travail conclu avec une autorité compétente

En Angleterre, en octobre 1988, la dernière version de la loi sur le pilotage datant de 1987 est adoptée, transférant l'organisation du pilotage aux autorités portuaires des ports anglais, les CHA.

Abrogeant, les anciennes dispositions de la loi de 1913, elle complète les modalités sur les conditions d'emploi des pilotes, stipulant (article 4) que les pilotes d'un port peuvent être autorisés à exercer par l'autorité portuaire du CHA, et exercer soit directement employés par un CHA ou exercer comme travailleurs indépendants, si les pilotes le décident à la majorité lors d'une élection obligatoire.

Cependant, ces dernières années, plusieurs décisions ont mis en lumière la nature parfois considérée comme oppressive de certaines obligations exigées à des pilotes qui se trouvent soumis à un contrat d'emploi avec un CHA. L'un de ces cas a fait jurisprudence en Angleterre, renforçant la loi de 1987.

Le 11 décembre 2001, (voir annexe 3 Case TGWU v Associated British Ports No A2/2001/2505 Court of Appeal Civil Division) la division civil de la Cour d'appel a confirmé dans le paragraphe 11, pour le cas des pilotes de la Tamise, que ces derniers peuvent être employés soit par le CHA ou être des travailleurs indépendants, et qu'ils sont, en vertu de l'application de l'article 4 de la pilotage act 1987, tout à fait libres de refuser une offre d'emploi même permanente, proposée par un CHA et, le cas échéant, travaillent comme des travailleurs autonomes, par le biais d'une coopération entre pilotes « self-employed » si ils le désirent.

62 Pilot mag N° 290 traduction : « Tout récemment, en Décembre 2001, la Cour d'appel a confirmé que les pilotes peuvent soit être employés par le CHA pertinent ou, alternativement, être des travailleurs indépendants. En vertu de l'article 4 de la loi, après l'accord de la majorité des pilotes d'un port, le CHA n'a aucune obligation d'offrir des conditions de l'emploi. Lorsqu'une telle coopération existe le pilote n'est pas lié par un contrat de travail, et donc cela évite des situations périlleuse telles que celles connues au sud du Pays de Galles, ou sur la rivière Clyde.»

La loi anglaise donne la possibilité à l'autorité du port d'autoriser un pilote à exercer, mais la délivrance de cette autorisation ne se limite pas seulement aux pilotes qui sont employés par cette autorité portuaire.

Selon Barry Youde, dans le cas de pilotes qui travaillent sous contrat avec un CHA, « il y a eu au moins six cas récents dans lesquels il fut considéré que des pilotes avaient commis des infractions, simplement à cause du fait qu'ils auraient outrepassés les termes de leur contrat de travail avec un CHA, à terre, sans même qu'un navire piloté ne soit impliqué. Ces cas d'infractions connus furent tous classés comme grave désobéissance relative aux termes du contrat de travail, alors qu'ils n'avaient qu'osé mettre en doute les requêtes d'une autorité portuaire ».

Dans ces cas, le pilote a contesté la demande d'un agent du CHA pour des raisons de sécurité, l'officier du CHA ne détenant aucune qualification ni d'expérience dans le pilotage, et dans aucun des cas jugés, il n'a été suggéré que l'incompétence, affectant sa capacité à piloter, ou la faute du pilote ne puissent être retenues.

Non seulement le pilote peut être tenu responsable civilement et pénalement, mais, choisissant la prudence et limitant la prise de risque, il s'exposerait ainsi à de graves sanctions, pouvant lui causer des déboires financiers, alors même qu'il voulait se prémunir de certain risque d'accident qui aurait pu lui causer de lourdes mises en cause devant un tribunal civil; et d'après Kevin Austen ( Barlow, Clyde & Gilbert), « il prend alors le risque de se retrouver face à des sanctions disciplinaires prises par son employeur, le CHA, qui lui seront certainement bien plus préjudiciable personnellement que s'il n'avait répondu de ses actes lui même en responsabilité civil pour des dommages causés ».

Pourtant, dans ces cas, les tribunaux ont conclu que, en vertu du contrat de travail, le pilote est obligé d'accepter la parole d'un agent du CHA ; que le pilote avait rompu les termes du contrat et que la révocation du pilote par la CHA était donc appropriée vertu de l'article 3 (5) de la loi sur le pilotage de 1987.

Les raisons de telles difficultés entre l'employeur et les pilotes proviennent du remaniement de la loi de pilotage Anglaise en 1987.

Les pilotes devraient sans aucun doute être traités différemment des autres employés, en cas de refus d'obéissance, en raison des risques engagés, et des conséquences de dommages possibles, encourus lors de manoeuvres délicates.

L'indépendance du pilote reste donc primordiale, de par son jugement, son professionnalisme et surtout son expérience maritime.

Cependant cela ne semble pas être l'avis de certaines autorités portuaires. Récemment, trois pilotes ont communiqués une lettre avertissant le CHA de leur refus d'amarrer un navire qui était surchargé, ne permettant donc pas d'entrer dans le port en respectant les minimums requis de clair sous quille conclus entre les pilotes et le port. Quand l'un des pilotes a protesté, alléguant que son jugement professionnel était remis en question par l'un des fonctionnaires du CHA, celui-ci répondit que « les règles disciplinaire d'un CHA s'appliquent à tous les salariés sans que les pilotes ne fassent exception63 ».

Selon Dr A.G.Corbet, de l'Université de Galles à Cardiff, « il y a aussi des risques de perdre son gagne pain, car outre le fait de perdre son autorisation à travailler comme pilote, il détient aussi un brevet de capitaine ou d'officier, qu'il risquerait de perdre par la même occasion. Le pilote perdrait donc sa deuxième chance de travailler comme naviguant ».

Dans ce sens, ce que les autorités d'un port peuvent omettre d'apprécier serait que le pilote est justement un employé différent des salariés de la société, notamment parce qu'il engage sa responsabilité civile une fois qu'il est à bord, que les dommages, avaries, et pertes conséquentes à un incident maritime seront importantes, et qu'il peut aussi et surtout être emprisonné64 ou punis de sanctions disciplinaire65 prévues par la loi nationale de son pays pour ses actions ou omissions alors qu'il se trouve à bord.

Bien qu'il existe peu pour le moment, hormis en Angleterre, de cas connus de telles sanctions, appliquées pour désobéissance d'un pilote, ce qui vraisemblablement ne peut advenir qu'en cas de danger à la navigation, d'impossibilité notoire de piloter en toute sécurité, à cause de circonstances exceptionnelles liées à la hauteur d'eau disponible, aux conditions météorologiques, ou à l'état de navigabilité d'un navire, dont seuls les marins professionnels, pilotes, et capitaines ne peuvent prétendre connaître les détails, et qui surtout, seuls en subiront les conséquences.

63 Source Barrie Youde

64 Selon la Pilotage Act 1987 c. 21 17 une personne qui commet des fautes disciplinaires telles que celles contenus dans la dite loi seront soumis à des peines de prison allant de 6 mois à 1 an maximum, à des peines d'emprisonnement ou aux deux

65 Selon F. Laffoucrière : « La responsabilité disciplinaire est l'obligation de répondre des comportements fautifs commis par des personnes au sein d'un groupe de personnes ayant la même qualité ».

D'une façon générale, si de tels cas se réitèrent, il pourrait être nécessaire de recevoir l'avis d'autres pilotes professionnels, avant d'en tirer trop tôt des mesures disciplinaires que le pilote pourrait subir alors même qu'il souhaitait se prémunir d'un danger.

Outre les rapports qu'un pilotes peut avoir avec son employeur, il conviendrait alors de réétudier les obligations normales du pilote, vis à vis du navire qu'il va servir.

Selon Dave Devey, pilote à Liverpool, « Quand un pilote est à bord un navire il cesse d'être un employé du CHA, mais devient l'employé de l'armateur, le CHA devenant son employeur général66».

Cette situation soustrait alors les obligations normales du pilote employé d'une entreprise au profit d'une certaine indépendance du travailleur, responsable totalement de ces actes, comme le serait un médecin du travail, employé d'une société, mais qui agit en toute « indépendance technique et morale67».

Aucun autre salarié d'une organisation en charge du pilotage ne pourrait détenir cette position unique. Certains pilotes pourraient donc être tentés d'un revirement de situation, un retour en arrière, vers l'indépendance du pilote vis à vis des autorités portuaires.

Mais, toutefois, les pilotes pourraient intenter des actions en justice. Mais le retour en arrière pourrait certainement être refusé par les tribunaux depuis le catastrophe du Sea Empress68 si, par exemple, un jeune pilote qui remplacerait le pilote souhaitant son indépendance, manque d'expérience au regard de celle du pilote déjà autorisé et employé par l'autorité portuaire.

66 Dave Devey concerned ret. Liverpool Pilot

67 La médecine dans l'entreprise par Christophe De Brouwer « Le concept trouve son origine dans la recommandation 111 de 1959 de L'OIT, sans pour autant être explicité. La loi de protection des médecins du travail est charpentée autour de cette notion. Ce sont des travailleurs protégés (...) que leur statut soit indépendant, salariés, ou statutaire. La protection s'exerce vis à vis de l'employeur qui rémunère le médecin du travail. Un employeur ne peut se séparer d'un médecin du travail s'il y a atteinte à l'indépendance technique et morale du médecin du travail».

68 « En 1999, devant la Haute Cour, suite à la catastrophe du Sea Empress à Milford Haven de 1996, l'Autorité Harbour CHA de Milford Haven a plaidé coupable pour pollution, pour la raison qu'elle avait engagé dans une opération de pilotage un pilote qui avait reçu une formation insuffisante et dont l'expérience qu'il possédait ne lui aurait pas permis d'exécuter la tâche de pilotage qu'on lui demandait ».

ii) Les pilotes, des professionnels à l'indépendance juridique reconnue

La loi a traditionnellement considéré le pilote maritime comme un employé de l'armateur, employé le temps de son service de pilotage à bord.

A ce sujet l'OMI, est très clair, retenant que le capitaine reste maitre de son navire tout au long du pilotage ; la résolution69 IMO A.920 (23), adoptée le 5 décembre 2003, déclare en Annexe 2, que :

« Malgré les responsabilités et obligations du pilotage, la présence d'un pilote à bord d'un navire ne relève pas le commandant ou l'un de ses officiers en charge du quart à la passerelle de leurs responsabilité et obligation pour la sécurité du navire ».

La résolution déclare également que le pilote peut à tout moment refuser le pilotage quand le navire à piloter présente un danger à la sécurité de la navigation ou à l'environnement.

Au cours des années, le niveau d'indépendance du pilote et la nature de la relation légale, entre l'armateur et le pilote a fait l'objet de nombreuses délibérations devant les tribunaux.

Des cas ont fait jurisprudence, dont notamment en Angleterre, et ont solidairement établis qu'un employeur ne pourrait avoir à supporter les dépenses admises suites à une négligence du pilote. Deux cas font jurisprudence outre-manche :

En Angleterre, en 1989, la Chambre des Lords a rendu un arrêt se prononçant sur les rapports de responsabilité d'un pilote employé par une autorité portuaire anglaise. L'arrêt rendu concerne l'affaire entre le ESSO Bernicia contre Russell Hall. Cet arrêt est unique en son genre. En effet, à cet époque, la plupart des pilotes anglais étaient indépendants, « self-employed ». Le navire Esso Bernicia, était à ce moment piloté par un pilote employé par un CHA. Le propriétaire de l'appontement endommagé par le pétrolier intenta une action contre l'armateur, qui s'est directement retourné contre le CHA qui employait le pilote pour présomption de responsabilité à l'encontre du pilote pour négligence. Cet arrêt, aussi connu sous le nom « the Sullum Voe case » a mis en évidence le fait que même lorsqu'un pilote est employé par une autorité portuaire, l'autorité ne sera pas tenue pour responsable des négligences commises par celui-ci;

69 IMO A.920 (23) « Recommendations on Operational Procedures for Maritime Pilots other than Deep Sea Pilots

l'armateur considérant que le recouvrement du montant des dommages importants causés au quai serait beaucoup plus facile en les réclamants au CHA plutôt qu'au pilote. L'arrêt rendu par la Chambre n'a pas retenu de responsabilité contre l'administration portuaire, affirmant qu'un pilote « est un professionnel indépendant qui conduit le navire seul et comme préposé de employeur ».

En 1993, en Angleterre aussi, une nouvelle tentative a été menée afin qu'une autorité portuaire anglaise soit considérée responsable de négligence d'un pilote qu'elle emploie. C'est le cas du gazier Cavendish. Les demandeurs ont fait valoir le fait que les demandes exprimées pour le Bernicia Esso avait pris naissance avant l'introduction de la nouvelle de loi de 1987 ( pilotage act 1987) et que l'introduction de cette loi modifia la situation juridique du pilote, parce qu'il appartient désormais à l'autorité portuaire de délivrer les autorisations de pilotage, c'est à dire de certifier les pilotes ; la Haute Cour a retenu que la loi de 1987 n'avait pas modifié la situation juridique de celui-ci et donc que le pilote reste un professionnel indépendant et qu'il n'est pas le préposé ou mandataire de quelqu'un70.

Le principe de responsabilité du pilote chez les anglais n'est autre que celui de la Bible71, bien plus qu'une doctrine religieuse, incorporé au droit maritime du pilotage anglais, son fondement provenant du fait que personne ne pourrait dépendre de deux employeurs à la fois, ne pouvant travailler à la fois pour le compte d'une autorité portuaire, et pour le navire qu'il pilote : « No man can serve two masters ».

Cette décision a, pour la jurisprudence anglaise, fait directement devenir l'armateur comme employeur unique du pilote à partir du moment où celui ci est monté à bord du navire. Le juge a déclaré qu'une fois ce principe établi, un employé ne pouvant prétendre avoir deux employeurs, écarte la possibilité d'être aussi considéré comme employé de son employeur général, c'est à dire le CHA, le pilote devenant un employé, et un employé seulement de l'armateur.

70 Source pilot mag N°293

71 La Bible Gospel / St Matthieu, Chapitre 6 verset 24

La court a finalement retenu que selon cette même section 2 de la loi de 1987, l'autorité portuaire doit fournir un pilote compétent mais n'est pas responsable du pilotage en lui même, cette dernière responsabilité étant supportée par le pilote lui même.

Ce statut de travailleur indépendant n'est pas unique à l'Angleterre.

A ce propos, en Hollande, il est reconnu que tout faute commise par une autorité administrative engage des indemnités, et que cette obligation est reprise en droit privé pour les entreprises et les personnes privées : « As far as damage concerned, administrative autorities are subjected to the same rules as private persons and companies72 ». La logique voudrait donc que l'organisation du pilotage, qui est dans ce pays privatisée73, engage sa responsabilité. Au contraire, en 2005, la cour du district de Rotterdam a confirmée l'indépendance des pilotes après qu'un navire en route de sortie pour le canal de la mer du Nord sous la supervision d'un pilote, ait subie des dommages. Le propriétaire du navire a exercé un recours auprès de Nederlands loddswezen B.V parce qu'il avait commandé son pilote auprès de cette compagnie, mais la court a retenu que, malgré l'existence de cette compagnie privée, les pilotes agissent comme des professionnels « indépendants et autonomes » mettant en jeu leur propre responsabilité pour tous dommages qu'ils peuvent créer74.

Au sujet de cette indépendance, rappelons qu'en France, la décision de la cour d'appel de Rouen dans l'affaire « Le Squire C/ synd. Pilote de seine », considère le pilote comme une personnalité indépendante, hors de tout lien de subordination vis à vis du capitaine ; le pilote étant à la disposition du capitaine, mais conservant son indépendance : il n'est ni un subordonné, ni un préposé75.

Les pilotes européens exercent une fonction dont la position est singulière et inhabituelle, et dont les réglementations actuelles sur la question posent le principe de non redevabilité envers un quelconque employeur. Les pilotes disposent d'une indépendance de jugement professionnel absolument incompatible avec des contraintes de résultats, faces aux engagements ou aux obligations générales liées à l'obéissance qui serait normalement due d'un employé envers son employeur.

72 C Goorden « Algemeen bestuursrecht compact » 4 editie Elsevier Den Haag 2003 page 41/43.

73 Les pilotes Hollandais sont devenus des professionnels indépendants, par privatisation en 1988.

74 Supreme court 04 février 2000, NJ 2000/429 Navire Solon

75 CA Rouen, 29 avril 1966, le squire C/synd. Pilote de seine, Cie ch.Schiaffino et Enim, DMF 66, p426.

iii) La responsabiité de l'État

Pour ce qui est de la responsabilité de l'État dans des litiges liés à une activité de pilotage, il est généralement reconnu que dans les pays d'Europe où l'état agit comme organisateur du service, aucune recherche de responsabilité contre celui-ci ne pourrait être retenue. Cependant, un examen de la jurisprudence dans le domaine montre dans certains pays une réelle évolution et d'importantes modifications récentes de la loi.

En Espagne, avant l'entrée en vigueur de la loi de 1992 sur la loi des ports et de la Marine Marchande, des demandeurs espagnols ont obtenus gains de cause, et on réussit à ce que le jugement de la court suprême considère finalement l'autorité portuaire responsable des faits de négligence du pilote, tenant compte du fait que les anciennes lois de 1958 sur le pilotage, maintenant remplacées par la LPEMM de 1992 et par le Règlement Général du Pilotage du 1er mars 1996, faisaient référence à des pilotes fonctionnaires d' État, et donc directement soumis à l'autorité nationale du pays ( en Espagne, les lois de 1992 ont réorganisé le pilotage, bâti maintenant sur le modèle Français, Italien ou Hollandais, et engageant des pilotes « self-employed, indépendants », organisés en structures privées).

Auparavant, avant la modification de la loi espagnole, le Belgique avait aussi retenu une décision marquante établissant la responsabilité de l'État pour faute commise par ses pilotes dans le cas du navire Ore Prince, dit cas de l'Escault76. Mais la loi a connu en Belgique un revirement de situation important, car en effet, une loi a été adoptée le 30 août 1988 afin de contrer les effets de cette jurisprudence, loi qui a été modifiée en 2001 afin de supprimer son effet rétroactif. La cour de Cassation belge mettant en cause la responsabilité de l'État, celle-ci pouvait craindre les conséquences désastreuses d'une telle décision pour les finances du pays, les législateurs ont logiquement souhaité modifier la loi.

76 Cas de l'Escault DMF 1985, N°12 MS Ore Prince

Suite à la jurisprudence « Ore Prince », la loi du 30 août 1988 a prévu que la responsabilité de l'administration ne puisse plus être mise en cause. Elle dispose que « l'organisateur d'un service de pilotage ne peut être rendu, directement ou indirectement, responsable d'un dommage subi ou causé par le navire piloté, lorsque ce dommage résulte d'une faute de l'organisation elle-même ou d'un membre de son personnel agissant dans l'exercice de ses fonctions, que cette faute consiste en un fait ou une omission ».

En Espagne et en Belgique, bien que ces deux pays ne possèdent pas le même statut du pilote, le premier étant de type indépendant, proche du modèle français, le deuxième étant fonctionnaire, ont tous deux subis récemment une modification de leur réglementation afin d'éviter des recours contre l'administration. Contrairement à l'Angleterre, qui est un pays de tradition de droit du Common Law, l'Espagne et la Belgique sont des pays de droit de tradition civiliste, qui accordent bien plus d'importance à la loi qu'aux jurisprudences. Alors qu'outre-manche, la création des principes juridiques est laissée aux tribunaux par leurs décisions, les pays romano-germanique comme l'Espagne et la Belgique ont préféré réviser la loi.

Le pilote ne devrait donc pas être considéré comme un employé classique d'un service public. En ce sens, cela s'applique aussi à ses responsabilités, il supporte les responsabilités de son activité, au même sens qu'une personne indépendante. Et, plus que tout, il convient aussi d'ajouter que les parties qui subissent les dommages, les navires ou des tiers, ne pourraient pas non plus être traitées de la même manière qu'une victime classique d'un service publique77, rappelant que ces personnes, disposent d'un droit maritime qui leur ait propre, dont les risques sont couverts par des assurances, et qui peuvent à tout moment invoquer des limitations de responsabilités, notamment, les propriétaires des navires.

En Belgique la loi exonère complètement l'État de toute responsabilité, car la loi insère un article 3 bis dans l'ancienne loi, et institue le fait que :

77 Olivier De Schutter, Sébastien Van Drooghenbroeck, extrait du livre page 440 droit international des droits de l'homme devant le juge national, collection : les grands arrêts de la jurisprudence belge, Arrêt N25/90, Pilotage des bâtiments de mer, modification rétroactive des régimes de responsabilité, par Olivier De Schutter,Sébastien Van Drooghenbroeck.

« L'organisateur de service pilotage ne peut être rendu responsable, de quelque manière que ce soit, d'un dommage subi ou causé par le navire piloté, lorsque ce dommage résulte d'une faute :

a) de l'organisateur du service pilotage lui même

b) d'un membre de son personnel agissant dans l'exercice de ses fonctions, et peu importe que la faute consiste en un fait ou une omission ».

Par ailleurs, l'exemption de responsabilité de l'État belge concerne aussi les dommages qui résultent « d'une défaillance ou d'un vice des appareils destinés à fournir des informations ou des directives aux bâtiments de mer ». Dès lors, l'État est exempté de responsabilité en cas de défaillance d'un service de guidage des navires par radars.

La Belgique est donc très largement exemptée de toute responsabilité en cas de dommage intervenant au cours d'un pilotage. Le législateur s'est évertué à mettre à néant les effets pécuniaires de la jurisprudence Ore prince.

Certains autres pays, dans lesquels le pilotage possède un niveau important de gestion de l'État, prennent des dispositions équivalentes. Au Danemark, aucune demande de réparation ne pourra être demandée auprès du trésor public danois.

De la même manière, l'État Suédois, selon le code ( Skadeståndslagen 1972:207) ne pourra pas être tenu responsable pour faute ou négligence dans le pilotage, le pilote étant considéré comme un employé temporaire de l'armateur78.

78 Göteborg 19 aout 1998 ND 1998 Navire Birta : En aout 1998, un pilote de canal, pilotant sur la rivière Gota a été poursuivi parce qu'il n'avait pas emporté suffisamment d'eau de refroidissement des moteurs dans les ballasts du navire, causant des problèmes de propulsion et ayant failli causer une collision grave, chronique de droit maritime suédois, 1998- 1999, par Hugo Tiberg.

L'incident fut classé sans appel, la cour ayant jugé que cette obligation m'incombait pas au pilote, mais donc bien au capitaine.

Peu de jurisprudence existant à ce sujet, il paraît néanmoins incertain, alors que la plupart des pilotes d'Europe sont considérés comme travailleurs indépendant le temps de l'exécution du contrat, que de telles actions ne soient engagées contre l'État, marquant une certaine impunité des pouvoirs administratifs organisateurs de pilotage.

Cependant, en Norvège, même si la loi établit clairement que l'État ne peut pas non plus être tenu pour responsable d'une faute de l'un de ces pilotes79, une jurisprudence récente est venu compléter ce principe, la responsabilité de l'État étant recherchée pour avoir fourni un pilote jugé pas assez qualifié par la court suprême de Norvège80. Et selon Hugo Tiberg81, de telle décision pourrait faire jurisprudence pour la Suède aussi si une nouvelle affaire se présentait.

79 Ch 3 section 9 de la loi 1972 : 207 relative à la responsabilité civile ( Skadeståndslagen)

80 Nordiske Domme ND 1972 page 93

81 Professeur émérite de l'université de Göteborg, Droit des transports, et droit des exportations.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius