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Du droit de résistance aux abus de pouvoir: une lecture du "second traité du gouvernement civil" de John Locke

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par Victor SETIBO BATUZOLELE
Faculté de philosophie Saint Pierre Canisius - Bachalauréat en philosophie 2002
  

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Chapitre quatrième :

LA DESOBEISSANCE CIVILE AUJOURD'HUI

4.1. Introduction

Comment expliquer le passage du concept de résistance dont parle John Locke à l'expression désobéissance civile ? Il faut dire que les réflexions faites par John Locke sur le gouvernement et les abus de pouvoir nous ont fort interpellés ; elles nous ont renvoyés à ce qui se vit dans le monde actuel. Ainsi, en ce nous concerne, réfléchir sur ce qui nous préoccupe et nous touche de plus près s'inscrirait pas en dehors des limites du présent travail.

Dans ce chapitre, nous parlerons de la résistance civile telle que vécue présentement. Nous en parlerons en termes de désobéissance civile. Mais avant d'en arriver là, la question des abus de pouvoir sera évoquée. A cet effet, nous prendrons l'Afrique d'après les indépendances à nos jours comme modèle illustratif.

4.2. La floraison des tyrans : cas de l'Afrique

Malgré tous les progrès réalisés par les sciences politiques, de nos jours, il est étonnant de constater que les abus de pouvoir continuent à se manifester. Même si de plus en plus, les peuples prennent conscience de leurs droits, jusqu'à les revendiquer, il est un fait : des régimes totalitaires persistent sous diverses formes et continuent à terroriser et à opprimer. Pour les jeunes Etats d'Afrique, c'est depuis les indépendances que nombre d'entre eux n'ont presque jamais connu de stabilité politique.

En effet, la période d'après les indépendances en Afrique a été fortement marquée par des régimes absolus et totalitaires qui se sont succédés. Jusqu'aujourd'hui d'ailleurs, des conséquences sont en train d'être tirées. Ces dernières décennies sont fortement marquées par de fortes turbulences car, ce n'est pas en si peu de temps qu'une démocratie peut s'enraciner dans des sociétés qui n'ont connu que la dictature. C'est un travail de longue haleine : des structures à changer, des mentalités à changer, des peuples à former à la culture démocratique...Il faut l'avouer, qu'ils ne sont pas nombreux, des pays africains qui ont su surmonter les crises de pouvoir pour arriver à des compromis politiques viables pour envisager un avenir meilleur.

En regardant l'Afrique aujourd'hui, la situation qui s'offre à notre observation laisse encore à désirer : d'innombrables abus de pouvoir sont commis chaque jour. C'est ainsi que notre souci est de révéler dans ses lignes de faîte et dans ses traits majeurs, l'image d'ensemble des politiques d'Afrique surtout celle de l'Afrique noire. Qu'est-ce qui en a généré et en génère aujourd'hui encore la face pathologique ?

Ngoma-Binda a raison quand il écrit: << Née d'une impatience sans doute légitimement inquiète, la logique politique d'Afrique noire était dés le départ condamnée à la déficience de par la naïveté originelle des ambitions administratives des ravisseurs du pouvoir et aussi de par les mécanismes logiquement inévitables qu'ils étaient obligés de mettre en route pour le conserver88 ».

Déjà après les indépendances l'Afrique était mal partie. Devenus responsables de manière prématurée, les Africains n'ont pas pu s'y prendre avec lucidité. La catastrophe économique, sociale et culturelle de l'Afrique actuelle n'est que le résultat parfait, la mesure exacte de la défaite d'une gestion politique tournée vers la force, l'arbitraire contre la sagesse, la raison, le discernement, la patience, la justice, le dialogue et la recherche sincère et démocratique de voies de salut d'une communauté nationale. Avec un pouvoir ainsi basé sur la force, on ne peut que tirer des conséquences criantes : misères, extrême pauvreté, sousdéveloppement...Ces conséquences trouvent de plus amples explications quand on analyse de plus près avec Ngoma-Binda89le mode d'accession au pouvoir. A cet effet, trois éléments essentiels apparaissent à l'observation de la scène politique africaine :

Premièrement, il y a le désir fulgurant et comme imprévisible de se porter soi-même au pouvoir dans la volonté d'opérer le changement d'une situation que l'on imagine irrémédiablement catastrophique sans sa sainte intervention. Des interventions militaires dans la politique relèvent initialement d'un désir, a priori sincère, de sauver une situation sociale, économique et politique. Ce désir répond à ce que Ngoma-Binda appelle le complexe du militaire.

<< On se croit compétent en matière de gouvernement des nations parce qu'on se sait

physiquement fort, tout comme si le degré d'intelligence d'un individu était directement proportionnel au volume total de ses muscles.90 »

88 Elie NGOMA-BINDA, « La logique du pouvoir politique en Afrique noire. Lecture sociologique de l'avènement des dictatures et partis uniques », in Eglises et démocratisation en Afrique, Actes de la Dix-neuvième Semaine Théologique de Kinshasa (du 21 au 27 novembre 1993 ), FCK, 1994, p. 64.

89 Idem.

90 Ibid., p. 65.

L'intervention des militaires en politique était une réponse agressive à une série de troubles au sein de la classe politique et de situations frustrantes. Les régimes civils ont été jugés faibles, incapables d'assurer l'ordre, la tranquillité et la paix sociale que les efforts de développement économique des nations exigent. Les rivalités au sein de la classe politique sont à comprendre comme une absence de culture politique, même de tradition démocratique. Les ambitions et les rivalités ethniques constituent aussi le fait le fait majeur qui engendre toutes les secousses politiques de l'Afrique noire post-coloniale. Les volontés de pouvoir sont mues par le lien de consanguinité. Ce fait explique une masse d'événements et de phénomènes traduisant des manquements et d'actes d'abus de pouvoir graves. C'était donc une erreur pour le pouvoir politique que de favoriser entre les différents groupes ethniques des déséquilibres sociaux, culturels, économiques et politiques sécrétés par des séries variées de pratiques injustes et discriminatoires installées par le régime colonial et efficacement reconduites et régénérées par la logique politique post-coloniale91.

Ayant fait irruption dans la scène politique, les militaires ont choisi d'imposer des solutions à la militaire. Ils ont fini par prendre du goût au pouvoir jusqu'à vouloir s'y maintenir à jamais. Voulant rester au pouvoir afin de gonfler leurs portefeuilles, les chefs militaires ont transformé le pouvoir en un véritable instrument d'oppression et d'exploitation. C'est précisément de cette manière que nos nations ont été conduites progressivement à la dérive.

Deuxièmement, considérons l'accession au pouvoir par des coups d'Etat. Sur cette question, Ngoma-Binda souligne que les rivalités politiques dont nous avons fait mention précédemment, « aiguisées par la racine ethnique écorchée dans son amour-propre et dans sa volonté de survie, ont fourni le prétexte de la pratique des coups d'Etat militaires, vite devenue comme un jeu régulier, récréatif, rêve frivole de bien des officiers voire des soldats non gradés, dans une manifestation délirante d'une pathologie politique en instance critique92 ».

Dans leur volonté de puissance, les hommes d'armes ont usé de leur force pour s'emparer du pouvoir qu'ils ont utilisé, par après, à leur guise, devenant eux-mêmes des facteurs de confusions politiques. Du jour au lendemain, il y a une succession effroyable des coups d'État. Parce que mécontent, un militaire renverse son prédécesseur, ainsi de suite... Tous ces affrontements n'engagent pas toujours le peuple. C'est simplement parfois à cause

91 Elie NGOMA-BINDA, art. cité, p. 70.

92 Ibid., p. 71.

de ce que John Locke a précisément appelé des « affaires de peu d'importance », c'est-à-dire, des affaires qui ne nécessitent pas le renversement du gouvernement.

Troisièmement, « dans cette implacable logique qui préside à l'accession au pouvoir, l'atmosphère psychologique de peur est inévitable : la peur d'une revanche, en principe tout au moins impitoyable, des ethnies et parents d'homme politiques frustré, destitués, massacrés93 ».

Après avoir renversé un pouvoir, le nouveau pouvoir en place est fiévreusement préoccupé, à l'intérieur comme à l'extérieur, par le choix des dispositifs de sécurité chaque jour plus nombreux, plus variés et plus efficaces. Ceci se fait dans la peur de se voir détrôné, dégradé et dépossédé, sinon de devoir mourir assassiné, toute sa famille avec soi, comme on l'a cyniquement fait pour les autres. On vit donc dans la peur la plus totale. Chaque nouveau coup d'Etat dans un pays voisin, et même dans un pays lointain, ravive les craintes dans les esprits. Et puisqu'on fait un mauvais usage du pouvoir, il y a aussi la crainte de l'abandonner pour être poursuivi plus tard et comparaître devant un tribunal. On est en fin de compte conduit à rechercher et à installer des mécanismes pour mettre hors d'état de nuire toutes oppositions. On s'érige alors président à vie94. Ainsi se fait, presque automatiquement, la suppression de la démocratie dans son principe d'alternance du pouvoir. Et pourtant, les chefs d'Etat lucides devaient comprendre vite que l'exercice trop long du pouvoir ennuie celui qui le détient et ceux qui le subissent.

A l'ère moderne, c'est une sagesse que de résister à la tentation d'assimiler le pouvoir au pouvoir héréditaire ou absolu. « Cette conception du pouvoir est dépassée. Le temps des monarchies ou des tyrannies est révolu. Le leader intelligent et à l'esprit moderne ne restera pas indéfiniment au pouvoir. Il sait que la relève est inévitable puisque nul n'est indispensable. Il rejette l'idée après moi le déluge. Sensible aux aspirations démocratiques des populations, il respecte le droit des autres qui aspirent au pouvoir.95 » Nous défendons ce principe, même s'il va à l'encontre d'un courant de pensée fort répandu en Afrique et selon lequel le pouvoir, en tant que don ce la Providence tolère mal d'être partagé ou abandonné96.

Reconnaissons alors des cas, certes rares, des chefs d'Etat qui ont pu quitter le pouvoir sans aller en prison. A cet effet, les cas de Senghor au Sénégal, de Nyerere en Tanzanie

93 Elie NGOMA-BINDA, art. cité, p. 75.

94 A ce niveau, il y a lieu de penser au président Mobutu qui aurait dit que de son vivant, il ne pouvait jamais être appelé ex-président.

95 Lansiné KABA, Lettre à un ami sur la politique et le bon usage du pouvoir, Paris, Présence Africaine, p. 101.

96 Idem.

parlent d'eux-mêmes. Quelques volontés de démocratie et de paix ont été aussi exprimées par la tenue des conférences nationales. Mais à quoi ont-elles abouties ? Les violations n'ont pas tardé de venir aussitôt après ces forums de réconciliation. Il fallait recommencer à zéro tout le processus démocratique déjà entamé.

Aujourd'hui encore, l'Afrique vit dans la peur de voir se perpétrer des tragédies qui compromettent son avenir. Les faiseurs de coups de force font de promesses de libération, de démocratie dans des discours pathétiques, porteurs d'idéologies révolutionnaires, mobilisatrices et euphoriques. Sauf pour quelques exceptions, ces promesses ont souvent été le point de départ des dictatures.

<< La promesse de démocratie trop sonore est la voie qui prépare à la dictature97 ». Dès qu'il s'installe au sommet du pouvoir, le dictateur entend y rester. S'étant présenté au début comme un fin démocrate, il se dépouille de son masque de démocrate et de révolutionnaire pour dévoiler son vrai visage : celui de tyran. Pour asseoir le pouvoir le tyran met en place certains mécanismes. Quatre mécanismes fondamentaux sont relevés par Ngoma-Binda :

<< 1°La création des partis politiques uniques, 2° la mise sur pied des polices politiques sécrètes chargées d'action impitoyable contre les opposants, 3° la confection des idéologies politiques et méthodes d'action administratives populistes ayant pour rôle de légitimer la gestion du pouvoir par la flatterie des réminiscences et nostalgies culturelles des masses et de se faire accepter à travers l'exigence surévaluée de l'unité nationaliste, et 4° la double stratégie machiavélique d'embourgeoisement des frères et alliés d'une part, propriétaires bénéficiaires du régime, et de paupérisation sévère des intellectuels, fonctionnaires, travailleurs et paysans d'autre part.98 »

De ce qui précède, il découle des conséquences très malheureuses. Les libertés démocratiques, collectives et individuelles sont écrasées. Le parti unique oriente les volontés politiques, les enferme dans ses idéologies soit disant soucieuses de garantir l'unité et écarter les résurgences des haines et luttes tribales. Ayant éliminé l'opposition, la logique politique unitariste ignore le bénéfice du pouvoir contradictoire et a développé l'autoritarisme qui a dégradé l'exercice du pouvoir et empêché la nation de s'orienter vers les véritables voies de développement.

Après avoir eu quelques pressions de l'intérieur ou de l'extérieur, certains anciens dictateurs ont fait semblant de s'ouvrir au courant démocratique en prononçant des discours qui ont semblé changer leur ancien système politique fondamentalement basé sur la domination. Ils ont osé libéraliser l'exercice des activités politiques en autorisant la création

97 Elie NGOMA-BINDA, art. cité, p. 77.

98 Ibid., p. 78.

des partis politiques autres que le parti unique. L'annonce de la tenue des élections libres et démocratiques a été même faite. Et pourtant, pour la plupart de ces Chefs d'Etat, ce n'était qu'une nouvelle manière d'effectuer un retour en force au pouvoir après un trucage à ces dites élections en leur faveur. On va donc d'abus en abus, la situation semble loin de s'améliorer.

Ce tableau qui dépeint les abus de pouvoir et les violations de droits des citoyens en Afrique noire donne à penser. Pour notre part, comme John Locke, nous pensons à la résistance civile. La question qui s'impose à notre réflexion est celle de savoir dans quelle mesure ce droit de résistance peut-il nous être utile aujourd'hui. Est-ce une réalité concrète aujourd'hui ?

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams