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Les conséquences juridiques de l'acquittement devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda

( Télécharger le fichier original )
par Jean- Marie TWAGIRAYEZU
Université nationale du Rwanda - Licence en droit 2007
  

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UNIVERSITE NATIONALE DU RWANDA

FACULTE DE DROIT

B. P. 117 HUYE

LES CONSEQUENCES JURIDIQUES DE

L'ACQUITTEMENT DEVANT LE TRIBUNAL

PENAL INTERNATIONAL POUR LE RWANDA

(TPIR)

Mémoire présenté et défendu en vue de l'obtention du Bachelor's degree en Droit

Par Jean Marie TWAGIRAYEZU

Directeur : Mr. Mandiaye NIANG (LL.M)

Huye, octobre 2007

DEDICACE

A toi Dieu Tout Puissant pour ton amour incomparable tout au long de notre

chemin de vie;

A nos regrettés parents Déo TWAGIRAYEZU et Virginie MUKASAMARI partis si tôt,
en mémoire fortunée de la culture que vous m'avez apprise et de vos efforts investis dans
mon éducation;

A nos regrettées grand-mère Bernadette GASHIKAZI et tante Denise
MUKARURANGWA, en mémoire de votre amour et des moments supportants que vous
pourriez avoir subi pour mon éducation;

A notre frère Bosco, à nos soeurs Jeannine et Jackie et à nos cousins éprouvés Eduije, Fille
et Olivier, en reconnaissance profonde de votre amour et de votre encouragement
constants;

A toute notre chère famille;
Aux inoubliables camarades partis pour l'amour de notre patrie;
Aux victimes de l'injustice;
Et à nos amis;

Que vos Ames, vous tous qui êtes déjà partis, reposent en paix dans l'espérance de nous
revoir au plus grand jour!

ii

REMERCIEMENTS

Aucun travail ne s'accomplit dans la solitude. Aussi est-il normal que figurent, en début de ce travail, des remerciements adressés à tous ceux qui ont aidé ou concouru d'une façon ou d'une autre à sa réalisation. Nos sincères remerciements s'adressent Ó

Plus particulièrement à notre Directeur de mémoire, Mr. Mandiaye NIANG, pour sa patience, son dévouement et sa rigueur dans le suivi du travail; qu'il trouve ici l'expression de notre profonde gratitude pour ses inestimables conseils;

A tout le personnel des différents services et bibliothèques du TPIR ainsi que de la bibliothèque de l'U.N.R. qui nous a aidé à rassembler la documentation nécessaire;

A tous les Professeurs de la Faculté de Droit pour leur encadrement tout au long de notre formation à l'U.N.R, et particulièrement à Providence UMURUNGI pour ses précieux conseils prodigués pour la réalisation de ce travail;

A nos aînés, Théos BADEGE, Pascal HABIMANA, Guillaume GASORE, Dieudonné RURANGIRWA, Jacques BURORA, J.M.V. KAREKEZI, Claver NDAHAYO et Emmanuel TWAHIRWA pour leur soutien et leurs conseils;

A tous nos camarades de promotion, vous êtes nombreux, vous ne saurez tous figurer sur cette page; qu'il nous soit simplement permis de rappeler les moments agréables et instructifs passés ensemble qui ont facilité et permis notre séjour et notre formation à l'U.N.R.; les années passées ensemble resteront toujours gravées dans notre mémoire;

Et enfin à nos parents et à toute notre famille, en reconnaissance profonde de leurs efforts consentis pour contribuer à ce que nous sommes devenu aujourd'hui, plus particulièrement la famille de notre oncle Charles KARAMBIZI, la famille d'Apollinaire AHIMANA, la famille d'Alphonse NSABIMANA, la famille de Venant RUCYAHANA, la famille de Claver MUTABAZI, la famille de Pierre KAREMERA, toute la famille de notre grand père Christophe RWAGAJU et Abbé Evalde HODARI.

Que tous ceux qui, de près ou de loin, ont contribué à la réalisation de ce travail, trouvent ici l'expression de notre vive reconnaissance.

Jean Marie TWAGIRAYEZU

iii

LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS

al. : Alinéa

Art. : Article

B.O. : Bulletin officiel

C.A.D.H. : Convention américaine relative aux droits de l'homme

C.A.D.H.P. : Charte africaine des droits de l'homme et des peuples

CEDH : Cour européenne des droits de l'homme

C.E.D.H. : Convention européenne des droits de l'homme

CIADH : Cour interaméricaine des droits de l'homme

C.I.C. Blg. : Code d'instruction criminel belge

C.P.P. Fr. : Code de procédure pénale français

C.E.D.H. : Commission européenne des droits de l'homme

C.P.I. : Cour pénale internationale

Cass. Crim. : Cassation criminelle

Cfr. : Confer

C. : Contre

dir. : Sous la direction de

éd. : édition

et al. : et alii (et autres)

etc. : et caetera (et autres)

HCR : Haut commissariat des Nations unies aux réfugiés

Hirondelle TPIR : Agence d'information, de documentation et de formation auprès du

TPIR Hirondelle

I.C.T.R. : International criminal tribunal for Rwanda

Ibid. : Ibidem (suppose la proximité immédiate de la précédente citation à

laquelle l'on entend renvoyer- même ouvrage et même page)

Id. : Idem (le même ouvrage)

Infra : Ci-dessous (plus bas, plus loin, ci-après)

J.O.R.R. : Journal officiel de la République du Rwanda

no : Numéro

N.U.R. : National university of Rwanda

ONU : Organisation des nations unies

op. cit. : Opere citato (renvoi à un ouvrage cité précédemment mais la

iv

citation étant éloignée)

p. : Page ou pages quand un nombre est placé devant

par. : Paragraphe

pars. : Paragraphes

P.F.D.D.R.R. : Principes fondamentaux relatifs aux directives concernant le droit à

un recours et à réparation des victimes de violations du droit interna- tional relatif aux droits de l'homme et du droit international huma- nitaire

P.I.D.C.P. : Pacte international des droits civils et politiques

pp. : Plusieurs pages

Supra : Ci-dessus (plus haut)

Règlement : Règlement de procédure et de preuve du TPIR

R.D.P.J.A. : Règlement portant régime de détention des personnes en attente de

jugement et d'appel

Q.P.N.U. : Quartier pénitentiaire des Nations unies

T.P.I.R. : Tribunal pénal international pour le Rwanda

T.P.I.Y. : Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie

U.N.R. : Université nationale du Rwanda

Vol. : Volume

Voy. : Voyez

V. : Versus (contre)

§ : Paragraphe ou Sous section

v

TABLE DES MATIERES

DEDICACE iREMERCIEMENTS iiLISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS iiiTABLE DES MATIERES v

INTRODUCTION GENERALE 1

1. Problématique 1

2. Intérêt du sujet 2

3. Méthodologie de recherche 2

4. Délimitation du sujet 3

5. Structure du travail 3

CHAPITRE I. LE MAINTIEN EN DETENTION DE L'ACQUITTE 4

Section 1. La possibilité de principe de maintien en détention 4

§.1. Fondement, procédure et effets de la mesure 4

A. Le fondement de la mesure 4

1. La nécessité de représentation de l'acquitté en appel 4

2. La nécessité de préserver les preuves 5

3. La nécessité de sécurité 6

B. La procédure 7

1. Le moment 7

2. Les acteurs intervenant 7

3. Les formes de la mesure 9

C. Les effets de la mesure 9

1. L'exécution de la mesure 10

2. L'aboutissement du procès en appel 10

§.2. Les difficultés de la mesure 11

A. Une procédure trop simplifiée 11

1. L'absence de conditions matérielles 11

2. L'absence de garanties formelles 11

B. Une procedure qui met en cause les droits de l'accusé 13

1. Le droit à la présomption d'innocence 13

2. Le droit à la liberté 14

Section 2. La mesure du safe house comme alternative à la détention 15

vi

§.1. Le régime juridique du safe house 15

A. Le fondement juridique du safe house 16

B. La nature juridique du safe house 17

§.2. Les effets du safe house 18

A. Les conditions de vie au safe house 18

B. La fin du séjour au safe house 19

CHAPITRE II. LA REMISE EN LIBERTE DE L'ACQUITTE 20

Section 1. Le principe de la remise en liberté 20

§.1. Le fondement de la mesure de remise en liberté 20

A. La condition préalable à la mise en liberté 20

B. Les justifications de la mesure 20

1. Au point de vue textuel 21

2. Au point de vue idéologique 21

§.2. Le régime de l'exécution de la mesure 22

A. Le moment de l'exécution de la mesure 22

1. A la fin du procès 22

2. En cours de procès 23

B. Le rôle des organes d'exécution 23

Section 2. Les difficultés de mise en oeuvre de la remise en liberté 25

§.1. L'état de la question 25

A. Le séjour limité en Tanzanie 25

B. L'identification du pays d'accueil 27

1. Les difficultés liées aux raisons propres de l'acquitté 27

2. Les difficultés liées aux raisons extérieures à la volonté de l'acquitté 28

§.2. Les solutions possibles 30

A. La protection temporaire par le TPIR 30

B. La recherche d'asile 31

C. Le rapatriement au pays d'origine, le Rwanda 33

CHAPITRE III. LE DROIT A REPARATION POUR L'ACQUITTÉ 34

Section 1. La problématique de réparation pour l'acquitté devant le TPIR 34

§.1. Un régime juridique qui fait abstraction du droit à réparation

pour l'acquitté... 34

A. L'absence de l'action en réparation après acquittement 34

vii

B. La portée de l'article 5 du Règlement 35

§. 2. Une pratique qui semble donner une place restreinte à la réparation pour

l'acquitté 37

A. La réparation fondée sur l'article 5 du Règlement 37

B. La réparation fondée sur d'autres instruments des droits de l'homme 38
Section 2. La nécessité et les promesses d'un véritable régime de réparation pour l'

acquitté devant les juridictions répressives internationales 42

§.1. La nécessité d'un véritable régime de réparation pour l'acquitté 42

A. Les fondements factuels de réparation pour l'acquitté 42

1. La réparation pour violations des droits de l'accusé 42

2. La réparation fondée uniquement sur la détention 43

B. Le droit et l'obligation juridique de réparation pour l'acquitté 43

1. La reconnaissance du droit à réparation pour l'acquitté en droit

international 43

2. La reconnaissance du droit à réparation de l'acquitté en droit interne 45

§.2. Les promesses d'un véritable régime de réparation pour l'acquitté 46

A. La consécration du principe de réparation pour l'acquitté par le Statut

de la C.P.I. 46

B. La mise en oeuvre du droit à réparation pour l'acquitté devant la C.P.I 47

CONCLUSION GENERALE ET SUGGESTIONS 49

1. Conclusion générale 49

2. Suggestions 50

BIBLIOGRAPHIE 52

ANNEXES 64

INTRODUCTION GENERALE

1. Problématique

Dès sa création, le TPIR chargé de juger les auteurs présumés des actes de génocide et d'autres violations du droit international humanitaire perpétrés au Rwanda en 19941 accomplit sa tâche de distribution de la justice en veillant à ce que tous les principes universels du procès équitable soient bien respectés.

Suivant ces garanties, le Procureur a, entre autres obligations, celle de prouver la culpabilité de l'accusé au-delà de tout doute raisonnable. Faute d'y satisfaire, le Tribunal doit acquitter la personne poursuivie. C'est ainsi que depuis son premier jugement rendu en 19982, le TPIR a prononcé cinq acquittements dans quatre affaires sur les vingt sept procès déjà terminés qui mettaient en cause trente trois accusés3.

Le premier effet de l'acquittement doit être la remise en liberté de l'accusé s'il était détenu. C'est d'ailleurs ce qu'envisage sans ambages l'article 99 A) du Règlement qui dispose qu'en cas d'acquittement, l'accusé doit être immédiatement relâché4. Mais cet article prévoit aussi la possibilité de maintien en détention de la personne acquittée, à la demande du Procureur qui a notifié son intention de faire appel du jugement d'acquittement5.

A l'analyse, ce texte qui, à première vue semble d'application simple, ne manque pas de soulever des problèmes importants, inhérents au statut particulier du Tribunal, dont il convient de prendre la mesure.

Ainsi, selon une réalité observable au TPIR, la mesure de maintien de l'acquitté en détention pose des difficultés relatives à la recherche de l'équilibre entre les besoins

1 Créé suivant la Résolution S/RES/955(1994) du 8 novembre 1994 du Conseil de sécurité des Nations unies.

2 Le Procureur c. J. Paul AKAYESU, Affaire no ICTR-96-4-T, Chambre de première instance I, Jugement, 2 sept. 1998.

3 Dans les affaires André NTAGERURA (ICTR-96-10A) et Emmanuel BAGAMBIKI (ICTR-97-36), Ignace BAGILISHEMA (ICTR-95-1), Jean MPAMBARA (ICTR-01-65), et André RWAMAKUBA (ICTR-98-44C). Voy. TPIR, Etat des affaires, [en ligne sur] httpÓ// www.ictr.org/FRENCH/index.htm, consulté le 29 juin 2007.

4 Cfr. art. 99 A) du Règlement tel qu'adopté le 29 juin 1995 et modifié jusqu'à ce jour ainsi libellé Ó« En cas d'acquittement, l'accusé est immédiatement mis en liberté. ».

5 Cfr. art. 99 B) du Règlement libellé comme suit Ó « Si, lors du prononcé du jugement, le Procureur informe la Chambre de première instance, en audience publique, de son intention d'interjeter appel conformément à l'article 108, la Chambre peut, sur la demande du Procureur, émettre contre l'accusé un mandat d'arrêt et de maintien en détention avec effet immédiat. ».

d'efficacité d'une justice sans territoire et le respect des droits individuels dont le TPIR, en tant qu'institution de justice internationale, devrait être le garant. Et la mise en oeuvre de la mise en liberté soulève des problèmes tout aussi épineux quant à la destination de l'acquitté après son relâchement.

Une autre réflexion particulière reste le droit à réparation pour le préjudice résultant d'une détention provisoire suivie d'acquittement. Les poursuites contre l'acquitté ne peuvent passer sans préjudice, soit moral ou matériel, lorsque l'on sait que tous les accusés au TPIR sont systématiquement placés en détention dès leur transfert au siège du Tribunal à Arusha. Le droit commun reconnaît à toute personne qui a subi un préjudice d'en demander réparation6. On peut se demander si, après son acquittement, l'accusé aura le droit de demander réparation pour le préjudice découlant de sa détention.

2. Intérêt du sujet

Il se pose actuellement dans la pratique du TPIR, des difficultés liées à la gestion de la situation d'après acquittement. Nous espérons, par ce travail, mettre à la disposition des différents intervenants des pistes de réflexion pour une réglementation appropriée. Nous imaginons que ce travail pourra également apporter une modeste contribution à d'autres tribunaux pénaux internationaux opérant dans les mêmes conditions que le TPIR.

3. Méthodologie de recherche

Pour mener à bien cette étude, nous avons suivi une méthodologie empruntant certaines techniques et méthodes. Ainsi, la technique documentaire nous a permis d'avoir accès aux différentes sources légales, doctrinales et jurisprudentielles. La recherche documentaire a été, en tant que de besoin, complétée par la technique d'interview des acteurs ou témoins dans la gestion des situations résultant de l'acquittement.

Nous nous sommes également servi de la méthode exégétique pour analyser et interpréter les documents consultés et de la méthode comparative pour confronter les textes du TPIR avec d'autres normes tant nationales qu'internationales.

6 Cfr. arts. 258-259 du Décret du 30 juillet 1888 instituant le Code civil Livre IIIè sur des contrats ou des obligations conventionnelles tel que modifié, in B.O., 1888, p. 109 (ce décret fait partie de la législation rwandaise).

4. Délimitation du sujet

Notre travail s'inscrit dans le cadre du droit de procédure pénale internationale dont le champ d'application est assez vaste pour embrasser l'activité de toutes les juridictions répressives à caractère international. Notre ambition est cependant limitée au champ de travail du TPIR.

Les effets possibles de l'acquittement sont nombreux. Mais, nous nous sommes limités à certains effets jugés importants. Dans ce travail, nous avons d'abord traité les effets qui sont prévus dans les textes du Tribunal, notamment le maintien en détention ou la remise en liberté de l'acquitté. Nous avons ensuite vu ceux relevant de la jurisprudence dont le plus intéressant reste le droit à réparation de l'acquitté.

5. Structure du travail

Le présent travail est structuré en sorte de traiter séparément les trois effets susmentionnés. Ainsi, après la partie introductive, le premier chapitre analysera la question du maintien en détention, le deuxième chapitre examinera la question de remise en liberté. Le troisième chapitre s'intéressera au problème de la réparation du préjudice de la personne acquittée. La conclusion générale comprendra nos suggestions ou recommandations.

CHAPITRE I. LE MAINTIEN EN DETENTION DE

L'ACQUITTE

Le Règlement consacre dans son article 99 B) la possibilité de maintenir l'acquitté en détention, à la demande du Procureur lorsque ce dernier veut interjeter appel du jugement d'acquittement (Section 1). Animés par le souci de surmonter les difficultés pratiques de cette disposition, les juges ont inventé une alternative à la détention (Section 2).

Section 1. La possibilité de principe de maintien en détention

Analysons d'abord le fondement, le mécanisme et les effets de la mesure (§.1) qui en pratique, ne manque pas de poser des difficultés dont il faudra prendre la mesure (§.2).

§.1. Fondement, procédure et effets de la mesure

Examinons ces trois aspects en commençant en premier lieu par le fondement de la mesure de maintien en détention (A), ensuite sa procédure (B) et enfin ses effets (C).

A. Le fondement de la mesure

Le fondement de la mesure de maintien en détention après acquittement en première instance n'est par clairement défini par les textes; mais généralement une telle mesure est ordonnée autour du triptyque suivant : les garanties de représentation de l'accusé en justice, (1) de préservation de preuves (2) et de sécurité (3)7.

1. La nécessité de représentation de l'acquitté en appel

Dans la première affaire où cette question s'est posée, une mise en liberté de l'accusé était envisagée entre l'acquittement et la considération de l'appel interjeté par le Procureur. Ce dernier a fait valoir que la libération de l'acquitté permettrait à ce dernier de prendre la fuite au cours de la procédure en appel8 .

7 P. CHAMBON, Le juge d'instruction, théorie et pratique de la procédure, 4è éd., Paris, Dalloz, 1997, p. 250.

8 Le Procureur c. Ignace BAGILISHEMA, Affaire no ICTR-95-1A-T, Chambre de première instance I, Décision sur la requête du Procureur sur le fondement de l'article 99 B), 8 juin 2001, par. 2 qui reproduit les termes de la requête orale du Procureur sur le fondement de l'art. 99 B). Voy. aussi Le Procureur c. Sefer HALILOVIC, Affaire no IT-01-48-I, Chambre de première instance I, Décision relative à la demande de mise en liberté provisoire, 1er sept. 2005, par. 13.

On serait tenté de penser que le contexte particulier dans lequel opère le TPIR, c'està-dire sans force policière autonome ni territoire sur lequel il exerce son contrôle9, à la différence des juridictions nationales qui peuvent s'appuyer sur la puissance étatique, justifie le risque inhérent de fuite et légitimer par conséquent les demandes de maintien en détention. En outre, les Etats dans le territoire desquels se trouvent les accusés n'ont pas toujours fait montre d'une volonté de coopération totale, laquelle est indispensable pour assurer la représentation en justice des accusés se trouvant dans leur territoire10.

Toutefois, une telle crainte, fondée généralement sur une simple supposition, a été jugée insuffisante par la jurisprudence du TPIR pour justifier le maintien en détention. Suite à l'acquittement de Ignace BAGILISHEMA, la Chambre de première instance I a décidé de rejeter la requête du Procureur visant à son maintien en détention en attendant qu'il soit statué sur l'appel, au motif que l'accusé avait déjà montré sa coopération au cours des procédures initiales11. Partant de là, il appartient à l'accusation qui demande l'application de la mesure, de démontrer par des moyens convaincants le risque réel de fuite alléguée. Le risque devrait être étayé par des éléments tirés des faits de la cause et de la personnalité de l'acquitté.

2. La nécessité de préserver les preuves

Le deuxième motif pouvant justifier le maintien en détention réside dans le risque de voir l'acquitté remis en liberté faire disparaître les preuves en intimidant les témoins et les victimes12 ou même entrer en contact avec d'autres personnes pour entraver la procédure d'appel. Le risque de disparition de preuves vise tant les éléments matériels de nature à contribuer à la manifestation de la vérité que les déclarations des témoins (risque de subornation)13.

La Chambre de première instance du TPIR a cependant estimé que l'argument tiré du risque de disparition de preuves par intimidation des témoins et des victimes n'était pas fondé, car il est rare que les témoins soient entendus dans la procédure d'appel qui est

9 A. M. LA ROSA, « Défi de taille pour les Tribunaux pénaux internationaux Ó conciliation des exigences du Droit international humanitaire et d'une procédure équitable », in Revue internationale de la Croix Rouge, no 828, Genève, 1997, pp. 693-707, p. 699.

10 G. GASORE, La coopération des Etats avec le TPIR, mémoire de Licence, Huye, U.N.R., Faculté de Droit 2006, p. 2, non publié.

11 Le Procureur c. Ignace BAGILISHEMA, supra note 8, par. 11.

12 Id., par. 2 qui reproduit les moyens du Procureur appuyant sa requête.

13 H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de procédure pénale, 2e éd., Brugge, La Charte, 2001, p. 619.

généralement une procédure sur pièces. Si la situation se présentait, le Procureur pourrait solliciter de la Chambre d'appel des mesures supplémentaires de protection des témoins14.

S'agissant de la nécessité d'éviter le risque pour l'acquitté de se rallier avec des tiers afin de faire obstacle à la procédure d'appel, il semble que ce risque n'est que très relativement évité par le maintien en détention, en raison des possibilités offertes aux détenus du TPIR de communiquer avec l'extérieur, en application du droit à communiquer avec le monde extérieur garanti dans les instruments internationaux15. Le détenu a droit aux visites16 et peut communiquer avec sa famille et toute personne de son choix par téléphone ou par lettre, sous réserves des mesures d'inspection et de surveillance que peut lui imposer l'administration du quartier pénitentiaire17. Si ces restrictions ne sont pas bien assurées, les visiteurs pourraient coopérer pour entraver le cours de la justice18.

3. La nécessité de sécurité

Cette raison n'a pas été concrètement développée par la jurisprudence des deux tribunaux pénaux internationaux ad hoc (TPIR et TPIY) dans les procédures d'appel. Il apparaît que la sécurité des témoins et des victimes n'est pas leur première préoccupation à ce stade de procédure.

Toutefois, la sécurité des témoins et des victimes est intimement liée au deuxième motif puisque s'il est admis que les témoins et les victimes peuvent être intimidés par l'accusé une fois remis en liberté, il s'entend que de tels agissements constituent également une menace à leur sécurité. Le besoin de sécurité est implicitement invoqué par le Procureur lorsqu'il soulève la question de la protection des preuves. De surcroît, on a toujours reproché à l'accusation de demander de maintenir l'accusé en détention pour donner aussi

14 Le Procureur c. Ignace BAGILISHEMA, supra note 8, par. 9.

15 Voir à titre d'exemple par. 37 des Règles minima pour le traitement des détenus adoptées par le premier Congrès des Nations unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, tenu à Genève en 1955 et approuvées par le Conseil économique et social dans ses résolutions 663 C (XXIV) du 31 juillet 1957 et 2076 (LXII) du 13 mai 1977. Voy. également les Règles pénitentiaires européennes de 1973 telles que révisées jusqu'à ce jour, règle 24. 1.

16 Voir art. 61 du R.D.P.J.A. adopté le 9 jan. 1996 libellé comme suit Ó « Tout détenu a le droit de recevoir à intervalles réguliers la visite de membres de sa famille et de ses amis, sous réserve de l'article 64 ainsi que des restrictions et des mesures de surveillance que peut imposer le Commandant en consultation avec le Greffier.».

17 Voir art. 58 du R.D.P.J.A. ainsi libellé Ó « Sous réserve de l'Article 64, tout détenu a le droit, sous la surveillance et dans les limites de temps que le Commandant juge nécessaires, de communiquer avec sa famille et toute autre personne avec qui il est de son intérêt légitime de correspondre par lettre et par téléphone, à ses propres frais. Dans le cas des détenus indigents, le Greffier peut accepter que les dépenses correspondantes soient prises en charge par le Tribunal, dans des limites raisonnables. ».

18 M. BEN-BELLA, The Defense right to communication of the accused versus the need protection for witnesses at the ICTR, mémoire de Licence, Huye, N.U.R., Faculty of Law, 2006, p. 11, non publié.

satisfaction à la conscience publique émue, troublée, ébranlée par le crime,19une situation probable pour les cas de crimes graves reprochés aux personnes poursuivies par les deux tribunaux pénaux internationaux ad hoc. Ainsi, la sécurité est aussi envisagée au bénéfice de la personne détenue notamment s'il y a des risques de représailles.

B. La procédure

La procédure de maintien en détention de l'acquitté en première instance peut être appréhendée à travers trois indicateurs Ó le moment (1), les acteurs intervenant (2) et les formes de la mesure (3).

1. Le moment

La demande de maintien en détention est faite à l'audience du prononcé du jugement d'acquittement20. Cette procédure a pour but de faire obstacle à la mise en liberté qui, en principe, doit intervenir immédiatement après l'acquittement21.

Le Règlement est cependant resté muet quant au moment de la décision de la chambre. Il semble que la chambre doit statuer sans délai sur la requête, pour donner effet au souci du Procureur de garder l'accusé sous le contrôle du Tribunal. Ceci est d'ailleurs confirmé par la jurisprudence. Dans l'affaire BAGILISHEMA22, la Chambre a immédiatement statué sur la requête du Procureur le jour même du prononcé du jugement d'acquittement, et dans l'affaire de BAGAMBIKI et al.23, elle s'est donnée un peu plus de temps en réservant sa décision jusqu'au lendemain de la décision d'acquittement.

2. Les acteurs intervenant

La procédure de maintien en détention met en jeu trois acteurs : le Procureur, la Chambre de première instance et la personne acquittée. Le texte de l'article 99 B) spécifie bien les rôles respectifs du Procureur -demandeur du maintien en détention et pourvoyeur d'informations quant à son intention de faire appel- et de la Chambre de première instance - -destinataire de l'information soumise par le Procureur et appelée à statuer sur la demande

19 P. CHAMBON, op. cit., note 7, p. 250.

20 Art. 99 B) du Règlement, précité, note 5.

21 Art. 99 A) du Règlement, précité, note 4.

22 Le Procureur c. Ignace BAGILISHEMA, supra note 8, pars. 1, 11.

23 Le Procureur c. André NTAGERURA, Emmanuel BAGAMBIKI, et Samuel IMANISHIMWE, Affaire no ICTR-99-46-T, Chambre de première instance III, Décision sur la requête du Procureur sur le fondement de l'art. 99 B), 26 fév. 2004, par. 16.

de maintien en détention-. Il reste toutefois étrangement muet sur le rôle de la personne acquittée, comme si le sort de celle-ci pouvait se jouer sans qu'elle n'ait son mot à dire. Il n'en est heureusement rien, puisque le silence du texte est fort justement suppléé par les principes généraux qui veulent que le respect du principe du contradictoire soit total24. Ainsi une fois la notification de l'intention de faire appel faite par le Procureur et sa demande de maintien en détention formulée, et avant que la Chambre ne se prononce, la personne acquittée a bien l'opportunité de présenter ses conclusions orales ou écrites, selon le cas, pour contrer les prétentions de la partie adverse25.

Il faut donc comprendre dans la formulation actuelle du texte qui ne fait aucune référence au rôle de la personne acquittée pendant cette phase de la procédure, le simple souci de ne pas faire peser sur le défendeur quelque charge probatoire que ce soit. Il appartient en effet au demandeur (au Procureur et au seul Procureur) de prouver la substance et le bien-fondé de ses prétentions; et cette preuve se doit d'être complète et convaincante même si la partie défenderesse fait le choix du silence26.

Toutefois, la réalité du procès est telle que les accusés comme la personne acquittée se contentent rarement de laisser au Procureur la responsabilité entière de la preuve. Le défendeur est toujours aussi actif que l'accusateur et cherche constamment à prouver la fausseté des allégations contre lui27.

Cette règle de conduite générale est aussi applicable dans cette phase particulière du procès. Dans les affaires Le Procureur c. Ignace BAGILISHEMA28 et Le Procureur c. André NTAGERURA, Emmanuel BAGAMBIKI et Samuel IMANISHIMWE29, la défense s'est toujours fait fort de contrer les arguments du Procureur en administrant des éléments de nature à montrer qu'il ne serait pas justifié de faire droit à la requête du Procureur visant le maintien en détention de la personne acquittée, en attendant qu'il soit statué sur l'appel.

24 Ce principe est directement relié au droit de la défense. Voy. A. H. RENE KOERING-JOULIN, Droit pénal international, Paris, Presses universitaires de France, 1994, p. 181.

25 Selon la pratique observée dans les affaires BAGILISHEMA et NTAGERURA et autres. Cfr. Le Procureur c. Ignace BAGILISHEMA, supra note 8, pars. 4-6; Le Procureur c. André NTAGERURA, Emmanuel BAGAMBIKI, et Samuel IMANISHIMWE, supra note 23, pars. 9-10.

26 B. BOULOC, R. REGINALD et P. LEGROS, Le droit au silence et la détention provisoire, Bruxelles, Bruylant, 1997, pp. 10-17.

27 A titre d'exemple, citons l'usage déjà évoqué du TPIR (voir supra note 25).

28 Le Procureur c. Ignace BAGILISHEMA, supra note 8, pars. 4-6.

29 Le Procureur c. André NTAGERURA, Emmanuel BAGAMBIKI, et Samuel IMANISHIMWE, supra note 23, pars. 9-10.

3. Les formes de la mesure

Les formes des actes requis dans la procédure de maintien en détention ne sont pas bien précisées. Mais aux termes de l'article 99 B), il est clair que la requête du Procureur doit être expresse et précédée par une notification de son intention d'interjeter en appel. Alors que la jurisprudence du TPIY est restreinte en la matière30, le TPIR admet que la requête peut être soit orale31 soit écrite32.

En dépit du silence des textes33, la jurisprudence a développé une pratique par laquelle la requête du Procureur est examinée par la chambre en audience publique. Ainsi, le maintien en détention ou le rejet est décidé après avoir entendu chaque partie34. Après son examen, si elle décide de faire droit à la demande, la chambre doit émettre un nouveau mandat d'arrêt et de maintien en détention par une décision ou une ordonnance35.

C. Les effets de la mesure

Les effets du maintien en détention sont surtout rattachés à son exécution (1) et à l'aboutissement du procès en appel (2).

30 Puisque dans les trois cas d'acquittement recensés dans la jurisprudence du TPIY (Cfr. The Prosecutor v. Sefer HALILOVIC, Case no IT-01-48-T, Trial chamber I Section A, Judgment, 16 nov. 2005; Le Procureur c. Zoran KUPRESKIC et al., Affaire no IT-95-16-I, Chambre de première instance, Jugement, 14 jan. 2000; The Prosecutor v. Fatmir LIMAJ, Haradin BALA et Isak MUSLIU, Case no IT-03-06-T, Trial chamber, Judgement,

30 nov. 2005), aucune demande de maintien en détention après acquittement n'a été faite. Les accusés ont plutôt l'habitude de demander la mise en liberté quelques jours avant le prononcé du jugement. A cet effet, le Tribunal a décidé la mise en liberté bien avant le prononcé du jugement d'acquittement à deux reprises, car les Etats d'accueil de la région restent toujours coopératifs pour toute comparution des accusés en appel. Et dans l'autre cas, le TPIY a ordonné la remise en liberté immédiate de l'acquitté et le Procureur n'a pas demandé de le maintenir en détention (Cfr. Le Procureur c. Zoran KUPRESKIC et al., Affaire no IT-95-16-I, Chambre de première instance, Décision relative à la demande de mise en liberté provisoire, 20 sept. 1999; Le Procureur c. Sefer HALILOVIC, Affaire no IT-01-48-I, Chambre de première instance I, Décision relative à la demande de mise en liberté provisoire, 1er sept. 2000; Le Procureur c. Fatmir LIMAJ, Haradin BALA et Isak MUSLIU, Affaire no IT-03-06-T, Chambre de première instance II, Décision relative à la demande de mise en liberté provisoire, 26 oct. 2005).

31 Dans l'affaire d'Ignace BAGILISHEMA, la requête du Procureur a été faite oralement à l'audience immédiatement après le prononcé du jugement d'acquittement. Voy. Le Procureur c. Ignace BAGILISHEMA, supra note 8, par. 2.

32 Dans l'affaire d'Emmanuel BAGAMBIKI et autres, le Procureur a fait sa requête par écrit. Voy. Le Procureur c. Emmanuel BAGAMBIKI, André NTAGERURA et Samuel IMANISHIMWE, supra note 23, par. 10.

33 L'art. 99 B) du Règlement, précité, note 5, est muet quant à la procédure suivie dans l'examen de la requête du Procureur.

34 La procédure se dégage dans les décisions des chambres du TPIR prises dans les affaires d'Ignace BAGILISHEMA (voir Le Procureur c. Ignace BAGIISHEMA, supra note 8, pars. 1-6) et d'Emmanuel BAGAMBIKI, André NTAGERURA et Samuel IMANISHIMWE (voir Le Procureur c. Emmanuel BAGAMBIKI, André NTAGERURA et Samuel IMANISHIMWE, supra note 23, pars. 4-5, 9-10).

35 Art. 99 B) du Règlement, précité, note 5.

1. L'exécution de la mesure

Bien qu'a ce jour, aucun acquitté n'ait été maintenu en détention par décision du juge au TPIR comme au TPIY, le mandat d'arrêt et de maintien en détention doit être immédiatement exécuté36 sous la responsabilité du Greffier en tant qu'autorité chargée d'exécution des décisions du Tribunal37.

Le nouveau mandat émis aura pour effet de prolonger la détention initiale. Ainsi, l'accusé sera reconduit immédiatement au Q.P.N.U.38 placé sous l'autorité d'un Commandant qui est chargé du suivi quotidien de la détention provisoire conformément aux dispositions du R.D.P.J.A.39.

2. L'aboutissement du procès en appel

S'il est vrai que le maintien en détention permet d'éviter la fuite de l'accusé, il permet aussi de le retenir pour l'exécution ultérieure de la peine une fois le procès en appel aboutit à la condamnation40. Dans ce cas, il présentera cet autre avantage pour l'acquitté une fois condamné en appel de voir sa peine réduite de la période qu'il a passée pendant la détention41.

Toutefois, ces hypothèses qui sont de nature à justifier la mesure cachent mal un certain embarras qui donne la mesure des difficultés à rencontrer en voulant retenir en détention une personne acquittée.

36 Ibid.

37 Cfr. art. 33 A) du Règlement Ó« Le Greffier apporte son concours aux Chambres et lors des réunions plénières du Tribunal, ainsi qu'aux juges et au Procureur dans l'exercice de leurs fonctions. Sous l'autorité du Président, il est responsable de l'administration et du service du Tribunal et est chargé de toute communication émanant du Tribunal ou adressée à celui-ci. B) Le Greffier peut, dans l'exécution de ses fonctions, informer les Chambres oralement ou par écrit de toute question relative à une affaire particulière qui affecte ou risque d'affecter l'exécution de ses fonctions, y compris l'exécution des décisions judiciaires, en informant les parties lorsque cela est nécessaire. ».

38 Par analogie, l'art. 64 du Règlement libellé comme suit Ó« Après son transfert au Tribunal, l'accusé est détenu dans les locaux mis à disposition par le pays hôte ou par un autre pays. Le Président peut, à la requête d'une des parties, demander de revoir les conditions de détention de l'accusé. » s'applique mutatis mutandis à la situation de l'acquitté maintenu en détention.

39 C'est spécialement l'art. 3 du R.D.P.J.A. qui investit le commandant du pouvoir de l'administration quotidienne du Q.P.N.U. L' art. se lit comme suit Ó« (...) Sous réserve de la compétence prééminente du Tribunal, le Commandant assume l'entière responsabilité de l'administration quotidienne du Quartier pénitentiaire, y compris en ce qui concerne la sécurité et le maintien de l'ordre, et peut, sauf disposition contraire du présent Règlement, prendre toute décision y relative. ».

40 R. MERLE et A. VITU, Traité du droit de criminel, 3e éd., Paris, Editions Cujas, 1979, p. 450-451.

41 Voir art. 101 D) du Règlement Ó « La durée de la période pendant laquelle la personne reconnue coupable a été placée en détention provisoire à vue en attendant d'être remise au Tribunal ou en attendant d'être jugée par une Chambre de première instance ou par la Chambre d'appel est, le cas échéant, déduite de la durée totale de sa peine. ».

§.2. Les difficultés de la mesure

Elles sont liées tantôt à la procédure suivie (A), tantôt aux conséquences qui peuvent en découler (B).

A. Une procédure trop simplifiée

La procédure est marquée par l'absence de conditions matérielles exigées du Procureur (1) et de garanties formelles indispensables au droit de la défense (2).

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A la lecture de l'article 99 B)42, il apparaît que la simple intention d'interjeter appel exprimée par le Procureur constitue la seule condition pour justifier de la requête en maintien de l'acquitté en détention. Ceci semble d'ailleurs confirmé par la jurisprudence. Après avoir examiné ce texte, la Chambre de première instance du TPIR a affirmé que cette disposition n'a pas pu établir les conditions matérielles à satisfaire pour permettre à la Chambre de prendre une telle ordonnance43.

Cependant, la jurisprudence en la matière a bien développé certains critères - comme nous l'avons déjà signalé- similaires à ceux de la détention initiale44. A ce sujet, on constate également quelques avancées au niveau du Statut de la C.P.I. qui, en corrigeant ces lacunes susmentionnées, a établi certaines conditions nécessaires au maintien en détention après acquittement, notamment le risque d'évasion, la gravité de l'infraction et les chances de voir l'appel aboutir45.

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L'examen de l'article 99 B) fait relever certaines lacunes quant aux formalités. Tout d'abord, il exige une formalité préalable à la requête du Procureur de notifier son intention d'interjeter appel conformément à l'article 10846. Toutefois exprimer l'intention de faire

42 Cfr. art. 99 B) du Règlement, précité, note 5.

43 Le Procureur c. Ignace BAGILISHEMA, supra note 8, par. 8.

44 Voir supra (chapitre I, section 1, §.1, A sur le fondement de la mesure de maintenir l'acquitté en détention.

45 Art. 81. 3. c. i. du Statut de la C.P.I. adopté le 17 juillet 1998.

46 L'art. 108 du Règlement est ainsi libellé :« Une partie qui entend interjeter appel d'un jugement ou d'une sentence doit, dans les trente jours de son prononcé, déposer un acte d'appel exposant ses moyens d'appel. L'appelant précise également l'ordonnance ou la décision attaquée, la date de son dépôt et/ou la page du compte rendu d'audience, la nature des erreurs relevées et la mesure sollicitée. La Chambre d'appel peut, s'il est fait état dans la requête de motifs valables, autoriser une modification des moyens d'appel. ».

appel ne signifie pas que l'appel sera effectivement interjeté. L'article 108 du Règlement ouvre les délais d'appel pour trente jours à partir de la date du prononcé du jugement. La question légitime qu'on peut se poser est quid si le Procureur obtient le maintien en détention de l'accusé à partir d'une simple notification d'une intention d'interjeter appel et que cette intention formulée n'a jamais été suivie d'un appel effectif 47? On voit bien se profiler le risque d'une détention à posteriori indue.

Ensuite, l'examen de la requête du Procureur n'est soumis à aucune formalité précise. Ainsi, dans le silence des textes, on aurait pu imaginer une chambre examinant la requête du Procureur sans entendre la défense. Une telle éventualité nuirait au droit de la défense. Mais il est heureux que la jurisprudence ait utilement suppléé à la carence des textes, en développant un système d'instruction contradictoire « qui constitue incontestablement une garantie très importante pour les droits de la défense »48.

Enfin, à la lumière du principe universel du droit aux voies de recours contre une décision judiciaire entachée d'erreur ou d'injustice qui est indispensable pour garantir les droits individuels49 et reconnu également par le TPIR en cas de la détention provisoire initiale50, à la différence du Statut de la C.P.I.51, les dispositions du TPIR relatives au maintien en détention après acquittement semblent être muettes à ce sujet; ce qui compromet les droits des parties au procès. Et la jurisprudence du TPIR comme celle du TPIY n'y a apporté aucune correction significative. Certes, un appel pourrait être envisageable en même temps que le jugement sur le fond, mais ce moment serait fort bien

tardif, surtout quand la Chambre d'appel confirme l'acquittement prononcé. Ce quiconduirait à la mise en cause des droits de l'accusé.

47 Puisque le Procureur comme toute partie au procès, peut laisser s'écouler les délais d'appel sans agir. Voy. P. CONTE et P. MAISTRE Du CHAMBON, Procédure pénale, 2e éd., Paris, Dalloz, 1998, p. 320.

48 B. DEJEMEPPE (dir.), La détention préventive, Bruxelles, Larcier, 1992, pp. 115-116.

49 R. MERLE, op. cit., note 40, p. 792.

50 Art. 65 D) du Règlement se lit comme suit Ó« Toute décision rendue par une Chambre de première instance aux termes de cet article sera susceptible d'appel. Sous réserve du paragraphe F) ci-après, l'appel doit être déposé dans les sept jours du dépôt de la décision contestée. Lorsque cette décision est rendue oralement, l'appel doit être déposé dans les sept jours de ladite décision, à moins que (...) ».

51 Puisqu'il reconnaît expressément la possibilité d'appel contre la décision de maintien en détention après acquittement. Cfr. art. 81. 3. c. ii. du Statut de la C.P.I. Ó« La décision rendue par la Chambre de première instance en vertu du sous alinéa c i) est susceptible d'appel conformément au Règlement de procédure et de preuve. ». Rappelons que l'alinéa c i) se trouve à la note 45.

B. Une procédure qui met en cause les droits de l'accusé

La possibilité de maintien en détention après acquittement met en cause les droits fondamentaux de la personne notamment le droit à la présomption d'innocence (1) et le droit à la liberté (2).

1. Le droit à la présomption d'innocence

Le droit à la présomption d'innocence consacré par de nombreux textes juridiques internationaux52 et codifié dans la plupart des législations nationales53 constitue l'un des principes de base de droit pénal moderne. Selon ce principe, toute personne poursuivie est considérée comme innocente tant qu'elle n'a pas été déclarée coupable par la juridiction compétente54.

L'un des corollaires de la présomption d'innocence est que la liberté est la règle et la détention reste l'exception55. La détention ne devrait être ordonnée que dans les conditions exceptionnelles et doit prendre fin lorsqu'elle n'est plus justifiée, en raison de la décision d'acquittement56 dont l'effet primordial est de lever la culpabilité qui la justifierait. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'en France comme dans bien d'autres pays57, l'acquitté ne peut pas être maintenu en détention, sauf s'il est retenu pour d'autres causes58. De ce qui précède, il apparaît que le maintien en détention de l'acquitté serait en effet attentatoire à ce droit fondamental de la présomption d'innocence.

52 Art. 11 de la D.U.D.H. du 10 nov. 1948; art. 14. 2 du P.I.D.C.P. du 23 mars 1976; art. 6. 2 de la C.E.D.H. du 4 novembre 1950; art. 8. 2 de la C.A.D.H. adoptée par l'Organisation des Etats américains à la Conférence spécialisée interaméricaine sur les droits de l'homme du 22 nov. 1969 et entrée en vigueur le 18 juillet 1978; art. 7. 1. b. de C.A.D.H.P. adoptée par l'Organisation de l'unité africaine à sa 18e Conférence du 27 juin 1981 et entrée en vigueur le 21 octobre 1986.

53 A titre d'exemple, voy. art. 19 Constitution de la République du Rwanda du 04/06/2003, telle que révisée jusqu'à ce jour, J.O.R.R., n°spécial du 04 juin 2003, p. 1; art. 11. d) de la Charte canadienne des droits et libertés telle comprise dans la Loi constitutionnelle canadienne de 1982 entrée en vigueur le 17 avril 1982; art. 32. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 29 mai 1843 telle que modifiée dernièrement le 18 avril 1999.

54 P. J. SCHWIKIKARD, Presumption of innocence, Cape Town, Juta and Co Ltd, 1999, p. 36.

55 N. MWENE SONGA, Traité de droit pénal général congolais, Kinshasa, Editions Droit et société, 2001, p. 484.

56 B. DEJEMEPPE (dir.), op. cit., note 48, p. 283.

57 Art. 169 de la Loi no 13/2004 du 17/5/2004 portant code de procédure pénale du Rwanda, telle que modifiée et complétée jusqu'à ce jour, J.O.R.R., no 11 du 15 juin 2004; art. 33 § 1er al. 2 du C.P.P. Blg.

58 Arts. 367-368 du C.P.P. Fr.

Cependant, il faut signaler que ce principe de présomption d'innocence n'est pas ignoré par le TPIR car il est consacré par son Statut en son article 2059. Si le rédacteur des textes du Tribunal a prévu la détention provisoire et son maintien après acquittement, c'est pour des raisons tenant au souci de doter l'institution de moyens efficaces nécessaires à l'instruction du procès. Mais ces moyens devraient être conçus de façon à atteindre l'objectif visé sans enfreindre les droits de l'accusé.

2. Le droit à la liberté

Le droit à la liberté reconnu à tout individu et en tout le temps60 vise essentiellement à le protéger contre toute atteinte à sa liberté physique. L'arrestation et la détention n'étant pratiquées qu'à des occasions exceptionnelles. C'est cet esprit qui a d'ailleurs inspiré le rédacteur de l'article 99 du Règlement qui a consacré en principe la remise en liberté de l'acquitté et exceptionnellement son maintien en détention.

En interprétation de cette disposition, la Chambre de première instance a relevé qu'Ó« il convient d'apprécier (...) au regard du fait qu'Ignace BAGILISHEMA a été acquitté et qu'il jouit de son droit fondamental à la liberté (..).»61. Ainsi, la Chambre s'est montrée préoccupée au même titre que certains droits nationaux62 par le maintien en détention après acquittement. Ce dernier risquerait de voir enfreint son droit fondamental à la liberté ainsi obtenu, lorsqu'il n'y a plus de soupçon justifiant la détention en cas d'acquittement.

Cependant, il est vrai que le procès en première instance ne met pas fin à la procédure. La Chambre d'appel peut en effet bien revenir sur l'acquittement et il serait alors utile d'avoir l'accusé disponible pour répondre des charges ou purger sa peine si la Chambre d'appel a elle-méme évoqué l'affaire et appliqué une peine. Toutefois, même si la mesure d'acquittement peut revétir quelque précarité au regard des pouvoirs de la Chambre d'appel de la remettre en cause, personne ne saurait dénier à la Chambre de première instance le droit de tirer les conséquences logiques de son propre jugement d'acquittement. A son niveau, le soupçon n'existe plus. Dès lors, il serait très malaisé pour elle de maintenir quelqu'un en détention juste après l'avoir lavé de tout soupçon. Ceci est d'autant plus vrai que la lenteur des procédures d'appel risquerait de prolonger une détention indue pour une

59 L'art. 20 du Statut est libellé comme suit : « Toute personne accusée est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été établie conformément aux dispositions du présent statut. ».

60 Cfr. art. 8 de la D.U.D.H.; art. 9. 1 du P.I.D.C.P.; art. 5. 1 de la C.E.D.H.; art. 7 de la C.A.D.H.; art. 6 de la C.A.D.H.P.

61 Le Procureur c. Ignace BAGILISHEMA, supra note 8, par. 10.

62 Cfr. supra notes 57-58.

période déraisonnablement longue63. La Chambre pourrait être tout aussi embarrassée si elle accordait une mesure de mise en liberté immédiate avec la pleine conscience que la personne ne justifie d'aucune garantie de représentation en justice et s'évanouirait dans la nature dès la première opportunité, compromettant ainsi toute possibilité de procès contradictoire en appel.

C'est certainement ce double embarras qui a conduit le TPIR à inventer une alternative à la détention, visant à trouver un équilibre entre les intérêts de la justice et la primauté de la liberté individuelle.

Section 2. La mesure du safe house comme alternative à la détention

Le safe house est une résidence sécurisée dans la ville d'Arusha où les conditions d'entrée, de sortie et de séjour sont réglementées. Il a été initialement mis en place pour abriter des témoins protégés dont la préservation de l'anonymat requiert qu'ils soient dans un régime d'isolation durant tout leur séjour à Arusha64. C'est ce régime qui a été étendu à certaines personnes acquittées et en attente d'appel65. Analysons son régime juridique (§1) avant de préciser ses effets (§2).

§.1. Le régime juridique du safe house

Le safe house n'est prévu nulle part dans les textes du TPIR. Le Règlement ne prévoit que deux optionsÓ soit libérer la personne acquittée soit la maintenir en détention. L'alternative du safe house est une innovation sui generis dont il convient d'analyser le fondement (A) et la nature juridiques (B).

63 A titre d'exemple, certains accusés viennent de passer plus de dix ans en détention en attente de l'aboutissement de leur procès. Il s'agit notamment de Elie NDAYAMBAJE et Joseph KANYABASHI dont le transfert au Q.P.N.U. date du 29/11/1996. Et rien ne donne espoir que même Calixte KALIMANZIRA, le dernier transféré (08/11/2005) du Tribunal sera épargné de la même situation d'autant plus que la date de la première audience de son procès n'est jusqu'ici pas connue. Voy. TPIR, Situation des détenus, [en ligne sur] http://www.ictr.org/FRENCH/index.htm, consulté le 21 juillet 2007.

64 Il s'agit de l'une des mesures pratiques prises conformément aux dispositions des articles 14 et 21 du Statut et des articles 34 et 75 du Règlement pour mettre en oeuvre la protection des témoins (Selon les informations reçues auprès des services du Greffe auquel est confié la gestion du safe house).

65 Le Procureur c. Ignace BAGILISHEMA, supra note 8, par. 11; Le Procureur c, André NTAGERURA, Emmanuel BAGAMBIKI et Samuel IMANISHIMWE, supra note 23, par. 14.

A. Le fondement juridique du safe house

En application de l'article 99 du Règlement, le TPIR a du mal à trouver une mesure qui pouvait rapprocher les deux intérêts essentiels Ó le droit à la liberté de l'accusé résultant incontestablement de la décision d'acquittement et l'intérêt de la justice à assurer la représentation de la personne acquittée devant les juges d'appel66.

Dans la tentative de trouver une solution adéquate à ce problème complexe67, les juges du Tribunal ont décidé d'accorder une remise en liberté immédiate assortie des conditions propres à assurer la disponibilité de la personne acquittée pour faire face à la procédure d'appel. Il s'agit de maintenir la personne acquittée dans un safe house68. Dans l'esprit des juges, cette mesure concilie les deux exigences apparemment contradictoires.

A l'analyse de la motivation des juges, aucune base juridique de cette mesure n'a été invoquée. Mais les juges du TPIR semblent s'être beaucoup inspirés du droit anglo-saxon (common law )69, en se reconnaissant, dans le silence des textes, de larges pouvoirs de création du droit par la technique dite des pouvoirs tacites (inherent power)70. Les juges peuvent reconnaître une règle ou un principe non prévu par le Statut ou le Règlement, dès lors que cette règle ou ce principe intègre les principes généraux de droit.

C'est ainsi que par analogie avec la mise en liberté provisoire conditionnelle71, pour balancer les dispositions de l'article 99 A) et B),72 la Chambre de première instance a estimé que la remise en liberté consécutive à l'acquittement en première instance, devrait être

66 Par interprétation des motifs de la décision de la Chambre dans Le Procureur c. Ignace BAGILISHEMA, supra note 8, pars. 8-11.

67 Ibid.

68 Le Procureur c. Ignace BAGILISHEMA, supra note 8, par. 11; Le Procureur c, André NTAGERURA, Emmanuel BAGAMBIKI et Samuel IMANISHIMWE, supra note 23, par. 14.

69 Selon le Juge Laity KAMA ex. Président du TPIR cité par L. BURGORGUE-LARSEN, « De la difficulté de réprimer le génocide rwandais. L'expérience du TPIR. », in P. TAVERNIER et L. BURGORGUE-LARSEN (dir.), Un siècle de droit international humanitaire, Bruxelles, Bruylant, Collection du CREDHO, 2001, 151, p. 153.

70 Ces pouvoirs sont souvent invoqués par le Tribunal. A titre d'exemple voir infra note 140.

71 Art. 65 C) du Règlement : « La Chambre de première instance peut subordonner la mise en liberté provisoire aux conditions qu'elle juge appropriées, y compris le versement d'une caution et, le cas échéant, l'observation des conditions nécessaires pour garantir la présence de l'accusé au procès et la protection d'autrui. ».

72 The Prosecutor v. Ignace BAGILISHEMA, Case no ICTR-95-IA-A, Appeal chamber, Appellant's response to respondent's motion for variation of conditions of provisional release, 3 july 2002, par. 1.

également soumise aux conditions nécessaires pour garantir la présence de l'accusé au procès en appel73.

B. La nature juridique du safe house

La nature juridique de la mesure du safe house reste controversée. D'une part, la position des juges a toujours été claire. La mesure n'est qu'une simple condition ou méme une modalité pratique dont est assortie la décision de remise en liberté de l'acquitté pour assurer sa représentation en appel74. Afin de soutenir cette thèse, l'ordonnance du Président s'est exprimée en ces termes Ó « Attendu qu'aucune des conditions- [dont fait partie le safe house]- ne peut être interprétée comme prolongeant son maintien en détention~»75. De là, le safe house relève ipso facto du régime de liberté.

Pourtant au regard des plaintes des personnes acquittées, le safe house a été perçu comme un régime restrictif de liberté76, d'ailleurs pire dans certains de ses aspects que la détention provisoire initiale. L'acquitté est en effet soumis à une détention arbitraire et à un placement en isolement sans base légale, sous la surveillance des agents de la sécurité des Nations unies qui restreignent ses mouvements77.

L'interprétation de ce régime juridique a nourri une certaine polémique entre le Greffier dont le personnel gère le safe house et les acquittés pensionnaires desdits safe houses. Les différentes entorses à la liberté d'aller et venir de ces personnes et les restrictions imposées à leurs visiteurs pour raison de sécurité78 ou pour limitation budgétaire79 ont entre autres généré de nombreuses plaintes devant le Président du Tribunal. Il a souvent été demandé à ce dernier de déterminer si les limitations imposées aux résidents des safe houses étaient compatibles avec le statut d'homme libre conféré par la décision

73 Le Procureur c. Ignace BAGILISHEMA, supra note 8, par. 11; Le Procureur c, André NTAGERURA, Emmanuel BAGAMBIKI et Samuel IMANISHIMWE, supra note 23, par. 14.

74 Ibid.

75 Le Procureur c. André NTAGERURA, Affaire no ICTR-99-46-T, Bureau du Président du tribunal, Ordonnance portant rétablissement de Monsieur NTAGERURA dans les conditions d'homme libre, 4 oct. 2004, par. 4.

76 F. ROUX, « De l'absence de responsabilité en cas d'acquittement », in L. BURGORGUE-LARSEN (dir.), La répression internationale du génocide, Bruxelles, Bruylant, Collection du CREHO, 2003, 251, p. 255.

77 Le Procureur c. André NTAGERURA, Affaire no ICTR-99-46-T, Chambre de première instance, Requête en rétablissement des libertés d'une personne acquittée, 4 oct. 2004, par. 14.

78 Le Procureur c. André NTAGERURA, supra note 75, par. 9.

79 Le Greffe a par exemple refusé des séjours illimités de membres de leur famille notamment quand ces derniers devraient partager la ration de ces résidents fournie par le Greffe. Voy. A. NTAGERURA et E. BAGAMBIKI, Le calvaire et la détresse de deux acquittés oubliés du TPIR, [en ligne sur] http://www.grandslacs.net/doc/3767.pdf, consulté le 29 juillet 2007 (Les acquittés concernés nous ont confirmé d'avoir publié eux-mêmes ce document. Voy. le document en annexe III).

d'acquittement80. Le Greffe a toujours plaidé avec quelque succès que les restrictions trouvaient leur base dans la décision même qui ordonnait le placement au safe house, laquelle décision conférait au Greffier la responsabilité de trouver aux acquittés un pays d'accueil tout en veillant à ce qu'en attendant l'aboutissement de telles démarches, les personnes acquittées puissent être représentées chaque fois que de besoin81.

§.2. Les effets du safe house

La mesure de placement au safe house entraîne des conditions de vie d'une personne en semi liberté (A) et prend fin à certaines occasions (B).

A. Les conditions de vie au safe house

Contrairement à une personne libre capable de se choisir sa propre résidence, l'acquitté du TPIR est maintenu dans un bâtiment choisi par le Tribunal, mais ne relevant pas non plus de l'établissement pénitentiaire82.

Dans le safe house, presque au méme titre que le détenu, l'acquitté vit et n'est autorisé à circuler qu'à des occasions limitées et autorisées et sous escorte discrète des agents de sécurité des Nations unies83. De même, son alimentation, son hébergement et ses soins de santé et d'hygiène sont pris en charge par le Tribunal sur le budget destiné au centre de détention à l'exclusion de l'habillement qui reste assuré aux frais propres de l'acquitté84.

Cependant, à la différence du détenu, il bénéficie dans le cadre de sa communication avec l'extérieur de certains avantages notamment de l'accès à l'Internet. En plus de son droit habituel aux visites de son choix85, y compris le droit à des visites conjugales mais

80 Voir à titre d'exemple, Le Procureur c. André NTAGERURA, supra note 77, pars. 14-39.

81 Voy. Le Procureur c. Emmanuel BAGAMBIKI, A. NTAGERURA et S. IMANISHIMWE, supra note 23, par. 15.

82 Le Procureur c. André NTAGERURA, supra note 77, par. 12.

83 Le Procureur c. André NTAGERURA, supra note 75, par. 9.

84 Voy. interview avec l'un des acquittés dont le nom est gardé sous l'anonymat pour ses raisons propres, 23 juin 2007.

85 Il faut noter que le droit aux visites est également reconnu aux détenus du TPIR mais à l'exclusion des visites conjugales.

après avertissement des services de sécurité du Tribunal86, il dispose d'une ligne téléphonique aux frais du Tribunal dans les limites raisonnables87.

B. La fin du séjour au safe house

Selon la jurisprudence établie par TPIR, le séjour au safe house prend fin lorsque le Tribunal est convaincu que d'autres conditions exigées pour garantir la présence de l'accusé en appel sont réunies pour lui accorder la libération totale. La personne acquittée doit par exemple fournir au Tribunal deux personnes de bonne moralité se portant garantes de sa disposition à répondre à la justice à tout moment. Elle doit signifier son adresse et s'engager à informer le Tribunal et la Police la plus proche en cas de changement d'adresse, se présenter à la Police la plus proche une fois par mois, ne pas sortir du pays de résidence sans l'autorisation écrite du Tribunal, remettre ses titres de voyage à la Police locale, sauf indication contraire du Tribunal88. Ces mesures ne sont ni plus ni moins qu'une mesure de contrôle judiciaire même si les juges se gardent d'utiliser une telle terminologie.

Le séjour au safe house arrive également à son terme à l'aboutissement du procès en cas de confirmation de l'acquittement par la Chambre d'appel. Cette décision aura pour effet d'anéantir toutes les conditions auxquelles la remise en liberté de l'acquitté était assujettie. Dans ce cas, l'accusé sera définitivement relâché car il ne sera plus requis de comparaître devant le Tribunal89.

Cependant, il est à noter que, dans la pratique du TPIR, les personnes acquittées restent gardées dans le safe house méme après l'acquittement définitif. Il en est ainsi pour permettre de résoudre d'autres difficultés soulevées par la mise en oeuvre de la remise en liberté de l'acquitté90.

86 Voy. interview, supra note 84.

87 Le Procureur c. André NTAGERURA, supra note 75, par. 9.

88 Voir Le Procureur c. Ignace BAGILISHEMA, supra note 8, par. 11; Le Procureur c. Ignace BAGILISHEMA, Affaire no ICTR-95-1A-T, Décision du Greffier en application de la décision sur la requête du Procureur sur le fondement de l'article 99 B), 8 octobre 2001, pars. 4-11. Signalons que pour le cas de BAGILISHEMA, la France a promis au Tribunal de l'accueillir dans les conditions fixées par le TPIR.

89 Voir Le Procureur c. Ignace BAGILISHEMA, Affaire no ICTR-95-1A-T, Chambre d'appel, Arrêt, 3 juillet 2002, par. 113.

90 Pour le moment, deux personnes définitivement acquittées sont toujours placées au safe house en attente de retrouver une autre destination. Il s'agit d'André NTAGERURA et André RWAMAKUBA.

CHAPITRE II. LA REMISE EN LIBERTE DE L'ACQUITTE

La remise en liberté est le corollaire naturel de l'acquittement, d'où l'inscription de cette mesure au premier paragraphe de l'article 99 du Règlement qui consacre un principe bien établi (Section 1). Mais la mise en oeuvre de cette mesure pose des difficultés pratiques qu'il importe de signaler (Section 2).

Section 1. Le principe de la remise en liberté

Il serait aisé d'aborder la question de la mise en oeuvre de la mesure de remise en liberté (§2) après avoir précisé son fondement (§1).

§.1. Le fondement de la mesure de remise en liberté

L'examen du fondement de la remise en liberté qui présuppose l'état de détention (A) évoque l'idée de préciser ses justifications (B).

A. La condition préalable à la mise en liberté

La remise en liberté suppose que l'intéressé était en état de détention. Il s'agit de l'incarcération de l'accusé décidée par la Chambre soit de première instance, soit d'appel à la demande du Procureur et exécutée dans une maison d'arrêt du Tribunal pendant une période indéterminée car aucune disposition du Statut ou du Règlement du TPIR ne prévoit un délai précis de la détention provisoire91. Cette dernière n'est cependant pas une peine d'emprisonnement anticipée. Elle est simplement une détention provisoire en attente du jugement de condamnation ou d'acquittement. Comme déjà évoqué, elle sert de moyen nécessaire à l'instruction du procès92.

B. Les justifications de la mesure

Le fondement de la mise en liberté après acquittement est à chercher parfois dans les conditions d'applications des textes (1) et quelquefois dans les explications idéologiques (2).

91 Cfr. les dispositions relatives à la détention provisoire, arts. 54-64 et 99 du Règlement.

92 Voir supra sur le fondement de la mesure de maintien en détention.

1. Au point de vue textuel

Dans les procédures du TPIR, il est très rare, pour ne pas dire impossible, que l'accusé puisse plaider en comparaissant libre. La gravité des crimes mis à la charge des personnes poursuivies devant ce Tribunal et les circonstances uniques en fonction desquelles il doit opérer- à défaut des moyens coercitifs efficaces permettant de faire comparaître l'accusé libre récalcitrant- sont telles que la détention est la règle jusqu'ici applicable à tous les accusés qui passent devant ce Tribunal.

Cependant comme le nom l'indique, il s'agit d'une détention provisoire qui est appelée à prendre fin lorsqu'elle n'est plus justifiée en raison de la décision définitive du juge de fond93. Ainsi, lorsqu'à l'issue du procès, l'accusé est condamné à une peine d'emprisonnement, il sera soumis à l'exécution de sa peine94. Mais au cas contraire, s'il est acquitté des faits qui lui sont reprochés par une décision d'acquittement devenue définitive, celle-ci s'oppose à toute nouvelle poursuite en raison des mémes faits95, et il sera immédiatement remis en liberté conformément à l'article 99 A) du Règlement. En application de cette disposition, les Chambres du TPIR ont expressément ordonné à plusieurs reprises la remise en liberté de la personne acquittée96.

2. Au point de vue idéologique

Les meilleures justifications de la mise en liberté après acquittement sont également tirées des réflexions basées sur les droits fondamentaux de la personne surtout le droit à la présomption d'innocence et le droit à la liberté.

Bien que dans la pratique les indices de culpabilité pèsent plus lourds97de telle sorte que la présomption d'innocence soit mise à mal par la mise en examen98 et les personnes

93 B. DEJEMEPPE, op. cit., note 48, p. 283.

94 Cfr. arts. 102 A) : « Sous réserve des décisions arrêtées par la Chambre de première instance conformément à l'Article 101, la sentence est exécutoire dès son prononcé conformément au paragraphe.» et 103 A) du Règlement : « La peine de prison est exécutée au Rwanda ou dans un Etat désigné par le Tribunal sur une liste d'Etats ayant indiqué leur volonté d'accueillir des personnes condamnées pour l'exécution de leur peine. Avant qu'une décision ne soit prise concernant le lieu de l'emprisonnement, la chambre informe officiellement le Gouvernement rwandais. ».

95 G. STEFANI, G. LEVASSEUR et B. BOULOC, Procédure pénale, 16è éd., Paris, Dalloz, 1996, p. 731.

96 A titre d'exemple, voy. Le Procureur c. Ignace BAGILISHEMA, supra note 8, par. 11 ; Le Procureur c. André NTAGERURA, Emmanuel BAGAMBIKI et Samuel IMANISHIMWE, Affaire no ICTR-99-46-T, Chambre de première instance, Jugement et sentence, 25 fév. 2004, par. 829.

97 L. MUGAMBIRA, De la détention provisoire face au principe de la présomption d'innocence devant le TPIR, mémoire de Licence, Butare, U.N.R., Faculté de Droit, 2004, p. 22, non publié.

98 J. R. FARTHOUAT, « La présomption d'innocence », in Justices Revue Générale de Droit Processuel, Paris, Dalloz, 1998, pp. 53-59, p. 54.

poursuivies soient généralement aussitôt mises en détention99, la liberté et la présomption d'innocence devraient toujours être protégées. La détention est privative de liberté sans pour autant que la culpabilité du prévenu ne soit établie. Or être privé de liberté constitue en soi une peine100, en ce qu'il s'agit souvent d'une proclamation anticipée de la culpabilité, alors qu'il y a pourtant bien des mis en examen dont l'innocence finit par s'établir par décision d'acquittement101. Mais c'est souvent trop tard, puisque la presse qui couvre souvent avec beaucoup de zèle les mises en examen, est rarement aussi enthousiaste quand il s'agit d'annoncer un acquittement, suite à un procès dont la longueur aura fini de lasser ceux qui le suivaient.

Ainsi défendue par les philosophes des lumières, quelle que soit son application, la détention provisoire ne serait plus justifiée lorsque le soupçon de culpabilité qui avait déterminé son existence n'existe plus en raison de l'intervention de l'acquittement. Dans ce cas, la remise en liberté devrait intervenir de plein droit après acquittement sans qu'elle ne soit nécessairement ni consacrée par le texte ni stipulée par la décision du juge.

§.2. Le régime de l'exécution de la mesure

Sera d'abord discuté le moment de l'exécution de la mesure (A) puis le rôle que doivent y jouer les différents organes (B).

A. Le moment de l'exécution de la mesure

Puisque l'acquittement peut intervenir à deux moments de la procédure, il s'en suit que la remise en liberté résultant de l'acquittement peut s'opérer également à deux étapes de procédure : soit à la fin du procès (1), soit en cours de celui-ci (2).

1. A la fin du procès

En principe, les règles de procédure fixent le moment d'acquittement ou de la condamnation après la clôture des débats102. Ainsi, c'est à l'issue du prononcé de la décision d'acquittement par la chambre que l'accusé sera immédiatement relâché103.

99 L. MUGAMBIRA, op. cit., note 97, p. 22.

100 J. PRADEL, Droit pénal compare, Paris, Dalloz, 1995, p. 121.

101 J. R. FARTHOUAT, op. cit., note 98, p. 54.

102 Voy. en droit rwandais, art. 144 de la Loi no 13/2004, précitée, note 57; arts. 87 A) des Règlements du
TPIR et du TPIY libellés de la même façon comme suit Ó« Après les réquisitions et les plaidoiries, le Président

2. En cours de procès

C'est par exception qu'il peut etre permis à la défense de présenter sa requête aux fins d'acquittement avant la clôture des débats, juste après la présentation par le Procureur de ses moyens de preuve104. Suivant cette procédure, les décisions d'acquittement avant la clôture des débats ont été rendues par le TPIR105 et le TPIY106.

La procédure est fondée sur le fait qu'il peut se révéler dans les débats que les moyens à charge ne suffisent pas pour justifier la condamnation de l'accusé, notamment lorsque le Procureur n'a pas présenté ses moyens de preuve ou lorsqu'il les a présentés, ils sont si manifestement insuffisants qu'ils ne méritent même pas une contre preuve de la défense. Celle-ci n'intervient dans ce cas que pour présenter sa requête en vue d'acquittement. Une fois l'acquittement décidé, de la même sorte que la procédure précédente, si l'accusé était en détention, il doit être immédiatement mis en liberté. Mais puisque généralement il s'agit d'acquittement partiel107, il reste toujours des charges graves contre l'accusé et qui justifient son maintien en détention.

°A TI eTIil CeTIISes TIEIMA TIIS'eIpFutiEn

Il a déjà été indiqué que la mise en liberté de l'acquitté peut soit résulter de la décision expresse du juge (ordonnance, décision, jugement ou arrêt), soit résulter de plein droit de la décision d'acquittement.

de la chambre de première instance déclare clos les débats et la chambre se retire pour délibérer à huis clos. L'accusé n'est déclaré coupable que lorsque la Chambre considère que la culpabilité a été prouvée au delà de tout doute raisonnable. ».

103 Cfr. art. 99 A) du Règlement, précité, note 4.

104

Voy. arts. 98 bis des Règlements du TPIR et du TPIY libellé comme suit Ó« Si à l'issue de la présentation par le Procureur de ses moyens de preuve, la chambre conclut que ceux-ci ne suffisent pas à justifier une condamnation pour un ou plusieurs chefs visés dans l'accusation, elle prononce, sur requete de l'accusé déposée dans les sept jours suivant la fin de la présentation des moyens à charge, à moins que la Chambre n'en décide autrement, ou d'office, l'acquittement en ce qui concerne lesdits chefs. ».

105 Cfr. par exemple The Prosecutor v. Samuel IMANISHIMWE, André NTAGERURA et Emmanuel BAGAMBIKI., Case no ICTR-99-46-T, Trial chamber III, Judgment on motion for judgment of acquittal on count of conspiracy to commit genocide pursuant to Rule 98 bis, 6 march 2007, oral decision. Voy. aussi The Prosecutor v. Samuel IMANISHIMWE, André NTAGERURA et Emmanuel BAGAMBIKI, Case no ICTR-99-46- T, Trial chamber III, Separate and concurring decision of Judge WILLIAMS on IMANISHIMWE motion for judgment of acquittal on count of conspiracy to commit genocide pursuant to Rule 98 bis, 13 march 2007, par. 9.

106 Voy. à titre d'exemple The Prosecutor v. Dusko SIKIRICA, Damir DOSEN et Dragan KOLUNDZIJA., Chambre de première instance, Jugement relative aux requetes d'acquittement présentées par la défense, 3 sept. 2000, par. 172.

107 Selon les cas traités par le TPIR et le TPIY déjà cités.

Cependant, quelles que soient les discussions ci-dessus menées, il découle de l'article 65 du Règlement qu'au TPIR comme au TPIY108, que les rédacteurs des textes de ces tribunaux ont fait de la mise en liberté une mesure exceptionnelle qui nécessite une décision expresse du juge car selon cette disposition, une fois détenu, l'accusé ne peut être libéré que sur ordonnance du juge. C'est pour cette raison que les Chambres ont été amenées à prononcer l'ordre de libérer l'acquitté intéressé soit par décision d'acquittement, soit par toute autre décision y relative109.

Aussitôt que la décision de remise en liberté est ordonnée par la Chambre, le Greffier responsable du service du Tribunal110 doit entamer la procédure et effectuer les démarches pratiques nécessaires pour la libération de l'acquitté. Concrètement, il instruit par une décision expresse le Commandant du Q.P.N.U. de relâcher l'acquitté concerné111 qui, s'il trouve facilement une destination, devient automatiquement libre.

Cependant dans la pratique, la remise en liberté se heurte à des difficultés qui font qu'au lieu d'être libéré immédiatement, l'acquitté reste gardé dans un safe house. Dans les cinq acquittements déjà prononcés, tous les acquittés sont restés au moins quelques mois dans un safe house après leur remise en liberté112.

108 Les arts. 65 A) des Règlements du TPIR et TPIY sont stipulés de la même façon comme suit: « Une fois détenu, l'accusé ne peut être mis en liberté que sur ordonnance d'une Chambre. ».

109 Voir supra note 82.

110 Cfr. art. 33 du Règlement, supra note 37.

111 A titre d'exemple, voy. Le Procureur c. Ignace BAGILISHEMA, Affaire no ICTR-95-1A-T., Décision du Greffier en application de la décision sur la requête du Procureur sur le fondement de l'article 99 B), supra note 88, par. 10-11.

112 Ignace BAGILISHEMA a été définitivement acquitté et libéré le 8 juin 2001 (Cfr. Le Procureur c. Ignace BAGILISHEMA, Affaire no ICTR-95-1A-T., supra note 8), mais ce n'est que le 8 octobre 2001 qu'il a pu sortir du safe house pour regagner le pays d'accueil, la France (Cfr. Le Procureur c. Ignace BAGILISHEMA, Affaire no ICTR-95-1A-T, Décision du Greffier en application de la décision sur la requête du Procureur sur le fondement de l'article 99 B), supra note 88.). De même, Emmanuel BAGAMBIKI définitivement acquitté et libéré le 7 juillet 2006 (Cfr. Le Procureur c. André NTAGERURA, Emmanuel BAGAMBIKI et Samuel IMANISHIMWE, Affaire no ICTR-99-46-T, Chambre d'appel, Arrêt, 7 juillet 2006) est resté dans le safe house pour rejoindre sa famille en Belgique le 20 juillet 2007 (Cfr Hirondelle TPIR, Informations du 27 juillet 2007, [en ligne sur] http://www.hirondelle.org, consulté le 26 juillet 2007. Egalement, Jean MPAMBARA libéré le 11 septembre 2006 (Voy. The Prosecutor v. Jean MPAMBARA, Case no ICTR-01-65-T, Trial chamber I, Judgement and sentence, 11 sept. 2006) a quitté le safe house le 20 déc. 2006 pour aller en Belgique (Cfr. Hirondelle TPIR, Informations du 03 jan. 2007 [en ligne sur] http://www.hirondelle.org, consulté le 26 juillet 2007. Deux autres acquittés dont André NTAGERURA et André RWAMAKUBA sont encore sous la protection du TPIR au safe house.

Section 2. Les difficultés de mise en oeuvre de la remise en liberté

Dans les poursuites pénales internationales, les accusés sont souvent arrêtés dans un pays et transférés pour être jugés dans une autre juridiction territoriale113. Il s'ensuit que la juridiction concernée aura sans doute des difficultés pour trouver à l'acquitté libéré un territoire d'accueil, car des fois l'accusé peut se trouver, par son arrestation et sa détention, séparé ou méme coupé avec son pays d'origine ou sa famille. Cette situation est très différente des poursuites pénales nationales dans le cadre desquelles il est très facile pour l'accusé acquitté de regagner sa résidence habituelle après sa libération car dans la plupart des cas, il est poursuivi et jugé par la juridiction du lieu de sa résidence. Il importe alors de saisir ce phénomène (§.1) et les solutions possibles au TPIR (§.2).

§.1. L'état de la question

La mise en oeuvre de la remise en liberté de l'acquitté du TPIR se heurte à des obstacles liés d'abord à son séjour limité sur le territoire du pays hôte (A) ensuite à l'identification du pays d'accueil (B).

A. Le séjour limité en Tanzanie

La personne poursuivie devant le TPIR dont le siège principal est basé à Arusha ( en République unie de Tanzanie) arrive dans ce territoire étranger à la faveur d'un transfert au siège du Tribunal, suivant un mandat d'arrêt et de dépôt délivré par le Tribunal114.

Lors de sa libération suite à l'acquittement, son séjour sur le territoire étranger doit prendre fin car il ne lui est accordé que quinze (15) jours à partir de sa remise en liberté pour quitter le territoire tanzanien115.

113 Puisque les personnes poursuivies devant les tribunaux pénaux internationaux (tels que le Tribunal Militaire de Nuremberg, le Tribunal Militaire de Tokyo, TPIR, le TPIY et le Tribunal Spécial pour le Sierra Leone) sont souvent arrêtées dans leurs pays de résidence ou dans les différents pays où elles ont trouvé l'asile et transférées dans les pays où ces tribunaux ont leurs sièges pour y être jugées.

114 Cfr. art. 57 du Règlement : « Après l'arrestation de l'accusé, l'Etat concerné détient l'intéressé et en informe sans délai le Greffier. Le transfert de l'accusé au siège du Tribunal ou vers tout autre lieu que le Bureau peut fixer, après consultation du Procureur et du Greffier, est organisé par les autorités nationales intéressées en liaison avec les autorités du pays hôte et le Greffier. ».

115 Cfr. art. XX. 2 de l'Accord du 31 aoüt 1995 signé entre les Nations unies et la République unie de Tanzanie concernant le siège du TPIR : « L'immunité visée au présent article cesse lorsque l'intéressé, ayant été acquitté ou autrement relâché par le Tribunal et ayant eu l'occasion de quitter le territoire du pays hôte dans les quinze (15) jours de sa remise en liberté, y est néanmoins demeuré, ou qui, l'ayant quitté, y est revenu.

Or, dans la pratique, à la différence du TPIY116, il a été remarqué qu'à chaque acquittement, l'acquitté du TPIR n'est pas en mesure de quitter le pays dans les délais qui lui sont impartis par l'Accord de siège liant le Tribunal à la Tanzanie. Il a fallu attendre encore quatre mois après sa libération pour que la France accepte de recevoir le premier acquitté du Tribunal Ignace BAGILISHEMA117. Emmanuel BAGAMBIKI118, le quatrième acquitté et Jean MPAMBARA119, le cinquième acquitté, ont respectivement passé douze et trois mois pour que la Belgique accepte de les accueillir sur son territoire, alors que deux autres acquittés sont toujours au siège du Tribunal en attente de trouver un pays d'accueil120.

Alors, il se pose la question de savoir dans quelle mesure l'acquitté libéré serait capable d'exercer son droit à la liberté obtenue en raison de l'acquittement s'il lui est impossible de quitter la Tanzanie dans les limites légales qui lui sont accordées.

Deux éléments de référence semblent être importants pour donner la réponse. Selon l'article XX III de l'Accord de siège signé entre les Nations unies et la Tanzanie en vue de régler les questions relatives au fonctionnement du TPIR121 interprété avec l'article XX. 2 122 du méme Accord, il s'avère qu'à l'exclusion du personnel du Tribunal et les témoins, ni les accusés ni les acquittés n'ont le droit de circuler librement sur le territoire de la Tanzanie.

De méme, d'après la législation tanzanienne en matière d'immigration, l'acquitté (considéré comme un étranger en Tanzanie) qui s'est trouvé sur le territoire tanzanien sans possession de documents de voyage légalement reconnus n'est pas seulement interdit d'y circuler librement mais aussi d'y résider pour quelque période que ce soit123.

116 Voir infra note 133.

117 Cfr. supra note 112. Voy. aussi Le Procureur c. Ignace BAGILISHEMA, Affaire no ICTR-95-44C-T, Chambre de première instance III, Requête en indemnité devant les Nations unies, 28 jan. 2005, p. 25.

118 Voir supra note 112.

119 Ibid.

120 Ibid.

121 Cfr. art. XX III de l'Accord de siège, précité, note 115 : « Toute personne visée aux articles XIV, XV, XVII, XVIII et XIX du présent Accord dont le Greffier a communiqué les noms et qualité au Gouvernement a le droit d'entrer sur le territoire du pays hôte, d'en sortir et de s'y déplacer en toute liberté, selon qu'il convient, aux fins du Tribunal. Des facilités de voyage rapide lui sont accordées. Les visas, autorisations d'entrée ou permis éventuellement nécessaires sont délivrés gratuitement et aussi rapidement que possible. Des facilités analogues sont accordées aux personnes accompagnant les témoins dont le Greffier a communiqué les noms et qualité au Gouvernement. » Précisons que les articles ci dessus font exclusion des accusés et des acquittés.

122 Voir supra note 115.

123 Cfr. arts. 15-27 de "The 1995 Tanzania immigration act".

B. L'identification du pays d'accueil

Etant donné que l'installation des acquittés en Tanzanie est légalement proscrite, l'identification d'un pays d'accueil reste leur première préoccupation. Les difficultés d'identification du pays d'accueil sont liées aux raisons propres des acquittés (1) et aux raisons extérieures à leur volonté (2).

1. Les difficultés liées aux raisons propres de l'acquitté

Le TPIR souligne que les accusés ne veulent pas retourner au Rwanda pour des raisons qui leur sont propres124. La même réponse nous a été donnée dans une interview avec l'un des acquittés, mais avec certaines précisions sur quelques difficultés rencontrées.

C'est vrai que chaque acquitté a ses propres raisons, mais d'une manière générale deux raisons semblent justifier leur attitude commune. D'abord, arrétés tous en exil, les acquittés ne veulent pas retourner au Rwanda pour des raisons de sécurité. Suite aux événements qui se sont déroulés au Rwanda et leur rôle allégué dans ces évènements, ils ne se sentent pas à l'aise au Rwanda125, car quand bien même ils ont été acquittés par un Tribunal international, ils ne sont pas rassurés de ne plus être recherchés par la justice rwandaise puisque celle-ci s'est déjà déclarée sur son intention de lancer de nouvelles poursuites contre l'un des acquittés du TPIR126.

Cette information délivrée est d'autant plus vraie que le Gouvernement rwandais a bien indiqué qu'il allait poursuivre Emmanuel BAGAMBIKI acquitté par le TPIR pour des actes dont il n'a pas répondu devant le TPIR et pour lesquels la justice rwandaise détiendrait des éléments de preuve suffisants. Toutefois l'intention n'est pas de s'en prendre systématiquement à toutes les personnes acquittées par le TPIR127.

124 Selon le porte parole du TPIR lorsqu'il était interrogé par les journalistes. Voy. Croix Rouge de Belgique, Newsletter du DIH, no 78 du 16-31 août 2oo6, p. 6.

125 Cfr. interview, supra note 84. Voy. également la déclaration de F. ROUX Avocat de BAGILISHEMA lors d'une interview avec Hirondelle TPIR Ó « BAGILISHEMA se sent qu'il ne serait pas en sécurité s'il retournait au Rwanda, il voudrait résider dans un pays européen », cité par Hirondelle TPIR, Informations du 24 juillet 2001, [en ligne sur] http://www.hirondelle.org, consulté le 26 juillet 2007.

126 Cfr. interview, supra note 84.

127 Voy. le communiqué du Ministère de la Justice qui a catégoriquement dénoncé jeudi le 26 février 2004 la décision d'acquitter BAGAMBIKI et NTAGERURA (Cfr. Hirondelle TPIR, informations du 29 février 2004, [en ligne sur] http://www. www.hirondelle.org, consulté le 26 juillet 2007). Voy. aussi le communiqué oral du Représentant du Rwanda au TPIR du 8 mars 2006 suite à l'acquittement de BAGAMBIKI; Interview du Représentant du Gouvernement rwandais auprès du TPIR avec le journal Sunday Times, cité par J.

De plus, d'autres motifs basés notamment sur des questions d'ordre social sont également invoqués par les acquittés. Pour certains, le retour au Rwanda risquerait de les séparer de leurs familles qui sont toujours en exil à l'étranger. Ils hésitent aussi sur la réinsertion sociale dont ils pourront bénéficier auprès de la société rwandaise128 d'autant plus que la population rwandaise se montre parfois insatisfaite des décisions d'acquittement du TPIR129.

2. Les difficultés liées aux raisons extérieures à la volonté de l'acquitté

Les acquittés ne peuvent pas regagner les pays respectifs où ils ont été arrêtés. Certains d'entre eux n'avaient pas de situation régularisée dans ces pays méme antérieurement à leur arrestation130. Et pour d'autres qui avaient méme un statut de réfugié légalement reconnu, ils ont automatiquement perdu ce statut lors de leur arrestation conformément aux dispositions de la Convention relative au statut de réfugié car ils ont acquis une autre protection juridique incompatible avec celle de réfugié131. Ils ne peuvent donc pas se réclamer de leur statut antérieur de réfugié, sauf s'ils entament de nouvelles procédures de demande. Mais les Etats concernés ne sont pas obligés d'y répondre positivement.

A part les pays où ils ont été arrêtés, plusieurs autres pays contactés par le TPIR ont refusé d'accueillir les acquittés. En raison de leur nature, il se comprend que de tels arrangements entre le TPIR et les pays concernés soient hautement confidentiels. De ce fait, on ne peut confirmer de connaître tous les noms des pays qui ont été réticents aux appels du Tribunal. A ce titre, pour ne citer que ceux qui sont connus, pour le cas de NTAGERURA,

MUNYANEZA, Rwanda plots Bagambiki's re-arrest, in Rwanda Development Gateway [en ligne sur] http://rwanda.rw/article.php3?id_article=2215, consulté le 26 juillet 2007.

128 Cfr. interview, supra note 84.

129 A titre d'exemple, environ 10 000 personnes ont envahi les rues de Cyangugu (sud-ouest du Rwanda) jeudi le 26 février 2004 afin de manifester contre l'acquittement des charges de génocide et crimes contre l'humanité par le TPIR de deux anciennes personnalités politiques de la province (Emmanuel BAGAMBIKI et André NTAGERURA). Cfr. Hirondelle TPIR, informations du 29 février 2004, [en ligne sur] http://www. www.hirondelle.org, consulté le 26 juillet 2007.

130 Interview, supra note 84.

131 Cfr. art. 1er D. de la Convention relative au statut de réfugié telle qu'adoptée par l'Organisation des nations unies le 28 juillet 1951 dans une conférence de plénipotentiaires sur le statut des réfugiés et des apatrides Ó« Cette Convention ne sera pas applicable aux personnes qui bénéficient actuellement d'une protection ou d'une assistance de la part d'un organisme ou d'une institution des Nations unies autre que le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés. ».

son avocat souligne que la France, la Belgique, les Etats unis, la Suède et la Norvège ont été approchés par le Greffier, mais ont répondu par la négative132.

Mais à l'inverse, le TPIY n'a jamais eu les mémes difficultés. Les Etats auxquels appartiennent les personnes poursuivies par ce Tribunal ainsi que les Etats de la région restent coopératifs pour tout accueil ou comparution nécessaire des acquittés ou même des accusés mis en liberté. En plus, les accusés n'hésitent pas à regagner leurs résidences initiales puisqu'ils n'ont pas de relations inquiétantes avec les administrations de leurs pays respectifs. Certains parmi eux sont en fait accueillis en héros dans leur pays après leur acquittement133.

Encore faut-il noter que les conditions imposées par le TPIR à la remise en liberté de l'acquitté134engageant l'Etat d'accueil de rester coopératif à la comparution de l'acquitté en appel constituent également en quelque sorte un obstacle à la tâche de trouver un pays d'accueil. Par interprétation des propos du Greffier du TPIR135 et de F. ROUX avocat de BAGILISHEMA136, il a été difficile de trouver un pays acceptant à la fois d'accueillir BAGILISHEMA, le premier acquitté du TPIR, tout en garantissant sa comparution en temps utile en procédure d'appel. Il s'agit d'une obligation que de nombreux pays se sentent mal à l'aise d'endosser.

132 Cfr. le Procureur c. Ignace BAGILISHEMA, supra note 117, p. 18.

133 A titre indicatif de la coopération des Etats avec le TPIY, ce dernier déclare avoir reçu « la garantie écrite offerte par les autorités de la Fédération de Bosnie-Herzégovine, datée du 25 août 2005 et déposée le 29 août 2005 par la Défense, indiquant que " les organes compétents de la Fédération de Bosnie-Herzégovine veilleront à ce que Sefer HALILOVIC réponde à toute convocation du Tribunal à La Haye ou en tout autre lieu que la Chambre de première instance fixera, et qu'il se conformera à toutes les mesures ordonnées par la Chambre dans sa décision". ». Quant au comportement des acquittés, il est illustré par le fait qu'ils ne s'opposent pas à leur retour aux pays d'origine. Il s'agit d'une situation qui n'a jamais existé au TPIR. Voy. Le Procureur c. Sefer HALILOVIC, supra note 8, par. 23.

134 Cfr. Le Procureur c. Ignace BAGILISHEMA, supra note 8, par. 11. Voy. aussi The Prosecutor v. AndréNTAGERURA, Emmanuel BAGAMBIKI et Samuel IMANISHIMWE, supra note 23, par. 12 où la Chambre

ordonne lesdites conditions en ces termes : « ORDERS that André NTAGERURA and Emmanuel BAGAMBIKI be immediately released on satisfaction of the following conditions:

i. that he provides an address where he will reside and undertake to inform the Tribunal and the local police nearest his residence in case of any change of address;

ii. that he reports on the first Monday of each month to the nearest local police station;

iii. that he does not travel outside the country of his residence without the written permission of the Tribunal;

iv. that his travel documents be retained by the local police, unless directed otherwise by the Tribunal. ».

135 Cfr. Conférence de presse tenue par A. DIENG Greffier du TPIR, le 26 juillet 2006 : « la France est le seul pays qui puisse permettre à BAGILISHEMA de remplir les conditions posées par le Tribunal, même si nous sommes aussi en train de chercher ailleurs. », cité par Hirondelle TPIR, Informations du 26 juillet 2006, [en ligne sur] http://www. www.hirondelle.org, consulté le 26 juillet 2007.

136 F. ROUX a indiqué, dans un interview avec Hirondelle TPIR, que : « le seul pays où ces conditions peuvent être remplies est la France, mais la France a refusé de le recevoir. », cité par Hirondelle TPIR, Information du 24 juillet 2001, [en ligne sur] http://www.hirondelle.org, consulté le 26 juillet 2007.

En définitive, face à ces difficultés, il s'avère nécessaire de proposer les solutions tout en signalant qu'elles ne seront pas à l'abri des critiques que nous allons également mentionner à chaque solution proposée.

§.2. Les solutions possibles

Trois solutions sont proposées, à savoir d'abord la protection temporaire par le TPIR en attente de toute autre solution définitive (A). Il s'entend que d'autres solutions définitives ne pouvaient qu'envisager le départ du territoire tanzanien soit par la recherche d'asile dans un autre pays (B), soit par le rapatriement au Rwanda (C).

A. La protection temporaire par le TPIR

Vu que le droit de l'acquitté de jouir de sa liberté sur le territoire tanzanien est impossible et qu'il existe d'autres obstacles à son départ dans les délais impartis conformément aux dispositions régissant le fonctionnement du Tribunal, il faudrait par tous moyens possibles forger une autre protection.

La protection temporaire par le TPIR ne pouvait qu'être la seule solution possible dans l'immédiat en attente de toute autre solution définitive. Point crucial qui tient au fondement de la protection offerte par le TPIR est son obligation qui découle du fait que c'est la méme institution qui avait amené l'acquitté sur le territoire tanzanien137 et qui avait sous sa responsabilité la protection de l'accusé tout au long de la période de détention138. Ici, nous retiendrons la même idée que F. ROUX139 que c'est le TPIR qui devrait être en faute, laquelle faute entraîne son obligation de réparation qui ne peut être, en l'espèce, qu'offrir la protection utile à l'acquitté en attendant toute autre protection légitime possible.

137 Suivant un transfert au siège du TPIR exécuté conformément aux dispositions des arts. 54-61 du Règlement.

138 Conformément à l'art. XX. 1 de l'Accord de siège, précité, note 115 Ó « Le pays hôte s'abstient d'exercer sur une personne se trouvant sur son territoire qui a été ou doit être amenée en qualité de suspect ou d'accusé dans les locaux du Tribunal en exécution d'un mandat ou d'une demande du Tribunal, sa juridiction criminelle à l'égard d'actes, omissions ou condamnations de cette personne antérieurs à son entrée dans le pays hôte. ».

139 Qui, en réclamant contre les Nations unies les dommages de son client Ignace BAGILISHEMA acquitté du TPIR, suppose sa faute (Cfr. Le Procureur c. Ignace BAGILISHEMA, supra note 117). S'il réclame l'indemnisation contre les Nations unies, ce n'est pas parce qu'il a voulu ignorer la faute du TPIR. C'est plutôt parce qu'il considère que c'est par les Nations unies que la communauté internationale a confié au TPIR la mission de justice. De ce fait, elles devaient en être responsables.

C'est ainsi qu'en vertu de ses pouvoirs propres en tant qu'organe judiciaire140, le TPIR a estimé qu'au lieu d'être livrés sans protection, les acquittés libérés devaient être gardés dans l'entre temps au safe house sous l'autorité du Tribunal en vue de leur accorder la protection nécessaire en attente d'une autre destination141.

Cependant, la solution reste loin d'assurer effectivement les conditions d'un homme libre. Conformément aux dispositions déjà invoquées régissant le Tribunal dans ses relations avec l'Etat hôte, le TPIR n'est pas autorisé à laisser les acquittés circuler librement sur le territoire de l'Etat hôte142. Corrélativement, le droit de visites aux acquittés est limité143. En plus, la prise en charge au point de vue conditions matérielles de vie est restée, pendant un certain temps, un défi pour le Tribunal comme pour les acquittés, car comme l'indiquent les acquittés,144 leur prise en charge fait partie des prévisions budgétaires du centre de détention du Tribunal qui est voté pour deux ans. Les accusés acquittés après l'adoption du budget ont eu des difficultés.

B. La recherche d'asile

La recherche d'asile est considérée par les acquittés comme la meilleure solution car l'asile leur permettra d'éviter toutes les conditions critiquables qu'ils subissent sous la protection du TPIR au safe house et le risque d'insécurité, si jamais ils retournaient au Rwanda145.

140 Ces pouvoirs propres ("inherent powers") sont souvent invoqués par les chambres du TPIR et TPIY comme des pouvoirs que détient tout organe judiciaire nécessaire à l'accomplissement de sa mission sans qu'ils soient nécessairement stipulés par un texte. Cfr. Le Procureur c. André RWAMAKUBA, Affaire no ICTR-95-1A-T, Chambre de première instance III, Décision relative à la Requête de la Défense en juste réparation, 31 jan. 2007, pars. 46-48; Le Procureur c. Dusko TADI}, Affaire no IT-94-1-T, Chambre d'appel, Arrêt relatif à l'appel de la Défense concernant l'exception préjudicielle d'incompétence, 2 oct. 1995, par. 15. Voy. aussi infra note 181.

141 Voy. Le Procureur c. Emmanuel BAGAMBIKI, André NTAGERURA et Samuel IMANISHIMWE, supra note 23, par. 14.

142 Conformément aux arts. XX. 2 et XX III de l'Accord de siège. Voir supra notes 115 et 121.

143 A. NTAGERURA et E. BAGAMBIKI, op. cit., note 79.

144 « (
·
·
·) les services du Greffier nous répondent systématiquement que nous coûtons cher au TPIR, que les dépenses nous concernant n'ont pas été prévues au budget (...). Certaines fournitures nous ont été carrément supprimées notamment celles nous permettant de continuer à préparer notre appel tel que l'ordinateur et ses périphériques, le papier, les stylos, les enveloppes, etc. Le matériel de nettoyage, d'hygiène et de propreté est fourni de manière irrégulière. Aucun employé chargé du nettoyage n'est affecté en permanence à notre résidence, le temporaire est tellement irrégulier qu'il a disparu depuis tout un mois sans préavis. Pourtant le budget du Centre de Détention est voté pour deux ans, celui de l'exercice en cours a été adopté avant notre acquittement. Nous faisions donc bel et bien partie des prévisions budgétaires du Centre de Détention qui, sur ce chapitre, continue à nous gérer, cette fois dans le " Safe House"! ». Voy. Ibid.

145 Selon leurs doléances qu'ils expriment souvent dans les requêtes adressées aux chambres et au Greffier.
Voy. à titre d'exemple les réquisitions de RWAMAKUBA dans The Prosecutor v. André RWAMAKUBA, Case

C'est vrai que le droit d'asile est reconnu par les principes du droit international146, mais les Etats n'ont aucune obligation de l'accorder. Il s'agit là d'une conséquence de la souveraineté de chaque Etat147. Il appartient aux autorités nationales saisies d'en apprécier le motif qui est généralement la crainte de persécution148. S'appuyant sur ce pouvoir discrétionnaire d'appréciation, plusieurs Etats approchés par le TPIR ont refusé d'accueillir les acquittés. Il semble que les motifs avancés par les acquittés ne conviennent pas aux Etats car les acquittés ne sont apparemment pas persécutés au moment de la demande, mais sont plutôt sous une autre protection du Tribunal.

Actuellement, le TPIR est en train de s'appuyer sur l'article 28 du Statut invoquant la coopération des Etats au Tribunal149. La coopération ne doit pas se limiter uniquement aux nécessités de poursuite mais aussi à toute demande d'assistance requise par le Tribunal dans l'accomplissement de sa mission, y compris l'octroi d'asile aux acquittés150 qui est un moyen de mise en oeuvre de la décision d'acquittement151.

no ICTR-98-44C-1, Trial chamber III, Application for appropriate remedy, 23 oct. 2006. Voy. aussi interview, op. cit., note 84.

146 Plusieurs conventions internationales consacrent aujourd'hui le principe du droit d'asile, dont la D.U.D.H., art. 14. 1 : « Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l'asile en d'autres pays. », la Convention de Genève relative au statut des réfugiés précitée et le Protocole relatif au statut des réfugiés adopté par le Conseil économique et social des Nations unies dans sa résolution 1186 (XLI) du 18 novembre 1966, communiqué à l'Assemble générale des Nations unies dans sa résolution 2198 (XXI) du 16 décembre 1966 et entrée en vigueur le 4 octobre 1967, etc. Il est également proclamé par les textes régionaux. Voy. le traité instituant la Communauté européenne tel qu'adopté par les Etats signataires le 25 mars 1957, art. 63 ; la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne proclamée solennellement par le Parlement, le Conseil et la Commission européens le 17 déc. 2000, art. 18; la C.A.D.H., art. 22. 7 ; la C.A.D.H.P., art. 12. 3.

147 Principe selon lequel l'Etat n'est obligé ou déterminé par aucune autre force, mais plutôt n'agit que par sa propre volonté dans les limites du principe supérieur du droit et conformément au but collectif qu'il est appelé à réaliser.

148 Voir supra note 146. Toutes les conventions citées ne retiennent que la persécution comme le seul motif pour obtention d'asile.

149 L'art. 28 est libellé comme suit Ó « 1. Les États collaborent avec le Tribunal pénal international pour le Rwanda à la recherche et au jugement des personnes accusées d'avoir commis des violations graves du droit international humanitaire. 2. Les États répondent sans retard à toute demande d'assistance ou à toute ordonnance émanant d'une Chambre de première instance et concernant, sans s'y limiter :a) L'identification et la recherche des personnes ; b) La réunion des témoignages et la production des preuves ; c) L'expédition des documents ; d) L'arrestation ou la détention des personnes ; e) Le transfert ou la traduction de l'accusé devant le Tribunal international pour le Rwanda. ».

150 Voy. Le Procureur c. André RWAMAKUBA, Affaire no ICTR-98-44C-T, supra note 140, par. 78; Address of the Judge Denis Byron President of the International criminal tribunal for Rwanda to the United nations Security council 18 June 2007; Onzième rapport annuel du TPIR à l'Assemblée générale du Conseil de sécurité des Nations unies du 13 août 2006. .

151 Voy. Le Procureur c André RWAMAKUBA, supra note 140, par. 77.

C. Le rapatriement au pays d'origine, le Rwand

Bien que le rapatriement au pays d'origine ne soit pas préféré par les acquittés au motif de crainte d'insécurité152, il semble que ce soit la solution qui pose le moins de difficultés juridiques. Le Rwanda reconnaît que les acquittés sont libres de retourner au Rwanda et qu'accueillir les acquittés est un devoir de l'Etat rwandais à l'égard de ses citoyens153. Les acquittés ont droit à résider dans leur pays comme tout autre rwandais154.

Mais, par-delà les mots de bienséance officiels, il importe de souligner que le motif d'insécurité argué par les acquittés ne doit pas être totalement ignoré. Les réactions du Gouvernement rwandais, voire l'exemple des déclarations ci-haut citées annonçant une intention de déclencher de nouvelles poursuites à l'encontre de l'acquitté BAGAMBIKI n'ont pas manqué de semer un climat d'inquiétude chez les acquittés. Le Gouvernement rwandais devrait prendre une attitude active par son initiative dans le cadre de ses devoirs à l'égard de ses citoyens comme il l'a invoqué, de faire un appel aux acquittés de rentrer et de procéder à de tels arrangements avec le Tribunal.

Ainsi une fois la liberté est obtenue, la seconde préoccupation de l'acquitté reste la possibilité de revendiquer la réparation des torts subis en raison de la détention.

152 Cfr. interview, op. cit., note 84.

153 Cfr. interview avec Alloys MUTABINGWA, Représentant du Gouvernement rwandais au TPIR, 24 juillet 2007.

154 Arts. 23 al. 2 Ó « Tout citoyen rwandais a le droit de quitter librement son pays et d'y revenir. » et 24 de la Constitution de la République du Rwanda du 4 juin 2003, précitée Ó « Tout Rwandais a droit à sa Patrie. ».

CHAPITRE III. LE DROIT A REPARATION POUR

L'ACQUITTÉ

Dans les poursuites pénales, il est souvent reproché à la justice de recourir aux moyens coercitifs155 nécessaires à l'instruction mais qui, tel qu'argué par les personnes poursuivies, ne manquent pas de leur porter préjudice pour lesquels une juste réparation est accordée dans certains systèmes juridiques, surtout lorsque leur innocence est prouvée par une décision d'acquittement. Cependant, la réparation du préjudice des personnes acquittées devant le TPIR reste problématique (Section 1), d'où la nécessité d'un véritable régime de réparation (Section 2).

Section 1. La problématique de réparation pour l'acquitté devant le

TPIR

Le droit à la réparation de la personne acquittée est presque inexistant dans les textes du TPIR (§.1) mais la pratique semble lui reconnaître une place limitée (§.2).

§.1. Un régime juridique qui fait abstraction du droit à réparation

pour l'acquitté

L'analyse des textes du TPIR fait relever deux situations : d'une part l'absence de l'action en réparation pour acquittement (A) et d'autre part la possibilité de se prévaloir l'application de l'article 5 du Règlement (B).

A. L'absence de l'action en réparation apr~s acquittement

Devant les juridictions répressives internationales, la notion de réparation pour acquittement, s'est depuis longtemps avérée inexistante, car les accusés étaient toujours poursuivis par la justice avec priorité donnée à l'établissement de leur culpabilité et par conséquent à leur condamnation, sans toutefois se soucier du droit à réparation pour l'accusé poursuivi sans succès.

C'est ainsi que pas plus qu'au Tribunal militaire international de Nuremberg, au Tribunal militaire international de Tokyo qu'au Tribunal spécial pour la Sierra Leone156, les rédacteurs des textes du TPIR et du TPIY créé un an avant par le Conseil de sécurité des Nations unies dans les mêmes conditions, n'ont pas autorisé ces tribunaux à statuer sur l'action en réparation de la personnes acquittée. Ni les Statuts ni les Règlements de ces juridictions ne prévoient l'indemnisation suite à un acquittement. Cela est d'ailleurs affirmé par la jurisprudence bien que celle-ci se réfère à d'autres instruments157.

L'absence de place du système permettant aux acquittés d'être indemnisés dans les procédures des juridictions pénales internationales semble résulter de deux considérations. D'une part, les rédacteurs des textes de ces tribunaux semblent s'inspirer de la philosophie procédurale anglo-saxonne (Common law) qui pense que l'action pénale portée devant un tribunal répressif a pour objectif primordial de réprimer un acte attentatoire à l'ordre public et constitutif de crime158 et doit donc écarter les questions de réparation civile du procès pénal.

D'autre part, une certaine corrélation avec l'indemnisation des victimes serait également à l'origine de l'exclusion de réparation des personnes poursuivies. Les groupes des victimes qui ont été privées du droit à l'indemnisation devant le Tribunal auraient du mal à comprendre une telle considération pour les personnes poursuivies159.

Selon C. JORDA, l'exclusion du traitement des dommages civils devant les deux tribunaux pénaux internationaux ad hoc est encore plus claire. Elle a fait l'objet de discussions entre les juges du TPIY lors de l'établissement du premier règlement. La majorité des juges estimaient que les discussions d'indemnisation risquaient de les distraire de leur mission fondamentale qui leur avait été confiée à savoir parvenir à arrêter et juger les auteurs des crimes contre l'humanité160. Rappelons ici que le Règlement du TPIR a été élaboré d'après le modèle de celui du TPIY161.

156 Car les textes de ces tribunaux ne contiennent aucune disposition relative à l'indemnisation en question.

157 Le Procureur c. André RWAMAKUBA, supra note 140, par. 21.

158 A. MUBIHAME, La question d'indemnisation des victimes du génocide devant le TPIR, mémoire de Licence, Huye, U.N.R., Faculté de Droit, 2006, p. 7, non publié.

159 The Prosecutor v. André RWAMAKUBA, supra note 145, par. 16.

160 C. JORDA, cité par J. F. DUPAQUIER (dir.), La justice internationale face au drame rwandais, Paris, Editions KARTHALA,1996, p. 107.

161 Soulignons que c'est l'art. 14 du Statut du TPIR qui renvoie à une telle élaboration. L'article se lit comme suit : « Les juges du Tribunal international pour le Rwanda adopteront, aux fins de la procédure du Tribunal international pour le Rwanda, le règlement du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie régissant la mise en accusation, les procès en première instance et les recours, la recevabilité des preuves, la protection des

36 B. La portée de l'article 5 du Règlement

L'article 5 du Règlement prévoit que :

« Toute exception d'une partie à l'égard d'un acte d'une autre partie, fondée sur une violation du Règlement ou des règlements internes, doit être soulevée dès que possible; la Chambre de première instance accorde réparation si la preuve de la violation présumée est rapportée et si celle-ci a effectivement fait subir un préjudice substantiel à cette partie. ».

Mais la Chambre a relevé que la version française diffère de la version anglaise162 en ce qu'elle semble limiter la portée de la disposition aux atteintes au Règlement et règlements internes imputables à une partie au procès163. Toutefois, la question a été résolue par l'article 7 du Règlement selon lequel le texte qui reflète le plus fidèlement l'esprit du Statut et du Règlement prévaut. A cet égard, la Chambre de première instance III a considéré que l'esprit du Règlement est d'offrir une protection contre toute violation du Règlement et d'autres règlements internes sans toutefois se limiter aux violations commises par les parties au procès164. Ainsi, la violation peut être également imputable à une autre personne ou autorité qui n'était pas partie au procès165.

Il faut souligner que même si cette disposition ne prévoit pas les cas de violation dans lesquels elle serait applicable ou limitée, elle poursuit quand méme en précisant qu'une réparation utile pourra cependant être ordonnée lorsqu'il sera établi que la partie requérante a subi un préjudice substantiel ici interprété par une autre Chambre de première instance comme étant un préjudice grave et irréparable166. Bien que cette disposition ne fasse aucune référence à une réparation du préjudice de la personne acquittée, rien n'empêche qu'un ancien accusé acquitté puisse se prévaloir de son application.

victimes et des témoins et d'autres questions appropriées, en y apportant les modifications qu'ils jugeront nécessaires. ».

162 La version anglaise de l'art. 5 du Règlement est ainsi libellé : « Where an objection on the ground of noncompliance with the Rules or Regulations is raised by a party at the earliest opportunity, the Trial Chamber shall grant relief, if it finds that the alleged non-compliance is proved and that it has caused material prejudice to that party. ».

163 Le Procureur c. André RWAMAKUBA, supra note 140, par. 36.

164 Ibid.

165 Voy. le cas du Greffier qui a été condamné pour violation du droit de l'accusé à un conseil de défense lui reconnu par le Règlement alors qu'il n'était pas partie au procès bien que sa condamnation ne tombe pas sous le coup de l'article 5 au seul motif de l'absence de l'élément du préjudice matériel (Id., pars. 38-39, 79).

166 The Prosecutor v. Andre RWAMAKUBA, Case no ICTR-98-44C-1, Trial chamber II, Decision on the Defense motion concerning the illegal arrest and detention of the accused, 12 dec. 2000, par. 43.

§. 2. Une pratique qui semble donner une place restreinte à la

réparation pour l'acquitté

Malgré le silence des textes au sujet de la réparation du préjudice de l'acquitté, la pratique du TPIR n'a pas toutefois cessé de confronter les questions relatives à la réparation du préjudice des personnes poursuivies. Ainsi, des réparations traitées étaient essentiellement fondées sur des violations des droits de l'accusé avant ou en cours de procès, en application d'une part de l'article 5 du Règlement (A) et d'autre part, d'autres instruments de droit de l'homme (B).

A. La réparation fondée sur l'article 5 du Rqglement

Sur la base de l'article 5 du Règlement dont la porté a été déjà précisée, les personnes poursuivies ont soulevé à plusieurs reprises les violations du Statut, du Règlement et d'autres règlements internes pour en réclamer la réparation. Il s'agissait notamment de la violation du droit à être informé sans délai des accusations formulées par le Procureur et dont la protection est prévue par l'article 20. 4. a) du Statut167. Une telle violation a été retenue dans trois affaires, notamment dans les affaires de BARAYAGWIZA168, de SEMANZA169 et de KAJELIJELI170. Aussi, au sens de la décision de la Chambre en l'espèce, la violation du droit à un conseil de défense prévu par l'article 44 bis du Règlement171 aurait pu constituer sans difficulté la base de l'indemnisation de RWAMAKUBA si la condition du préjudice substantiel exigée par l'article 5 du Règlement était remplie172.

Dans tous les cas, deux observations ne manquent pas d'attirer l'attention au sujet de la réparation pour la personne acquittée. L'interprétation de la jurisprudence ne pose aucun

167 Cfr. art. 20. 4 du Statut : « Toute personne contre laquelle une accusation est portée en vertu du présent statut a droit, en pleine égalité, au moins aux garanties suivantes : a) À être informée, dans le plus court délai, dans une langue qu'elle comprend et de façon détaillée, de la nature et des motifs de l'accusation portée contre elle; ».

168 J. B. BARAYAGWIZA c. Le Procureur, Affaire no ICTR-97-19-AR72, Chambre d'appel, Arrêt sur la demande en révision, 31 mars 2000, par. 54-55.

169 L. SEMANZA c. Le Procureur, Affaire no ICTR-97-20-A, Chambre d'appel, Arrêt sur l'appel de la décision sur la requête en annulation de la procédure d'arrestation et de détention illégales, 31 mai 2000, par. 127.

170 J. KAJELIJELI v. The Prosecutor, Case no ICTR-98-44A-A, Appeal Chamber, Judgment on the appeal against the Judgment and sentence in first instance, 23 may 2005, par. 251.

171 Le Procureur c. André RWAMAKUBA, supra note 140, par. 38 Ó« Il est établi que le Greffier ne s'est pas acquitté de l'obligation qui lui est faite à l'article 44 bis du Règlement de désigner un conseil de permanence pour André RWAMAKUBA en attendant la désignation de son conseil et que de ce fait, RWAMAKUBA n'a pas bénéficié de l'assistance d'un défenseur pendant une période prolongée, bien qu'accusé, ce qui a porte atteinte à ses droits fondamentaux prévus à l'article 20. 4 c) du Statut. ».

172 Id., par. 39.

obstacle à ce qu'un ancien accusé acquitté réclame une réparation découlant de la violation de ses droits survenue avant ou en cours du procès173. Cette jurisprudence fait dépendre la détermination de la forme de réparation à une décision définitive sur le fond et peut prendre la forme d'indemnisation174. Cependant, comme dans tous ces cas, les accusés ont été jugés coupables, aucune indemnisation n'a été ordonnée à ce jour175. Par contre dans l'affaire RWAMAKUBA où un acquittement est également intervenu, l'indemnisation accordée se fondait sur d'autres instruments internationaux et non pas sur les textes du TPIR.

B. La reparation fondée sur d'autres instruments des droits de l'homm

Dans les affaires précédemment citées, le TPIR a traité également de cas de violation des droits de l'homme, non pas sur la base des textes du Tribunal mais plutôt par référence à d'autres instruments internationaux ou régionaux. Ainsi, dans une affaire récente (RWAMAKUBA), vu que l'article 5 du Règlement ne pouvait pas s'appliquer176, le

173 Comme il est le cas d'André RWAMAKUBA à qui la Chambre de première instance a accordé après son acquittement, l'indemnisation pour violation de son droit à un conseil défense survenue au début du procès.

174 J. B. BARAYAGWIZA c. Le Procureur, supra note 168, par. 75 : « Par ces motifs, LA CHAMBRE D'APPEL révise son Arrêt du 3 novembre 1999 et remplace son dispositif par le suivant :

1. FAIT DROIT à l'Appel pour ce qui est de la violation des droits de l'Appelant dans la mesure ci-dessus précisée;

2. REJETTE la demande de mis en liberté de l'Appelant;

3. DECIDE que pour la violation de ses droits l'Appelant a un droit à réparation qui sera fixé au moment du jugement en première instance, de la manière suivante :

a. Si l'Appelant est jugé non-coupable, une réparation financière lui sera due ;

b. Si l'Appelant est jugé coupable, sa sentence sera réduite pour tenir compte de la violation de

ses droits.» ; Voy. également Le Procureur c. SEMANZA, supra note 169, par.129 : « (...) DECIDE que pour la violation de ses droits, l'Appelant a droit à une réparation qui sera donnée au moment du jugement de première instance de la manière suivante :

a) S'il est trouvé non-coupable, l'Appelant a droit à une réparation financière ;

b) S'il est trouvé coupable, la sentence de l'Appelant sera réduite pour tenir compte de la violation de ses droits en application de l'article 23 du Statut. ».

175 Dans l'affaire de BARAYAGWIZA, la Chambre a décidé une réparation de la réduction de la peine d'emprisonnement à perpétuité en une peine d'emprisonnement de 35 ans (Cfr. The Prosectorat v. J. B. BARAYAGWIZA, Case no ICTR-98-19-AR72, Trial chamber I, Judgment and sentence, 3 dec. 2003, par. 1107); Quant à SEMANZA, sa peine de 35 a été réduite de six mois pour réparation de ses droits violés (Cfr. L. SEMANZA v. The Prosecutor, Case no ICTR-97-10-A, Appeal chamber, Judgment, 20 may 2005, par. 399); Pour KAJELIJELI, la sanction de deux peines d'emprisonnement à perpétuité et d'emprisonnement de 15 ans ordonnées par la Chambre de première instance ont été réduites par la Chambre d'appel en une seule peine d'emprisonnement de 45 ans pour tenir compte de la réparation lui accordée (Cfr. J. KAJELIJELI c. The Prosecutor, supra note 170, par. 325).

176 Le Procureur c. André RWAMAKUBA, supra note 140, par. 39 : « Ayant jugé que l'article 5 ne s'appliquait pas aux faits de la cause, faute de preuves d'établissement qu'André RWAMAKUBA a subi un préjudice matériel, la Chambre doit maintenant déterminer si la violation du droit à l'assistance d'un défenseur peut être réparé sur la base de tout autre droit. ». Voy. également André RWAMAKUBA c. The Prosecutor, Case no ICTR-98-44C-A, Appeal chamber, Decision on Appeal against Decision on appropriate remedy, 13 sept. 2007, par. 25.

Tribunal s'est appuyé sur d'autres normes relevant du droit international coutumier qui ne font aucun doute sur les droits en cause177.

De même, s'appuyant sur les mêmes instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, les chambres du Tribunal ont reconnu à plusieurs occasions le droit des accusés à un recours utile dans d'autres cas. Dans l'affaire KAJELIJELI, la Chambre d'appel a invoqué diverses sources du droit applicable par le Tribunal notamment le droit international tel que consacré dans le P.I.D.C.P. et a rappelé les traités régionaux relatifs aux droits de l'homme qui sont révélateurs de la coutume internationale et qui donnent des indications utiles sur les violations des droits à être informé des accusations et à une assistance et la détention arbitraire178.

La Chambre d'appel a aussi affirmé qu'en vertu des textes internationaux le droit d'être informé des accusations, d'être mis en accusation et de comparaître sans délai après son transfert au tribunal dans l'affaire BARAYAGWIZA179 et le droit de contester la légalité de la détention dans l'affaire SEMANZA ont été violés, et par conséquent a ordonné des réparations appropriées180.

Dans tous les cas, comme le droit à une réparation n'est prévu nulle part dans les textes du Tribunal, les chambres devraient déterminer en particulier la source de ce pouvoir d'ordonner la réparation. A ce propos, la jurisprudence du TPIR s'inspirant d'autres jurisprudences, explique d'abord que ce pouvoir d'accorder une juste réparation découle de l'effet combiné des pouvoirs propres du Tribunal en tant qu'organe judiciaire181 et de l'obligation qu'il a en tant qu'organe subsidiaire des Nations unies et sujet du droit international, de respecter les normes internationales généralement admises en matière de droits de l'homme182.

177 Le Procureur c. André RWAMAKUBA, supra note 140, par. 40. Dans ce paragraphe, la Chambre s'est notamment référée aux dispositions de la D.U.D.H., du P.I.D.C.P., de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, etc.

178 J. KAJELIJELI v. The Prosecutor, supra note 170, pars. 251, 255 et 322.

179 j B. BARAYAGWIZA c. Le Procureur, supra note 168, pars. 74-75.

180 Le Procureur c. SEMANZA, supra note 169, pars. 78, 87, 112-113, 125-128.

181 La Chambre de première instance dans l'affaire RWAMAKUBA évoque la doctrine des pouvoirs propres sous l'inspiration des décisions de la Cour internationale de justice et du TPIY. D'après cette doctrine des pouvoirs propres, toute juridiction est implicitement investie de l'ensemble des pouvoirs nécessaires à l'accomplissement de sa mission. Cfr. Le Procureur c. André RWAMAKUBA, supra note 140, par. 46.

182 Cfr. Le Procureur c. André RWAMAKUBA, supra note 140, par. 48. Sous l'inspiration des avis consultatifs
de la Cour internationale de justice qui affirment que les Nations unies en tant que sujet de droit international
sont tenues de respecter et de faire respecter les normes généralement admises en matière de droit de l'homme,

La même jurisprudence poursuit en soutenant que ce pouvoir dérive également des dispositions de l'article 19 1) du Statut du TPIR qui oblige le Tribunal d'assurer toutes les garanties nécessaires d'un procès équitable et le respect des droits de l'accusé. L'existence des garanties d'un procès équitable suppose nécessairement leur mise en oeuvre qui doit envisager la possibilité d'obtenir une juste réparation en cas de violations desdits droits183.

La question de l'évaluation d'une juste réparation est abordée différemment, au cas par cas, en tenant compte des circonstances de l'espèce184 et de la nature du droit qui aurait été violé185. La détermination de la forme de réparation à ordonner restant ainsi toujours guidée par le principe de satisfaction du requérant. C'est ainsi que les chambres n'ont pas accordé les mêmes réparations dans toutes les affaires. Dans certains cas, elles ont décidé la réparation par réduction de la peine pour les condamnés et dans un autre cas l'indemnisation financière pour l'acquitté186.

Cependant, si la réparation par réduction de peine est praticable sans difficulté, cela n'a pas été le cas pour l'indemnisation financière. Il a été soutenu à maintes reprises par les organes administratifs du TPIR et du TPIY qu'il n'existe aucune base légale habilitant ces juridictions à traiter toute question d'indemnisation pour violation des droits de la personne poursuivie résultant des actes ou faits imputables à ces deux tribunaux et par voie de conséquence aux Nations unies187, faute de disposition y relative dans leurs textes fondamentaux.

et tout en invoquant les différentes normes de droit international qui consacrent l'obligation de l'ONU de respecter les droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, la Chambre soutient que le TPIR, en tant que organe subsidiaire du Conseil de sécurité, est , par voix de conséquence, également tenu de respecter les normes généralement admises en matière de droit de l'homme.

183 Voy. André RWAMAKUBA v. The Prosecutor, supra note 176, par. 26.

184 Dans l'affaire SEMANZA, la Chambre est d'avis que le préjudice substantiel visé à l'article 5 du Règlement doit s'apprécier, comme tout autre préjudice, à la lumière des circonstances de l'espèce. Cfr. L. SEMANZA c Le Procureur, supra note 169, par. 123.

185 Dans l'affaire RWAMAKUBA, la Chambre soutient que la réparation efficace doit s'apprécier au cas par cas, en tenant compte des faits de la cause et du droit violé. Cfr. Le Procureur c. André RWAMAKUBA, supra note 140, par. 68.

186 Voir supra notes 173-175.

187 Letter dated 19 September 2000 from the President of the ICTY addressed to the Secretary-General of the United nations organization (ci-après Letter dated 19 September 2000 from the President of The ICTY); Letter dated 26 September 2000 from the President of the ICTR addressed to the Secretary-General of the United nations organization (ci-après Letter dated 26 September 2000 from the President of The ICTR); Letter dated 11 mars 2004 of President of the ICTY to Mr Zejnil DALALIC in response to Mr DELALIC's request for indemnity dated 3 march 2004; Letter dated 20 oct. 2005 of President of the ICTR, Judge Eric MOSE, to Maitre Francois ROUX, Legal counsel for Ignace BAGILISHEMA, in response to the "Requête en indemnité devant les Nations unies", filed on 28 jan. 2005; The Prosecutor v. André RWAMAKUBA, Case no 98-44C-T, Trial chamber III, Registrar's submission regarding André Rwamakuba's request for an appropriate remedy, 2 nov. 2006, pars, 22-24; The Prosecutor v. André RWAMAKUBA, Case no 98-44C-T, Trial chamber III, Registrar's additional submission in regard to the Defense application for remedy, 24 nov. 2006, pars. 4-6 ;

Toutefois, cette position a été réfutée par les Chambres du TPIR qui estiment que les tribunaux concernés sont habilités à accorder l'indemnisation en vertu de leurs pouvoirs propres, pour donner effet au droit à une juste réparation188. Selon la même jurisprudence, les questions relatives aux mécanismes d'exécution d'une ordonnance portant indemnisation, comme les questions budgétaires ou la détermination de l'organe habilité à recevoir les demandes d'indemnisation, relèvent de considérations extrajudiciaires qui ne sauraient empêcher l'octroi d'une indemnisation par les tribunaux en tant qu'organes judiciaires, quand elle apparaît comme la seule juste réparation d'une violation des droit de l'homme189.

A l'instar de l'article 5 du Règlement, bien que la réparation pour violations des droits survenues en cours du procès se fonde sur d'autres instruments des droits de l'homme et semble ne pas directement concerner l'acquitté, elle n'est pas non plus sans intérêt. Elle peut lui bénéficier en tant qu'ancien accusé acquitté qui peut s'en prévaloir même après le jugement d'acquittement ; ce qui est le cas de l'indemnisation accordée à RWAMAKUBA190. Il reste à voir si l'indemnisation sera mise en oeuvre.

En définitive, la jurisprudence des réparations pour l'acquitté établie par le TPIR est critiquée d'être loin de couvrir tous les torts de la personne acquittée car elle n'a jamais permis la réparation fondée uniquement sur le simple acquittement en raison du préjudice subi résultant de la détention. La jurisprudence souligne qu'il existe, ni dans les textes du TPIR ni dans d'autres instruments de droit international applicable par le Tribunal, aucune base qui permet de telles réparations191. La situation est évidemment fort décourageante pour les acquittés et on ne peut qu'espérer l'émergence d'un véritable régime d'indemnisation en leur faveur.

The Prosecutor v. André RWAMAKUBA, Case no 98-44C-T, Trial chamber III, Registrar's additional submission in regard to the Defense application for remedy, 7 dec. 2006, pars. 4-11.

188 Le Procureur c. André RWAMAKUBA, supra note 140, par. 59; André RWAMAKUBA c. The Prosecutor, supra note 176, par. 26.

189 Id., par. 60; par. 30.

190 Id., par. 39; par. 31.

191 Id., pars.21-31; pars. 10-15.

Section 2. La nécessité et les promesses d'un véritable régime de

réparation pour l'acquitté devant les juridictions
répressives internationales

Au vu des difficultés ci dessus exposées, liées tantôt à l'absence de normes, tantôt à l'interprétation équivoque de celles existantes, il s'ensuit qu'un véritable régime de réparation appropriée pour la personne acquittée devant les juridictions internationales mérite d'être mis en place aussitôt que possible (§.1). Les horizons d'espoir commencent certainement à s'éclaircir (§.2).

§.1. La nécessité d'un véritable régime de réparation pour l'acquitté

La nécessité d'un véritable régime de réparation pour l'acquitté fait suite à des précédents factuels (A) et découle d'une certaine obligation juridique (B).

A. Les fondements factuels de réparation pour l'acquitté

Les faits témoignent que l'appareil judiciaire peut causer des torts à la personne acquittée dans deux situations où une réparation appropriée pourrait être sollicitée: réparation pour violation des droits de l'accusé au cours de la procédure (1) et réparation sur la base de la détention (2).

1. La réparation pour violations des droits de l'accusé

Les cas de jurisprudence du TPIR ci dessus exposés ont pu illustrer certains cas de violations de droits que peuvent commettre les différents acteurs192 contre la personne poursuivie193et que peut également invoquer l'acquitté. Les cas les plus fréquents dans la pratique restent l'arrestation et la détention illégales pour défaut de respect des procédures

192 Rappelons que la Chambre a admis que même les parties en dehors du procès peuvent violer les droits de l'accusé. Voir supra note 165.

193 Rappelons les cas d'arrestation et détention illégales, de violations du droit d'assistance et à être informé des accusations dans l'affaire de KAJELIJELI, de violations du droits à être informé des accusations, de contester la légalité de la détention dans la cas de SEMANZA, de violations des droits d'être informé des accusations, d'être mis en accusation et de comparaître sans délais dans BARAYAGWIZA et de violation du droit à un conseil de défense dans RWAMAKUBA.

établies. Soulignons tout simplement que pour qu'un droit soit considéré comme violé, il faut qu'il soit juridiquement protégé194 par les normes auxquelles le TPIR est soumis.

2. La réparation fondée uniquement sur la détention

Les personnes poursuivies peuvent être victimes de la privation de liberté en raison de poursuites non suivies de condamnation195 ou de condamnation à tort196 et subir de ce fait un préjudice moral notamment l'état de stress, d'isolement et de détresse que peut entraîner la mesure de détention provisoire subie ou l'exécution de la peine déjà purgée, ou matériel à savoir les diverses pertes économiques provoquées par la détention.

A titre d'exemple, le TPIR a connu deux cas de poursuites qui ont été abandonnées sans condamnation suite à un retrait de l'acte d'accusation du Procureur, dans les affaires de Bernard NTUYAHAGA197 et Léonidas RUSATIRA198, un cas d'arrestation arbitraire suite à une erreur d'identité199 et cinq cas qui ont abouti à un acquittement. Tous les accusés concernés ont fait l'objet de détention et auraient pu réclamer la réparation.

B. Le droit et l'obligation juridique de réparation pour l'acquitté

Le droit et l'obligation juridique de réparation pour la personne acquittée relèvent des principes généralement admis en droit international (1). Les juridictions répressives internationales devraient également s'inspirer des droits nationaux (2).

1. La reconnaissance du droit à réparation pour l'acquitté en droit international

Le droit à réparation pour l'acquitté n'est pas une nouvelle construction. Il est déjà ancré dans le droit à réparation reconnu à toute personne victime d'un dommage. La

194 C'est-à-dire il faut que le droit soit reconnu comme tel par un texte qui lie le Tribunal. Il s'agit d'un principe général de droit.

195 Notamment en cas de classement sans suite, de retrait d'accusation, de non-lieu, d'acquittement ou en de tout autre aboutissement sans condamnation.

196 Une condamnation serait à tort lorsque l'accusé a été condamné et que par la suite, on découvre une erreur judiciaire qui entraîne l'annulation de la condamnation, tel en cas de découverte d'un nouvel fait.

197 The Prosecutor v. Bernard NTUYAHAGA, Case no ICTR-98-40-T, Trial chamber I, Decision on the Prosecutor's motion to withdraw the indictment, 18 march 1999.

198 The Prosecutor v. Léonidas RUSATIRA, Case no ICTR-2002-80-I, Trial chamber, Decisions on the Prosecutor's ex parte application for leave to withdraw the indictment, 14 august 2002.

199 Letter dated 26 September 2000 from the President of The ICTR.

réparation du tort est un principe fondamental qui constitue à la fois un principe général de droit et une règle de droit coutumier applicable dans tous les systèmes juridiques200.

Ainsi, si on considère la première situation où les droits de l'acquitté seraient violés, il ne devrait en principe y avoir aucun obstacle juridique à la demande de réparation. Il ne fait aucun doute que le droit à une juste réparation en raison de la violation des droits de l'homme, fait partie du droit international coutumier et qu'il est consacré dans plusieurs textes internationaux et régionaux à savoir la D.U.D.H.201, le P.I.D.C.P.202, la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale203, la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants204, la Convention concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants205, la Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d'abus de pouvoir206, la C.E.D.H.207, la Déclaration américaine des droits de l'homme208 et la C.A.D.H.209, la C.A.D.H.P.210 et les P.F.D.D.R.R.211.

De surcroît, l'article 2. 3 du P.I.D.C.P. ainsi que les paragraphes 1-3 des P.F.D.D.R.R. sont allés plus loin jusqu'à imposer aux Etats une obligation d'adopter les mécanismes judiciaires nécessaires de mise en oeuvre de telles réparations212. La

200 C. BASSIOUNI, « International recognition of victims' rights », in Human Rights Law Review, Vol. 6, no 2, Oxford, Oxford University Press, 2006, pp. 203-279, p. 207. Voy. aussi A. BUTI and M. P. BUS, « International law obligations to provide reparations for human rights abuses », in Murdoch University Electronic Journal of Law, Vol. 6, no 4, dec. 1999, pp. 1-28, p. 2.

201 Cfr. art. 8 de la D.U.D.H.

202 Cfr. art. 2. 3. du P.I.D.C.P.

203 Cfr. art. 6 de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discriminations raciale adoptée par la résolution 2106 A (XX) de l'Assemblée générale des Nations unies en sa session du 21 décembre 1965 du 21 déc. 1965 et entrée en vigueur le 4 janv. 1969.

204 Cfr. art. 14 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants adoptée par la Résolution no 39/46 de l'Assemblée générale des Nations unies en trente neuvième session du 10 décembre 1984 et entrée en vigueur le 26 juin 1987.

205 Arts. 15. 2, 16. 4 et 16. 5 de la Convention no 169 concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants adoptée par la Conférence générale de l'Organisation internationale du travail à sa soixanteseizième session du 27 juin 1989 et entrée en vigueur le 5 septembre 1991.

206 Cfr. par. 4 de la Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d'abus de pouvoir adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies dans sa résolution no 40/34 du 29 novembre 1985.

207 Arts. 13 et 41 de la C.E.D.H.

208 Art. XVIII de la Déclaration américaine des droits et devoirs de l'homme adoptée par la Résolution XXX de l'Organisation des Etats américains à la neuvième Conférence internationale des États américains du 2 mai 1948.

209 Arts. 1. 1, 8, 10, 25 et 63. 1 de la C.A.D.H.

210 Art. 7. 1. a. de la C.A.D.H.P.

211 Cfr. pars 11-12 des P.F.D.D.R.R. adoptés par la Résolution 1999/33 de la Commission des droits de l'homme du 26 avril 1999.

212 A titre d'exemple, cfr. art. 2. 3 du P.I.D.C.P. qui se lit comme suit : « Les Etats parties au présent Pacte
s'engagent à: a) Garantir que toute personne dont les droits et libertés reconnus dans le présent Pacte auront été
violés disposera d'un recours utile, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant

jurisprudence abondante et variée est indicative d'une pratique affirmée de ne pas laisser lettre morte ces dispositions indispensables pour la protection de la personne213.

En notant le principe invoqué par la Chambre du TPIR214 selon lequel les Etats ne peuvent pas se soustraire à leurs obligations internationales en créant une institution internationale qui ne serait pas liée par les limites juridiques qui s'imposent à eux, les Etats étant ainsi tenus de respecter leurs obligations en matière de droits de l'homme lorsqu'ils exercent les poursuites internes, ne sauraient créer un Tribunal pénal international qui échapperait à ces mêmes obligations.

Dans la deuxième situation d'autre part, il faut cependant rappeler qu'aucun instrument de droit international ne prévoit l'indemnisation d'une personne acquittée au seul motif d'acquittement215. Mais du même avis que les Présidents du TPIR216 et du TPIY217 et de la Chambre du TPIR218, à cause des circonstances particulières dans lesquelles les deux tribunaux fonctionnent, y compris le fait que l'accusé est retenu pendant une longue période au cours du procès et que la détention entraîne plusieurs pertes à l'accusé, il serait équitable d'accorder une telle réparation aux personnes accusées qui sont acquittées ou contre qui les procès sont terminés sans condamnation.

2. La reconnaissance du droit à réparation de l'acquitté en droit interne

Le principe de réparation de la personne détenue et par la suite acquittée est reconnu dans de nombreuses législations nationales tant du système romano-germanique comme en France219, en Espagne220, en Italie221 et en Allemagne222 que du système de la common law tels que le droit américain223, les droits britannique et australien224.

dans l'exercice de leurs fonctions officielles; b) Garantir que l'autorité compétente, judiciaire, administrative ou législative, ou toute autre autorité compétente selon la législation de l'Etat, statuera sur les droits de la personne qui forme le recours et développer les possibilités de recours juridictionnel; c) Garantir la bonne suite donnée par les autorités compétentes à tout recours qui aura été reconnu justifié. ».

213 Voy. à titre d'exemple SILVER c. Royaume-Uni, Arrêt no 5947/72, CEDH 1983 ; HASSAN et CHAUSH c. Bulgarie, Arrêt no 30985/96, CEDH 2000; TWALIB c. Grèce, Arrêt no 24294, CEDH 1998; Raquel MARTI DE MEJIA v. Peru, Arrêt no 10.970, CIADH 1996 ; CARRANZA v. Argentine, Arrêt no 10.8087, CIADH 1998.

214 Sous l'inspiration des observations de l'association du droit international qui souligne les obligations conventionnelles des membres du Conseil de Sécurité et de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Voy. Le Procureur c. André RWAMAKUBA, supra note 140, par. 48.

215 Voir supra note 191.

216 Letter dated 19 September 2000 from the President of the ICTY.

217 Letter dated 26 September 2000 from the President of the ICTR.

218 Le Procureur c. André RWAMAKUBA, supra note 140, par. 30.

219 Cfr. art. 149, 371, 472, 516 et 800-2 du C.P.P. Fr. qui reconnaissent l'indemnisation automatique dès lors
qu'une détention est suivie d'une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement. Voy. aussi la
jurisprudence (Cass. crim., 21 nov. 1991, Bulletin criminel, no 243; Cass. crim., 26 février 1969, Bulletin

Selon les Etats considérés, il apparaît qu'il existe un principe général de réparation pour acquittement que les Etats appliquent selon leurs choix. Ce principe est tantôt appliqué de façon inconditionnelle, l'acquittement étant la seule condition pour l'obtention de l'indemnisation, tantôt de manière restrictive, exigeant l'existence d'une erreur ou d'un comportement fautif pour la mise en oeuvre de la réparation225. Les juridictions répressives internationales devraient également, dans l'intérêt d'une bonne justice, s'inspirer de ces droits nationaux.

§.2. Les promesses d'un véritable régime de réparation pour l'acquitté

Un véritable régime de réparation pour l'acquitté semble se dessiner avec l'avènement de la C.P.I. (A). Il importe ainsi d'analyser le mécanisme de mise en oeuvre de ce droit envisagé (B).

A. La consécration du principe de réparation pour l'acquitté par le Statut de la
C.P.I.

L'article 85 du Statut de la C.P.I. consacre des principes de base qui seront appliqués pour la réparation du préjudice de la personne acquittée. Lorsqu'une personne a fait l'objet d'une arrestation et/ou d'une détention illégales, en violation des règles de la C.P.I. ou des

criminel, no 97 ; Cass. crim., 3 février 1976, Bulletin criminel, no 42) et la doctrine françaises (P. LE TOURNEAU, Droit de la responsabilité et des contrats, Paris, Dalloz, 2004, p. 182, par. 646) qui précisent, en plus, que l'indemnité accordée à la personne acquittée peut être à la charge soit de l'Etat soit de la partie civile si l'action publique a été mise en mouvement par cette dernière.

220 Cfr. art. 294 de la Loi no 6/1985 du 1er juillet 1985 qui pose le principe de responsabilité de la justice en cas de détention provisoire abusive, la réparation se déduisant directement de cette responsabilité.

221 Cfr. art. 314-315 du Code de procédure pénale qui consacrent un droit à la réparation pour détention injuste en faveur de l'inculpé qui, après avoir subi une période de privation de liberté, a été acquitté parce que le fait qui lui était reproché n'existe pas ou pour ne pas avoir commis le fait reproché.

222 Cfr. §. 7 de la Loi du 8 mars 1971 qui admet, en cas d'acquittement, de classement de l'affaire ou de refus du tribunal d'ouvrir la phase de jugement, la réparation de dommage matériel et le versement d'une indemnité forfaitaire pour le préjudice moral.

223 Cfr. § 1346 (h) de l'USA Federal Torts Claim Act (FTCA) en sa section sur base de laquelle une personne innocentée peut exercer un recours contre l'Etat en cas de « assault, battery, false imprisonment, false arrest, abuse of process or malicious prosecution. ».

224 En droits britannique et australien, il n'existe pas de système d'indemnisation automatique pour détention après acquittement sauf la possibilité, en Australie, d'être remboursé de ses frais légaux au titre du "Official Prosecution (Defendants costs) Act 1973 et Suitors' Fund Act 1964 as amended to date", mais en vertu du mécanisme de réparation ex gratia (as of favor), une indemnisation peut être néanmoins accordée pour détention en cas de faute lourde du système répressif, d'acquittement, d'injustice grave et manifeste ou de condamnation annulée pour une erreur judiciaire. Cfr. The Western australia law reform commission, Working paper on compensation for persons detained in custody, Project no 43, nov. 1976, [en ligne sur] http://www.austlii.edu.au/au/other/walrc/43/P43-WP.html, consulté le 26 août 2007. Voy. aussi Le Procureur c. André RWAMAKUBA, supra note 117, pp. 31-32.

225 Le Procureur c. André RWAMAKUBA, supra note 117, p. 28.

règles de droits de l'homme internationalement reconnues, elle pourra obtenir de la Cour la réparation appropriée (art. 85. 1).

L'article 85. 2 du Statut reconnaît aussi que quand il y a eu annulation d'une condamnation pénale en raison du fait qu'il y a eu une erreur judiciaire, la personne concernée devrait avoir le droit à l'indemnisation. De même, dans des situations autres que l'arrestation et/ou la détention illégales ou l'erreur judiciaire, l'article 85. 3 admet également qu'une personne pourrait obtenir réparation, particulièrement au seul motif d'acquittement.

Helen BRADY et Mark JENNINGS font observer dans leurs commentaires sur le Statut de la C.P.I. que cette dernière disposition a fait l'objet de longues discussions lors des travaux préparatoires de l'assemblée des Etats parties. Certaines délégations étaient contre la disposition, pensant qu'elle génerait énormément la discrétion du Procureur de poursuivre, de crainte que certaines poursuites pourraient aboutir à l'acquittement et fonder par conséquent des représailles sous forme de demande de réparation par l'accusé acquitté. Ces délégations voulaient limiter aux seules poursuites malicieuses les situations dans lesquelles une personne acquittée pourrait porter une revendication en indemnisation. Cependant, d'autres délégations, dont le système prévoit déjà l'indemnisation en cas d'acquittement, voulaient maintenir la disposition226.

B. La mise en oeuvre du droit à réparation pour l'acquitté devant la C.P.I.

Les P.F.D.D.R.R. distinguent le droit à réparation du préjudice subi comme un droit substantiel et le droit à un recours comme un droit procédural. Le droit à la réparation du préjudice subi signifie le droit qui rendra la justice en enlevant ou réparant les conséquences des violations des droits subies tandis que le droit à un recours désigne le droit d'avoir accès aux procédures nationales et/ou internationales pour la protection de droits de l'homme227.

Dans le premier cas, les deux premiers sous paragraphes de l'article 85 reflètent, à notre avis, la loi actuelle des traités codifiée notamment dans le P.I.D.C.P.228, mais le

226 H. BRADY and M. JENNINGS, « Appeal and Revision », in R. S. LEE, The international Criminal Court, The making of the Rome Statute, Issues, negotiations and results, The Hague, Kluwer Law International, 1999, 294, p. 303.

227 Cfr. P.F.D.D.R.R., supra note 211, 11. a) et b).

228 A titre de rappel, voy. notamment arts. 9. 5 Ó « Tout individu victime d'arrestation ou de détention illégale a droit à réparation. » et 14. 6 du P.I.D.C.P. : « Lorsqu'une condamnation pénale définitive est ultérieurement annulée ou lorsque la grâce est accordée parce qu'un fait nouveau ou nouvellement révélé prouve qu'il s'est produit une erreur judiciaire, la personne qui a subi une peine en raison de cette condamnation sera

dernier sous paragraphe de l'article excède le droit international conventionnel et coutumier actuel; ce qui indique l'avancement du droit international dans le Statut de la C.P.I. mais avec le risque de ne pas lier d'autres juridictions internationales, sauf si la disposition est adoptée ultérieurement par une norme à caractère général.

Néanmoins, la formulation des dispositions du dernier paragraphe en ces termes : « Dans des circonstances exceptionnelles, si la Cour constate, au vu de faits probants, qu'une erreur judiciaire manifeste et grave (...) » s'avère avoir été utilisée pour mettre en évidence que ce sera seulement dans des circonstances exceptionnelles que la Cour pourra accorder la compensation à une personne libérée, après une décision d'acquittement, spécialement en limitant la portée de l'article au comportement fautif inexcusable de la part du Procureur et éventuellement des juges qui ont pris part à la procédure préalable au procès.

Quant au droit de recours, contrairement au TPIY et au TPIR, le Statut de la C.P.I. est clair à ce sujet. La C.P.I. est habilitée à recevoir la requête qui lui est adressée par la personne acquittée et à statuer dessus. Elle détient également le pouvoir élargi d'apprécier l'étendue de la réparation à accorder229. Néanmoins, à la lecture de l'article 85, le Statut de la C.P.I. semble limiter la réparation pour l'acquitté à l'indemnisation. Mais la réparation intégrale devrait être proportionnelle à la gravité des violations et des dommages en résultant. Elle inclura, sans s'y limiter, la restitution (la restauration de la liberté), l'indemnisation pour les dommages pécuniaires (les dommages et intéréts, des occasions perdues, les dépenses pour l'assistance légale ou les soins médicaux) et moraux (atteinte à la réputation), la réhabilitation ou la réadaptation (incluant l'aide, les soins médicaux ou psychologiques, les services sociaux et légaux, etc.), la satisfaction telles que les garanties de non répétition des violations subies, etc230.

indemnisée, conformément à la loi, à moins qu'il ne soit prouvé que la non révélation en temps utile du fait inconnu lui est imputable en tout ou partie. ».

229 Cfr. art. 85. 3 du Statut de la C.P.I. : « (...) elle peut, à sa discrétion, accorder une indemnité conforme aux critères énoncés dans le Règlement de procédure et de preuve à une personne qui avait été placée en détention et a été libérée à la suite d'un acquittement définitif ou parce qu'il a été mis fin aux poursuites pour ce motif. ».

230 M. NOWARK, « The right of victims of gross human rights violations to reparation », in F. COOMANS et al., Rendering Justice to the vulnerable, The Hague/London/Boston, Kluwer Law International., 2000, 203, p. 204.

CONCLUSION GENERALE ET SUGGESTIONS

1. Conclusion générale

Ce travail avait pour but au départ d'analyser les conséquences juridiques qu'emporte l'acquittement devant le TPIR. En effet, la théorie générale sur l'acquittement fait relever qu'il existe de nombreux effets de l'acquittement, mais l'auteur s'est essentiellement limité à trois effets à savoir le maintien en détention, la remise en liberté de l'acquitté ainsi que le droit à réparation pour acquittement, le choix étant inspiré par les textes et la pratique du Tribunal.

Le maintien en détention est un instrument mis en place par les textes du Tribunal qui semble couvrir plusieurs fonctions, entre autres garantir la présence de l'acquitté au cours de la procédure d'appel, la préservation de la preuve et la sécurité des témoins et des victimes, avec le risque néanmoins de porter atteinte aux droits fondamentaux de l'acquitté, notamment les droits à la liberté et à la présomption d'innocence que devrait renforcer la décision d'acquittement.

Pour remédier à ces difficultés tout en permettant d'assurer les fonctions indispensables ci-dessus énoncées, la jurisprudence a inventé une alternative à la détention (le placement de l'acquitté au safe house), mais qui ne manque pas toujours de souffrir certaines critiques. Elle a été difficilement accueillie faute de fondement légal. En outre, on a constaté que la mesure est loin d'atteindre l'objectif visé, c'est-à-dire de ne pas compromettre la liberté de la personne acquittée.

En matière de remise en liberté après acquittement définitif, la pratique du TPIR diffère de celle du TPIY alors que leurs textes sont similaires. Les textes de ces deux tribunaux disposent clairement que la remise en liberté est obtenue de plein droit immédiatement après acquittement, mais la mise en oeuvre au TPIR connaît certaines difficultés pratiques.

Comme leur séjour en Tanzanie (le lieu du siège du Tribunal) est limité après la sortie du centre de détention, les acquittés du TPIR doivent avoir d'autres pays d'accueil. Toutefois, contrairement au TPIY, les acquittés au TPIR trouvent mal à regagner leurs pays d'origine, le Rwanda. En plus, d'autres pays ne sont pas coopératifs pour les recevoir. Dans ce cas, la protection temporaire par le Tribunal reste la seule solution possible. Mais comme

nous l'avons évoqué plus haut, elle ne permet pas les conditions de la liberté totale de l'acquitté.

Enfin, à l'instar des autres tribunaux répressifs internationaux, notamment de Nuremberg, de Tokyo, du Tribunal spécial pour la Sierra Léone à celui de l'ex Yougoslavie, les textes du TPIR ne prévoient pas le droit pour les acquittés de réclamer la réparation. Pourtant, le développement de cette étude a montré les fondements factuels et légaux possibles de ce droit en gestation. Saluons l'avènement de la C.P.I. qui, en reconnaissant ce droit dans son Statut, va sans doute permettre la cristallisation rapide de ce droit en devenir pour assurer la réparation intégrale du préjudice souffert par la personne acquittée. Ceci contribuera ainsi au progrès du droit international de la réparation.

2. Suggestions

Des lacunes et imperfections ci-dessus exposées nous poussent à reformuler les recommandations suivantes adressées aux différents acteurs et bénéficiaires du système de justice internationale, dans la perspective d'une bonne gestion des situations d'après acquittement dans le cadre des présents et futurs tribunaux pénaux internationaux.

> A l'ONU et à toute la communauté internationale

Il s'est révélé que le bon fonctionnement et l'accomplissement de la mission d'un tribunal répressif international dépendent essentiellement de la coopération de celui-ci avec la communauté internationale et surtout de sa coopération avec les Etats. Ainsi, les Nations unies devraient veiller à ce qu'un bon système de coopération soit mis en place, notamment pour l'accueil des acquittés ; ce qui serait un moyen de mise en oeuvre de leur liberté obtenue en vertu de la décision d'acquittement. Les Etats devraient respecter leur obligation internationale de coopération avec les tribunaux pénaux internationaux en répondant aux demandes d'assistance formulées par ces tribunaux.

En attendant tout accueil par un Etat, les Nations unies devraient accepter leur responsabilité de procurer à l'acquitté la protection nécessaire et de procéder à cet effet à l'établissement des conditions nécessaires, en légalisant cette protection pour l'élimination de toute équivoque arbitraire possible. Elles doivent assurer la prise en charge appropriée des acquittés et collaborer avec le Pays hôte pour permettre dans l'entre temps l'exercice de la pleine liberté de l'acquitté protégé.

Les textes des tribunaux pénaux internationaux ad hoc ne permettent pas d'ordonner la réparation du préjudice souffert par les acquittés par suite de leur détention. Les Nations unies, en tant qu'institution chargée de mettre en place les instruments juridiques fondamentaux de référence pour le fonctionnement de ces tribunaux, devraient adopter des principes énoncés plus haut pour l'instauration d'un système de réparation équitable pour cette catégorie de justiciables.

> Au TPIR

Il est suggéré au TPIR d'user de ses compétences en procédant aux révisions nécessaires de son Règlement pour légaliser et adopter d'autres mesures possibles, alternatives à la détention, susceptibles de concilier les intérêts de la justice et ceux de l'acquitté, permettant ainsi sa liberté tout en garantissant sa disponibilité à répondre à la justice en appel, tels le safe house, le système de surveillance électronique231, et d'autres.

Le TPIR devrait continuer à établir un système bien défini de coopération avec les États pour l'accueil des acquittés, concrètement en envisageant des dialogues réguliers y relatifs avec les Etats. Toutefois, sa bonne collaboration avec le Rwanda et sa participation dans la sensibilisation des acquittés faciliteraient sans doute leur rapatriement au Rwanda; ce qui semble être plus simple et la meilleure solution.

Il est également recommandé au TPIR, en tant qu'acteur bien placé pour connaître les difficultés de la gestion des situations d'après acquittement de ne pas cesser de faire pression sur les Nations unies et de proposer des solutions pour l'adoption de règles permettant l'indemnisation des acquittés.

231 Il s'agit d'un système (utilisé par certains pays développés tels que les Etats-Unis d'Amérique, le Canada, l'Angleterre, la France, la Belgique, etc.) consistant à une assignation de l'accusé à son domicile (évitant ainsi l'incarcération) et la surveillance n'est assurée que par une technique électronique qui suit et donne le compte rendu de la situation de l'accusé. Soulignons que l'accusé a en effet le droit de sortir de chez lui pour travailler ainsi que pour effectuer diverses démarches visant sa réinsertion ou l'organisation de son quotidien. Ils disposent également d'un horaire de liberté par jour en semaine selon un horaire programmé. Voy. J. BERGERON, Electronic monitoring of pretrial detainees of the ICTR, London, England School of Law, Rwanda genocide prosecution projet, 7 may 2002, p. 1. Cfr. aussi M-S. DEVRESSE, « Innovation pénale et surveillance électronique : quelques réflexions sur une base empirique », in Champ Pénal, [en ligne sur] http://champpenal.revues.org/document1641.html, consulté le 26 août 2007.

> Au Gouvernement rwandais

L'Etat rwandais a une responsabilité essentielle dans la protection de ses citoyens. De ce fait, le Gouvernement rwandais devrait prendre un rôle actif dans le rapatriement au Rwanda des personnes acquittées en exhortant ces dernières au retour et en leur donnant au besoin toutes les garanties de sécurité. Il serait souhaitable que des arrangements avec le TPIR soient organisés à cette fin. En tant qu'Etat membre de l'ONU, le Rwanda devrait aussi se faire porte-parole de ses citoyens pour exiger de l'Organisation l'adoption des règles permettant la réparation du préjudice des acquittés.

> Aux personnes acquittées par le TPIR

Il est particulièrement suggéré aux personnes acquittées par le TPIR de ne pas toujours s'inquiéter et d'avoir le courage de retourner au Rwanda. Le Gouvernement rwandais a déjà indubitablement fait montre de la volonté politique d'accueillir tout rwandais de retour à son pays, y compris les autorités du régime d'avant génocide et de sa capacité de permettre leur réinsertion sociale nécessaire232. C'est le cas pour la plupart des personnes poursuivies par le TPIR. En plus, le principe de droit non bis in idem233 leur offre en principe une protection essentielle contre les nouvelles poursuites, sauf pour les actes non poursuivis par le TPIR. A la fin du mandat du TPIR, lorsque les affaires encore pendantes devant ce Tribunal seront transférées au Rwanda et que les procès s'y dérouleront, il n'aura plus nécessité de chercher un pays d'accueil pour l'acquitté car l'accusé serait déjà familier au Rwanda et la réintégration sera sans doute facile.

Enfin, ils ne doivent pas cesser de soulever leurs griefs devant le Tribunal et de soutenir de telles revendications devant toute instance habilitée à y faire suite, telles les Nations Unies. Ils doivent plaider leur cause auprès des organismes oeuvrant pour le respect des droits de l'homme et l'assistance humanitaire.

232 Le Gouvernement rwandais a mis en place les mécanismes visant à permettre le rapatriement de tous les rwandais en exil notamment en créant en application de la loi n° 34/2001 du 05/67/2001 sur les réfugiés telle que modifiée et complétée à nos jours, le Conseil national spécifiquement chargé du rapatriement des réfugiés qui oeuvre en collaboration avec les différentes institutions ayant dans leurs attributions cette tâche, tels les Ministères concernés, les institutions de sécurité du pays et certaines organisations internationales dont le HCR pour assurer ce rapatriement. Le Rwanda a déjà rapatrié, après la tragédie rwandaise de 1994 qui a provoqué l'exil massif indésirable de rwandais, quelques 3. 5 millions de réfugiés rwandais qui ont bénéficié avec succès de la réinsertion sociale nécessaire (Voy. IDA EN ACTION, RwandaÓ Redressement, Réhabilitation et espoir, mais 2005, [en ligne sur] http: // www.banquemondiale.org/ida., consulté le 29 sept. 2007.

233 Formule latine qui exprime le principe selon lequel une personne déjà jugée pour un fait délictueux, ne peut être poursuivie à nouveau pour le même fait. Ce principe est consacré par les articles 9 du Statut et 13 du Règlement du TPIR.

BIBLIOGRAPHIE

I. TEXTES LEGAUX

A. Instruments nationaux rwandais

1. Constitution de la République du Rwanda du 04/06/2003 telle que révisée jusqu'à ce jour, J.O.R.R., n° spécial du 04 juin 2003, p. 1.

2. Loi no 13/2004 du 17/5/2004 portant code de procédure pénale telle que modifiée et complétée jusqu'à ce jour, J.O.R.R., no 11 du 15 juin 2004, p. 1.

3. Décret du 30 juillet 1888 instituant le Code civil Livre IIIè sur des contrats ou des obligations conventionnelles tel que modifié, in B.O., 1888, p. 109.

B. Instruments nationaux étrangers

1. Charte canadienne des droits et libertés telle que comprise dans la Loi constitutionnelle canadienne de 1982 entrée en vigueur le 17 avril 1999.

2. Code de procédure pénale français de 1958 tel qu'entré en vigueur le 2 mars 1959 et modifié jusqu'à ce jour.

3. Code de procédure pénale italien de 1930 dont la dernière modification est entrée en vigueur le 24 octobre 1989.

4. Constitution fédérale de la Confédération suisse du 29 mai 1843 telle que modifiée dernièrement le 18 avril 1999.

5. Décret du 17 novembre 1808 portant code belge d'instruction criminelle tel que modifié jusqu'à ce jour.

6. Loi allemande du 8 mars 1971.

7. Loi espagnole no 6/1985 du 1er juillet 1985.

8. The 1995 Tanzania immigration act.

9. USA Federal Torts Claim Act of august 2, 1946.

C. Instruments internationaux 1. Instruments du TPIR

1. Accord du 31 août 1995 signé entre les Nations unies et la République unie de Tanzanie concernant le siège du TPIR.

2. Règlement portant régime de détention des personnes en attente de jugement et d'appel devant le TPIR tel qu'adopté le 9 jan. 1996.

3. Règlement de procédure et de preuve du Tribunal pénal international pour le Rwanda tel qu'adopté le 29 juin 1995 et modifié jusqu'à ce jour.

4. Résolution S/RES/955(1994) du 8 novembre 1994 du Conseil de sécurité des unies sur la création du Tribunal pénal international pour le Rwanda.

5. Statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda tel qu'adopté par la Résolution S/RES/955(1994) du 8 novembre 1994 du Conseil de sécurité des Nations unies sur la création du Tribunal pénal international pour le Rwanda et modifié jusqu'à ce jour.

2. Instruments du TPIY

1. Règlement de procédure et de preuve du Tribunal pénal international pour l'ex Yougoslavie tel qu'adopté le 11 février 1994 et modifié jusqu'à ce jour.

2. Statut du Tribunal pénal international pour l'ex Yougoslavie tel qu'adopté par la Résolution S/RES/827(1994) du 25 mai 1993 du Conseil de sécurité des Nations unies sur la création du Tribunal pénal international pour l'ex Yougoslavie et modifié jusqu'àce jour.

3. Autres instruments internationaux

1. Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne proclamée solennellement par le Parlement, le Conseil et la Commission européens le 17 déc. 2000.

2. Charte africaine des droits de l'homme et des peuples adoptée par l'Organisation de l'unité africaine à sa 18e Conférence du 27 juin 1981 et entrée en vigueur le 21 octobre 1986.

3. Charte du Tribunal militaire international pour l'extrême Orient (Tribunal militaire de Tokyo) adoptée le 19 jan. 1946 conformément à la Proclamation de Postdam du 24 juillet 1945.

4. Convention no169 concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants adoptée par la Conférence générale de l'Organisation internationale du travail à sa soixante-seizième session du 27 juin 1989 et entrée en vigueur le 5 septembre 1991.

5. Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants adoptée par la Résolution no 39/46 de l'Assemblée générale des Nations

unies en trente neuvième session du 10 décembre 1984 et entrée en vigueur le 26 juin 1987, U.N. Doc. A/39/51,197.

6. Convention américaine relative aux droits de l'homme adoptée par l'Organisation des Etats américaine à la Conférence spécialisée interaméricaine sur les droits de l'homme du 22 nov. 1969 et entrée en vigueur le 18 juillet 1978.

7. Convention sur l'élimination de toutes les formes de discriminations raciale adoptée par la résolution 2106 A (XX) de l'Assemblée générale des Nations unies en sa session du 21 déc. 1965 et entrée en vigueur le 4 janv. 1969.

8. Convention relative au statut de réfugié telle qu'adoptée par l'Organisation des nations unies le 28 juillet 1951 dans une conférence de plénipotentiaires sur le statut des réfugiés et des apatrides.

9. Convention européenne des droits de l'homme du 4 novembre 1950.

10. Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 nov. 1948.

11. Déclaration américaine des droits et devoirs de l'homme adoptée par la Résolution XXX de l'Organisation des Etats américains à la neuvième Conférence internationale des États américains du 2 mai 1948.

12. Pacte international sur les droits civils et politiques du 23 mars 1976.

13. Principes fondamentaux relatifs aux directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations du droit international relatif aux droits de l'homme et du droit international humanitaire adoptés par la Résolution 1999/33 de la Commission des droits de l'homme du 26 avril 1999.

14. Protocole relatif au statut des réfugiés adopté par le Conseil économique et social des Nations unies dans sa résolution 1186 (XLI) du 18 novembre 1966, communiqué à l'Assemble générale des Nations unies dans sa résolution 2198 (XXI) du 16 décembre 1966 et entrée en vigueur le 4 octobre 1967.

15. Règles pénitentiaires européennes de 1973 telles que révisées jusqu'à ce jour.

16. Règles minima pour le traitement des détenus adoptées par le premier Congrès des Nations unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, tenu à Genève en 1955 et approuvées par le Conseil économique et social dans ses résolutions 663 C (XXIV) du 31 juillet 1957 et 2076 (LXII) du 13 mai 1977.

17. Traité instituant la Communauté européenne tel qu'adopté par les Etats signataires le 25 mars 1957.

18. Statut du Tribunal spécial pour le Sierra Leone tel qu'adopté le 16 janvier 2002 et annexé à l'Accord du 16 janvier 2002 signé entre l'Organisation des nations unies et le Gouvernement sierra léonais sur la création d'un Tribunal spécial pour la Sierra Leone.

19. Statut de la Cour pénale internationale tel qu'adopté le 17 juillet 1998.

20. Statut du Tribunal militaire international de Nuremberg tel qu'adopté le 8 août 1945 et annexé à l'Accord de Londres du 8 aoüt 1945 sur la création du Tribunal militaire international de Nuremberg chargé de la poursuite et du châtiment des grands criminels de guerre des Puissances européennes de l'Axe.

II. JURISPRUDENCE

A. Jurisprudence nationale étrangère

1. Cass. crim., 21 nov. 1991, Bulletin criminel, no 243.

2. Cass. crim., 3 février 1976, Bulletin criminel, no 42.

3. Cass. crim., 26 février 1969, Bulletin criminel, no 97.

B. Jurisprudence internationale 1. Jurisprudence du TPIR

1. André RWAMAKUBA v. The Prosecutor, Case no ICTR-98-44C-A, Appeal chamber, Decision on Appeal against Decision on appropriate remedy, 13 sept. 2007.

2. J. B. BARAYAGWIZA c. Le Procureur, Affaire no ICTR-97-19-AR72, Chambre d'appel, Arrêt sur la demande en révision, 31 mars 2000.

3. J. KAJELIJELI v. The Prosecutor, Case no ICTR-98-44A-A, Appeal Chamber, Judgment on the appeal against the Judgment and sentence in first instance, 23 may 2005.

4. L. SEMANZA c. Le Procureur, Affaire no ICTR-97-20-A, Chambre d'appel, Arrét sur l'appel de la décision sur la requête en annulation de la procédure d'arrestation et de détention illégales, 31 mai 2000.

5. L. SEMANZA v. The Prosecutor, Case no ICTR-97-10-A, Appeal chamber, Judgment, 20 may 2005.

6. Le Procureur c. André NTAGERURA, Emmanuel BAGAMBIKI et Samuel IMANISHIMWE, Affaire no ICTR-99-46-T, Chambre d'appel, Arrét, 7 juillet 2006.

7. Le Procureur c. André NTAGERURA, Affaire no ICTR-99-46-T, Bureau du Président du tribunal, Ordonnance portant rétablissement de Monsieur NTAGERURA dans les conditions d'homme libre, 4 oct. 2004.

8. Le Procureur c. André NTAGERURA, Affaire no ICTR-99-46-T, Chambre de première instance, Requête en rétablissement des libertés d'une personne acquittée, 4 oct. 2004.

9. Le Procureur c. André NTAGERURA, Emmanuel BAGAMBIKI et Samuel IMANISHIMWE, Affaire no ICTR-99-46-T, Chambre de première instance, Jugement et sentence, 25 fév. 2004.

10. Le Procureur c. André RWAMAKUBA, Affaire no ICTR-95-1A-T, Chambre de première instance III, Décision relative à la Requête de la Défense en juste réparation, 31 jan. 2007.

11. Le Procureur c. Ignace BAGILISHEMA, Affaire no ICTR-95-44C-T, Chambre de première instance III, Requête en indemnité devant les Nations unies, 28 jan. 2005.

12. Le Procureur c. Ignace BAGILISHEMA, Affaire no ICTR-95-1A-T, Chambre d'appel, Arrêt, 3 juillet 2002.

13. Le Procureur c. Ignace BAGILISHEMA, Affaire no ICTR-95-1A-T., Décision du Greffier en application de la décision sur la requête du Procureur sur le fondement de l'article 99 B), 8 octobre 2001.

14. Le Procureur c. Ignace BAGILISHEMA, Affaire no ICTR-95-1A-T, Chambre de première instance I, Décision sur la requête du Procureur sur le fondement de l'article 99 B, 8 juin 2001.

15. Le Procureur c. J. Paul AKAYESU, Affaire no ICTR-96-4-T, Chambre de première instance I, Jugement, 2 sept. 1998.

16. The Prosecutor v. André RWAMAKUBA, Case no 98-44C-T, Trial chamber III, Registrar's additional submission in regard to the Defense application for remedy, 7 dec. 2006.

17. The Prosecutor v. André RWAMAKUBA, Case no 98-44C-T, Trial chamber III, Registrar's additional submission in regard to the Defense application for remedy, 24 nov. 2006.

18. The Prosecutor v. André RWAMAKUBA, Case no 98-44C-T, Trial chamber III, Registrar's submission regarding André Rwamakuba's request for an appropriate remedy, 2 nov. 2006.

19. The Prosecutor v. André RWAMAKUBA, Case no ICTR-98-44C-1, Trial chamber III, Application for appropriate remedy, 23 oct. 2006.

20. The Prosecutor v. Andre RWAMAKUBA, Case no ICTR-98-44C-1, Trial chamber II, Decision on the Defense motion concerning the illegal arrest and detention of the accused, 12 dec. 2000.

21. The Prosecutor v. Bernard NTUYAHAGA, Case no ICTR-98-40-T, Trial chamber I, Decision on the Prosecutor's motion to withdraw the indictment, 18 march 1999.

22. The Prosecutor v. Ignace BAGILISHEMA, Case no ICTR-95-IA-A, Appeal chamber, Appellant's response to respondent's motion for variation of conditions of provisional release, 3 july 2002.

23. The Prosecutor v. J. B. BARAYAGWIZA, Case no ICTR-98-19-AR72, Trial chamber I, Judgment and sentence, 3 dec. 2003.

24. The Prosecutor v. Jean MPAMBARA, Case no ICTR-01-65-T, Trial chamber I, Judgment, 11 sept. 2006.

25. The Prosecutor v. Léonidas RUSATIRA, Case no ICTR-2002-80-I, Trial chamber, Decisions on the Prosecutor's ex parte application for leave to withdraw the indictment, 14 august 2002.

26. The Prosecutor v. Samuel IMANISHIMWE, André NTAGERURA et Emmanuel BAGAMBIKI, Case no ICTR-99-46-T, Trial chamber III, Separate and concurring decision of Judge WILLIAMS on IMANISHIMWE motion for judgment of acquittal on count of conspiracy to commit genocide pursuant to Rule 98 bis, 13 march 2007.

27. The Prosecutor v. Samuel IMANISHIMWE, André NTAGERURA et Emmanuel BAGAMBIKI, Case no ICTR-99-46-T, Judgment on motion for judgment of acquittal on count of conspiracy to commit genocide pursuant to Rule 98 bis, Trial chamber III, 6 march 2007, oral decision.

2. Jurisprudence du TPIY

1. Le Procureur c. Dusko TADI}, Affaire no IT-94-1-, Chambre d'appel, Arrét relatif à l'appel de la Défense concernant l'exception préjudicielle d'incompétence, 2 oct. 1995.

2. Le Procureur c. Fatmir LIMAJ, Haradin BALA et Isak MUSLIU, Affaire no IT-03-06-T, Chambre de première instance II, Décision relative à la demande de mise en liberté provisoire, 26 oct. 2005.

3. Le Procureur c. Sefer HALILOVIC, Affaire no IT-01-48-I, Chambre de première instance I, Décision relative à la demande de mise en liberté provisoire. 1er sept. 2000.

4. Le Procureur c. Zoran KUPRESKIC et al., Affaire no IT-95-16-I, Chambre de première instance, Jugement, 14 jan. 2000.

5. Le Procureur c. Zoran KUPRESKIC et al., Affaire no IT-95-16-I, Chambre de première instance, Décision relative à la demande de mise en liberté provisoire, 20 sept. 1999.

6. The Prosecutor v. Dusko SIKIRICA, Damir DOSEN et Dragan KOLUNDZIJA., Chambre de première instance, Jugement relative aux requêtes d'acquittement présentées par la défense, 3 sept. 2000.

7. The Prosecutor v. Fatmir LIMAJ, Haradin BALA et Isak MUSLIU, Case no IT-03-06-T, Trial chamber, Judgement, 30 nov. 2005.

8. The Prosecutor v. Sefer HALILOVIC, Case no IT-01-48-T, Trial chamber I Section A, Judgment, 16 nov. 2005.

3. Autre jurisprudence internationale

1. CARRANZA v. Argentine, Arrêt no 10.8087, CIADH 1998.

2. HASSAN et CHAUSH c. Bulgarie, Arrêt no 30985/96, CEDH 2000.

3. Raquel MARTI DE MEJIA c. Peru, Arrêt no 10.970, CIADH 1996.

4. SILVER c. Royaume-Uni, Arrêt no 5947/72, CEDH 1983.

5. TWALIB c. Grèce, Arrêt no 24294, CEDH 1998.

III. DOCTRINE

A. Ouvrages et articles publiés dans des ouvrages collectifs

1. BERGERON, J. , Electronic monitoring of pretrial detainees of the ICTR, London, England School of Law, Rwanda genocide prosecution project, 7 may 2002, 38 p.

2. BOSLY, H. D. et VANDERMEERSCH, D., Droit de procédure pénale, 2è éd., Brugge, La Charte, 2001, 1098 p.

3. BOULOC, B., REGINALD, R. et LEGROS, P., Le droit au silence et la détention provisoire, Bruxelles, Bruylant, 1997, 134 p.

4. BRADY, H., and JENNINGS, M., « Appeal and Revision », in LEE, R. S., The international Criminal Court, The making of the Rome Statute, Issues, negotiations and results, The Hague, Kluwer Law International, 1999, pp. 294-304.

5. BURGORGUE-LARSEN, L., « De la difficulté de réprimer le génocide rwandais », in TAVERNIER, P. et BURGORGUE-LARSEN, L. (dir.), Un siècle de droit international humanitaire, Bruxelles, Bruylant, Collection du CREDHO, 2001, pp.151-182.

6. CHAMBON, P., Le juge d'instruction, théorie et pratique de la procédure, Paris, Dalloz, 1997, 464 p.

7. CONTE, P. et DU CHAMBON, P. M., Procédure pénale, 2è éd., Paris, Dalloz, 1998, 370 p.

8. DEJEMEPPE, B. (dir.), La détention préventive, Bruxelles, Larcier, 1992, 411 p.

9. DUPAQUIER, J. F. (dir.), La justice internationale face au drame rwandais, Paris, Editions Karthala, 1996, 249 p.

10. LE TOURNEAU, P., Droit de la responsabilité et des contrats, Paris, Dalloz, 2004, 1385 p.

11. MERLE, R. et VITU, A., Traite du droit de criminel, 3è éd., Paris, Editions Cujas, 1979, 1187 p.

12. MWENE SONGA, N., Traité de droit pénal général congolais, Kinshasa, Editions Droit et société, 2001, 789 p.

13. NOWARK, M., « The right of victims of gross human rights violations to reparation", in COOMANS, F. et al., Rendering Justice to the vulnerable, The Hague/London/Boston, Kluwer Law International, 2000, pp. 203-224.

14. PRADEL, J., Droit pénal comparé, Paris, Dalloz, 1995, 733 p.

15. RENE KOERING-JOULIN, A. H., Droit pénal international, Paris, Presses universitaires de France, 1994, 439 p.

16. ROUX, F., « De l'absence de responsabilité en cas d'acquittement ", in L. BURGORGUE-LARSEN (dir.), La répression internationale du génocide, Bruxelles, Bruylant, Collection du CREHO, 2003, pp. 252-258.

17. SCHWIKIKARD, P. J., Presumption of innocence, Cape Town, Juta and Co Ltd, 1999, 185 p.

18. STEFANI, G., LEVASSEUR, G. et BOULOC, B., Procédure pénale, 16è éd., Paris, Dalloz, 1996, 898 p.

B. Articles de revues ou de journaux

1. BASSIOUNI, C., « International recognition of victims' rights », in Human Rights Law Review, Vol. 6, no 2, Oxford, Oxford University Press, 2006, pp. 203-279.

2. BUTI, A. and BUS, M. P., « International law obligations to provide reparations for human rights abuses ", in Murdoch University Electronic Journal of Law, Vol. 6, no 4, dec. 1999, pp. 1-28.

3. Croix Rouge de Belgique, Newsletter du DIH, no 78 du 16-31 août 2oo6.

4. FARTHOUAT, J. R., « La présomption d'innocence », in Justices Revue Générale de Droit Processuel, Paris, Dalloz, 1998, pp. 53-59.

5. LA ROSA, A. M., « Défi de taille pour les Tribunaux pénaux internationauxÓ conciliation des exigences du Droit », in Revue internationale de la Croix Rouge, no 828, Genève, 1997, pp. 693-707.

C. Mémoires

1. BEN-BELLA, M., The Defense right to communication of the accused versus the need for protection of witnesses at the ICTR, mémoire de Licence, Huye, N.U.R., Faculty of Law, 2006, 54 p, non publié

2. GASORE, G., La coopération des Etats avec le TPIR, mémoire de Licence, Huye, U.N.R., Faculté de Droit, 2006, 71 p, non publié.

3. MUBIHAME, A., La question d'indemnisation des victimes du génocide devant le TPIR, mémoire de Licence, Huye, U.N.R., Faculté de Droit, 2006, 56 p, non publié.

4. MUGAMBIRA, L., De la détention provisoire face au principe de la présomption d'innocence devant le TPIR, mémoire de Licence, Butare, U.N.R., Faculté de Droit, 2004, 59 p, non publié.

IV. INTERVIEWS

1. Interview avec l'un des acquittés dont le nom de l'intéressé est gardé en anonymat pour ses raisons propres, 23 juin 2007.

2. Interview avec Alloys MUTABINGWA, Représentant du Gouvernement rwandais au TPIR, 24 juillet 2007.

V. AUTRES REFERENCES

1. Address of Judge Denis Byron President of the International criminal tribunal for Rwanda to the United nations security council 18 June 2007.

2. Communiqué oral du Représentant du Gouvernement rwandais auprès du TPIR du 8 mars 2006 suite à l'acquittement de Bagambiki.

3. Conférence de presse tenue par Adama DIENG le Greffier du TPIR, le 26 juillet 2006.

4. Letter dated 20 oct. 2005 of President of the ICTR to Maitre Francois ROUX, Legal counsel for Ignace BAGILISHEMA, in response to the "Requête en indemnité devant les Nations unies", filed on 28 jan. 2005.

5. Letter dated 11 mars 2004 of President of the ICTY to Mr Zejnil DALALIC in response to Mr DELALIC's request for indemnity dated 3 march 2004.

6. Letter dated 26 September 2000 from the President of the ICTR addressed to the Secretary-General of the United nations organization.

7. Letter dated 19 September 2000 from the President of the ICTY addressed to the Secretary-General of the United nations organization.

8. Onzième Rapport annuel du TPIR à l'Assemblée générale du Conseil de Sécurité des Nations Unies du 13 août 2006.

VI. SOURCES ELECTRONIQUES

1. DEVRESSE, M-S. « Innovation pénale et surveillance électronique : quelques réflexions sur une base empirique », in Champ Pénal, [en ligne sur]
http://champpenal.revues.org/document1641.html, consulté le 26 août 2007.

2. Hirondelle TPIR, Informations du 27 juillet 2007, [en ligne sur] http://www.hirondelle.org, consulté le 26 juillet 2007.

3. Hirondelle TPIR, Informations du 03 jan. 2007 [en ligne sur] http://www.hirondelle.org, consulté le 26 juillet 2007.

4. Hirondelle TPIR, Informations du 29 février 2004, [en ligne sur] http://www. www.hirondelle.org, consulté le 26 juillet 2007.

5. Hirondelle TPIR, Informations du 24 juillet 2001, [en ligne sur] http://www.hirondelle.org, consulté le 26 juillet 2007.

6. Hirondelle TPIR, Informations du 24 juillet 2001, [en ligne sur] http://www.hirondelle.org, consulté le 26 juillet 2007.

7. IDA EN ACTION, Rwanda Ó Redressement, réhabilitation et espoir, mais 2005, [en ligne sur] http : // www.banquemondiale.org/ida, consulté le 29 sept. 2007.

8. MUNYANEZA, J., Rwanda plots Bagambiki's re-arrest, in Rwanda Development Gateway [en ligne sur] http://rwanda.rw/article.php3?idarticle=2215, consulté le 26 juillet 2007.

9. NTAGERURA, A et BAGAMBIKI, E., Le calvaire et la détresse de deux acquittés oubliés du TPIR, [en ligne sur] http://www.grandslacs.net/doc/3767.pdf, consulté le 29 juillet 2007 (en Annexe III).

10. The Western australia law reform commission, Working paper on compensation for persons detained in custody, Project no 43, nov. 1976, [en ligne sur] http://www.austlii.edu.au/au/other/walrc/43/P43-WP.html, consulté le 26 août 2007.

11. TPIR, Etat des affaires, [en ligne sur] http://www.ictr.org/FRENCH/index.htm, consulté le 29 juin 2007.

12. TPIR, Situation des détenus, [en ligne sur] http://www.ictr.org/FRENCH/index.htm, consulté le 21 juillet 2007.

ANNEXES

ANNEXE I
EXTRAIT DU GUIDE D'ENTRETIEN AVEC LE
REPRESENTANT DU GOUVERNEMENT RWANDAIS AUPRES
DU TPIR

GUIDELINES OF THE INTERVIEW WITH THE RWANDAN
REPRESNTATIVE TO THE ICTR OF 24 JULY 2007

A. Identification of the interviewed person

1. Names «~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~

2. Post

B. Asked questions

1. Since its first judgment in 1998, the ICTR has so far rendered five acquittal decisions. As a Rwandan official who has been closely following the functioning of the ICTR, do you think that those acquittals were fair to Rwandan people?

a)

Yes

No

b)Why?«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~.

2. Have you ever read those judgments of acquittal? «~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~

3. Should Rwanda welcome the acquitted persons?

4. Is there arrangement between Rwanda and the ICTR regarding the return of the acquitted persons to Rwanda?

a) If yes, what was the outcome? «~«~«~«~«~«~ «~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~

b) If no, why? «~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~

5. What is Rwanda's reaction to the tribunal's efforts to relocate the acquitted outside

Rwanda? «~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~«~

ANNEXE II
EXTRAIT DU GUIDE D'ENTRETIEN AVEC L'UN DES ACQUI
TTES DU TPIR

GUIDE D'ENTRETIEN AVEC L'UN DES ACQUITTES DU TPIR wi

DU 23 JUILLET 2007

A. Identification de la personne interviewée

1. Nom ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~.

2. Fonction d'avant génocide~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

3. Date et lieu d'arrestation~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

4. Date d'acquittement ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~. B. Ligne de dialogue

1. Ici au TPIR, quelle est la suite de la situation de l'acquitté après la décision

d'acquittement ? ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

2. Quelles sont les conditions de vie de l'acquitté au safe house du TPIR ?

3. Comment appréciez-vous le rôle et les efforts du Tribunal dans la gestion de vos Problèmes ? ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~.

4. Si on vous propose de rentrer au Rwanda ? ~~~~~~~~~~~~~~~~.

5. Pourquoi les acquittés, ne peuvent-ils pas retourner dans les pays respectifs où ils étaient avant leur arrestation ? ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~.

6. Quelles solutions proposeriez-vous pour la bonne résolution de vos problèmes ?

7. D'après les acquittés, quelle est la meilleure solution préféreriez-vous pour votre réinstallation ? ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~...

ANNEXE III
EXTRAIT DU DOCUMENT PUBLIE PAR LES ACQUITTES

LE CALVAIRE ET LA DETRESSE DE DEUX ACQUITTES OUBLIES DU TPIR !

Nous appelons respectivement André NTAGERURA et Emmanuel BAGAMBIKI.

Le 25 février 2004, nous avons été déclarés innocents et acquittés de toutes les charges portées contre nous par le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (le TPIR) à Arusha. L'acquittement a été prononcé à l'issue d'un procès qui avait duré trois ans et après huit ans de détention pour André NTAGERURA et six ans pour Emmanuel BAGAMBIKI. Nous sommes, à ce jour, dans le dix-neuvième mois depuis que les Juges du TPIR ont reconnu notre innocence et ont ordonné notre mise en liberté immédiate. La Chambre a chargé le Greffier du TPIR de l'exécution de l'Ordonnance d'acquittement. Nous estimons que le Greffier n'a pas fait les démarches nécessaires pour compléter les efforts de nos avocats pour nous trouver des pays d'accueil. Pendant ce temps et pour des raisons qui nous échappent totalement, nous sommes maintenus dans une prison qui ne dit pas son nom et où les conditions d'existence sont loin de celles d'un homme libre. Les normes de détention en vigueur à l'UNDF y ont été transférées. Pire elles y ont été tellement durcies qu'elles deviennent de plus en plus inhumaines et insupportables. De nombreux incidents ont jalonné notre séjour dans cette résidence mise à notre disposition. Dans cette annexe du Centre de Détention des Nations Unies à Arusha, annexe que l'on appelle pudiquement " Safe House", c'est-à-dire "maison sécurisée" les conditions de détention se sont détériorées et sont durcies chaque jour davantage tant au niveau du droit, qu'au niveau psychologique, matériel, culturel et social. Le dernier incident survenu ce vendredi 02 septembre 2005 nous force à rompre le silence que nous avons gardé jusqu'à ce jour. En effet, nous sommes fortement inquiets pour notre sécurité et notre état de sans statut.

· Au niveau du droit, aucun statut, aucune disposition écrite, pas méme provisoire, ne régit notre situation actuelle. Ni les obligations du TPIR à notre égard, ni nos droits et nos devoirs ne sont définis nulle part. Nous n'avons donc pratiquement aucune référence légale écrite pour revendiquer nos droits même les plus élémentaires.

· Dès le premier jour de notre acquittement deux agents de sécurité sélectionnés apparemment pour leur méchanceté de geôlier nous ont surveillé jour et nuit et ont tout fait pour créer et entretenir dans le "Safe House" un climat d'humiliation et de stress permanent. Nous avons même dû partager la résidence et toutes les installations de la maison avec eux! Pendant une année ils ont suivi les rares communications téléphoniques qu'ils nous autorisaient de faire, ils prenaient note et faisaient rapport à leurs chefs.

· Dans le "Safe House" nous sommes privés de moyens d'information et de ressourcement intellectuel: pas de journaux, pas d'accès à l'internet, pas d'ordinateur. L'antenne parabolique de T.V et la ligne téléphonique qui existaient dans la maison ont été retirées le lendemain de notre arrivée au "safe house". Tous ces moyens (excepté internet) existent pourtant au Centre de détention officiel pour les autres détenus! Seule la ligne téléphonique a été rétablie, il y a à peine un mois.

· Au " Safe House" nous sommes pratiquement interdits de visite. Des amis qui se déplacent expressément ou qui sont de passage à Arusha et qui ont demandé l'autorisation de nous voir ont reçu systématiquement une réponse négative, sous prétexte que nous sommes gardés dans une maison sécurisée dont les gens de l'extérieur ne doivent pas connaître l'emplacement. Le dernier refus de visite remonte au 30 août la semaine passée. Seuls certains membres de l'équipe de notre défense et de nos familles respectives sont autorisés depuis récemment de nous voir. Là encore aucun texte ne régit ces visites de telle sorte que, quand elles ont eu lieu, elles ont parfois été interrompues intempestivement sans explication par les fameux agents de sécurité qui étaient affectés à nous épier.

· Nous ne sommes méme pas autorisés de communiquer avec nos anciens codétenus. Les rares fois où nous avons essayé de téléphoner à l'un ou l'autre parmi eux, les services de l'UNDF nous répondaient laconiquement que nous ne sommes pas autorisés. Sans aucune autre explication. Cette interdiction semble levée depuis le mois passé mais depuis notre acquittement les rares contraintes levées par une main sont immédiatement rétablies par une autre.

· Le courrier qui nous est destiné, qu'il soit confidentiel ou non, transite au Centre de Détention où il est ouvert et enregistré par l'administration avant de nous le transmettre.

· En cas de maladie ou lorsque, nous sommes dans l'obligation de demander une petite amélioration des conditions matérielles de notre détention par la fourniture de l'un ou l'outre ustensile de première nécessité, les services du Greffier nous répondent systématiquement que nous coûtons cher au TPIR, que les dépenses nous concernant n'ont pas été prévues au budget... Certaines fournitures nous ont été carrément supprimées notamment celles nous permettant de continuer à préparer notre Appel tel que l'ordinateur et ses périphériques, le papier, les stylos, les enveloppes etc... Le matériel de nettoyage, d'hygiène et de propreté est fourni de manière irrégulière. Aucun employé chargé du nettoyage n'est affecté en permanence à notre résidence, le temporaire est tellement irrégulier qu'il a disparu depuis tout un mois sans préavis. Pourtant le budget du Centre de Détention est voté pour deux ans, celui de l'exercice en cours a été adopté avant notre acquittement. Nous faisions donc bel et bien partie des prévisions budgétaires du Centre de Détention qui, sur ce chapitre, continue à nous gérer, cette fois dans le " Safe House"!

· Nous avons enregistré de nombreuses visites impromptues dans notre résidence par des personnes dont nous ignorons l'identité, la provenance et la mission. Ces visites ont souvent provoqué des incidents plus graves les uns que les autres entre ces visiteurs et nous-mêmes. Le dernier incident qui nous fait sortir de notre réserve s'est produit vendredi le 02 septembre 2005.Une équipe de cinq personnes conduites par Monsieur Pierre DUCLOS enquêteur du procureur dans notre procès, s'est introduite dans notre résidence. Monsieur Pierre DUCLOS est basé à Kigali. Son équipe était munie de cameras, d'appareils photos, de blocs notes etc... Ils ont pris des vues de l'entrée de l'enceinte du Safe House. Lorsqu'ils ont voulu filmer, photographier et visiter nos chambres et l'intérieur du Safe House nous nous sommes opposés. Monsieur Pierre DUCLOS a manifesté une insolence et une arrogance indescriptibles. Il a même prétendu qu'il prendrait ces vues de gré ou de force. Grâce à l'officier de sécurité et à notre détermination, l'équipe est partie. Elle est revenue dans l'après-midi. Nous avons opposé la même résistance. Elle est repartie.

La situation, telle que brièvement décrite ci-dessus, ne reflète que très partiellement les conditions dans lesquelles nous sommes enfermés. Nous demandons simplement que la décision de notre acquittement total par les Juges de la chambre III de première instance du Tribunal Pénal International soit concrétisée; nous demandons que le Greffier nous trouve un pays d'accueil et que notre droit à la liberté soit rendu effectif. Ce droit dont nous avons été privés depuis respectivement neuf et sept ans de détention.

Fait à Arusha, le 05 septembre 2005.
André NTAGERURA Emmanuel BAGAMBIKI.






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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore