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Le malaise dans l'oeuvre de Ken Bugul: cas de "la folie et la mort " et "de l'autre côté du regard "

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par Kouessi Jacques Richard CODJO
Université d'Abomey- Calavi Bénin - Maà®trise ès- lettres modernes 2004
  

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LE MALAISE POLITIQUE DANS

LA FOLIE ET LA MORT

Le malaise politique est l'ensemble de tous les désagréments que subit le peuple dans les domaines socioculturel et économique du fait de l'orientation politique donnée au pays par ses dirigeants. L'étude du malaise politique consistera ici à mettre en évidence tous les aspects politiques du malaise, tous les aspects des rapports entre dirigeants et dirigés qui engendrent le malaise. Quoique le malaise politique soit général et inhibe toute la population, certaines catégories de citoyens en souffrent plus que d'autres. C'est ainsi qu'après avoir déterminé les auteurs du malaise, nous en identifierons les victimes pour enfin examiner l'engagement de Ken Bugul contre l'injustice dans le monde. L'étude du malaise politique ne sera faite que dans La folie et la mort pour la simple raison que c'est dans ce roman qu'il est plus flagrant et plus prépondérant.

Dans De l'autre côté du regard, par contre, le malaise politique est très peu perceptible. Il se réduit à une brève critique de la colonisation et du colonisateur lors de l'annonce de la disparition et de la mort du frère de Marie, Maguèye Ndiare. Le portrait qui est fait du colon montre que ce dernier terrorise les populations indigènes et suscite effroi et crainte sur son passage. Les réquisitions et les travaux forcés de la période coloniale ont largement contribué à forger cette réputation du colon. Ce qui révèle le malaise qui existait à cette époque du fait du régime politique dans lequel la source du malaise est essentiellement constituée par les actes du colonisateur et dont les victimes sont les populations indigènes.

Dans La folie et la mort, le malaise politique est plus fort et plus intense. C'est pourquoi nous commencerons par étudier les sources du malaise politique dans ce livre.

A- Les auteurs et les sources du malaise politique.

L'étude des auteurs du malaise politique dans La folie et la mort consistera à évaluer tous ceux qui, dans l'appareil de l'Etat, engendrent le grand malaise dans lequel vivent les populations de ce pays fantôme : « Dans ce pays sans nom, sans identité, enfin un pays fantôme, absurde, ridicule et maudit comme il y en avait un bon nombre sur ce continent, ... ».48(*) Ainsi, le narrateur nous met dans un pays indéterminé, sur un continent indéterminé. Cette absence volontaire de précision sur le cadre du récit laisse libre cours au malaise qui s'étale sur la plus grande partie du texte et qui ne risque pas d'égratigner un régime politique réel. Et les principaux auteurs du malaise sont le Timonier et ses décrets et l'appareil de propagande du régime sur le plan national d'une part et la puissance coloniale et les pays riches sur le plan international d'autre part.

1- Le Timonier et ses décrets.

Le timonier est selon le Petit Robert « Celui qui tient la barre d'un gouvernail, qui s'occupe de la direction du navire ».49(*) Il s'agit donc d'une métaphore lorsque ce mot est utilisé pour le responsable d'un pays. Le pays est alors comparé à un navire dont le gouvernail ne peut se trouver que dans les mains d'un seul individu. Rien qu'avec ce nom : Timonier, le décor du malaise est planté. Nous sommes dans un pays où il n'y a qu'un seul maître. Nous sommes sous un régime dictatorial, autocrate, où les libertés individuelles sont gravement compromises. Or un peuple sans liberté est un peuple au sein duquel le malaise est omniprésent. C'est dans ce contexte que la radio ne cesse de diffuser à longueur de journée les louanges du Timonier qui hante la vie de tous les citoyens : 

« Sur le plan national, notre Timonier, notre grand Timonier, le plus grand de tous les temps, a inauguré aujourd'hui le centre de recherche sur les langues et dialectes de sa région »50(*).

Ce portrait caricatural du Timonier frise parfois la dérision dans les expressions du narrateur. Mais le personnage impose un respect morbide à ses concitoyens car, au moment où le Timonier inaugurait ce centre de recherche, une pluie diluvienne s'abattait sur le pays depuis deux jours et avait déjà fait des dizaines de morts, des centaines de disparus et des milliers de sans-abri dans les mêmes quartiers comme à chaque saison. Mais ces sinistrés sont loin de constituer l'une des priorités du Timonier qui préfère continuer ses inaugurations, avec la présence effective et ponctuelle des membres du corps diplomatique.

Ce qui terrorise le plus le peuple, ce n'est pas seulement la peur de mal parler du Timonier qui hante sa vie par l'intermédiaire de la radio, mais ce sont surtout les décrets. Des décrets sortis de nulle part et qui revêtent un caractère tout aussi curieux. Le nouveau décret qui a mis Mom Dioum en fuite, stipule qu'il faut tuer tous les fous qui raisonnent et tous les fous qui ne raisonnent pas ; et il est rappelé au début et à la fin de chaque programme à la radio nationale. Mais, malgré l'habitude des nombreux décrets que ce peuple a connus et subis, celui-ci portait une marque singulière :

« C'était la première fois qu'un décret prescrivait qu'on tuât des gens même si on les prenait pour des fous qui raisonnaient ou qui ne raisonnaient pas. Pitié au moins pour les pauvres fous qui avaient cessé de raisonner ! »51(*).

Ce décret engendre le développement de l'anarchie et des règlements de compte qui font que chacun vit sur le-qui-vive. Un voisin méchant ou malhonnête a désormais la possibilité de profiter de ce décret pour vous faire tuer sous le prétexte que vous êtes un fou qui raisonne ou un fou qui ne raisonne pas ou bien même que vous êtes un voleur ! Et puisque aucun ordre ne règne dans ce pays, vous êtes livré à la vindicte populaire :

« Attention à un envieux ou à un jaloux ! Il suffisait qu'il crie au voleur dans un lieu public pour que vous vous retrouviez aspergé d'essence et brûlé vif ou roué de coups jusqu'à ce que mort s'ensuive »52(*)

Nonobstant son caractère bizarre et criminogène, ce décret ne fait l'objet d'aucune contestation, du moins visible, de la part des citoyens qui au contraire, le craignent comme la peste. Le peuple a tellement vécu sous la crainte morbide du Timonier et de ses décisions qu'il reste impuissant devant le nouveau décret : «Le peuple de ce pays avait été tellement malmené par des décrets, des décisions, des dispositions, que les cerveaux ramollis ne réagissaient pas, donc ne fonctionnaient plus »53(*). Cette situation montre l'état d'abâtardissement conscient ou inconscient dans lequel le peuple est tombé à force de vivre sous l'oppression de la dictature du Timonier.

Outre la pression exercée sur le peuple par le Timonier et ses décrets, le malaise politique est également généré par l'appareil de propagande du régime.

* 48 La folie et la mort, p.11.

* 49Dictionnaire Le petit Robert, p.1067.

* 50 La folie et la mort, p.11.

* 51 Idem, p.24

* 52 Idem, p.174

* 53 Idem, p.25.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand