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Le malaise dans l'oeuvre de Ken Bugul: cas de "la folie et la mort " et "de l'autre côté du regard "

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par Kouessi Jacques Richard CODJO
Université d'Abomey- Calavi Bénin - Maà®trise ès- lettres modernes 2004
  

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2- Les rapports tumultueux entre Marie et ses parents dans De l'autre côté du regard.

Même si la violence physique est moins visible dans cet ouvrage, dans sa forme brutale et gratuite comme on a pu le constater dans La folie et la mort, l'auteur a tenu à mettre certaines scènes brutales au grand jour. Ces scènes tournent pour la plupart autour de Marie. Celle-ci s'accroche souvent avec sa mère. Les deux femmes n'avaient pas eu de véritables rapports mère-fille. La mère de Marie l'avait abandonnée, quand elle avait cinq ans, sur le quai d'une gare pour aller s'occuper de sa nièce Samanar qui venait de naître. Et la petite fille avait grandi sans l'affection maternelle. C'est pourquoi les altercations n'étaient pas rares entre elles pendant les moments où elles se retrouvaient. Marie raconte qu'un jour :

« Tout d'un coup je ne sais pas ce qui lui avait pris. Elle se mit subitement à m'insulter devant la petite Soxna. Il y avait des expressions dans le dialecte Saloum - Saloum d'une telle vulgarité ! C'étaient ces expressions là que ma Mère avait utilisées. Ce qu'elle disait, je ne pourrai le transcrire dans aucune langue. L'intonation de sa voix, la dureté des mots utilisés ! Des mots grossiers, lourds, désagréables. Cette femme debout là, devant moi, était ma mère ? Cette femme qui parlait de cette façon était ma Mère ? »45(*).

Cette séquence de violence verbale inouïe, comme le laisse entrevoir le narrateur, lève un coin de voile sur la nature des liens qui unissent la mère et la fille. Les injures proférées par la mère étaient si fortes et si vulgaires que la fille a fini par conclure que celle-là ne pouvait pas être sa mère.

Marie a eu également des rapports souvent brutaux avec sa soeur Assy, la mère de sa nièce Samanar. Les deux soeurs ont toujours nourri une rivalité sourde, du fait que Assy avait vite interrompu sa scolarité pour cause de maternité et que Marie avançait bien dans les études. C'est cette situation qui a contribué à amplifier les fréquentes altercations qu'elles avaient depuis la tendre enfance de Marie :

« Ma mère m'avait raconté qu'un jour, ma soeur Assy était en train de repasser. Pendant ce temps, ma Mère tenait sa fille dans ses bras. Je me trouvais à côté et ma soeur Assy avait dit qu'elle allait me brûler. Ma mère lui avait répondu qu'elle n'oserait pas. Je devais avoir, je le rappelle, trois ou quatre ans au plus. Si j'étais un peu plus âgée, je ne me serais pas laissée faire. Je me serais éloignée d'elle. Et ma soeur Assy, froidement, avait posé le fer à repasser brûlant sur mon épaule. J'en garde les traces jusqu'à présent »46(*).

Ainsi, Assy brûle sa soeur cadette pour le simple plaisir de le faire. Et ce qui frappe dans cette séquence c'est la froideur avec laquelle une fille fait du mal à sa soeur. Elle annonce, comme en blaguant qu'elle le ferait et elle le fait malgré les protestations, un peu timides quand même, de la mère. Car la menace d'un fer à repasser chaud sur les épaules d'une petite fille de trois ans devait avoir été prise un peu plus au sérieux que cela. On voit bien que la mère n'avait pas une grande tendresse pour sa fille.

De plus, Marie n'avait pas non plus de bons rapports avec son frère aîné Kaïdara. Celui-ci lui avait demandé un jour de lui laver une théière. Elle eut la mauvaise idée de demander à sa nièce Samanar de le faire parce qu'elle avait mal à la tête. Kaïdara partit d'une grande colère et se rua sur elle :

« Ma mère s'était intercalée entre nous deux. Le coup qu'il me destinait frappa ma mère et une de ses dents tomba. Cela non plus je ne pourrais jamais l'oublier. Jamais. Jamais. »47(*).

Ce dernier extrait fait montre d'une très grande violence physique. Comment un coup qui était destiné à une fillette de huit ans environ pouvait faire tomber des dents à un adulte ? Il devait avoir été très violent. Et comment un frère aîné pouvait asséner un coup aussi violent à sa jeune soeur ? C'est que la rupture des liens familiaux devait avoir certainement atteint un point de non-retour. Même si le frère a, à sa décharge, le fait que les dents de leur mère pouvaient avoir déjà perdu d'un peu de leur solidité, il n'en demeure pas moins que ce coup qui était destiné à la fille de huit ans était disproportionné. La violence étant généralement repoussée par le commun de mortels, elle ne peut qu'amplifier le sentiment de malaise qui ne manque de se dégager de cet ouvrage aux allures apparemment très paisibles.

L'étude du malaise physique dans La folie et la mort et De l'autre côté du regard est axée sur deux étapes au cours desquelles nous avons d'abord pu observer que l'espace et le temps, dans lesquels le narrateur a placé son récit dégageaient déjà une impression de malaise à travers l'enfer urbain que représentent la notion de « ville » dans La folie et la mort et la mégalopole de « la Codiware » dans De l'autre côté du regard et à travers le temps événementiel qui ne renvoie qu'à des séquences sombres de l'histoire et le temps environnemental qui influence négativement les actions entreprises par les personnages. Ensuite, l'étude de la violence physique qui s'est manifestée par les viols successifs de Fatou Ngouye et la vindicte populaire dans La folie et la mort et par les rapports tumultueux entre les membres d'une même famille dans De l'autre côté du regard, est venue compléter le tableau. Cette violence physique aura constitué un facteur déterminant dans l'expression du malaise qui se dégage de ces deux ouvrages.

Le malaise physique entre dans le malaise général qui domine dans La folie et la mort et De l'autre côté du regard. C'est pourquoi notre étude se poursuit dans le chapitre suivant avec l'étude du malaise politique.

* 45 De l'autre côté du regard, p.113

* 46 Idem, p.86.

* 47 Idem, p.259.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore