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Le malaise dans l'oeuvre de Ken Bugul: cas de "la folie et la mort " et "de l'autre côté du regard "

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par Kouessi Jacques Richard CODJO
Université d'Abomey- Calavi Bénin - Maà®trise ès- lettres modernes 2004
  

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B- La violence physique

Ce qui frappe à la lecture de La folie et la mort et De l'autre côté du regard, c'est la façon dont l'auteur y traite le thème de la violence, qui, selon le dictionnaire Le petit Robert est une « disposition naturelle à l'expression brutale des sentiments »38(*). Dans La folie et la mort, elle est abondante, crue et choquante. Dans De l'autre côté du regard, elle plus subtile, diffuse. Nous étudierons quelques aspects de cette violence que sont : le viol, la vindicte populaire et les rapports tumultueux entre les membres d'une même famille.

1 - Les viols de Fatou Ngouye et la vindicte populaire dans La folie et la mort.

Fatou Ngouye est l'amie d'enfance de Mom Dioum, l'héroïne du roman. Lorsque, après avoir fini ses études à la capitale et être passée par l'expérience du bateau, Mom Dioum, recherchée conformément aux injonctions du décret, décide de retourner au village pour « se tuer et renaître »39(*), c'est à son amie d'enfance quelle se confie. C'est pourquoi lorsqu'il s'est agi d'aller à la recherche de Mom Dioum, Fatou Ngouye est envoyée à la ville, source de tous ses malheurs. Les viols commencent le premier jour de son arrivée en ville. Après avoir été faussement accusée de vol, elle est arrêtée par les policiers. C'est là que l'officier de police, « Chef »40(*), jette son dévolu sur elle. Sous le prétexte de lui donner à manger, « Chef » l'entraîne dans un hôtel de passe :

« Quand chef et la jeune fille pénétrèrent dans une chambre, le responsable un peu grassouillet qui les avait précédés, ferma la porte. Soudain un cri horrible, terrifiant. Le cri d'une horrible douleur, d'une horrible souffrance, d'une horrible violence. Un cri qui glaça toute la maison »41(*).

Un médecin qui traînait dans les parages fit son diagnostic sans appel : « Dépucelage violent. Viol d'une vierge. Elle est complètement déchirée. C'est une brute ton policier »42(*). La brutalité et la cruauté avec lesquelles ce viol a été commis ne sont pas de nature à dissiper le malaise qui a commencé à s'emparer du récit depuis que les deux jeunes villageois sont arrivés en ville.

Ce premier viol a été commis par un policier. Les autres seront commis par un prêtre chez qui Fatou Ngouye sera placée après avoir été soignée à l'hôpital et récupérée par une «  bonne soeur ». Le prêtre prétexte un jour du baptême de Fatou Ngouye :

« Fatou Ngouye n'avait qu'un pagne tout blanc attaché en haut des seins, sur instruction du prêtre. (...) Il l'avait complètement déshabillée et devant ce corps sûrement désiré en silence, en prières, en rêves, en somme, en veille, le prêtre tremblait presque. Il enleva son habit léger, le posa par terre comme un drap et y coucha la jeune fille. Il confondit baptême et autre chose et viola presque la jeune fille. (...) Et ce fut ainsi tous les jours. Tous les jours le prêtre l'entraînait dans l'Eglise »43(*).

Même si les viols commis par le prêtre sont moins brutaux que ceux commis par le policier, ils demeurent des viols puisqu'à aucun moment le prêtre n'a attendu le consentement de Fatou Ngouye. Cette scène est d'autant plus embarrassante qu'elle a pour auteur un prêtre, un homme de Dieu. Ce sont ces viols qui entraîneront Fatou Ngouye à la mort. Elle tombe enceinte, des oeuvres du prêtre. Celui-ci, pour éviter le scandale sur sa paroisse, l'emmène à la ville, qu'elle connaît mal, la laisse dans une chambre qu'il a louée pour une durée d'un an, aux bons soins d'une propriétaire véreuse. C'est de cette maison que Fatou partira pour être victime de la vindicte populaire.

Quant à la vindicte populaire elle-même, elle génère le malaise parce qu'elle est gratuite dans La folie et la mort et elle pousse à la révolte parce qu'elle s'abat sur des innocents. Au début de l'ouvrage, Fatou Ngouye et Yoro avaient déjà été traqués par la foule, simplement parce qu'ils avaient eu peur à la vue d'un policier, eux qui n'en avaient jamais vu d'aussi prêt. La vindicte populaire atteint son plus haut niveau à la fin de l'histoire de Fatou Ngouye. Celle-ci, bouleversée par ce qu'elle venait d'apprendre sur Yoro, celui avec qui elle était venue en ville, à savoir que celui-ci était devenu homosexuel, se dirigea vers le grand marché et s'arrêta à la hauteur d'un marchand :

« ... et là, elle ne sut plus ce qui s'était passé. Tout d'un coup quelqu'un cria : - Au voleur ! Au voleur ! C'était elle, Fatou Ngouye, qu'on désignait. (...) Il tenait à la main un bidon et de l'autre une boîte d'allumettes. En une fraction de seconde il aspergea Fatou Ngouye du contenu du bidon, contenu qui par son odeur était de l'essence. Aussitôt, la personne excitée frotta une allumette avec des mains tremblantes et d'une voix terrible cria :

-Meurs ! Voleuse !

La personne jeta l'allumette incandescente sur Fatou Ngouye qui en quelques secondes devint un brasier »44(*).

Cet épisode montre que Fatou qui avait quitté son village pour la ville, devait périr dans cette ville qui broyait irrémédiablement tout ce qui lui était étranger. Ainsi, elle n'avait pas pu trouver sa place dans la ville, elle et son enfant, l'enfant issu du viol. Ce qui signifie également que Fatou, venue à la ville en toute pureté, avait été souillée par les viols successifs et qu'elle ne pouvait plus retourner au village dans cet état. Seul le sacrifice expiatoire suprême, la mort, pouvait produire l'alchimie de la purification. En plus de cela, cet épisode constitue une satire de la vindicte populaire qui sévit surtout dans les pays pauvres. Elle part d'un rien, s'enflamme et coûte la vie à un ou plusieurs individus. C'est une justice expéditive qui révèle le disfonctionnement ou parfois l'inexistence des structures et des institutions devant rendre la justice selon les normes conventionnelles. Cette situation est la caractéristique de la plupart des pays en voie de développement dans lesquels les personnels de la justice, en nombre insuffisant, n'arrivent pas à examiner avec célérité ou parfois même avec profondeur les différends qui opposent les citoyens. Alors le peuple, pour combler ce vide et dans son élan à se faire justice, commet des erreurs graves qui sont fatales pour des individus innocents.

Dans De l'autre côté du regard, la violence physique se remarque essentiellement dans les rapports entre Marie et ses parents.

* 38 Dictionnaire Le petit robert, p.1136.

* 39 La folie et la mort, op. cit.

* 40 Idem, p.61.

* 41 Idem, p.67.

* 42 Idem, p.69.

* 43 Idem, pp.73-74

* 44 Idem, pp.108-109

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"Ceux qui rĂªvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rĂªvent de nuit"   Edgar Allan Poe