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Le malaise dans l'oeuvre de Ken Bugul: cas de "la folie et la mort " et "de l'autre côté du regard "

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par Kouessi Jacques Richard CODJO
Université d'Abomey- Calavi Bénin - Maà®trise ès- lettres modernes 2004
  

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b- Le vide affectif.

Il est le générateur du malaise psychologique qui s'étend sur toute l'oeuvre. Et on ne pourrait pas parler du vide affectif sans faire allusion au premier roman publié par Ken Bugul, Le baobab fou77(*), dans lequel le vide affectif est très présent. D'ailleurs certains critiques pensent que De l'autre côté du regard n'est que la suite du Baobab fou. Ce qui se justifie par la grande similitude entre les personnages des deux romans et le lien d'une suite logique qui se dégage des deux récits. Et pour revenir au vide affectif, Adrien Huannou a dit ceci à propos du Baobab fou :

«Ce roman énonce une double problématique. Au plan individuel, la rupture de l'enfant Ken avec sa mère engendre un vide affectif que rien ni personne n'arrive à combler, même pas le Nord référentiel considéré à tord comme la Terre Promise »78(*).

Cette appréciation du vide affectif que rien ne pourrait combler est aussi valable pour De l'autre côté du regard dans lequel l'héroïne, Marie, ne semble renouer « le lien sacré »79(*) avec sa mère qu'après le décès de celle-ci. Mais avant, le vide affectif créé depuis l'abandon de la mère sur le quai d'une gare de chemin de fer a fait naître une telle distance entre la mère et la fille qu'elles en étaient devenues des étrangères l'une pour l'autre. En témoigne cette réflexion de l'héroïne : 

« Ma nièce Samanar, que je t'avais enviée toute ma vie !

Je t'avais enviée d'avoir été si proche, si complice, si aimée de ma mère !

Tout le monde le savait, tout le monde le disait, tout le monde en parlait.

Et moi la propre fille de ma mère ?

Celle que ma mère avait portée dans son ventre ?

Celle que ma mère avait mise au monde ?

Là-bas à Hodar !

J'étais comme une étrangère »80(*).

La nièce Samanar est celle pour qui la mère de Marie avait abandonné sa fille parce qu'elle venait de naître et qu'il fallait une main expérimentée pour s'en occuper, la mère de Samanar, Assy étant trop jeune. C'est donc Samanar qui s'est mise entre Marie et sa mère, créant le vide affectif qui se fera remarquer dans la vie de Marie. Les conséquences de ce vide affectif sont très nombreuses. Nous pouvons citer le mal que Marie a eu pour s'insérer dans le cocon familial. D'ailleurs, elle n'est jamais parvenue à s'y intégrer véritablement. Les moments de joie qu'elle a pu passer en famille dans son enfance ne sont que de vagues souvenirs fugaces décrits par Marie :

« Les moments furtifs où j'avais un père et une mère.

Ces moments où j'étais l'enfant d'un père et d'une mère.

Ces moments où j'avais un père, une mère et un frère »81(*).

Ces souvenirs montrent comment Marie n'a pas pu avoir la vie qu'elle aurait souhaité avoir. Cette séparation d'avec la mère, cette rupture du lien affectif l'a séparée d'office du cercle familial comme elle le dit elle-même: « J'étais coupée des miens depuis le départ de la mère »82(*). L'autre conséquence du vide affectif provoqué par le départ de la mère est la maternité tardive de Marie. Pour combler le vide laissé par la mère, elle devait s'occuper en étudiant. C'est pourquoi elle est allée si loin dans les études sans penser à la procréation. Et c'est subitement au cours d'une conversation, lors d'un séminaire au Maroc qu'une de ses camarades attire son attention sur le caractère anormal de sa situation. C'est au cours de ce séminaire qu'elle rencontre le père de sa fille qui malheureusement mourra quatre ans seulement après la naissance de leur fille.

En outre, ce vide affectif a terriblement fait souffrir l'enfant Marie dans la mesure où elle menait à l'intérieur d'elle-même, après le retour de la mère au bercail, un rude combat. Elle voulait se rapprocher de cette mère qui l'avait abandonnée, mais sa rancoeur pour elle la repoussait et lui donnait un sentiment dubitatif face à tout ce qui lui rappelait cette mère. Elle dit à propos des trains : 

« Je les aimais.

Je ne les aimais pas »83(*).

Ces deux phrases contradictoires montrent le combat qui se déroule dans le coeur de Marie. C'est ce combat intérieur sans issue qui conduit les individus vers la folie dans La folie et la mort.

* 77 KEN BUGUL, Le baobab fou. Dakar : NEA, 1996.

* 78 Adrien HUANNOU, Le roman féminin en Afrique de l'Ouest, Paris, L'Harmattan, 2001, p.21

* 79 Ibidem

* 80 De l'autre côté du regard, p.115

* 81 Idem, p.87

* 82 Idem, p.83

* 83 Ibidem

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein