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Le malaise dans l'oeuvre de Ken Bugul: cas de "la folie et la mort " et "de l'autre côté du regard "

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par Kouessi Jacques Richard CODJO
Université d'Abomey- Calavi Bénin - Maà®trise ès- lettres modernes 2004
  

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INTRODUCTION

Les oeuvres de Ken Bugul se sont progressivement imposées au cours de ces deux dernières décennies au lectorat du monde francophone en général et à celui de l'Afrique en particulier. Cet écrivain Sénégalo-béninois, qui a publié son premier roman en 1982 (Le baobab fou)1(*), a fini par conquérir une place parmi les grands noms de la littérature africaine francophone et surtout parmi les auteurs du roman féminin en Afrique de l'Ouest. C'est à juste titre que le jury de l'ADFL lui a décerné, en 1999, le Grand Prix Littéraire d'Afrique Noire après la publication de son troisième roman, Riwan ou le chemin de sable.

Après ce Grand Prix, Ken Bugul a publié deux autres romans : La folie et la mort et De l'autre côté du regard qui présentent, pour nous, un double intérêt : d'abord celui de n'avoir pas encore été largement traités par les critiques littéraires comme l'ont été ses trois premiers romans dans plusieurs articles et mémoires ; ensuite, celui de la grande diversité thématique qu'ils offrent en addition à la forme particulière de l'écriture de l'écrivain.

Des nombreux thèmes que contiennent ces deux ouvrages, celui qui nous apparaît comme le plus pertinent dans la structuration des deux récits est le malaise, un malaise qui sourd du fond de chaque personnage et qui rejaillit sur son entourage, sur ses relations avec les autres. C'est une sorte de « mal-être » ou de mal de vivre que Mahougnon Kakpo décrit comme « une atmosphère de désordre absolu qui crée peur, angoisse et frayeur au niveau de l'individu qui ne sait plus à quel saint se vouer »2(*). Et c'est en vue de mettre au jour les divers aspects et les implications de ce malaise que nous avons choisi, pour notre étude, le thème suivant : « Le malaise dans l'oeuvre de Ken Bugul : Cas de La folie et la mort et De l'autre côté du regard ».

Le choix de ce thème ne manque pas de susciter des interrogations sur son actualité et son originalité dans la littérature négro-africaine du début du XXIème siècle. On se souvient, en effet, que la littérature négro-africaine, francophone comme anglophone, est née dans un contexte de malaise général, historique, politique et culturel notamment, au point que le mouvement de la négritude et celui de l' « african personality », avec les formes de littérature que chacun d'eux a générées, ont constitué des tribunes d'expression du malaise et de la révolte de la race noire contre des siècles d'esclavage et de colonisation par la race blanche.

De la période coloniale à celle des indépendances, les thèmes de la littérature négro-africaine francophone n'ont pas beaucoup évolué en ce qui concerne l'expression du malaise. L'orientation du roman négro-africain francophone en particulier, selon une typologie faite par Jacques Chevrier dans Littérature nègre3(*), a oscillé entre le souci de formation, la contestation historique, l'angoisse existentielle et le désenchantement. Exploitant cette typologie, Adrien Huannou et Ascension Bogniaho affirment que les romans de formation ont un but socio-éducatif, ceux de la contestation dénoncent les tares de l'époque coloniale, tandis que les romans de l'angoisse et du désenchantement présentent respectivement «  une vision pathétique de la condition humaine » et « une image désabusée et décevante de la société africaine néo-coloniale et montrent que l'indépendance n'a pas porté les fruits escomptés, par la faute des dirigeants politiques et de la nouvelle bureaucratie »4(*).

L'originalité de l'expression du malaise chez Ken Bugul, par rapport à ses prédécesseurs, c'est que cet écrivain intimiste, qui avoue s'inspirer souvent de sa propre vie dans ses créations littéraires, centre ses écrits sur les problèmes socioculturels et psychologiques qui minent la vie et l'équilibre de l'individu. Même quand il lui arrive parfois d'aborder le thème de la politique africaine des indépendances dans ses oeuvres, comme c'est le cas dans La folie et la mort, les problèmes politiques sont traités de telle manière qu'ils sont les supports de l'expression du malaise psychologique et socioculturel.

La question du malaise chez Ken Bugul est donc avant tout, une question de la vie intérieure de l'individu aux prises avec lui-même et avec son environnement physique, politique, social, culturel ou religieux. L'objet de notre étude consistera d'abord à mettre au jour, en plus du cadre politique, les principaux canaux de l'expression du malaise dans La folie et la mort et De l'autre côté du regard. Nous étudierons ensuite comment les personnages réagissent individuellement ou collectivement, à ces types de manifestation et quels sont leurs effets sur le lecteur.

Pour faire ce travail, nous nous proposons d'adopter un plan en quatre petites parties dont la première analysera les manifestations physiques du malaise successivement à travers l'espace, le temps et les violences corporelles. Dans la deuxième partie, nous étudierons le malaise politique, principalement ses sources, ses victimes et la réaction du narrateur face aux injustices dans le monde. La troisième partie, consacrée au malaise socioculturel et psychologique, mettra en exergue les effets de certaines pratiques coutumières et rituelles telles que le tatouage des lèvres et le sacrifice humain, la torture morale de l'individu sous la pression de la radio et du vide affectif et le traumatisme causé par les déviations sexuelles et les pratiques religieuses scandaleuses. Enfin, la grande contribution de la forme des récits à la construction du malaise sera examinée dans la quatrième et dernière partie.

Pour réaliser cette étude, nous adopterons une démarche sociocritique doublée d'une approche narratologique.

* 1 KEN BUGUL a publié à ce jour cinq romans : Le baobab fou, Dakar, NEA, 1982. Cendres et braises, Paris, L'Harmattan, 1994. Riwan ou le chemin de sable, Paris, Présence Africaine, 1999. La folie et la mort, Paris, Présence Africaine, 2000. De l'autre côté du regard, Paris, Le Serpent à Plumes, 2002.

* 2 Mahougnon KAKPO, Créations burlesques et déconstructions chez Ken Bugul, Cotonou, Les Editions des Diasporas, 2001, p.28.

* 3 Jacques CHEVRIER, Littérature nègre, Paris, Armand Colin Editeur, 1984.

* 4 Adrien HUANNOU et Ascension BOGNIAHO, Littérature africaine, Porto-Novo, INFRE, 1993, p.20.

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