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La construction identitaire d'une ONG par la communication: le cas de Médecins sans Frontières

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par Jessica Ellouk
Université de Montréal - Maitrise es sciences de la communication, option organisationnelle 2011
  

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2.3 Discussion critique de la littérature & problématique

Comme nous lÕavons vu, la question de lÕidentité est une preoccupation essentielle des organisations et cÕest aussi un concept clef pour comprendre les organisations modernes (Gioia et all., 2000). En ce sens, Cheney et Christensen (2001) concluent leur chapitre du New Handbook of Organizational Communication en notant que le défi pour les chercheurs en communication aujourdÕhui est de réussir à conceptualiser la réalité complexe des organisations contemporaines.

La revue de littérature a montré quÕil nÕest pas simple de définir lÕidentité organisationnelle car ce concept est encore (et sera sans doute toujours) à lÕétat de discussion et de réflexion pour de nombreux chercheurs qui se sont attelés à le définir. Néanmoins, nous avons réussi à faire ressortir plusieurs points intéressants à noter et à prendre en compte dans le cadre de lÕétude de cette question. Ainsi, nous retiendrons que lÕidentité organisationnelle se construit dans lÕinteraction entre les individus eux-mêmes et dans leur rapport à lÕenvironnement et quÕelle est donc a priori multiple et dynamique. Sa construction passe par les images de lÕorganisation qui apparaissent comme des miroirs reels ou choisis de celle -ci. De plus, la question

de lÕidentité est toujours a priori ouverte dans lÕorganisation, aussi bien du point de vue des membres sur eux -mêmes, que vis-à-vis du sens que cette identité projette à lÕextérieur. Cela peut donc aboutir à la mise en place de strategies communicationnelles à lÕinterne comme à lÕexterne, afin de garder le contrTMle des images que projette lÕorganisation.

Quant à la réalité de lÕidentité au niveau organisationnel, on ne peut la comprendre quÕen prenant en compte ses definitions interne et externe, car elles semblent indissociables et inséparables. Ajoutons que lÕidentité organisationnelle appara»t comme un phénomene discursif qui se construit dans lÕinteraction et qui se raconte à lÕécrit comme à lÕoral, dans un processus de narration. LÕidentité se construit ainsi tout au long de la vie de lÕorganisation, avec des événements qui marquent cette construction.

Apres avoir abordé les points essentiels de la littérature sur le sujet, nous pouvons des lors faire le point et determiner les manques à combler par la recherche, cela afin de permettre une meilleure comprehension de la question. Ainsi, il apparait que le phénomene dÕidentité est abordé dÕun point de vue general et que trop peu dÕétudes empiriques sÕattardent à démontrer la dimension non seulement performative, mais egalement interactionnelle de la construction identitaire dÕune organisation. Nous pensons quÕil serait donc productif de sÕy intéresser dÕun point de vue plus micro oil lÕidentité de lÕorganisation appara»t à travers les interactions qui la font etre, se reproduire et évoluer, le but étant dÕapporter une contribution à la fois théorique pour la recherche et pratique pour la comprehension organisationnelle. En effet, souvent les etudes portant sur lÕidentité sont dÕordre quantitatif, mais notre recherche qui est qualitative et se concentre sur les interactions quotidiennes offre une vision plus communicationnelle/performative de cette question. Notre approche

montre une dimension incarnée, une vision ancrée sur les interactions qui se distingue donc des etudes basées sur des entrevues, exposant la maniere dont les interviewés font sens de lÕidentité organisationnelle. Notre recherche propose donc de montrer et analyser lÕidentité organisationnelle en action, au fil des interactions qui lÕincarnent. Quant aux contributions pratiques, nous en ferons part dans la conclusion de cette recherche, avec notamment la nécessité de former le personnel de lÕorganisation sur lÕimportance de leur parole dans le quotidien de leurs activités pour la construction de lÕidentité et lÕimage de leur organisation. En effet, notre etude fera la demonstration du pouvoir que peuvent avoir les mots dans le cadre de négociations implicites et explicites qui sont le lot des interactions quotidiennes dans lÕorganisation, influencant lÕimage que chacun peut avoir de celle-ci et donc le cours des missions, pour une organisation comme Médecins Sans Frontiéres.

En outre, Kerbrat-Orecchioni (1992) nous indique que lÕinteraction est le lieu de négociations implicites et explicites, ce point précis étant lÕobjet de notre interrogation sur lÕidentité organisationnelle : Ç Tout discours dialogue est le produit dÕun "travail collaboratif", les partenaires en presence mettant en Ïuvre en permanence des processus de négociations, dÕharmonisation de leurs comportements respectifs, et de "synchronisation interactionnelle" » (p. 148).

Finalement, on peut supposer que lÕidentité organisationnelle est (re)construite tous les jours et par tout le monde. En ce sens, si lÕidentité organisationnelle fait lÕobjet dÕune construction par des acteurs, on peut donc dire quÕelle est performée, en particulier par la parole et lÕécrit, et que lÕinteraction est le cadre de cette performance. En poursuivant cette idée de performance et en lÕalliant avec lÕidentité de lÕorganisation, nous nous sommes penchée sur le concept de présentification. Pour Cooren, Brummans et Charrieras (2008) qui se sont intéressés

à la notion de présence de l'organisation avec des données sur Médecins Sans Frontières, cette idée de performance renvoie à une facon de rendre présent ou présentifier l'organisation, de la représenter. On peut donc parler d'incarnation, voire d'incorporation. De plus, dans leur article, ils disent : Ç Thus, while our view foregrounds the performative aspects of presentification, this performance always involves processes of negotiation, transaction, interpretation, translation, co - constructionÈ (p. 1346). Cela nous amène donc à réfléchir sur la conception d'une identité organisationnelle plus centrée sur la performance des acteurs. En effet, qui dit performance, dit l'accomplissement de quelque chose et ce quelque chose est accomplie notamment par le biais d'une négociation ou d'une co-construction. De plus, comme nous sommes fortement attachée à la dimension discursive et interactive d'une définition de l'identité organisationnelle, nous pouvons alors émettre l'idée d'une co-construction de l'identité organisationnelle par le biais des performances discursives des acteurs de l'interaction.

Il y a, par ailleurs, souvent un profond sentiment d'attachement des acteurs vis-à-vis de leur identité et de l'identité de leur organisation. L'identité, c'est ainsi quelque chose qui est censé les définir, qui est censé être propre mais qui se nourrit aussi de l'impropre, autrement dit de ce qui, pour être approprié, doit d'abord être autre. On parle alors de la rencontre de soi et de l'autre. Ajoutons que toute relation suppose une appropriation et nous mettons donc ici en exergue une vision relationnelle de l'identité. Dans le cadre d'une ONG comme Médecins Sans Frontières, cela se manifeste, comme nous le verrons, par une réaffirmation constante de l'essence même de sa mission auprès de ses partenaires sur le terrain de l'action comme directement dans ses différents sièges dans le monde. De plus, le principe d'urgence de ce type d'organisation ajoute une difficulté particulière à ces

interactions et aussi une certaine intensité.

Après avoir abordé la littérature sur la question de l'identité organisationnelle et son application dans le cadre de l'humanitaire, nous pouvons donc nous interroger sur sa construction par le biais de la communication et plus précisément par la parole. Retenons que cette identité peut aussi bien se construire que se déconstruire et qu'il s'agit donc aussi de la négocier au fil des interactions. De plus, la construction de l'identité peut être associée au rituel de la danse dans un processus interactionnel entre soi et l'autre, selon la métaphore initiée par Goffman (1967) et qui est reprise dans une réflexion de Roth (1996) qui dit:

Construction of identity in interaction is a process that engages both participants in a ritual dance or in a ritual contest (Goffman, 1967, pp.31 and 32). Dancelike aspects of identity construction are found when participants cooperate (intentionally or not) in ceremonial rituals that are embedded in everyday conversation. (p. 175)

Ainsi, la question qui nous animera tout au long de ce travail sera d'évaluer par quels moyens les membres de l'organisation construisent leur identité organisationnelle dans leurs interactions du quotidien et comment ils agissent dans ce cadre ? Les questions de cette recherche sont donc formulées de la manière suivante:

QR : Comment est ce que l'identité organisationnelle de MSF est négociée dans la communication (interactions), soit entre les membres de MSF, soit entre les membres de l'organisation et les gens à l'extérieur ?

Chapitre 3: CADRE THEORIQUE

Les questions et idées qui émergent de la revue de littérature réalisée sur l'identité organisationnelle nous amènent à identifier différents concepts qui vont servir de cadre théorique à cette recherche. Il existe de nombreuses approches en communication organisationnelle, a priori aussi valables les unes que les autres, mais en choisir une, c'est comme choisir un angle de vue pour sa recherche. En ce sens, la lunette interprétative me semble la plus opportune. En effet, l'approche interprétative considère que la réalité organisationnelle est socialement construite à travers la communication, c'est-à-dire les interactions entre les individus. On y retrouve aussi l'idée de processus. De plus, nous emprunterons, pour les fins de cette recherche, les lecons tirées de l'ethnométhodologie, un courant de pensée né dans les années 1960 avec notamment comme maitre d'Ï uvre, Harold Garfinkel (1967, 2002). Le principe de base qui y est exprimé, c'est que le social se construit et se reconstruit sans cesse dans les relations quotidiennes entre les acteurs. Au sein de ce courant, nous trouvons aussi l'analyse de conversation (Boden, 1994; Sacks, 1992) et on notera aussi une certaine influence de la théorie des actes de langages d'Austin (1991), Ç Quand dire, c'est faire È, qui considère le langage dans sa dimension performative et actionnelle.

Une notion étudiée et développée par des chercheurs de l'École de Montréal a attiré notre attention, soit celle de la ventriloquie car elle agrandit le champ de vision de notre recherche, en identifiant tout ce qui est rendu présent dans l'interaction, en plus de ceux qui le sont physi quement. Au premier abord, la ventriloquie évoque pour tous, la capacité d'une personne à faire parler une marionnette sans bouger ses

lèvres . On imagine donc aisément un spectacle oü l'on s'amuse d'un petit être, une peluche, qui parle aux spectateurs ou à la personne qui le manipule. Du latin ventris ou venter qui signifie ventre et loqui qui signifie parler, ce concept renvoie donc à l'idée da Çfaire parlerÈ quelqu'un ou quelque chose. Nous reviendrons donc à cette idée dans un aspect communicationnel, car il semble permettre d'approcher, d'une certaine manière, les coulisses du discours, de la parole en interaction.

Tout au long de cette étude, le concept clef qui guidera ma réflexion sera celui de présentification car il nous permettra d'observer comment MSF est rendu présente par ses acteurs et ce, en vue de mieux saisir la construction de son identité organisationnelle. Pour cela, je m'inspirerai de l'article de Cooren et al. (2008) qui se conclut en notant l'intérêt d'une étude portant sur l'identité organisationnelle à travers la lentille du concept de présentification organisationnelle. De plus, leur cas d'étude confirme que ce sont dans les interactions que cette construction a lieu:

As É illustrated É what or who belongs (or does not belong) to an organization (i.e. what is considered `in' or `out'), or how an organization is perceived and experienced by `insiders' (identity) and `outsiders' (image), is always a question of negotiation played out on the terra firma of interaction. (p. 1361)

Ainsi, à travers l'interaction, c'est la confrontation de plusieurs images qui peut produire l'identité, c'est-à-dire que chacun (que ce soit des personnes à l'intérieur ou à l'extérieur de l'organisation) mobilise implicitement ou explicitement une ou plusieurs images ou identités de l'organisation et c'est au cours des interactions que ces images/identités s'harmonisent ou non.

comprendre pleinement, il est nécessaire de le situer dans un premier temps dans un cadre plus large, pour ensuite revenir sur ce concept et lÕexpliquer avec plus de profondeur. Nous allons pour cela nous intéresser aux réflexions de lÕÉcole de Montréal, en commentant egalement certains concepts de la théorie de lÕacteur- réseau, pour ensuite nous atteler à la description de ce que lÕon entend par Ç présentification organisationnelle È et la pertinence de cette notion dans le cadre dÕune réflexion sur lÕidentité organisationnelle.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry