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La construction identitaire d'une ONG par la communication: le cas de Médecins sans Frontières

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par Jessica Ellouk
Université de Montréal - Maitrise es sciences de la communication, option organisationnelle 2011
  

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5.4. Analyse de la Séquence C : Réunion entre Max et des représentants du Ministère de la Santé congolais

5.4.1. Description du contexte

En tant que chef de mission MSF, Max rencontre régulièrement les partenaires locaux des projets mis en Ïuvre par son organisation, il se voit aussi attribuer le rôle de porte-parole de MSF auprès des représentants des institutions du pays d'intervention. Dans le cadre de l'interaction qui nous intéresse ici, Max est en réunion avec deux représentants de la Santé de la RDC, les docteurs Guy et Tony, à Goma (ville du Nord-Kivu). La présente conversation a lieu peu après le début de la réunion oü les trois hommes ont fait le point sur l'action mise en Ïuvre à l'hôpital de Mumba.

5.4.2. Analyse de la séquence

Cette in teraction nous montre comment l'identité de MSF dans son intervention en RDC est négociée et construite entre un de ses membres, autrement dit Max, et des partenaires de l'organisation, les docteurs Guy et Tony, tous les deux congolais. Nous allons aussi voir ici comment certaines figures sont invoquées de part et d'autre pour accepter, refuser ou inviter à accomplir certaines choses. Nous pourrons ainsi constater que l'identité n'est pas quelque chose de figé mais qu'il

existe une utilisation performative de l'identité organisationnelle.

167 Guy Donc par rapport a ça, on avait encore une autre euh, je ne dirai pas une

168 préoccupation on avait une requête a formuler euh:: ((fait un geste de la main vers

169 Tony)) on en a longuement discuté avec Docteur Tony C'est par rapport au euh

170 au chirurgien

171

172 Max Oui=

173

174 Guy =que MSF a amené pour essayer d'aider l'hôpital. Nous, on s'est dit si euh c'est

175 la présence de ce chirurgien ne peut pas profiter a d'autres médecins.

176

177 Max Hum hum

178

179 Guy Je crois que peut être Carole vous en a vous en a déja parlé.

180

181 Max C'est possible

Des lignes 167 a 170, Guy annonce a Max la formulation d'une requête concernant le chirurgien MSF avec le soutien de Tony a l'appui. En formulant cette requête a Max, Guy et Tony reconnaissent implicitement son caractère décisionnaire, car celui-ci représente MSF et prend des décisions en son nom. Cependant, la formulation d'une proposition de la part des deux médecins et la discussion qui s'en suit, peuvent aussi être considérés comme participant de la construction de l'identité de MSF, leur organisme partenaire, car ils tentent de modifier son action en apportant leur propre vision de ce qu'est et doit être MSF dans le cas présent. Guy évoque la présence de MSF (par le biais d'un de ses chirurgiens), qualifiant son action d'aide a l'hôpital, mais il considère que cette présence pourrait constituer une opportunité supplémentaire a l'action classique de MSF, c'est a dire soigner: Ç Nous, on s'est dit si euh c'est la présence de ce chirurgien ne peut pas profiter a d'autres médecins. È (lignes 174-175).

Afin d'ajouter du poids a son propos, Guy, a ligne 179, invoque, par ailleurs, le fait que Carole soit au courant et qu'elle ait possiblement fait part de la requête a Max. En faisant cela, Guy fait appel a ce que représente Carole, c'est a dire, une expertise en tant qu'actrice de l'organisation MSF, car elle est coordonatrice médicale MSF et médecin congolais. Ajoutons qu'une telle introduction a l'annonce

d'une demande et la façon de la formuler, laisse para»tre une certaine hésitation, Guy n'affichant pas beaucoup d'assurance dans son discours. La réponse de Max n'est, quant à elle, pas ou peu claire, lorsqu'il rétorque: Çc'est possibleÈ (ligne 181), ce qui semble pousser Guy à préciser la formulation et l'argumentation de sa requête. Cette réponse confère à Max un certain pouvoir quant au déroulement de la suite de la conversation, car il peut ainsi, par exemple, dire qu'il n'était pas vraiment au courant de cette requête et donc ne pas d'ores et déjà donner une réponse favorable ou non à la requête.

183 Guy Donc que euhnous, on voudrait, avec votre accord envoyer nos médecins en

184 formation, évidemment uniquement euh pour la chirurgie, pour qu'ils puissent

185 profiter euh de de de l'expérience du chirurgien que MSF a mis a mis à l'hôpital.

186

187 Max Bon en formation euh = (( il affiche un visage emprunt de perplexité))

188

189 Guy Bon on dirait formation, c'est peut être trop dire mais bon euh=

190

191 Tony = En fait, en fait euh, l'idée vient du fait que (.) le le système de santé que nous

192 essayons d'appuyer dans la province euh comprend non seulement les structures,

193 les institutions mais aussi du personnel. Et donc qu'euh on a constaté depuis un

194 certain temps que dans les milieux ruraux il y a de plus en plus de jeunes

195 médecins

196

197 Max hum hum

198

199 Tony qui ne sont plus encadrés par des médecins beaucoup plus =

200

201 Guy =[chevron[nés

202

203 Tony [Expérimentés, et donc chaque fois qu'il y a une opportunité comme

204 celle que vous donnez à la zone de santé de Mumba, nous pensons que c'est

205 vraiment quelque chose qu'il ne faut pas rater pour renforcer le système. C'est

206 vrai quel'approche MSF, c'est une approche directement centrée sur le patient

207 mais notre approche, tout en visant le patient essaie d'appuyer plus le système. Et

208 je crois que les 2 ensembles pourraient faire un très bon résultat. Donc nous

209 avons pensé qu'on peut vous approcher dans ce euh=

210

211 Guy =Dans ce sens-là

212

213 Tony =Dans ce sens-là, pour dire qu'euh, on pourrait profiter de cette présence de ce

214 médecin-là pour essayer de de recycler un peu les médecins des autres zones

215 voisines. Ainsi après c'est une année d'intervention MSF, en plus du fait que les

216 gens auront accédé aux soins, on aura en permanence des médecins qui sont

217 capables de répondre aux urgences les plus fréquentes et de manière efficace.

218 Voilà un peu dit en gros.

Des lignes 183 à 185, la requête est enfin formulée plus clairement par Guy et consiste à demander à MSF l'autorisation d'envoyer des médecins à former par le chirurgien MSF présent à l'hôpital de Mumba. MSF est ainsi implicitement qualifiée et reconnue par ses partenaires pour son expérience en matière de chirurgie. De plus, les partenaires de MSF, représentés ici pas Guy et Tony, semblent considérer que

cette expérience chirurgicale pourrait être mise à disposition dans l'hôpital et à ce titre, ils demandent à MSF si cette dernière serait prête à former des chirurgiens locaux, cela en plus de soigner les patients. Il appara»t donc, qu'implicitement, les partenaires de MSF ne voient pas l'organisation uniquement comme une organisation humanitaire d'aide médicale, mais aussi potentiellement comme un organisme capable de former du personnel médical.

Cette requête met donc Max face à plusieurs problématiques. Il doit en effet confirmer ou démentir cette vision/identité de son organisation que lui projettent implicitement ses partenaires/interlocuteurs. Mais, face à cette requête, il est aussi mis à l'épreuve d'y répondre, pouvoir que semblent lui conférer Guy et Tony dans la situation présente. C'est donc dans ce contexte que Max répond: << Bon en formation euh = ((il affiche un visage emprunt de perplexité)) >> (ligne 187), répétant donc l'information principale de la requête en exprimant un certain malaise. Il semble que ce malaise est percu par Guy, qui nuance aussitôt son propos en cherchant à atténuer l'impact du terme <<formation>> (ligne 189). Puis, dès la ligne 191, Tony, le collègue de Guy, entre dans la conversation en s'attachant à construire un contexte à la requête qui vient d'être formuler, lui donnant ainsi une certaine assise et donc une légitimité/autorité.

Son intervention sert sans doute à gagner l'assentiment de Max en optimisant, en quelque sorte, la demande en vue de l'obtention d'un accord de la part de MSF. Il représente donc la demande en l'insérant dans un plan d'action du système de santé de la province du Nord-Kivu. Tony présente ainsi à Max une requête qui est identifiée comme issue d'une constatation raisonnée, à l'effet de laquelle il n'y aurait pas d'encadrement des jeunes docteurs congolais de la région et qu'il serait donc raisonnable et envisageable que le chirurgien MSF les encadrent

pour le temps de son intervention à Mumba. De plus, l'invocation du système de santé de la province comme acteur ajoute un caractère responsable et respectable à la dite requête. Ë la ligne 203, Tony parle du manque de médecins expérimentés, il est donc implicitement en train de dire: << nous avons besoin de médecins expérimentés et vos médecins sont expérimentés, donc MSF devrait pouvoir nous aider È.

De plus, la présence même de MSF est associée à une opportunité du point de vue de ses partenaires : << donc chaque fois qu'il y a une opportunité comme celle que vous donnez à la zone de santé de Mumba, nous pensons que c'est vraiment quelque chose qu'il ne faut pas rater pour renforcer le systèmeÈ (lignes 203-205). Ainsi, on voit que la requête formulé à Max est présentée comme ayant pour but de renforcer le système de santé, MSF étant alors identifiée comme une chance à ne pas rater. Des lignes 206 à 208, on note aussi que Tony tient un discours oü il met en scène le <<vous È, puis le <<nous È, pour conclure sur le <<ensemble È. En effet, dans un premier temps, il invoque l'approche MSF ou la vision que peut avoir un partenaire sur la facon de faire de MSF et la définit comme étant centrée sur le patient. Il se permet donc de parler au nom de MSF en l'identifiant d'une certaine manière. Puis, il insère la facon de faire de son organisation qu'il décrit comme étant équivalente à celle de MSF en ce qui concerne le patient, mais en ajoutant le fait de vouloir aussi appuyer le système. Pour finir, il déclare souhaiter un ralliement entre ces deux visions, proposant que MSF se joigne à sa vision.

En quelque sorte, les partenaires déclarent souhaiter que MSF fasse sienne la mission proposée par la requête et en conséquence, modifie quelque peu sa facon de faire, son approche. Il y a donc une tentative de co-construction de l'identité de MSF par ses partenaires locaux. Tony prétend donc que c'est quelque chose que MSF pourrait faire et de facon implicite que cela pourrait correspondre à son identité. Ë la

ligne 209, on voit Tony reformuler son propos: ce n'est plus une requête qui est
émise, mais une approche, la portée étant dès lors moins forte que celle générée par
une requête. La présence de MSF est aussi qualifiée d'opportunité de recyclage des

médecins des zones de santé voisines à celle de Mumba (lignes 213-215), puis iidéveloppe une vision de l'avenir en exprimant oralement les résultats attendus de

cette initiative.

Tony met en scène MSF dans cette prévision du futur lorsqu'il dit: Ç Ainsi après c'est une année d'intervention MSF, en plus du fait que les gens auront accédé aux soins, on aura en permanence des médecins qui sont capables de répondre aux urgences les plus fréquentes et de manière efficaceÈ (lignes 215-217). En disant cela, Tony reconna»t, bien entendu, que l'intervention de MSF signifie un accès aux soins pour les gens, mais il montre aussi qu'il attend plus que cela de l'intervention de MSF, autrement dit, de la formation. Ainsi, si MSF donne une réponse favorable à cette requête, cela permettrait, selon lui, une augmentation du nombre de médecins capables de répondre à l'urgence et de façon efficace dans la région. En conséquence, MSF est qualifiée et reconnue par ses partenaires pour l'efficacité de son action dans l'urgence. Elle est ainsi identifiée pour son expertise dans ce domaine. Implicitement et en invoquant un désir de permanence, de développement, Tony reconna»t le caractère ponctuel des interventions de Médecins Sans Frontières. Ainsi, MSF semble toujours véhiculer dans son environnement l'image d'une organisation qui intervient épisodiquement dans des situations critiques d'urgence, ce qui se confirme par la manière dont le médecin présente l'organisation humanitaire à Max.

220 Max Ouais faut ouais faut faire attention hein (.) juste comment comment utiliser ça

221 parce que effectivement formation, MSF, on n'est pas une université

222

223 Tony Oui [ça ca on comprend

224

225 Max [On n'est pas là comme formateur en même temps c'est clair quand MSF

226 passe dans un milieu hospitalier::, dans euh même dans des centres de santé::, peu

227 importe oü on passe c'est clair que ya que ya qu'il y a un volet euh

228 apprentissage qui est important

229

230 Guy bien sür

231

232 Max hein parce qu'on a quand même des outils euh qui je pense sont intéressants à

233 MSF. On a plusieurs livres: je pense aux guides cliniques, aux livres à

234 l'utilisation des médicaments essentiels avec les protocoles thérapeutiques,

235 euh: aprês on apporte euh: le savoir en hygiene la gestion la gestion de des

236 déchets de l'hygiene tout ça donc. Oui c'est clair euh qu'il y a =

237

238 Guy =[un apprentissage=

239

240 Max =un euh un apprentissage qui est un peu, je dirai qui se fait au quotidien euh en

241 mettant la main à la pâte hein? ((il agite ses mains en parlant))

242

243 Guy hum hum

244

245 Max Et on n'estpas là j'dirais pour faire Ecole

246

247 Guy Hum hum

248

249 Max C'est aussi aux gens à s'approprier les outils qu'on met à disposition euh. Et c'est

250 surtout de cette façon-là que je pense qu'il qu'il y a des acquis, des apprentissages

251 (.) a, ça me semble, ça me semble euh me semble euh évident. Aprês commeje

252 vous le dis c'est pas:: c'est pas euh tous les matins au tableau pour faire l'école

253 ((il mime quelqu'un en train d'écrire sur un tableau)) a c'est pas, c'est pas la

254 façon que MSF fait donc Moi, moi disons de prime abord j'ai pas de gro::sses

255 objec:tions (.) Mais euh euh à voir comment ça peut se faire (.) D'abord il ya le

256 docteur Luc qui est à l'hôpital de Mumba, qui est aussi un jeune médecin=

257

258 Guy =Voilà

259

260 Max Euh::: qui qui est euh invité à passer au bloc euh à chaque fois qu'il y a des

261 interventions. Donc c'est pas un souci euh mais en premier lieu, c'est quand

262 même le chirurgien MSF qui doit faire euh les opérations euh qui va qui va mettre

263 aprês quand c'est des euh tranquillement, je pense que Luc va faire la césarienne,

264 etc euh sous la supervision de du chirurgien, de de l'anesthésiste

265

266 Guy Hum hum

267

268 Max a c'est clair que l'anesthésiste sera toujours présent euh à chaque euh=

269

270 Guy =Ë chaque [intervention

271

272 Max [à chaque intervention parce qu'on a amené du matériel euh qui doit

273 être utilisé par un anesthésiste [formé àce titre là

274

275 Guy [formé

276

277 (3.0)

278

279 Max donc apres euh:: comment vous vous voyez les choses? Vous en êt- euh, vous

280 feriez passer euh le médecin euh deux semaines trois semaines un mois au bloc?

281 Euh comment vous voyez la chose? Donc si vous envoyez un médecin au bloc,

282 ça veut dire que Luc perd un heu sa son espace=

Des lignes 220 à 221, on voit alors Max revenir sur le principe de formation que Tony a tenté d'écarter de son argumentation et affirme avec vigueur que MSF n'est pas une université. On peut remarquer ici que MSF s'identifie donc aussi à travers ce qu'elle ne fait pas, et donc ce qu'elle n'est pas. C'est donc comme si Max mettait ainsi en garde ses partenaires sur le choix de leurs mots pour parler de son organisation. Il semble donc refuser leur tentative de qualification implicite de son

organisation. On remarque que, ce faisant, Max, en tant que membre de MSF, se positionne implicitement comme ayant le droit et l'autorité nécessaire pour définir et parler au nom de son organisation, ses vis-à-vis n'ayant évidemment pas cette capacité, ou, en tout cas, pas avec la méme autorité. Puis, des lignes 225 à 228, Max s'attèle à requalifier la signification de la présence de MSF, la dissociant d'une structure de formation: Ç On n'est pas là comme formateur È (ligne 225).

Il poursuit en précisant que ce n'est pas de la formation que MSF fait lorsqu'elle est présente dans une structure médicale, mais qu'elle rend possible de l'apprentissage, une distinction intéressante dans la mesure oü il peut y avoir, bien entendu, apprentissage sans formation structurée en tant que telle (par observation, par exemple). Il confirme donc à ses partenaires qu'un des volets de son action et de sa présence peut mener à l'apprentissage, tout en écartant la possibilité d'une formation structurée. On voit que Max est donc en train de requalifier son organisation avec ses propres mots, sa propre vision. Ainsi, c'est comme s'il se réappropriait MSF, contrant du méme coup la qualification implicite que ses vis-à-vis lui proposent, celle d'une organisation dont l'une des aptitudes serait de former des médecins. Il montre, de ce fait, à ses partenaires qu'il n'est pas possible, en quelque sorte, de faire faire quelque chose à MSF, la seule chose qu'il soit possible de faire étant de bénéficier indirectement des activités existantes et définies a priori par l'organisation elle-méme.

Puis, des lignes 232 à 236, Max semble se sentir obligé de justifier le volet apprentissage de MSF dont il vient de parler en invoquant et mobilisant des outils que son organisation apporte dans ses interventions et qui agissent donc en son nom: guides cliniques, livres sur les médicaments essentiels, protocoles thérapeutiques en plus d'un savoir faire en hygiène et en gestion des déchets. Notons aussi que Max

précise: <<parce qu'on a quand même des outils euh qui je pense sont intéressantsÈ (ligne 232), donnant ainsi son avis sur la question avec une certaine intensité, ce qui enjoint implicitement son interlocuteur à reconna»tre la valeur de ces outils. Ajoutons qu'avec l'annonce de tous ces attributs, MSF appara»t comme une organisation assez protocolaire ou du moins très structurée, qui opère selon une formalisation et une standardisation de ses pratiques. Notons également qu'une telle indication des ressources nécessaires laisse entendre que si les partenaires veulent en bénéficier, libre à eux, mais cette même indication conforte également la position d'une organisation qui ne dévie pas de la trajectoire qu'elle s'est elle-même fixée, laissant aux autres le loisir de saisir les opportunités que MSF leur offre de facto.

Ë travers son argumentaire, Max semble donc faire un travail de désappropriation et d'élimination de la responsabilité que ses partenaires ont tenté d'attribuer à MSF, avec la mission proposée. Des lignes 240 à 241, Max confirme qu'il y a un apprentissage chez MSF, mais celui-ci est qualifié comme de nonformel, car quotidien et impliquant qu'on apprenne en <<mettant la main à la pâte È. Il est à noter que <<mettre la main à la pâteÈ est une métaphore qui signifie implicitement l'idée d'un faire collectif, un faire qui, ultimement, mènerait donc à un apprentissage de la part de ceux qui y participeraient. Max est donc en train de mettre en scène et de communiquer l'idée d'une transmission d'un savoir au quotidien, en effectuant le travail, autrement dit en soignant les patients.

Ë la ligne 245, on voit aussi Max dire explicitement: << Et on n'est pas là j'dirais pour faire Ecole È. Ainsi l'organisation souhaite être reconnue par ses partenaires dans la non portée éducationnelle de son action. Max est en quelque sorte en train de dire à ses partenaires qu'ils se trompent dans leur vision implicite de MSF comme lieu de formation formelle, même s'il laisse ouverte la porte à un

apprentissage de facto. Max est donc en train de défendre la vision que son organisation, MSF, souhaite, semble-t-il, transmettre ou faire para»tre à son environnement et en particulier à ses partenaires. MSF partage donc son savoir avec les acteurs locaux, mais ne souhaite et ne donne pas de formation officielle.

Puis, des lignes 249 à 256, on voit comment Max se positionne implicitement comme responsabilisant ses partenaires par rapport à l'héritage que MSF est censé apporter : ÇC'est aussi aux gens à s'approprier les outils qu'on met à disposition euh. Et c'est surtout de cette facon-là que je pense que qu'il y a des acquis, des apprentissages >> (lignes 249-250). Notons que ce positionnement quelque peu paternaliste, voire colonialiste, laisse entendre implicitement que ces interlocuteurs et les gens qu'ils représentent n'auraient pas conscience de cette responsabilité et n'initieraient donc pas d'eux-mêmes de telles pratiques d'appropriation. On voit donc comment le travail identitaire se fait dans les deux sens, les interlocuteurs de Max ne réagissant pas aux attributions implicites de leur vis-à-vis, laissant ouverte l'idée d'une acceptation possible de cette attribution.

Ensuite, on voit Max parler d'évidence lorsqu'il qualifie ce qu'il vient d'annoncer, marquant donc une certaine fermeture, fermeture qui annonce peut-être à ses interlocuteurs qu'il n'est pas ouvert à la négociation. Il reconfirme encore à ses interlocuteurs que MSF ne veut pas être associé à l'image d'une école, en faisant appel à l'image classique de l'école dans la mémoire collectiveÇtous les matins au tableau>> (ligne 252). Puis, Max affirme et confirme en cela que MSF, c'est une facon de faire et des habitudes: Ç a c'est pas, c'est pas la facon que MSF fait>> (lignes 253-254). A la suite de cela, Max relativise son propos et sa fermeté avec l'emploi de la première personne du singulier, oü il sous entend que ce projet ne le dérange pas complètement de facon personnelle, mais que c'est éventuellement avec

son organisation qu'il n'est pas en phase: Ç Moi, moi disons de prime abord, j'ai pas de gro::sses objec::tions È (lignes 254-255). Max fait donc en quelque sorte appel à son expérience personnelle, à son avis d'expert face à cette requête. De plus, c'est aussi, en quelque sorte, une tactique pour ne pas faire perdre la face à ses vis-à-vis. En effet, il ne leur dit évidemment pas que leur projet est inintéressant et irréalisable car ce serait alors une offense à leur encontre. Il s'agit ici, pour Max, de répondre ni par oui, ni par non, mais de laisser une ouverture tout en préparant ses interlocuteurs à la non acceptation de leur requête telle qu'elle est présentée aujourd'hui.

De plus, on voit comment Max opère ici un subtil détachement entre son organisation et lui-même. Notons qu'en invoquant de la sorte la facon de faire et les habitudes de MSF, Max présentifie MSF dans l'interaction comme un être agissant dont il ne serait qu'un simple porte-parole. Ë ce moment là, il n'est plus l'incarnation de MSF, mais il travaille pour MSF. Il peut être ainsi en train de montrer à ses interlocuteurs qu'il n'est pas totalement décisionnaire dans cette histoire et que ce sont d'autres personnes à MSF qui décident de ces implications. Cependant, contre toute attente, il laisse une ouverture à ses partenaires pour l'opérationnalisation de leur requête sans grosses objections, ceci sous-entendant qu'il y aura de toute manière des objections, mêmes petites. Autrement dit, c'est comme si Max leur disait, ÇJe n'ai pas de grosses objections par rapport à ce que vous proposez, mais ma (petite) objection, en quelque sorte, c'est que nous ne sommes pas une école et qu'il n'y aura pas de formation formelle È.

Ajoutons que Max, à la ligne 256, invoque le Docteur Luc, qui est un jeune médecin congolais qui travaille au coté du chirurgien MSF à l'hôpital de Mumba. La raison pour laquelle Max invoque le Docteur Luc semble être qu'il veut démontrer à ses interlocuteurs que ce qu'ils demandent, MSF le fait déjà avec lui, démontrant

ainsi sa générosité et son principe d'apprentissage au quotidien. A la ligne 258, Guy confirme par un Ç VoilàÈ le raisonnement ou du moins le propos de Max, marquant un alignement entre les deux parties (et donc une co-construction identitaire implicite). Puis, des lignes 260 à 264, le porte-parole de MSF poursuit son raisonnement en justifiant le rôle de MSF dans la formation du docteur Luc et la transmission du savoir au quotidien à la manière MSF. Donc MSF appara»t ainsi implicitement comme n'étant pas avare dans la communication de son savoir à l'autre.

Cependant, des lignes 272 à 273, Max dit aussi que l'action de MSF à l'hôpital nécessite du personnel qualifié, l'organisation se présentant donc comme soucieuse de la qualification de ses membres, laissant entendre que MSF fait donc, en quelque sorte, les choses bien. Puis, des lignes 279 à 282, Max marque son désir de conna»tre le point de vue de ses interlocuteurs sur les conséquences pratiques de leur requête. Il renvoie en quelque sorte la balle dans leur camp en leur demandant donc de formuler l'opérationnalisation de leur demande et en les mettant ainsi devant leurs responsabilités. Notons aussi qu'il prend la défense du docteur Luc, car il comprend la requête de ses partenaires comme une perte d'espace, donc de travail et d'apprentissage pour ce médecin.

284 Guy ((il parle avec un debit de parole relativement rapide)) = Nonnon, ce n'est pas

285 de cette façon que nous avons pensé, c'est-à-dire que Luc est là, vous

286 comprendrez l'autre fois on l'a dit, nous n'avons pas voulu lui confier

287 de responsabilité parce qu'on savait que, il venait à peine de terminer, qu'il

288 n'avait pas assez d'expérience raison pour laquelle jusqu'à ce jour c'est docteur

289 Joseph qui qui porte qui porte les deux chapeaux, nous l'idée c'est que la

290 personne que nous envoyons là-bas n'est pas là uniquement pour la chirurgie

291 parce que avec le projet vous vous rendez compte que, il ya un afflux massif de de

292 de malades et que la chir- que le volume de travail:: augmente. a sera aussi pour

293 nous une façon de désengorger un peu docteur Joseph qui en fait doit

294 normalement s'occuper des aspects euh techniques administratifs de la zone de

295 santé, le médecin qui sera là, il est là pour une durée de de de trois mois. Et pour

296 ce qui est de la chirurgie euh c'est au chirurgien de voir comment les utiliser.

297 Donc utiliser Luc et utiliser celui qui sera là. S'il n'est pas euh:: au bloc ce jour -là,

298 il peut, peut être, être en médecin interne ou en chirurgie euh en pédiatrie. Donc

299 c'est c'est de cette façon-là que nous, donc il est là juste pour une période de 3

300 mois mais il bénéficie de de l'expérience de de de du chirurgien MSF. S'il y a par

301 exemple dix interventions programmées pour la jour née, Luc prend cinq, lui

302 prend cinq hein comme ça euh ils ils se relayent. Pour nous le prob - le l'important

303 pour nous c'est que, évidemment ce sont des jeunes, il y a d'autres interventions

304 qu'ils peuvent faire, d'autres non. Mais en voyant le chirurgien MSF le faire, à la

305 longue, ils peuvent être a mesure aussi de le faire, donc que, acquérir de cette

306 expérience-la. Je crois que c'est c'est de cette facon-la que::

307

308 Tony Oui en fait on se dit sans doute avec l'intervention de MSF, on aura l'afflux de::

309 de patients donc on aura besoin d'un personnel supplémentaire. Et on se dit il ne

310 serait pas bien de prendre un médecin euh euh pour neuf mois par exemple hein

311 alors qu'on pourrait potentialiser ce ce médecin-la. On prend par exemple le

312 médecin de la zone de santé voisine qui vient pendant trois mois tout en appuyant

313 l'équipe qui est la. Donc il fournit les services de médecin il profite en même

314 temps de l'expérience des médecins qui sont la, des médecins expérimentés MSF.

315 Et alors pendant les trois mois, il acquiert des compétences, dès qu'il rentre dans

316 sa zo[

317

318 Guy [dans son hôpital

319

320 Tony Dans son hôpital, il améliore aussi dans sa zone dans son hôpital. Et donc que, on

321 se dit ce serait une facon de de potentialiser de de faire en fait d'une pierre=

322

323 Guy =deux coups=

324

325 Tony =Deux coups : on intervient, on améliore la l'accessibilité, mais on améliore

326 aussi=

327

328 Guy =l'offre=

329

330 Tony =dans la périphérie. Donc c'est un peu ce qu'on a pensé. Le seul euh, la la seule

331 préoccupation qui s'est faite c'est que euh, en déplacant ces euh ce personnel-la, il

332 vase créer un beug = un vide

333

334 Max hum

335

336 Tony dans l'hôpital. Donc l'inspection a dit il y a un médecin qui pourrait faire donc le

337 le le c'est un, c'est un autre médecin qui va aussi bénéficier en fait de cette

338 formation mais en dernier lieu. Donc les trois derniers mois ce médecin pourrait

339 alors se retrouver euh euh aussi pour cette formation=

340

341 Guy = Mais entre temps il couvre [les absences

342

343 Tony [il couvre les absences dans les autres centres=

344

345 Guy =des autres médecins dans les autres centres donc quand il y a un médecin par

346 exemple dans la zone A qui est a Mumba, ce médecin-la couvre son absence

347 pendant les trois mois=

348

349 Tony =les trois mois

350

351 Guy Quand le deuxième médecin de la zone B ira a Mumba et que celui qui était a

352 Mumba revient a son poste, il couvre l'absence du médecin dans la zone B

353

354 Tony voila

355

356 Guy et que lui sera le dernier a bénéficier de ce passage=

357

358 Tony =ce déploiement

359

360 Guy deMumba

Des lignes 284 a 306, Guy répond a Max et, dans un premier temps, lui signifie formellement qu'il n'est pas question d'enlever de l'espace au docteur Luc a l'hôpital de Mumba au profit de ce projet et de ce fait, redéfinit les conséquences de leur proposition. Puis il invoque le docteur Joseph et son rôle dans l'hôpital comme médecin et administrateur, laissant ainsi entendre que celui-ci est débordé et qu'il a donc besoin de soutien, donc de médecins supplémentaires. Guy semble ainsi

démontrer à Max que cette requête n'est pas inconsidérée ou une lubie de leur part, mais bien une nécessité, un besoin, qui est le résultat de l'intervention de MSF à l'hôpital. Tony et Guy visent donc, en quelque sorte, à responsabiliser MSF par rapport aux conséquences de ses interventions, de sa présence/ingérence à Mumba. MSF est donc implicitement présentée ici par ses partenaires comme une charge de travail supplémentaire, car il y a une augmentation de patients, donc de la charge de travail et par conséquent cela amène une nécessaire réorganisation à leurs yeux.

MSF est donc ici synonyme de changement perturbateur, une attribution qui leur permet ainsi d'espérer qu'en retour, donnant/donnant, MSF accepte, en compensation pour cette surcharge de travail et ce mini bouleversement, de contribuer à l'apprentissage des médecins qui se rendraient à son hôpital pour y travailler. Selon eux, MSF doit donc comprendre qu'elle doit faciliter la tâche de ses partenaires en acceptant la requête et ainsi permettre à plusieurs chirurgiens d'apprendre de l'expérience du chirurgien MSF. Des lignes 308 à 316, on voit Tony poursuivre le travail de responsabilisation et d'appropriation de la requête de MSF que son collègue a formulé. Il signifie alors que le but de l'opération est d'utiliser le temps de présence de MSF à l'hôpital pour optimiser le savoir et les compétences des médecins/chirurgiens locaux: Ç Donc il fournit les services de médecin il profite en même temps de l'expérience des médecins qui sont là, des médecins expérimentés MSFÈ (lignes 313-314).

L'issue de la requête du point de vue des partenaires est donc de potentialiser la présence de MSF. Ainsi, MSF est présentée de nouveau comme une opportunité à saisir, l'idée étant de puiser dans les ressources que peut offrir l'organisation à la région. Ë la ligne 325, Tony dit qu'il est ainsi possible de faire d'une pierre deux coups, métaphore qui indique la réalisation ou la résolution de

deux choses à la fois en une seule action. La présence de MSF et de chirurgiens expérimentés est donc implicitement présentée comme une opportunité pour améliorer les compétences des chirurgiens, non pas seulement dans la zone d'intervention de MSF, dans la zone de Mumba donc, mais aussi dans les zones périphériques. Des lignes 336 à 360, Tony et Guy montrent qu'ils ont déjà réfléchi à l'opérationnalisation de leur proposition et qu'ils en ont déjà parlé à des instances, invoquant par exemple l'inspection médicale. De plus, ils donnent beaucoup d'informations sur la faisabilité du projet, afin, semble-t-il, de montrer à Max que celui-ci est raisonné et construit.

362 Tony Donc on a pensé que ce sera un système de trois mois trois mois et donc à ce

363 moment-là, le coût coût supplémentaire peut être cela que cela ça ça pourrait

364 jouer, c'est c'est de dire est ce que MSF prévoit payer donc un médecin

365 supplémentaire? Si tel est le cas ça serait facile alors comme ça c e médecin qui

366 remplacerait irait prendre les primes de ceux qui euh qui sont euh.

367

368 Max a pour l'instant, pour moi pour le point de vue administratifeuh ça moi j'ai pas

369 d'enveloppe de prévu pour ça.

370

371 Tony Hum

372

373 Max Mon enveloppe est déjà, mon budget est déjà fait

374

375 Tony Hum

376

377 Max Pour toute l'année 2006 euh on a sorti, on a principalement prévu du personnel

378 infirmier=

379

380 Guy =infirmier

381

382 Max supplémentaire parce que c'est vrai de ce cTMté -là euh euh qu'il y a des manques (.)

383 euh donc moi j'en ai pas, j'en ai malheureusement pas de budget de ce cTMté-là

384 euh.

385

386 Guy hum hum

387

388 Max Euh après moi comme je vous dis j'ai pas euh de prime abord j'ai pas de

389 d'objection qu'on puisse procéder comme ça de cette façon-là

390

391 Guy humhum

392

393 Max euh euh à vous de voir Ðlà à l'inspection provinciale, comme vous pouvez faire; est

394 ce que CEMUBAC, parce que moi je trouve que ça s'inscrit euh directement dans

395 dans ce que le CEMUBAC veut faire en termes de développement. Euh euh, moi

396 j'ai pas d'objection à ce qu'on le fasse en collaboration sauf que du point de vue

397 administratif, moi j'ai pas pour l'instant j'ai pas cette marge de manoeuvre-là.

398 Mon budget vient de passer en commission budgétaire à Paris euh::: j'vais pas

399 pouvoir euh faire des ajouts de ce cTMté-là. ((il affiche un visage désolé et

400 compréhensif))

401

402 X Hum

Des lignes 363 à 366, on voit enfin Tony formuler implicitement une

en charge le projet financièrement. Il déclare ainsi: << le coüt coüt supplémentaire peut être cela que cela ça ça pourrait jouer, c'est c'est de dire est ce que MSF prévoit payer donc un médecin supplémentaire? Si tel est le cas ça serait facile alors comme ça ce médecin qui remplacerait irait prendre les primes de ceux qui euh qui sont euh È. MSF est donc de nouveau positionnée comme une opportunité, mais cette fois-ci en termes monétaires. L'organisation MSF semble ainsi présentifiée comme une possibilité de faciliter des projets de changement et d'amélioration des systèmes partenaires. En ce qui concerne le point financier, Max répond à ses interlocuteurs en disant: << a pour l'instant, pour moi pour le point de vue administratif euh ça moi j'ai pas d'enveloppe de prévu pour çaÈ (lignes 368-369). S'il se confirme implicitement comme décisionnaire d'un point de vue financier, il en profite donc pour dire qu'il ne peut rien faire pour eux de ce coté-là, prétextant que cela n'était pas prévu.

A la ligne 373, Max invoque donc la figure du budget et c'est ce budget qui l'empêcherait, selon lui, de donner suite à la demande de financement: << Mon enveloppe est déjà, mon budget est déjà fait È. MSF appara»t ainsi comme une organisation qui prévoit et planifie les choses, de façon comptable notamment. Des lignes 382 à 383, MSF, par l'intermédiaire de Max, se présente comme une organisation qui pallie les manques en matière de personnel dans ses interventions, cela après les avoir constaté sur le terrain. Max est ainsi en train de positionner MSF comme n'étant ni un bailleur de fonds, ni la trésorerie de la région, mais une association qui dépense son argent pour parer au plus urgent et répondre à sa mission.

Cependant, notons aussi que Max s'excuse implicitement auprès de ses

proj et, laissant entendre qu'il est toujours favorable à leur demande d'apprentissage sur le tas : Ç Euh après moi comme je vous dis j'ai pas euh de prime abord j'ai pas de d'objection qu'on puisse procéder comme ça de cette façon-là >> (lignes 388-389) et Ç j'ai pas d'objection à ce qu'on le fasse en collaboration>> (ligne 396). Puis, il les dirige vers un autre interlocuteur pour le financement de leur projet, en invoquant son nom et sa façon de faire: Ç parce que moi je trouve que ça s'inscrit euh directement dans dans ce que le CEMUBAC veut faire en termes de développement>> (lignes 394-395). Max renvoie ses interlocuteurs à ce qu'il présente implicitement comme leur responsabilité quant à la faisabilité financière de leur projet. Il est à noter que Max invoque le CEMUBAC en l'associant au développement. Par opposition, MSF est associé à l'urgence et n'est donc pas apte à financer ce projet du point de vue de ses principes de bases. C'est une collaboration qui est proposée et non une prise en charge du projet. Max invoque aussi, à la ligne 398, la commission budgétaire de Paris et par ce biais, il montre donc à ses interlocuteurs qu'il n'est pas le seul décisionnaire et qu'il est, en fait, un simple maillon de la structure internationale de MSF.

Cet extrait nous a montré comment des partenaires de MSF peuvent en quelque sorte jouer sur l'identité de MSF en tâchant de saisir les moindres opportunités que sa présence peut leur offrir. Nous avons vu comment Tony et Guy tentent ainsi implicitement de redéfinir l'action possible de MSF selon leurs intéréts, mais aussi comment Max se pose en gardien de l'image/identité que peut/doit avoir son organisation auprès de son environnement, excluant certaines dimensions de l'action que peut poser son organisation vis-à-vis de son environnement. On voit comment Tony et Guy présentent implicitement et explicitement MSF comme détentrice d'un savoir et d'une expérience à transmettre à l'autre sur le terrain de ses

opérations, ce qui est confirmé par Max, même si celui-ci ne veut pas parler de formation, comme eux le font, mais bien d'apprentissage.

De plus, notons que Tony et Guy positionnent implicitement MSF comme un déclencheur de changements et qu'à ce titre ils demandent qu'elle se responsabilise et réponde fa vorablement à leur requête. Max, quant à lui et en tant que porte-parole de MSF, a tout au long de l'interaction fait une sorte de travail de Ç défiguration È (notons que par défiguration, j'entend ici déconstruction) des figures invoquées par ses interlocuteurs afin d'asseoir et de les convaincre de sa propre vision de MSF, donc de la vision qu'ils doivent en avoir. Cette interaction a démontré que la co-construction de l'identité de MSF se faisait dans la négociation, à travers un combat de mots et d'imag es, de part et d'autre. Nous constatons alors qu'une requête peut être vue comme une participation à la construction identitaire de l'organisation. Nous avons aussi vu qu'être partenaire de MSF ne signifiait pas forcément le fait d'en faire partie à part entière comme un de ses membres, de pouvoir parler en son nom. Finalement, il semble que l'identité de MSF fasse l'objet d'un contrôle de tous les jours dans les interactions de ses membres avec leur environnement.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard