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La construction identitaire d'une ONG par la communication: le cas de Médecins sans Frontières

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par Jessica Ellouk
Université de Montréal - Maitrise es sciences de la communication, option organisationnelle 2011
  

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5.2.2. Analyse de la sequence

Comme nous le verrons, cette interaction sÕapparente en réalité à une sorte de monologue avec, dans le rTMle principal, Max, qui se présente comme un porte-voix de son organisation, en lÕoccurrence Médecins Sans Frontières. Nous verrons que le discours de Max est prepare car il regarde de temps à autres ses notes. Par ailleurs, même sÕil sÕagit dÕun monologue, nous verrons que Max met en scène un jeu de questions/réponses quÕil sÕadresse, en quelque sorte, à lui-même. Par cela, nous

verrons qu'il anticipe d'éventuelles critiques qui pourraient être présentes dans la tête de ses auditeurs, pour ensuite y répondre. On peut donc penser que Max tente ainsi de réagir à priori aux opinions et images préconçues que ses interlocuteurs pourraient avoir de son organisation.

4 ((Le chant d'un coq fait irruption tout au long de cette séquence coupant

5 en partie la parole à Max, accompagné de temps en temps de pleurs

6 d'enfants))

7

8 Max Euh:: les gens de MSF se présenter (.) commencons peut -être par Jean-

9 Pierre =

10

11 Jean-Pierre =Oh oui je réponds au nom de Jean-Pierre Barjavel (.) je suis

12 administrateur assistant MSF (.)

13

14 Isabelle Moi c'est Isabelle (.) je suis l'administratrice à Béni (.) donc pour le

15 Nord-Kivu

16

17 Gérard Euh Gérard (.) je suis responsable des ressources humaines de euh sur la

18 RDC (ASP) et: euh:: j'suis suis passé par Kinshasa

19

20 Jonathan J'suis LOG admin euh de Kiwandja

21

22 Eric Ben Eric (.) euh: responsable euh: terrain ici euh: pour MSF euh: à Mumba

23 et voilà

24

25 (3.0)

26

27 Docteur Joseph Ok on a demandé seulement à l'équipe de: MSF de présenter euh sinon::

28 nous avons l'équipe de l'hôpital aussi (( se tourne vers Max qui hoche la tête

29 en signe d'accord)) ils sont nombreux euh nous sommes actuellement au

30 nombre de: cinquante:::

31

32 X Quatre

33

34 Docteur Joseph Quatre personnes et il n'y a pas moyen qu'on donne à chacun la parole

35 pour se présenter. Au nom de l'équipe donc c'est ((fait des gestes avec les

36 bras)) euh c'est toute la c'est tout l'hôpital qui est présent ici ((il s'enfonce

37 au fond de sa chaise et croise ses bras))

Au début de l'interaction (ligne 8), Max demande aux personnes de MSF de se présenter. Par cette intervention, il marque sa supériorité hiérarchique envers ses collègues en leur demandant de se qualifier. Ceux-ci répondent favorablement à sa requête en prenant la parole les uns après les autres; ils choisissent tous de se présenter comme des personnes avec des fonctions dans certains lieux, par exemple: Ç Moi c'est ?Isabelle je suis l'administratrice à ?Béni È (ligne 14). C'est une sorte de tour de table classique oü chacun prend la parole l'un après l'autre dans l'ordre oü sont assises les personnes. Le suivant à prendre la parole, avant Max, est le Docteur Joseph qui ne se présente pas, mais prend la parole au nom du personnel de l'hôpital

de façon très brève (lignes 35-37), choisissant, par souci d'économie, de présenter l'hôpital dans son ensemble en disant Çc'est toute la c'est tout l'hôpital qui est présent iciÈ (ligne 35), ce qui marque évidemment un contraste avec la manière dont les représentants de MSF se sont individuellement présentés. On peut aussi remarquer que tous les intervenants (acteurs de MSF et partenaire) utilisent l'acronyme MSF et non pas le nom ÇMédecins Sans Frontières È, pour parler de l'organisation humanitaire, ce qui peut se traduire comme exprimant une certaine familiarité avec elle.

39 (3.0)

40

41 Max Donc comme je vous ai dit hein c'est une rencontre d'information d'abord

42 j'souhaite un peu vous présenter MSFtd'abord qu'est ce que c'est MSFt

43 euh: à commencer par le Congo donc j'vous ai déjà dit que MSF ben on

44 travaille au Nord-Kivu depuis euh: depuis 2002 on est aussi présent dans le

45 Katanga euh laj'ai pas les dates ca fait déjà euh: ça fait déjà plusieurs

46 années euh ya eu aussi ya aussi une équipe de coordination qui est basée à

47 Kinshasa avec un chef de mission avec Gérard entre autres qui travaille sur

48 les ressources humaines entre autres pour toute la RDC ya Carole que

49 vous avez vue qui est la coordinatrice médicale euh: qui travaille aussi qui

50 est basée à Kinshasa donc ya une Coordinationt à Kinshasa ya une

51 coordination au Katanga et au Katanga ya un projet en cours à Roukourou

52 ya un projet à Kitengi ya un un projet euh: à::: =

53

54 Eric =Moukoubou=

55

56 Max =Moukoubou euh:: et ici au Nord Kivu euh: donc on a des projets à Béni

57 on a des projets à Laika et des projets euh à: Mumba (.) donc ça c'est c'est

58 pour la partie euh::: la partie que (.) donc tMSF ça a été démarré en 1971

59 euh:: par des médecins français (.) ensuite de ça le mouvement s'est

60 internationalisé ya d'autres sections (.) opérationnelles qui sont venues (.)

61 donc Ya 5 sections donc yaMSF France ya MSF Hollande yaMSF

62 Belgique yaMSF Espagne et ya MSF Suisse (.) ces 5 sections euh: sont

63 présentes au Congo (.) hein MSF Suisse ils sont à Bougna MSF Hollande

64 ils sont aussi à Goma mais ils travaillent un peu plus vers le sud Kivu ya

65 MSF Belgique qui est vers l'équateur et euh:: province orientale ya MSF

66 Espagne qui est aussi dans le Katenga MSF Belgique ils sont aussi à:: Kin-

67 ((se tourne vers Gerard)) à Kinshasa donc ya quand mémet tdonc parfois

68 les cinq sections sont dans un pays parfois ya seulement une section et ya

69 aussi des sections partenaires ya 12 sections partenaires euh::

70

71 (2.0)

72

73 Max Qui participent à recruter du personnel à recruter des fonds Euh:: MSF

74 Canada MSF Etats-Unis MSF euh:: Australie Japon Suède donc ya: ya une

75 douzaine de- de sections partenairest

Après un léger silence, Max prend la parole sans se présenter à l'assemblée comme il l'avait demandé à ses collègues, puis il qualifie la situation présente de rencontre d'information (ligne 41). Cet acte de qualification est intéressant dans la mesure oü il définit/identifie pour son auditoire ce qu'il est sur le point de faire:

présenter son organisation, leur offrant ainsi une manière d'interpréter la situation. En prenant la parole devant cet auditoire, Max parle au nom de son organisation MSF au sens général, mais aussi, nous allons le voir, de façon plus locale: << j'souhaite un peu vous présenter MSFtd'abord qu'est ce que c'est MSFt euh: à commencer par le Congo>> (lignes 42-43). Le discours de Max va donc, selon lui, répondre à la question <<Qu'est-ce que c'est MSF ? >> Cependant, nous verrons que, de façon implicite, Max répond aussi à deux autres questions : << Qui sommes - nous ? >> et <<Que faisons-nous ? >> (à titre d'acteurs de MSF). L'intervention de Max répond donc à ces interrogations qu'il s'est adressées à lui-même et il s'en charge dans cet ordre, en donnant des éléments de l'être de son organisation du début de l'interaction à la ligne 165, puis des éléments du faire c'est-à-dire de l'action de MSF à l'hôpital de Mumba des lignes 166 à la fin. Nous allons donc voir comment Max, qui se présente donc comme porte -parole de MSF, communique sur ce qu'est et ce que fait son organisation. Nous observerons ainsi à quels éléments il fait appel pour construire l'image de MSF qu'il présente à l'hôpital de Mumba.

Dans sa présentation de MSF, Max choisit de commencer en parlant de la présence de MSF au Congo. En faisant cela, il situe son organisation de façon locale, avec des éléments géographiques et temporels: << à commencer par le Congo donc j'vous ai déjà dit que MSF ben on travaille au Nord-Kivu depuis euh: depuis 2002 on est aussi présent dans le ?Katanga euh la j'ai pas les dates ça fait déjà euh: plusieurs années euh ya eu aussi ya aussi une équipe de coordination qui est basée à Kinshasa>> (lignes 43-47). Max poursuit son exposé en invoquant des projets. Par cela, on comprend des missions MSF, dans plusieurs villes de la région pour finir par celle de Mumba qui concerne l'assemblée réunie: << ya un projet en cours à Roukourou ya un projet à Kitengi ya un un projet euh: à::: = [É] [Moukoubou euh::

et ici au Nord Kivu euh: donc on a des projets a Beni on a des projets à Laika et des projets euh à: Mumba>> (lignes 51-57).

En amorçant son propos avec ces éléments, Max peut produire donc des effets de légitimation/justification de l'action et la présence de MSF dans l'hôpital, cette justification étant verbalisée par l'énumération des nombreuses présences de MSF dans la région. Ainsi, de cette manière, tout se passe comme si Max était en train de dire implicitement à l'assemblée que MSF a l'expérience nécessaire pour conduire une mission dans cet hôpital. Le passé et la répétition valide donc, en quelque sorte, la présente mission. Après avoir développé l'action de MSF au Congo, Max présente alors l'organisation MSF de façon plus globale. Pour cela, il revient très brièvement sur la fondation de l'organisation pour ensuite s'attacher à sa nature présente, d'envergure internationale: Ç donc tMSF ça a été démarré en 1971 euh:: par des médecins français (.) ensuite de ça le mouvement s'est internationalisé ya d'autres sections (.) opérationnelles qui sont venues>> (lignes 58-60). Il fait donc une invocation très rapide et presque mythique de la fondation de l'organisation, pour ensuite s'attacher à développer en détail la réalité du présent de l'organisation, c'est à dire une organisation avec une présence internationale avec différentes sections, mais qu'il rattache aussitôt au local (lignes 61 à 75).

En invoquant de la sorte toutes les sections de MSF monde, Max donne donc de la force et de la légitimité à la présence de MSF dans cet hôpital. En quelque sorte, en faisant appel à toutes ces organisations qui incarnent MSF, en les présentifiant donc, il donne une valeur ajoutée à l'action locale de MSF, l'inscrivant dans une certaine lignée, une certaine histoire et une notoriété mondiale. En termes de travail identitaire, on peut donc dire que l'intervention de Max définit son organisation non seulement en termes locaux, mais également en termes globaux, ce

qui revient à dire que par le biais de cette intervention locale dans cet hTMpital, c'est aussi toute l'organisation internationale qui se met à agir et opérer.

79 Max Meme si MSF France est basée on dit MSF France parce que le siege est

80 basé à Paris hein mais c'est pas euh: ga a l'air ga n'a /aucun /lien avec la

81 France (.) dans ce sens où euh: Tout le monde peut venir travailler pour

82 une des sections opérationnelles. Moi meme par exemple j'suis Canadien

83 j'suis pas Francais, mais j'travaille avec euh: avec MSF France euh c'est

84 important parce que euh: quand on va revenir sur les principes de MSF

85 entre autres le principe d'indépendance, on est #?d'aucune fagon #?lié au

86 gouvernement frangais belge hollandais ou etc c'est du fait que les Qu- les

87 les sièges sociaux soient basés dans ces capitales là hein (.) donc ya ga \

88 euh (.) ((il sÕeclaircie la voix))

89

90 (2.0)

91

92 Max Donc les grands principes (.) de base de Médecins Sans

93 Frontieres=Médecins Sans Frontieres donc c'est une organisation médicale

94 (.) d'urgence euh: on intervient principalement dans des:: zones de conflit

95 euh dans des endroits oix ya eu des catastrophes naturelles ((bouge ses mains

96 et penche sa tete )) euh pour venir en appui euh aux populations dans des

97 situations précaires dans des situations de danger (.) donc c'est::: (.) le

98 cas ((bouge ses mains en faisant une sorte de reverence)) au Congo

99 ((regarde ses notes sur la table )) et puis euh d'urgence parce qu'on n'est

100 pas là en principe pour du long terme on fait pas de de de développement

101 (.) on est là pour des des appuis ponctuels dans des moments euh:: plus

102 difficiles euh:: dans des contextes euh:: souvent oix euh de /violence (.)

103 donc ga ga c'est aussi une différence par rapport à d'autres organisations

Apres avoir dressé le tableau d'un Médecins Sans Frontieres d'envergure internationale, Max se penche plus précisément sur MSF France, qui est la branche de l'organisation pour laquelle il travaille (lignes 79-83). On remarque toutefois qu'il s'empresse de dissocier cette organisation du gouvernement francais, une dissociation qu'il marque par l'illustration de son cas personnel : « par exemple j'suis Canadien j'suis pas Francais mais j'travaille avec euh: avec MSF France » (lignes 82-83). Conscient en effet que le nom « MSF France » puisse donner à penser à ses auditeurs que cette organisation travaillerait pour le gouvernement francais, Max s'empresse donc d'opérer une désidentification, synonyme pour lui d'indépendance, en regard, en particulier du passé colonial de la France (et ce meme si la RDC était jusque dans les années 60 une colonie belge et non pas francaise). En termes de travail identitaire, on peut donc noter (et ceci se confirmera par la suite) que Max insiste autant sur ce que MSF est ou fait que sur ce qu'elle n'est pas ou ne fait pas.

L'exposé de Max se poursuit en abordant les fondements de MSF, ce qu'il appelle les Çgrands principes de base de Médecins sans Frontières>> (ligne 92). On notera en effet que jusqu'à présent, il n'a pratiquement que fait un travail de mise en situation de l'organisation dans le paysage congolais. Il amorce, par contre, dès la ligne 92 une énumération et une explication des valeurs de MSF, autrement dit de sa raison d'être. Les deux premiers points sont abordés des lignes 93 à 102. Max informe ou rappelle à son auditoire que MSF est une organisation médicale d'urgence, en s'attardant à définir le principe médical et celui d'urgence. L'aspect médical est exprimé ici par un des termes du nom propre de l'organisation Ç Médecins >>, donc de facon très claire, ainsi que par l'emploi du terme Ç appui >> qui renvoie ici au fait d'aider et comme nous parlons de médecine, en l'occurrence de soigner. L'aspect d'urgence, est quant à lui, beaucoup plus explicité: en effet, le terme même est employé deux fois. Il est aussi défini par Max dans un cadre particulier. Ainsi, l'urgence, selon MSF (tel qu'interprété par Max, bien entendu), c'est le cadre d'une zone de conflit, c'est une catastrophe naturelle, c'est une situation de danger, c'est un contexte de violence.

Pour parfaire sa définition, Max inclut l'action de MSF au Congo et justifie donc sa présence, ainsi que la nature de l'organisation en disant: Ç donc c'est::: (.) le cas ((bouge ses mains en faisant une sorte de révérence)) auCongo>> (lignes 97- 9 8) . Mais l'urgence, toujours selon ses propos, cela s'estime de manière temporelle. En effet, Max parle de moments, d'appuis ponctuels et que ce n'est donc pas pour du long terme. De plus, dans le discours, il semble y avoir une opposition forte entre l'urgence et le développement, l'urgence étant associée à du court terme et le développement à du long terme. Les points sont donc expliqués de manière assez claire à l'aide d'exemples et de détails. Cependant, Max précise, à la ligne 100, que

tout ceci est vrai <<en principe È, ce qui induit un doute dans son discours. Ainsi, après avoir fait l'apologie du caractère d'urgence auquel serait associé l' organisation MSF, Max semble dire implicitement que ce n'est pas toujours le cas dans la réalité. L'opposition entre court terme et long terme est donc alors quelque peu remise en question par ces quelques mots.

Puis Max dit à la ligne 103 : << donc ça ça c'est aussi une différence par rapport à d'autres organisations È, marquant ici une différenciation de son organisation par rapport à d'autres organisations humanitaires. L'organisation MSF est donc aussi définie par ce qu'elle n'est pas. Son identité, sa raison d'être est donc présentée comme unique, différente des autres, des autres que Max invoque donc pour asseoir l'originalité de son organisation et donc son importance. On notera d'ailleurs que l'autre est sans nom, il n'est pas identifié nommément, mais porte certaines caractéristiques que l'on retrouve tout au long du discours de Max. Plusieurs indices apparaissent ainsi dans son propos pour marquer la différence de MSF, la distinguer, montrer qu'elle n'est pas semblable à d'illustres <<autres È. Ce principe s'apparente clairement à une démarche identitaire, une démarche d'individuation, qui consiste à se distinguer des autres et à affirmer sa personnalité propre (Lipiansky, 1993). La question est de savoir pourquoi il est important pour Max, lorsqu'il présente son organisation, de la différencier, de verbaliser cette différence. Y a-t-il donc ici un aspect qui peut porter à controverse au sein de l'organisation et qui s'exprime dans le discours du porte-parole de MSF? Mais nous pouvons aussi tout simplement dire que Max, en pointant l'autre du doigt, est en train de construire l'identité de son organisation, à travers un jeu de miroir entre soi et l'autre, oü l'organisation se construit au regard de son environnement et de ce qu'elle ne serait pas.

107 Max Comment MSF fonctionne pour son fi::nancement ((bouge ses mains))

108 donc c'est une association MSFt euh: 85 à 90 % des Fonds (.) de

109 Médecins Sans Frontières sont des fonds privés (.) c'est à dire que c'est

1 1 0 moi qui donne ((fait des gestes vers lui)) de l'argent, mon frere, ma mere

111 ((fait des gestes vers le public dans la salle )) votre frere, votre cousin, votre

112 oncle qui a 1$ qui a 5$ qui a 10$ et qui fait une donation à Medecins Sans

113 Frontieres Donc c'est cet argent c'est avec cet argent là que Medecins

114 Sans Frontieres euh arrive à faire des programmes d'urgence euh:: dans les

115 milieux dans des contextes de violence ou dans des les contextes ou ya des

116 catastrophes naturelles (.) Donc ca c'est le 85 à 90 % et le 10 15 % restant

117 ya un peu de fond institutionnel, les institutions que vous connaissez

118 comme Echo, USAid euh:: ou d'autres (.) donc ca aussi c'est::: ca me

119 semble quand meme assez important dans la mesure où Medecins Sans

120 Frontieres est une organisation tindependante (.) donc on n'est pas euh:: on

121 n'est pas sujet à:: aucunes /politiques nationales euh on n'est pas lie à

122 aucuns gouvernements on n'est pas /lie à aucunes forces militaires donc

123 quand on intervient par exemple comme ici au Congo MSF, par souci

124 d'independance euh:: Ne va pas faire taucuns convois avec aucuns

125 militaires qu'ils soient FARDC ou qu'ils soient MONUC hein euh par souci

126 #?d'independance euh pour pas creer de tconfusion dans la tete euh des

127 populations et on soigne #?tout le monde (.) donc on va soigner euh:: tous

128 les belligerants hein au conflit (.) du moment que ya un blesse militaire

129 ben il devient non combattant ((fait des gestes avec une main )), qu'il soit

130 FDLR, May May, FARDC euh:: ou autre (.) MSF ne fait taucunes

131 tdiscriminations à la prise en charge euh:: des patients (.) donc ca aussi

132 c'est un autre des principes ((fait un geste de la main de soi vers le public))

133 importants de Medecins Sans Frontieres on on soigne tout le monde

134 sans aucunes discriminations ((compte avec ses mains)) de religion de politique

135 euh:: d' ethnie de de et de groupe euh donc pas de politique pas de religion

136 pas:: de de d'ethnie on est là pour soigner tout le monde ca aussi c'est un

137 autre des principes euh::fondateurs de Medecins Sans Frontieres

138

139 (5.0) ((Chant dÕun coq et silence dans la salle))

Max explique ensuite le volet financement de l'organisation MSF des lignes 107 à 118. Pour cela, on voit qu'il materialise/concretise, en quelques sorte, le principe du don en parlant de petites sommes d'argent et en faisant intervenir dans son exemple sa propre identite, des membres de sa famille, ainsi que des membres de la famille de ses interlocuteurs : « c'est moi qui donne ((fait des gestes vers lui)) de l'argent, mon frere, ma mere (( fait des gestes vers le public dans la salle)), votre frere, votre cousin, votre oncle qui a 1$, qui a 5$, qui a 10$ et qui fait une donation à Medecins Sans Frontieres j. » (lignes 109-113). Cet exemple permet non seulement de concretiser un principe, mais aussi de donner un visage et une identite à la figure du donateur. Dans un sens, cette image d'un donateur familier permet de positionner implicitement MSF comme etant responsable face à cet argent, car cet argent qui est utilise dans le cadre de la mission, ce n'est pas de l'argent venu de collectifs sans visage (un gouvernement, des bailleurs de fonds), il porte le visage de son donateur.

De plus, on notera que Max ne parle pas de grosses sommes d'argent dans son exemple. Il situe le don d'un particulier entre 1 et 10 $, ce n'est donc pas enorme si

l ' on considère les coüts qu'engendrent la présence et l'action que peut avoir MSF au sein d'un hôpital. Les coüts financiers de la mission de MSF représentent donc les économies de plusieurs milliers de particuliers et en conséquence, il faut éviter les gaspillages. Ainsi, tout se passe comme si MSF, selon Max, ce n'était pas que le nom d'une organisation, une organisation qui est connue ou méconnue de la part de ses interlocuteurs, mais ce sont aussi des gens qui font des dons, des proches qui donnent quelques dollars, pour rendre possible des interventions d'urgence. En faisant appel à la figure de << Monsieur tout le monde>> et en prenant l'exemple de petites sommes d'argent, Max cherche sans doute à donner à MSF un visage humain dans la mesure oü MSF travaille certes pour les populations en danger, mais aussi au nom de Monsieur et Madame tout le monde qui s'avèrent être ses bailleurs de fonds. De plus, il met aussi en évidence une certaine responsabilité financière qui incombe aux acteurs de la mission prise en charge par MSF.

Cet aspect financier de l'organisation appara»t comme un tremplin pour aborder un sujet qui semble être important aux yeux de Max, soit l'indépendance de MSF, car celui-ci l'annonçait déjà, avant de présenter l'organisation: << c'est important parce que euh: quand on va revenir sur les principes de MSF entre autres le principe d'indépendance>> (lignes 83-85). Le financement et l'indépendance de MSF apparaissent donc comme intimement lié: << ça me semble quand même assez

important dans la mesure oü Médecins Sans Frontières est une organisation tindépendante>> (lignes 118-120). Dans un premier temps, il traduit donc l'indépendance de l'organisation d'un point de vue monétaire: être indépendant signifie pour lui que la trésorerie de l'association soit constituée de dons de nature privée et non, institutionnelle. Max continue cependant sa définition de l'indépendance en apportant de nouveaux éléments: << donc on n'est pas euh:: on

n ' est pas sujet à:: aucunes politiques nationales euh on n'est pas lié à aucuns

gouvernements on n'est pas lié à aucunes forces militairesÈ (lignes 120-122). On notera ici que la traduction est ici faite ici par la négation: être indépendant selon MSF (selon Max, bien entendu), c'est ne pas être assujetti à des politiques nationales, ne pas être lié à un gouvernement et ne pas être lié à une force militaire.

On constate donc que le travail de définition est encore une fois réalisé par Max par le biais d'une différenciation. Il y a donc un fort travail de dissociation de sa part et par sa voix, de son organisation, pour faire en sorte que MSF apparaisse, une nouvelle fois, comme unique. Ce concept d'indépendance qui se présente comme un principe important de MSF, est donc traduit concrètement par Max, porte-parole de l'organisation, qui livre ici sa version ou traduction de l'indépendance. Ajoutons que pour matérialiser ce concept fort d'indépendance et traduire donc, en quelque sorte, l'être par le faire, Max donne des exemples concrets des lignes 122 à 130: Ç donc quand on intervient par exemple comme ici au Congo MSF par souci d'indépendance euh:: ne va pas faire taucuns convois avec aucuns militaires qu'ils soient FARDC ou qu'ils soient MONUC hein euh par souci td'indépendance euh pour pas créer de tconfusion dans la tête euh des populations et on soigne ttout le monde (.) donc on va soigner euh:: tous les belligérants hein au conflit (.) du moment que ya un blessé

militaire ben il devient non combattant ((fait des gestes avec une main)) qu'il soit FDLR, May May, FARDC euh:: ouautre È.

Notons que Max emploie deux fois le mot Ç souci È, un terme qui traduit un intérêt fort, une préoccupation importante, ce qui confirme donc un besoin sérieux qu'aurait MSF de revendiquer son indépendance. De ce fait, MSF est implicitement présenté comme animé par le souci de son indépendance, souci qui enjoint cette organisation à ne pas faire certaines choses, comme être convoyé par des militaires.

Cela veut donc dire concrètement que MSF refuse une protection de ses déplacements par des militaires. MSF est donc présentée comme habitée par un souci d'indépendance qui se traduit en des actions concrètes. Si l'on étend cette idée et en considérant que l'action de MSF se concentre en grande partie dans des contextes de violence, la sécurité de MSF n'est donc pas assurée à proprement dit par les armes, mais semble t-il par la parole. On pourrait, en effet, avancer que Max est donc aussi en train d'assurer la sécurité de son organisation et surtout de son personnel, en donnant ce type d'informations dans son discours, d'oü l'insistance dans ces propos sur ce sujet. Ce fort souci d'indépendance peut donc s'assimiler à un outil de protection de l'action de MSF et non comme une simple idée évoquée dans un discours. Il agit en tant que tel comme bouclier pour anticiper d'éventuelles présomptions qui pourraient mettre en danger les acteurs de MSF et la légitimité de leur action. Nous avons vu avec quelle force Max fait en sorte d'attacher le principe d'indépendance à Médecins Sans Frontières. Cependant, dans un sens, ce fort souci d'indépendance le rend en quelque sorte dépendant de ce souci là précisément. En effet, il est déjà et avant tout dépendant de l'image qu'il renvoie à son environnement, comme aux populations et aux gouvernements notamment, une image qui peut le précéder et qu'il est obligé de négocier dans ses interactions pour essayer de la faconner en adéquation avec la réalité qu'il veut projeter. Il est donc dépendant de son discours officiel; sous entendu, MSF est dépendant de son discours.

Ce souci d'indépendance qui anime MSF, selon Max, semble aussi s'apparenter à un souci de clarté car il dit qu'il n'est pas question de créer de la confusion dans la tête des gens. Le message doit être compris, il doit être clair et consiste à dire: Ç on soigne ttout le mondeÈ (lignes 126-127). Parler de confusion

renvoie à l'idée de prendre une chose pour une autre. Il s'agit donc, via le discours de Max, de présenter un tableau unique, de marquer la différence de son organisation, pour qu'elle ne soit pas confondue avec une autre qui prendrait partie dans un conflit. MSF, à travers Max, se montre donc soucieuse de l'image que la population a de ses activités et de ce qu'elle est. En disant que MSF soigne tout le monde, Max présente un nouveau principe dans la discussion qu'il verbalise concrètement des lignes 130 à 131 : << MSF ne fait taucunes tdiscriminations à la prise en charge euh:: des patients (.) donc ça aussi c'est un autre des principes >>. Il s'agit donc du principe de non-discrimination, principe qui est traduit, de nouveau concrètement par des exemples locaux quand il dit: << qu'il soit FDLR May May FARDC euh:: ou

autre >> (lignes 129-130), évoquant les différentes milices ou armées qui s'affrontent dans la région.

De plus, MSF, par l'intermédiaire de Max, se charge de définir clairement ce qu'est la discrimination à l'aide d'un exemple: << on va soigner euh:: tous les belligérants hein au conflit (.) du moment que ya un blessémilitaire ben il devient non combattant>> (lignes 127-129). MSF, en disant cela, se donne donc implicitement le droit de déclarer qu'un combattant, lorsqu'il est blessé, n'est plus considéré comme tel et obtient, du méme coup, le statut de patient. MSF, en définissant la situation ainsi, fait donc un travail de classification, le public étant là juste pour prendre acte de cette réalité et recevoir/faire sien ce message. Des signes non verbaux sont aussi là pour confirmer cette action: << ((fait un geste de la main de soi vers le public))>> (ligne 132). Mais le public est aussi là pour comprendre et appliquer les principes de MSF. En effet, Max se charge aussi de définir ce que sont les discriminations dont ils parlent aux lignes 130 et 133. Les discriminations sont nommées deux fois à la suite par Max (lignes 134 à 135): elles concernent les

religions, la politique, les ethnies et les groupes, qui sont, en effet, au vu de la situation particuliére du Congo, souvent sources de conflits, voire de massacres. LÕeffet de repetition est donc surement employé pour marquer lÕimportance de son propos et permettre à ce dernier d'être bien saisi par ses interlocuteurs.

Max finit son tour de parole en disant : Ç on est là pour soigner tout le monde ca aussi cÕest un autre des principes euh:: fondateurs de Médecins Sans Frontiéres È (lignes 135-137), il ne parle pas ainsi juste de simples principes, mais de principes fondateurs. Le fait de parler de principes fondateurs renvoie aux origines de lÕorganisation, cÕest à dire ce qui est de lÕordre du non négociable, quÕon ne peut pas remettre en question et quÕil faut appliquer. Max est donc en train de faire implicitement une injonction à lÕassemblée, afin que tous appliquent sans discuter ces principes.

141 Max Que dire dÕautre ? (.) sur Médecins Sans Frontières

142

143 (6.0)

144

145 Max ((Max se tourne vers la droite oh se trouve les collaborateurs de MSF et

146 sÕadresse à eux)) Des choses à ajouter ? (.)

147

148 Max tDes questions par rapport à ga ? ((Max se tourne vers le public de la salle ))

149

150 (12.0)

151

152 Max Pas de questions (.)

153

154 Docteur Joseph Ou bien on nÕa pas de soucis, ga arrive aussi ((rire et décroise ses bras))=

155

156 ((Max et quelques personnes rigolent dans la salle))

157

158 Max =Si ya des choses si ya des choses qui sont pas claires ((Docteur Joseph

159 recroise ses bras en souriant)) faut pas se gêner ((le visage de Docteur

160 Joseph se ferme)) hein euh

161

162 (5.0)

Des la ligne 141, Max semble avoir fini son exposé ou du moins la partie de son exposé quÕil avait consacrée à la question : Ç quÕest ce que cÕest MSF È (ligne 42). Il a donc, semble-t-il, fait le tour de la question et para»t ne plus savoir quoi dire dÕautre sur ce point ; un silence suit cette interrogation. Il se tourne alors vers ses collaborateurs, comme à la recherche dÕun soutien ou dÕune precision par

rapport à ce qu'il vient de dire (lignes 145-146). Il leur propose ainsi de participer à la présentation de l'organisation, du moins si celui-ci n'a pas déjà tout dit sur MSF. On retrouve ici la figure associative de MSF, l'idée que chacun est un membre de valeur de l'organisation, peu importe sa place dans celle-ci, que chacun a la parole et peut donner son avis. Puis il cherche à faire participer l'auditoire (ligne 148), répondant peut-être ainsi à un souci de clarté, le but étant que son discours soit compris pour que l'application des principes de MSF soit effective par les partenaires de MSF. Il laisse le temps (ligne 150) à ses interlocuteurs de lui poser des questions, mais ceux-ci restant muets, Max réagit en notant à la ligne 152 que personne ne semble vouloir poser de questions. La classique paire question/réponse n'est donc pas visible et respecté dans l'interaction.

Le Docteur Joseph intervient alors en associant la demande de questions d'un coté, à l'annonce d'un problème de l'autre. Il prend la parole pour ses employés et se repositionne comme directeur de l'hôpital: Ç Ou bien on n'a pas de soucis, ça arrive aussi ((rire et décroise ses bras))=È (ligne 154). Son intervention et surtout son rire semblent être là pour détendre l'atmosphère et démontrer une certaine solidarité vis-à-vis de Max. Le non verbal nous donne aussi des indications sur l'état d'esprit d'une personne dans le cadre de l'interaction, mais il est difficile d'interpréter le fait que le Docteur Joseph soit très souvent les bras croisés.

Jusqu'à présent, nous avons vu que Max, à travers son discours, a présenté ce qu'est l'organisation MSF à un auditoire composé du personnel de l'hôpital de Mumba. Pour cela, il a invoqué des principes et les a donc présentés. Nous avons également vu comment il a aussi inséré l'action de MSF dans un cadre international tout en donnant des exemples locaux, donc intelligibles pour le public qui l'écoute. En somme, Max a dressé un tableau illustré d'une certaine vision de Médecins Sans

Frontières. Il a donc posé les pierres qui lui permettent dès lors de parler de la mission qui se déroule à l'hôpital de Mumba et qui intéresse tout particulièrement son auditoire.

162 (5.0)

163

164 Max si ya des questions qui vous reviennent plus tard (.) il sera toujours temps

165 (.) ((DocteurJoseph fait un signe d'accord en hochant la tête)) par rapport

166 à ça donc maintenantj'voulais un peu::: revenir un peu::: aussi sur

167 l'entente euh:: que nous avons prise ici (.) avec les autorité sanitaires

168 avec le bureau central avec euh l'hôpital avec le comité de gestion euh de

169 l'hôpital donc on a signé un protocole d'ent euh d'accordt qui a

170 commencé le 7 ((se tourne vers Eric et Docteur Joseph)) Octobre

171 ((Docteur Joseph hoche de la tête pour montrer son accord)) (.) j'vais

172 revenir un peu sur l'esprit/ de cet accord làde cette entente là qu'est ce que

173 ça veut direcomment on va faire comment on va mettre en place quels

174 moyens on vase donner pour faire ça (.) donc comme je vous ai dit on a

175 prit un p'tit peu on a prit on supporte l'hôpital à Laika aussi donc c'qu'on

176 c'qu'on souhaite faire donc le système de santé congolais euh::: le

177 principe c'est que d'abord les gens doivent aller consulter dans un soit

178 dans un poste de santé soit dans un centre de santé euh c'est la première

179 ligne (.) si ça:: si ya besoin de soins supplémentaires àce moment là on

180 doit référer soit vers le centre de santé de référence soit vers l'hôpital euh

181 de référence ((Docteur Joseph tousse)) donc l'idée pour MSF ce n'est pas

182 de tca::sser ((fait des gestes de guillemets avec ses doigts)) le système on

183 est pas là euh::: pour défaire tout mais pour venir en appui euh les

184 populations ici subissent des violences depuis maintenant plusieurs années

185 du fait de ces violences là déplacements de population paupérisation de la

186 population qui a difficilement accès euh aux soins plus particulièrement

187 aux soins secondaires oü on peut sauver beaucoup de vies euh:: avec les

188 soins secondaires donc l'idée c'est de faire un appui essentiellement sur

189 les soins secondaires pour que les soins primaires puissent continuer à

190 fonctionner dans le système de recouvrement des couts que les gens

191 puissent continuer à avoir confiance de ce système là tout en sachant que

192 si ya un gros pépin ben que les centres de santé vont référer les patients

193 vers l'hôpital et qu'à l'hôpital ils pourront être pris en charge gratuitement

194 (.) euh donc ça aussi c'est une une politique de Médecins Sans Frontières

195 quand Médecins Sans Frontières fait un appui euh::: soit à un hôpital ou

196 dans d'autres circonstances dans un camp de déplacés ou etc tMédecins

197 Sans Frontières fait toujours des soins tgratuits (.) euh on n'est pas un

198 tbailleur de fond #?Médecins Sans Frontières ne va pas tDonner ((fait des

199 gestes avec ses mains notamment vers Docteur Joseph)) de l'argent à un

200 centre de santé ou à unhôpital etc etc Médecins Sans Frontières est une

201 organisation indépendante on fait euh Médecins Sans Frontières fait tout

202 par lui tmême c'est à dire qu'il va pas donner d'argent ou des médicaments

203 sans être tPrésent (.) euh:: toujours en travaillant en collaboration

204 évidemment avec les gens qui sont déjà dans ces dans ces structures là hein

Des lignes 164 à 166, Max exemplifie implicitement une qualité d'écoute de MSF à l'encontre de ses partenaires locaux, puis il annonce le sujet de la prochaine question qu'il va aborder dans son discours: Ç donc maintenant j'voulais un peu::: revenir un peu::: aussi surl'entente euh:: que nous avons prise ici (.) avec les autorité sanitaires avec le bureau central avec euh l'hôpital/ avec le comité de gestion euh de l'hôpital/ donc on a signé un protocole d'ent euh d'accordt qui a commencé le 7 ((se tourne vers Eric et Docteur Joseph)) OctobreÈ (lignes 166-170). Ainsi,

Max invoque une entente, un protocole d'accord, c'est à dire un contrat signé et daté. Les acteurs qui prennent part à ce contrat sont de poids, il s'agit de MSF, donc une grosse machine associative représentée par Max et des acteurs de la RDC, avec les autorités sanitaires, le bureau central et l'hôpital de Mumba représenté par son comité de gestion. L'auditoire de la réunion est donc là pour prendre acte de cette information, information de taille car elle les dépasse, tout en les y insérant car ce sont des acteurs d'un des partenaires invoqués dans ce protocole. Max fait donc un travail de positionnement de l'action de MSF dans une structure légale et approuvé par des autorités. Après avoir vu que l'identité de MSF était composée d'idéaux, il semble que celle-ci soit aussi très opérationnelle et construite de façon très pratique dans l'action par ses acteurs et ses partenaires. L'entente est donc quelque chose sur laquelle les différentes parties se sont mises d'accord, impliquant donc une co - construction de l'identité de MSF dans le cadre d'une action locale. L'identité de MSF appara»t comme quelque chose qui est conclue et indiquée dans l'entente dans la mesure oü il y a un accord sur ce que fait et ce qu'est son intervention.

Après avoir informé son auditoire de la présence d'un nouvel acteur dans l'environnement de l'hôpital, Max, poursuit en procédant avec un mode plus explicatifoü il met en scène cet acteur, c'est à dire l'entente. En effet, des lignes 171 à 172, il dit qu'il souhaite revenir sur l'esprit de l'entente et du protocole. Il va donc le faire parler et d'une certaine manière, on peut penser ici à un effet de ventriloquie. Max se donne donc comme objectif de répondre à ces questions: Ç qu'est ce que ça veut direcomment on va faire comment on va mettre en place quels moyens on va se donner pour faire çaÈ (lignes 172-174). Les réponses à ses questions vont donc servir à présenter l'esprit du protocole d'accord, c'est-à-dire les intentions qui sont traduites par ce texte. Max va donc donner les clefs de la mise en Ïuvre de l'action

humanitaire à son auditoire et pour cela, il invoque dans un premier temps deux autres acteurs, qui sont l'hôpital de Laika (ligne 175) et le système de santé congolais (lignes 176-181).

L'hôpital de Laika a déjà été invoqué dans le discours de Max comme exemple de l'intervention de MSF dans une structure locale équivalente à l'hôpital de Mumba. Cet acteur est donc mis en scène afin de démontrer à l'auditoire l'expérience et le savoir-faire de MSF dans des partenariats locaux équivalents à celui qui fait l'enjeu de la discussion de cette réunion d'information. Max ne rentre pas dans les détails de l'intervention de MSF à l'hôpital de Laika. Il semble que sa simple invocation suffise à donner le poids qu'il souhaite à son discours. Cependant, il est à noter que lorsqu'il invoque cette structure, Max commet un lapsus, qui est quand même à souligner : Çon a pris un p'tit peu on a pris on supporte l'hôpital à LaikaÈ (lignes 174-175). En effet, Max semble hésiter pour décrire l'intervention de MSF dans cet hôpital entre les verbes prendre et supporter. Ces deux verbes n'induisent pas les mêmes conséquences pratiques, ce qui laisse à penser que ce lapsus nous montre peut-être une différence entre la réalité et le discours dans le cadre des partenariats et ententes que MSF établit avec ses partenaires.

Aussi, de facon implicite, il semble que ce lapsus nous présente l'image d'une organisation qui, dans la réalité de l'action et non sur le papier, a une certaine main mise ou un certain contrôle sur ses partenaires. Ensuite, Max poursuit en s'attachant à décrire le second acteur qu'il mobilise dans son exposé, c'est à dire le système de santé congolais. Il invoque ce système en parlant de principe, ce qui signifie que normalement, c'est quelque chose que les gens se doivent de respecter, la responsabilité n'étant pas donc pas du coté de MSF, mais du coté des Congolais eux- mêmes. De plus, en invoquant de la sorte le système de santé congolais, MSF (selon

Max, bien entendu) reconna»t donc un système établi dans le cadre oü il opère et par rapport auquel il s'intègre. MSF se positionne donc, à travers Max, comme une organisation consciente de son environnement et qui agit en partenariat avec celui-ci. Cette idée est clairement verbalisée par Max des lignes 181 à 183 : Ç donc l'idée pour MSF ce n'est pas de tca::sser ((fait des gestes de guillemets avec ses doigts)) le système on est pas là euh::: pour défaire tout mais pour venir en appuiÈ. En terme d'identité organisationnelle, on peut traduire le fait de ne pas vouloir casser le système comme la présentation d'une organisation respectueuse de l'ordre établi. MSF est donc identifiée comme n'étant pas destructrice de son environnement. On voit ici que Max tente de déconstruire une idée qui pourrait être préconcue par ses interlocuteurs.

De plus, Max ajoute que le but de MSF, dans ce cadre, c'est de venir en appui, donc de supporter une action et d'aider à sa mise en place. En conséquence, c'est une image altruiste et généreuse de MSF qui est véhiculée lorsque Max parle d'appui. Cependant, si Max trouve le besoin d'aborder ce point, on peut se dire que ce n'est pas anodin et qu'il doit y avoir des raisons. Une des raisons probables est sürement de répondre, à travers son intervention, à d'éventuelles critiques qui peuvent être faites à l'encontre de Médecins Sans Frontières, comme par exemple le fait de se comporter en territoire conquis en ne prenant pas compte du système de santé en place. Aussi, il semble que Max réagisse en prévision de critiques à travers un discours de justification oü il fait intervenir les figures de l'écoute et de la compréhension. Cette réaction montre que le discours de Max est assez rodé et que MSF a l'habitude des critiques et qu'elle met en scène un contre discours qui est donc préparé. En conséquence, cela nous permet de dire que les critiques poussent à la réaffirmation d'une certaine identité. Ainsi, en plus d'être chef de mission chez

MSF , Max est aussi un garant de son image. Ë travers la parole, il tente ainsi de gommer les tâches éventuelles qui pourraient venir ternir l'image de son organisation. En effet, le discours de MSF, par l'intermédiaire de ses porte-parole, s'efforce implicitement et explicitement dans les interactions, d'écarter la critique qui lui est faite par ses partenaires locaux de casser ou du moins de perturber le système de santé local. Il s'avère cependant que les interventions de MSF ont un impact sur le système et que d'une certaine manière on peut dire que MSF casse quand méme, ne serait-ce qu'un peu, le système comme cela a été abordé dans l'article << A humanitarian organization in action : organizational discourse as an immutable mobile >>, écrit par Cooren, Matte, Taylor & Vasquez (2007).

Puis, Max reprend son travail de justification, en s'attelant à légitimer la présence de MSF au Congo, pays oü de nombreuses violences sévissent, violences qui ont des conséquences humaines dramatiques qui correspondent aux domaines d'intervention de l'organisation (lignes 183-187). Cet historique et cette réalité viennent donc appuyer et légitimer la présence de MSF, car elle répond aux principes et à la nature méme du rTMle de Médecins Sans Frontières qui est avant tout de sauver des vies, comme cela est verbalisé par Max: << on peut sauver beaucoup devies>> (ligne 187). MSF répond donc à une demande, demande qui est faite, en quelque sorte, par la réalité de la situation. La population est en danger et a besoin d'aide, besoin de soins: << doncl'idée c'est de faire un appui essentiellement sur les soins secondaires>> (ligne 188-189). Il est à noter que le système de santé congolais est compartimenté en deux niveaux de soins de la population, les soins primaires et les soins secondaires. Les soins primaires se concentrent sur les soins médicaux de base, tandis que les soins secondaires nécessitent des soins chirurgicaux et une surveillance médicale accrue. Max répète trois fois que dans le cadre de cette

mission, MSF ne va s'impliquer que dans les soins secondaires et pas dans les soins primaires (lignes 187-189). Cette insistance semble démontrer le fait qu'il souhaite bien se faire comprendre de son auditoire et faire passer son message.

Puis, Max poursuit en invoquant le système de recouvrement du coüt de soins et en souhaitant que les centres de santé, qui font partie des soins primaires, travaillent main dans la main avec l'hôpital, qui couvre plutôt les soins secondaires (lignes 188-193). Max précise aussi qu'il faut que la population continue à avoir confiance en ce système, la question se posant alors de comprendre pourquoi il parle ici d'un éventuel problème de confiance de la population et le lien qu'il fait implicitement avec la présence de MSF à l'hôpital de Mumba. L'explication possible à cette question se trouve, vraisemblablement, lorsque Max évoque la gratuité des soins qui vont être donnés à l'hôpital: Ç à l'hôpital ils pourront être pris en charge gratuitement È (ligne 193). Cette gratuité des soins est présentée comme une politique affiliée à l'intervention de Médecins Sans Frontières (lignes 194-197), cela fait partie de son identité, de ses habitudes. Il appara»t alors que MSF est aussi représentée par ses politiques et notamment sa politique concernant la gratuité des soins dans ses interventions. D'un point de vue identitaire, la gratuité des soins procurés par MSF à la population démontre son désintérêt dans une optique de don de soi. L'organisation est ainsi ici dans une logique de type missionnaire.

On notera donc que, depuis le début de son intervention, Max dresse petit à petit un tableau de son organisation. Il a ainsi évoqué des principes dans la première partie de celle-ci et il continue ce cheminement même lorsqu'il parle du cadre opérationnel de l'action de MSF à l'hôpital de Mumba. Aussi, on peut dire que Max réalise un travail de positionnement par des effets de ventriloquie, afin de présenter son organisation comme une entité très structurée (principes, politiques, habitudes,

protocoles) qui s'impose inévitablement dans son discours. En conséquence, on peut concevoir que MSF peut ainsi produire, par son représentant, Max, un effet massif qui peut intimider ou désarmer son interlocuteur et le forcer à s'adapter. Il n'y a donc pas d'égalité effective entre MSF et ses partenaires, même si celle-ci est spécifiée par la signature d'ententes qui amènent des partenariats. On comprend donc comment il semble difficile pour l'auditoire de questionner ou de critiquer MSF, alors que leur implication est indispensable au fonctionnement de MSF. S'il y a co-construction de l'identité de MSF, on voit donc qu'une telle co-construction se fait essentiellement par l'affirmation d'une identité d'un coté (celle de MSF par Max) et la reconnaissance, la traduction ou le rejet possible de cette même identité par ses interlocuteurs, lesquels, ne prennent jamais la parole. Autrement dit, on ne voit, à aucun moment, de négociation de l'identité de MSF à travers la parole.

Des lignes 197 à 204, Max présentifie clairement son organisation: << on n'est pas un tbailleur de fond tMédecins Sans Frontières ne va pas tdonner ((fait des gestes avec ses mains notamment vers le Docteur Joseph)) de l'argent à un centre de santé ou à un hôpital etc. etc. Médecins Sans Frontières est une organisation indépendante. On fait euh Médecins Sans Frontières fait tout par lui tmême c'est à dire qu'il va pas donner d'argent ou des médicaments sans être tprésent (.) euh:: toujours en travaillant en collaboration évidemment avec les gens qui sont déjà dans ces dans ces structures là hein È. Dans sa présentation, Max réaffirme ainsi de nouveau le principe d'indépendance de MSF, un principe qui est invoqué pour justifier le fait que MSF ne donne pas de l'argent ou du matériel à une structure médicale sans être présent physiquement. Dans cette intervention, MSF (selon Max, bien entendu) est défini comme n'étant pas un bailleur de fond, mais comme étant une organisation autonome et capable d'agir seule <<Médecins Sans Frontières fait

tout par lui ?même » (lignes 210-202). De plus, Max définit aussi MSF comme une organisation qui, en contrepartie de sa contribution financière et de médicaments, exige sa présence physique dans l'action en le notifiant : « qu'il va pas donner d'argent ou des médicaments sans être #?présent » (ligne 202-203). Enfin, MSF (selon Max, bien entendu) est défini comme une organisation qui collabore avec ses partenaires dans le cadre de l'action.

Ë la lumière de ses quelques paroles, il semble que Max soit de nouveau dans un mode quelque peu défensif. Il protège son organisation et envoie avec force un message au personnel de l'hôpital. De plus, il semble qu'implicitement, cette information soit orientée vers le docteur Joseph : « ((fait des gestes avec ses mains notamment vers le Docteur Joseph)) » (lignes 198-199). On peut donc en déduire qu'une partie du discours de Max s'avère être construit pour renvoyer une certaine image à son auditoire et pas nécessairement la construire avec lui. C'est un « on » exclusif et non inclusif qui est employé par Max. Il y a donc d'un coté un « Nous », représenté par les acteurs de MSF, un « Nous » qui donne de son temps, de son argent et de son matériel en étant présent, chez un « Vous », représenté par les partenaires locaux de MSF, qui recoivent ces aides silencieusement. Nous sommes donc face à une configuration dite classique de la communication oil l'on retrouve l'émetteur, le récepteur et le message ou encore le pourvoyeur/fournisseur, le bénéficiaire et l'offre. Ainsi, le discours de Max laisse transparaitre MSF comme une organisation obsédée par son indépendance, son autonomie et sa présence.

208 Max Donc c'est c'est ga l'idée aujourd'hui c'est c'est d'appuyer l'hôpital de

209 Mumba euh avec une prise en charge de qualité euh pour les patients

210 une prise en charge gratuite donc pour faire ga euh:: et pour pas non plus

211 tout euh:: tout euh briser le système donc M- Médecins Sans Frontières va

212 euh donner des primes (.) à tout le personnel (.) de l'hôpital (.) de la GR

213 de Mumba euh:: en complément de la prime CEMUBAC hein donc euh on

214 va donc la prime CEMUBAC est toujours là#? euh Médecins Sans

215 Frontières va prendre cette portion là (.) la déduire du montant euh que

216 normalement MSF payerai (.) que si vo us aviez 10$ de du CEMUBAC

217 euh: et si MSF euh pour le poste que vous avez vous donne vous /donnerai

218 normalement 50$t donc le 50$t on va déduire le 10$#? MSF va vous

219 donner 40$t et le CEMUBAC 10$t ga vous fera toujours le 50$t donc ga

220 on y reviendra un peu plus dans le détail ((Max se tourne vers Gérard)) ben

221 Gérard pourra vous expliquer un p'tit peu ((fait des gestes avec ses mains))

222 ya une échelle de fonctions a Médecins Sans Frontières on va y revenir

223 après ((Max regarde ses notes sur la table))

224

225 (2.0)

226

227 Max Donc ttous les services de l'hôpital auront la tprime par contre lya un

228 serv ya quelques services euh (.) que MSF ne va pas:: entrer directement la

229 ici j'fais référence a la maternité (.) eta la consultation externe tpourquoi?

230 (.) parce que la maternité euh:: c'est du soinprimaire a la base euh les

231 femmes qui vont consulter viennent pour un accouchement pas seulement a

232 l'hôpital ils vont dans les centres de santé ici dans la zone de santé donc

233 toujours dans le méme esprit tde pas casser tde pas briser le système

234 existant (.) les gens ont confiance d'aller euh accoucher dans les centres de

235 santé donc ça euh ya les gens vont continuer a payer pour euh un

236 accouchement eutocique ((s'adresse au Docteur Joseph)) (TOUT BAS) euh ici

237 c'est quoi c'est 6, 7$ ? +

238

239 Docteur Joseph C'est 6$ ((il reste les bras croisés et racle sa gorge))

240

241 Max Donc 6$ donc ça ça va rester on va quand méme on va quand méme ici

242 payer une prime euh pour ceux et celles qui travaillent a la maternité euh::

243 parce que:: l'hôpital va avoir moins de revenus donc yaura plus de

244 ponctions (.) salariales pour l'hôpital euh:: pour ces salariés la (.) donc euh

245 MSF euh prend en/charge cette partie la euh de prime mais les patients

246 vont quand méme payer c'qui va permettre a l'hôpital de continuer a

247 acheter desmédicaments du matériel a sms pour les services

248 de maternité et de:::

249

250 X (TOUT BAS) dispensaire +

251

252 Max Du dispensaire ((fait un geste de la main vers la personne qui lui a soufflé

253 l'information)) donc ça aussi ça vous ça permet a la GR de pas se mettre

254 en marge du système on parle plutôt de de soins primaires

Des lignes 209 a 214, Max continue son travail de positionnement et de présentification de MSF en l'ancrant dans le présent, le concret, tout en rappelant les points essentiels de l'intervention de MSF. L'organisation y est associée, encore une fois, a la qualité de sa prise en charge des patients, a la gratuité et ne souhaite pas détruire entièrement le système et c'est pour cela qu'elle octroie des primes, donc donne de l'argent au personnel de l'hôpital de Mumba. Max véhicule donc dans son discours le fait que MSF est une organisation qui sait ce qu'elle veut, ce qu'elle ne veut pas et qui prend pour acquis l'adhésion de ses collaborateurs a cette vision. De plus, MSF offre une compensation financière pour pallier sa présence, ce qui laisse entendre donc qu'elle perturbe en partie un système préexistant et qu'elle comprend que sa présence n'est pas forcément positive pour tous ou sur tous les points qui la concerne.

Des lignes 213 a 219, Max invoque la prime CEMUBAC, qui est un salaire

versé au personnel de l'hôpital par l'organisation du même nom. En évoquant le CEMUBAC, MSF, par l'intermédiaire de Max, démontre sa connaissance de l'environnement et qu'elle s'y intègre, car elle va offrir un salaire en complément de cette prime qui était déjà offerte avant l'intervention de MSF à Mumba. De plus, Max ne parle pas de salaires pour l'argent que MSF va donner au personnel de l'hôpital dans le cadre de son intervention, mais de primes: Ç ttous les services de l'hôpital auront la tprime par contre 1.ya un serv- ya quelques services euh (.) que MSF ne va pas:: entrer directement làÈ (lignes 227-228). Le fait de parler de primes peut faire allusion à un caractère exceptionnel, Max étant donc déjà en train signifier à son auditoire que MSF ne va pas rester. Ainsi, il semble qu'implicitement, Max soit en train de dire que tout comme ces primes sont de natures exceptionnelles, la présence de MSF l'est tout autant. On pense ici au caractère d'urgence voulu dans l'intervention de MSF.

Après avoir détaillé les conditions de ces primes, Max revient encore une fois sur des points qui semblent obséder son organisation (lignes 233-236), c'est à dire le fait que MSF ne veuille pas être percue comme un perturbateur de l'ordre établi dans lequel il intervient et le désir profond que sa présence ne perturbe pas les habitudes de la population. MSF apparait donc comme soucieuse de sa présence et des conséquences qu'elle peut avoir sur son environnement, alors qu'elle cherche à ne pas en avoir, si ce n'est pour sauver des vies (ligne 187). Notons aussi que Max (lignes 234-235) associe le fait d'avoir confiance dans un système, au fait de continuer à payer pour recevoir des soins. Il montre ici les conséquences possibles de la gratuité des soins offerts par MSF, c'est à dire que les patients ne souhaitent plus payer. Dans le jeu de questions/réponses auquel s'adonne Max dans son discours, qui met en exergue d'éventuelles critiques faites à l'encontre de MSF, la gratuité semble

en être une. En effet, l'insistance sur ce point semble le confirmer, cela même si elle n'est pas verbalisée clairement. La répétition et l'insistance de façon générale, nous montre que l'identité, selon MSF, doit être protégée et construite prospectivement et rétrospectivement. La construction de l'identité organisationnelle porte donc les stigmates d'hier, d'aujourd'hui et de demain dans le discours, le rôle de Max dans ce cadre-là semble être de contrôler l'image de MSF.

258 Max Donc voilà un peu le l'idée l'esprit de de cette entente là de cet accord là

259 euh (.) c'qui est clair c'est que ga va amener euh de la #?réorganisation

260 euh::: (.) dans #?l'hôpital (.) ga risque d'amener une hausse de l'activité

261 dans #?l'hôpital euh donc attendez vous pas à travailler moins fort avec

262 MSF attendez vous à travailler #?plus #? fort avec MSF Ah Ah Ah on a:: déjà

263 vu déjà revu par exemple les horaires de travail avec vous hein euh:: ga par

264 de ce côté-là j'pense que c'est ga semble satisfaisant pour tout le monde

265 en tout cas de c'que j'ai entendu en tous cas les gens semblent être plutôt

266 heureux euh de cette réorganisation des horaires donc ga c'est pour

267 reprendre un exemple mais yaura dans les prochaines semaines dans les

268 prochains mois yaura toutes sortes de réorganisation comme celle-là hein

269 qui peut être parfois vont vous qui vont être T confrontantes (.) seront

270 peut-être euh:: vont peut-être ((fait le geste des guillemets avec ses doigts))

271 déstabilisantes parfois on va tenter des expériences aussi euh:: c'est aussi

272 à vous ((fait des gestes vers le public de la salle)) à nous dire tout ga hein

273 on fait en tcollaboration on est pas là pour timposer les choses on

274 tpropose des tchoses et puis on essaye de voir tous ensemble après à

275 vous de nous faire des retours si euh si ya des insatisfactions si ya des

276 difficultés parfois on va présenter des choses euh:: peut être que ga

277 fonctionnera pas peut être que ga va fonctionner donc là j'pense l'exemple

278 des des horaires parce qu'on m'a dit que:: que les gens semblait plutôt

279 satisfait de cette réorganisation$? là$? donc y'aura #?d'autres exemples

280 comme ga euh::: pour en reprendre un autre ben la pharmaciet c'est euh::

281 c'est Médecins Sans Frontières qui va fournir ((fait un geste de lui vers le

282 public de la salle)) les médicaments. On va le faire T service par T service

283 donc vous vous étiez habitué à fonctionner avec une pharmacie centrale

284 avec des commandes chaque matin pour chaque service là on va plutôt

285 faire une pharmacie par service (.) avec une commande euh:: par semaine

286 donc euh les superviseurs de chaque service sont en charge du suivi de la

287 de la pharmacie du suivi des consommations ga c'est des choses

288 importantes à (coupe video) tMSF on fait des tcommandes à peu près à

289 tous les tsix mois (.) qui vient qui vient par bateau donc il faut planifier

290 d'avance et il faut avoir des bonnes consommations savoir combien

291 on consomme exactement par service pour être le plus près possible de la

292 réalité quand on va lorsqu'on va faire une commande (.) par exemple

293 ((regarde ses notes sur la table))

294

295 (2.0)

296

297 Max Donc j'pourrais pas vous énumérer (.) tout ce qu'on va réorganiser tout ga

298 va se faire au fur et à mesure avec tvous hein on a pré réorganisé un peu le

299 bloc (.) on a pré réorganisé la stérilisation (.) euh:: donc ga aussi euh:: ga va

300 amener on va rajouter du personnel oil yaura des besoins euh j'pense

301 qu'entre autres sur la tgarde de nuit oil yavait 2 infirmiers pour tout

302 l'hôpital ga faisait une tache #?colossale euh ((se tourne vers Docteur

303 Joseph)) là on a déjà ajouté 2 infirmiers supplémentaires ? ((Docteur

304 Joseph hoche la tête tout en restant les bras croisés, puis il se tourne

305 vers Eric)) donc ga fait 4 infirmiers pour les gardes chaque nuit c'est ga ?

306

307 Eric En fait on a fait par service (.) là euh:: on a ajouté 2 infirmiers sur le::

308 service de pédiatrie et 2 infirmiers euh sur le service de chirurgie (.) pour

309 faire des roulements et avoir 1 infirmier ttoujours sur tchaque tservice (.)

310 et ((se tourne vers Max qui hoche de la tete pour manifester son accord))

311 c'est à dire que les infirmiers tournent plus sur tout l'hôpital juste sur leur

312 service

Ë la ligne 258, Max dit : « Donc voilà un peu le l'idée, l'esprit de de cette

entente là, de cet accord là È, il confirme ainsi qu'il vient de présenter, en quelque sorte, l'idéologie de son organisation (au sens neutre du terme) à travers des éléments choisis, idéologie qui l'amène alors, à aborder les conséquences ou la mise en acte de ce contrat, car il parle de réorganisation dans l'hôpital (lignes 259-260). La mobilisation des principes, des politiques et de la présence en tant que telle de Médecins Sans Frontières dans le discours de Max ont donc pour finalité de générer l'action, une action qui se manifeste particulièrement par la nouveauté et le changement.

Une des premières conséquences voulues, car imaginée et verbalisée par Max est : << ça risque d'amener une hausse de l'activité dans tl'hôpital euh donc attendez vous pas à travailler moins fort avec MSF attendez vous à travailler tplus tfort avec MSF Ah Ah AhÈ (lignes 260 -262). Max annonce donc que la signature de cette entente entre MSF et l'hôpital de Mumba va faire accroitre le nombre de patients à traiter par l'hôpital. On peut imaginer qu'il affirme cela au nom d'une certaine expérience ou bien d'un profond désir que ce chiffre augmente, ce qui justifierait la présence de MSF et les changements qu'elle exige dans la structure. Puis, Max s'adresse directement au personnel de l'hôpital sur le ton de l'humour pour leur annoncer quel va être leur sort suite à ces changements, plus particulièrement du point de vue de leur future charge de travail. La tournure de phrase que Max emploie pour dire cela signifie que, d'une certaine manière, il imagine leur pensée. Autrement dit, Max est en train de leur dire qu'il ne faut pas qu'ils considèrent que la présence de MSF sur leur lieu de travail va les décharger et qu'ils vont <<se tourner les pouces È. Max positionne en cela le rôle de MSF comme un acteur qui accompagne dans l'action et non qui la prend en charge en entier. Il est donc en train de leur demander leur soutien et leur participation à ce processus. MSF se présente donc

comme une entité qui est là pour aider l'autre, mais qui n'est pas là comme un prestataire de service, de bien ou de salaires (MSF n'est pas un bailleur de fond).

Des lignes 262 à 267, Max parle d'un exemple de réorganisation qui a déjà eu lieu dans l'hôpital à l'initiative de MSF. Cet exemple concerne les horaires de travail des infirmiers. Max invoque ce changement à titre d'exemple positif en faisant parler les gens : << j'pense que c'est ça semble satisfaisant pour tout le monde en tout cas de c'que j'ai entendu en tous cas les gens semblent être plutôt heureux euh de cette réorganisation des horairesÈ (lignes 264-266). Ce n'est donc pas Max qui parle seul ici, mais aussi des gens dont on ne conna»t pas le nom, mais qui semble se dire heureux des réorganisations et donc de la présence de MSF. Cependant, le discours de Max n'est pas uniquement basé sur des exemples de réussites sans difficultés marquées, mais se présente aussi comme un discours réaliste qui laisse entendre que le changement ne s'opère que rarement sans conflits ou incompréhensions.

MSF marque ici, à travers la parole de Max, une certaine habitude ou expérience par rapport à ce qui est implicitement présentée comme l'application difficile de ses préceptes chez ses partenaires. Il dit ainsi sous le ton de la prédiction: << y'aura toutes sortes de réorganisation comme celle-là hein qui peut être parfois vont vous qui vont être confrontantes (.) seront peut-être euh:: vont peut-être ((fait le geste des guillemets avec ses doigts)) déstabilisantesÈ (lignes 268-271). En annonçant ces possibles difficultés à son public, au personnel de l'hôpital de Mumba, Max marque du même coup le fait qu'il leur porte de l'intérêt, que MSF est soucieuse de leur condition, un souci qui pourrait être traduit comme de la compassion. MSF véhicule ainsi l'image d'une organisation compréhensive des conditions de ses partenaires face aux changements qu'elle demande. Finalement, c'est en quelque sorte l'image d'une organisation relativement transparente qui est

véhiculée ici car elle pourrait présenter un tableau idyllique de ses interventions à ses partenaires, mais elle ne le fait pas.

De plus, on voit que Max dit: << parfois on va tenter des expériences aussiÈ
(ligne 271). Ainsi, il inclut les partenaires et l'auditoire dans ce processus de
changement, changement qui n'est pas gravé dans la pierre et qui implique donc des
essais. Il laisse entendre ainsi qu'il n'y a pas de recette miracle et qu'une certaine
faillibilité marque les interventions de l'organisation humanitaire (voir aussi Matte,
2006). Cette idée est totalement en phase avec le fonctionnement de l'organisation
MSF, car c'est une organisation qui se présente comme se construisant dans un
échange constant entre la réalité du terrain, l'opérationnel et le siège qui donne les
grandes marches à suivre. D'un coté, il y a les protocoles, les principes, les grandes
lignes et de l'autre coté, il y a le terrain, la réalité, les interactions du quotidien, les
partenaires et des facteurs non prévisibles. Max positionne donc MSF comme une
organisation qui n'a pas toutes les réponses, mais qui a le mérite d'essayer de donner
des réponses à des problèmes, qui va expérimenter des solutions. Cependant, cet
exercice ne se fait pas seul, MSF marquant le besoin de l'autre, de ses partenaires
pour agir et tenter des expériences, comme on peut le constater des lignes 271 à 277.
Ce besoin de l'autre, dans le cas de Médecins Sans Frontières, passe, selon
Max, par un travail de responsabilisation du partenaire vis à vis de la tâche à
accomplir ensemble: << c'est aussi à vous ((fait des gestes vers le public de la
salle
)) à nous dire tout ça hein on fait en tcollaborationÈ (lignes 271-273). Ainsi,
Max attribue des responsabilités à son auditoire. Illes informe qu'ils ne doivent pas
être passifs mais bien actifs afin que ces changements s'avèrent positifs pour tous.
Puis, Max présentifie d'une certaine manière à ses partenaires les règles de conduites
en vigueur dans l'organisation: << on n'est pas là pour timposer les choses on

tpropose des tchoses et puis on essaye de voir tous ensemble après à vous de nous faire des retours si euh si ya des insatisfactions si ya des difficultésÈ (lignes 273- 276) .

Communiquer est une de ces règles. En effet, la parole a une place importante chez MSF et cela se retrouve aussi bien au niveau interne qu'externe, comme on peut le voir ici. Ce principe ou, du moins, cette exigence a sürement pour origine le fondement associatif de l'organisation et ses particularités. En effet, une des particularités des associations est de donner la parole à tous ses membres, MSF montrant donc qu'elle a de la considération pour le personnel de l'hôpital de Mumba, car leur avis compte dans l'opérationnalisation des réorganisations. Leur responsabilité est cependant de manifester cet avis et surtout de dire si ça ne va pas, plutôt que de se taire. On peut aussi imaginer que cette nécessité de communication peut avoir pour objectif de lutter contre une certaine résistance au changement organisationnel. L'image que Max véhicule de MSF est donc celle d'une organisation qui n'impose pas les choses ou les changements mais les propose. Si elle se positionne comme à l'initiative des changements, elle attend des autres une réaction (positive ou négative). C'est donc au nom, implicitement, d'un principe d'échange et d'ouverture que Max encourage son auditoire à ne pas hésiter à s'exprimer. D'une certaine manière, Max est en train de leur dire, si vous voulez changer et vous améliorer, c'est à vous de le faire et de prendre les choses en main. Ajoutons que l'idée de ne pas imposer les choses donne une ouverture à la négociation, MSF en appelle donc à la capacité de réflexion et de penser de ses partenaires. Ceci montre qu'un des marqueurs de l'identité de MSF semble être le dialogue ou du moins une organisation qui laisse place à la conversation, à la négociation pour construire ensemble.

On voit donc que Max, tel un leader, communique la vision de MSF à l'assemblée, celle des principes de Médecins Sans Frontières en l'adaptant à son public, en renvoyant aux caractéristiques qui sont censées lui être propres et en choisissant des exemples locaux. Max est désormais dans une phase oü il cherche à susciter leur engagement et leur transmettre un désir de changement pour les orienter vers l'action. L'identité de MSF semble donc construite dans une idée de projection adressée à l'autre, projection d'un idéal auquel il faut adhérer. Cependant, aucune certitude n'est annoncée quant à la réussite des changements proposés par MSF à l'hôpital de Mumba: << peut être que ça fonctionnera pas peut être que ça va fonctionnerÈ (lignes 276-277). Max met donc de l'avant une tolérance MSFienne vis-à-vis des erreurs, présentifiant donc son organisation comme une organisation qui n'est pas parfaite et qui peut se tromper. Il est aussi peut être en train de leur communiquer le fameux adage : Nous apprenons de nos erreurs.

En somme, cela donne l'idée que MSF est une organisation à échelle humaine, qui a le droit à l'erreur. Tout en montrant une certaine tolérance de la part de MSF, Max donne au public un exemple gratifiant et positif d'un des changements qui a déjà eu lieu dans l'hôpital à l'initiative de son organisation (lignes 277-280). Il parle d'un changement qui s'est opéré par rapport aux horaires de travail des infirmiers. Tout en citant cet exemple, il parle à leur place (il les ventriloquise, donc) pour dire que c'est un changement positif : <<on m'a dit que:: que les gens semblait plutôt satisfait de cette réorganisation.1.. là.1..È (lignes 278-279). MSF tente donc de transmettre l'idée à ses partenaires qu'elle a fait une bonne réforme de leur système et ce n'est pas elle qui le dit, ce sont lesdits partenaires, ce qui est censé donner une plus grande crédibilité au propos en le rendant plus difficilement critiquable.

La démarche de changement initié par MSF à l'hôpital appara»t donc comme

positive gr%oce à l'intervention de cet exemple dans le discours de Max. Les pierres sont dès lors posées pour l'annonce de futures réorganisations, ce que Max va faire: << donc yaura td'autres exemples comme ça euh::: pour en reprendre un autre ben la pharmacietÈ (lignes 279-280). Cet exemple est détaillé par Max des lignes 281 à 292 oü il y spécifie les habitudes de MSF en matière de gestion des stocks de la pharmacie, que l'organisation souhaite bien appliquer au sein de l'hôpital de Mumba. Max invoque donc, de nouveau, l'expérience de son organisation pour laisser entendre que la réforme du système partenaire va ultimement l'améliorer. MSF est ainsi présentifié/mise en scène comme une organisation expérimentée qui partage son savoir et change les habitudes de ses partenaires.

De plus, MSF se présente, à travers Max, comme une organisation préparée et prête à agir dans de brefs délais. Ainsi, comme nous avons pu le constater, l'urgence est aussi bien un cadre opérationnel qu'une façon d'être. MSF est présentifiée comme une organisation qui prévoit le plus possible son action avec une importante logistique à l'appui, le but étant d'optimiser son action. Aussi, Max annonce ce pouvoir d'efficacité et de rapidité dans l'action à ses partenaires des lignes 297 à 299 : << Donc j'pourrais pas vous énumérer (.) tout ce qu'on va réorganiser, tout ça va se faire au fur et à mesure avec tvous hein on a pré réorganisé un peu le bloc (.) on a pré réorganisé la stérilisation È. MSF transmet donc une image forte à son auditoire en ce qui concerne sa réactivité à mettre en place une structure conséquente pour << sauver des vies È. De plus, l'exemple de la gestion de la pharmacie est censé démontrer la rationalité de l'organisation. Ajoutons aussi, que dans ce cadre, il semble que l'initiative revienne aux acteurs de l'association représentés par le <<on È. Cependant, on remarquera que l'annonce est tout de même faite que ce travail est commun aux acteurs de l'hôpital de Mumba: << ça va se faire au fur et à mesure avec

tvous >> (ligne 298). Max est donc en train, pierre après pierre, de se présenter comme responsabilisant les employés de l'hôpital (ce qui laisse entendre quand méme que ceux-ci manqueraient a priori de ce sens des responsabilités, évoquant implicitement une attitude paternaliste, voire méme un tant soit peu <<colonialiste>> de sa part et les intégrant au sein d'un programme de réorganisation à la fois de leur structure de travail et de leur façon de travailler.

Afin, sans doute, de ne pas faire peur aux intéressés, une peur qui pourrait générer de leur part une résistance à cette réorganisation, Max leur montre que MSF est compréhensive de la tâche qu'ils ont à accomplir et qu'il prend les moyens effectifs pour les aider à réussir cette mission: << on va rajouter du personnel oü y'aura des besoins >> (ligne 300) et <<ça faisait une tâche tcolossale>> (ligne 302). Max fait participer Eric à ce processus de mise en scène de MSF, après avoir fait une tentative avortée de joindre le Docteur Joseph à son discours: << ((se tourne vers Docteur Joseph)) [É] ((Docteur Joseph hoche la tête tout en restant les bras croisés, puis il se tourne vers Eric))>> (lignes 302-305). Eric, le responsable terrain de la mission, répond à l'appel de son supérieur et collègue et expose les détails pratiques de cette réorganisation à l'assemblée des lignes 307 à 312. En effet, ces détails sont de son ressort puisque c'est lui et le Docteur Joseph qui sont les maitres d'Ïuvre à l'hôpital de Mumba. La position de Max est, quant à elle, plus générale car il supervise aussi d'autres missions dans la région. Il donne donc les grandes lignes et ce sont des acteurs locaux comme Eric qui les appliquent dans les structures, avec les partenaires et les équipes locales de MSF. Cependant méme si il y a une hiérarchie au sein de l'organisation, c'est l'esprit d'équipe qui ressort de l'intervention de Max, matérialisé par l'utilisation constante du <<on >> et du << nous >> pour parler de l'ensemble des acteurs de MSF.

314 Max Donc ces réorganisations là:: on les fait avec vous j'pense que vous ((jette

3 1 5 un coup dÕÏil vers Docteur Joseph qui hoche de la tete en restant sto
·que
))

316 aussi vous aviez constaté qu'il y avait des besoins de ce cTMté là/ et euh tout

317 ga pour amener euh:: pour essayer euh:: d'avoir des soins de meilleure

318 qualité hein le fait d'être plus d'infirmiers sur une garde va faire en sorte

319 que:: les patients vont bénéficier d'un travail de meilleur qualité donc on

320 s'est c'est plutTMt en ces termes #?là qu'on souhaite voir la réorganisation

321 avec vous #?Médecins Sans Frontieres a quand même une texpertise depuis

322 une trentaine d'années dans ce dans ce type de contexte là et puis on::

323 #?Médecins Sans Frontieres travaille dans des hTMpitaux euh depuis depuis

324 longtemps aussi (.) mais donc ga ((se tourne vers Docteur Joseph)) c'est

325 toujours fait en partenariat euh avec vous avec la direction de l'hTMpital

326 avec la direction du DCZ ((se tourne vers Docteur Joseph)) donc on n'est

327 pas là non plus pour f imposer les choses euh: on est là pour essayer de

328 travailler avec tvous mais c'est stir qu'on a des expertises et qu'on qu'on

329 veut les partager avec vous (.) ensuite on vous remettra aussi du matériel

330 à la disposition de l'hTMpital donc à:: votre disposition'!" euh:: dans les

331 services au bloc euh on aura aussi du du matériel euh de tsupport une

332 bibliotheque opérationnelle à Médecins Sans Frontierest euh vous avez

333 déjà surement vu les guides les guides cliniques euh donc ga ce sera aussi

334 c'est des outils qu'on vous perm- qu'on met à votre disposition c'est ga

335 aussi c'est à vous à tVous les tapproprier ces toutils là\ qu'on va mettre

336 dans les services etc euh: ben aussi à tvous de de d'utiliser ce matériel là

337 (.) donc tout ga pour dire ga fait beaucoup #?d'ajustements euh:: on vous

338 demande un peu de flex::ibilité par ga par rapport à ga euh parfois ga va

339 faire des /frictions parfois ga va peut être faire des /mécontents ((fait des

340 gestes avec ses mains et montre plus ou moins Docteur Joseph)) euh:: il

341 s'agit de pas garder son mécontentement#? mais de venir en tdiscuter euh et

342 comme ga euh on peut aplanir les difficultés (.) une autre chose donc dans

343 cette réorganis- dans cette réorganisation là euh:: comme Eric ((se tourne

344 vers Eric)) l'a dit là au lieu de bouger sur tous les services on va plutTMt se

345 concentrer sur des services donc on va revoir donc j'pense que c'est déjà

346 en cours avec Docteur Joseph ((Docteur Joseph hoche de la tete en signe

347 dÕaccord)) on a revu des profils de poste donc ga pour moi par exemple les

348 profils de poste c'est une chose qui doit demeurer vivante (.) et qui vous

349 appartient aussi (.) c'est pas seulement à nous ((fait des gestes vers lui)) à

350 faire la description du profil de poste c'est aussi à vous:: à vous

351 #?l'approprier et à dire ben apres trois quatre six huit semaines (.) euh:: à

352 un poste qui est un peu changé par rapport peut être à celui que vous aviez

353 (.) à nous dire bein ga fait pas parti de mon profil de poste parce que dans la

354 réalité ga je le fais pas mais dans la réalité ga je le fais et c'est pas dans

355 mon profil de poste (.) donc ga aussi à vous à nous faire des retours sur ça

356 euh:: tranquillement (.) polé polé ? ((qui se traduit par « Lentement,

357 lentement » en Swahili))

L'esprit d'équipe présent chez MSF tend à être véhiculé chez ses partenaires, l'idée principale étant de travailler ensemble : « Donc ces réorganisations là:: on les fait avec vous » (ligne 314). L'organisation exprime ici une reconnaissance de l'autre et la réunion autour d'un objectif commun : améliorer ou réorganiser un systeme existant. Le partenariat est clairement mis en scene dans le discours de Max et le fait de travailler ensemble n'appara»t pas comme une question, mais plutTMt comme une affirmation qui est produite par l'emploi du « donc ». Le public de la réunion est ainsi enrTMlé dans une aventure qui va modifier son quotidien professionnel et se doit de l'accepter. Cependant, cette annonce ne tombe pas telle une sentence car Max dit aussi : « j'pense que f vous ((jette un coup dÕÏil vers Docteur Joseph qui hoche de la

tête en restant sto
·que
)) aussi vous aviez constaté qu'il y avait des besoins de ce côté là È (lignes 314-316). En disant cela, Max opère un travail de traduction de la pensée de ses interlocuteurs et se fait le porte parole de leur avis sur la question, donnant ainsi du poids à son propos.

Leur adhésion à cette réorganisation est donc présentée comme issue de leur propre chef (le directeur de l'hôpital) et les moyens déployés par MSF à l'hôpital répondent donc aussi bien à l'urgence du contexte qu'à l'appel de ses acteurs quotidiens, ce qui est censé rendre leur légitimité d'autant plus évidente. Max est donc, de nouveau, en train de responsabiliser son auditoire face à ses désirs de changement en invoquant le jugement de leur propre situation qui semble être antérieur à l'intervention de son organisation. MSF est donc présentée comme une organisation qui reconna»t et gratifie le raisonnement des acteurs locaux dans les contextes dans lesquels elle intervient. Elle signifie ainsi sa qualité d'écoute et d'attention. L'objectif de ces changements est de permettre au personnel de l'hôpital de donner des soins de meilleure qualité aux patients (lignes 316-319).

Max fait donc intervenir ici la figure du patient, afin sans doute de clarifier l'intervention de MSF à Mumba et de ne pas perdre l'objectif ultime de la mission humanitaire. MSF n'est pas un prestataire de service et n'est pas là pour améliorer leur structure de travail, mais pour sauver un maximum de vies, de patients. Les changements voulus sont là pour répondre à des critères propices à une bonne prise en charge des malades et des blessés. MSF présente ainsi un gage de qualité dans son action oü l'idée principale est de sauver des vies et de le faire bien. L'amélioration de la qualité, du système et du matériel est présentée comme visant à réduire la mortalité des populations qui vont se présenter à l'hôpital. Cependant, il semble aussi que Max véhicule ici le fait que son organisation est attentive et sensible aux

populations dans les endroits oü elle intervient, avec une préoccupation aussi bien pour les patients que pour les soignants.

De plus, Max marque son insistance sur la définition du rôle du personnel dans cette mission: Ç donc on s'est c'est plutôt en ces termes tlà qu'on souhaite voir la réorganisation avec vous tÈ (lignes 319-321). On remarque ici que c'est MSF qui fixe, de nouveau, les règles de ses partenariats, même si les mots employés par Max font part d'une intention et non d'une affirmation. Après avoir communiqué sa vision de la réorganisation à son auditoire, Max y ajoute des arguments pour donner plus de poids à son propos et légitimer la présence, ainsi que la facon de faire de MSF (lignes 321-324). Nous sommes donc face à un discours de légitimation qui repose sur l'expérience et l'expertise de Médecins Sans Frontières depuis plus de 30 ans. Max fait ainsi appel, une nouvelle fois, à l'histoire de son organisation (il la ventriloquise, donc) pour défendre et asseoir son discours. Ce qui semble étonnant dans cette intervention, c'est le besoin que ressent Max de devoir justifier la valeur et la présence de son organisation auprès de ses interlocuteurs, comme si ses compétences pouvaient être, par définition, remises en question. Cela illustre le fait que MSF fait souvent l'objet d'attaques en ce qui concerne sa facon de faire et que le discours de Max est donc empreint de cette critique qu'il anticipe et à laquelle il répond à l'avance. En conséquence, il répond à ses détracteurs sous prétexte d'informer son auditoire, afin de faire taire les éventuelles remises en question du savoir faire de l'organisation. Le porte parole de MSF opère donc un jeu de questions/réponses à l'intérieur même de sa performance.

Après avoir présenté avec intensité son organisation, Max revient sur le partenariat qui unit tous les acteurs en présence des lignes 324 à 326. Il réaffirme que cette mission doit se faire main dans la main et reconna»t verbalement chacun de ses

partenaires dans le cadre de celle-ci en les hiérarchisant: Ç avec vous, avec la direction de l'hôpital, avec la direction du DCZÈ (lignes 325-326). Il met ainsi au premier plan le public qui est face à lui, et cela, avant la direction de l'hôpital, donc le Docteur Joseph et les représentants de la Santé de la RDC. A travers cette annonce, Max est donc en train de valoriser les personnes qui sont en train de l'écouter en laissant quelque peu de côté toute hiérarchie. Il montre en cela que MSF est une organisation qui considère ses employés et qui n'est pas trop concernée par la bureaucratie et la question hiérarchique. De plus, cela dévoile un trait identitaire chez MSF qui est de porter une attention plus particulière au terrain, à sa réalité humaine et à ses acteurs.

Max poursuit en disant : Çdonc on est pas là non plus pour imposer les choses euh: on est là pour essayer de travailler avec tvous mais c'est sür qu'on a des

expertisesÈ (lignes 326-328). Max anticipe donc de nouveau une des critiques souvent adressées à l'encontre de MSF, soit le fait qu'elle impose son propre système, ce qui vient faire écho à ce qu'il avait lui-même avancé quelques minutes auparavant lorsqu'il avait déjà mentionné cette information à son auditoire, comme on peut le voir des lignes 273 à 274. Dans ce tour de parole, il disait que MSF n'imposait pas les choses mais les proposait. Max est donc, encore une fois, en train de protéger son organisation face aux attaques qu'on pourrait éventuellement lui porter. Il communique ainsi une image positive de MSF, une organisation préoccupée et consciente de son environnement. L'argument principal employé ici par Max est l'expertise de son organisation. C'est sa carte de visite pour rassurer et enrôler ses partenaires.

Des lignes 328 à 334, Max exprime par plusieurs exemples l'idée selon laquelle MSF serait une organisation qui partage et met à la disposition de ses

partenaires des outils pour faciliter et améliorer l'action humanitaire. Ainsi, MSF est représentée et incarnée par ses expertises, les guides cliniques d'une bibliothèque opérationnelle, ainsi que du matériel. L'invocation de ces guides par Max nous montre aussi que MSF est aussi une organisation très protocolaire et structurée. De plus, il semble que cette évocation démontre le désir de MSF que ses partenaires adoptent sa façon de faire, en somme, ses pratiques. L'existence d'une telle bibliothèque exprime le caractère raisonnable et prévoyant de MSF et il appara»t donc que, d'une certaine manière, l'organisation cherche à normaliser une action médicale dans un contexte instable. Paradoxalement, l'organisation est aussi représentée par un ensemble d'expertises, donc de témoignages de la réalité du quotidien.

Cette réalité est de l'ordre de l'imprévisible, mais MSF s'en sert pour construire une sorte de mémoire organisationnelle qu'elle utilise pour agir au quotidien et qu'elle est apte à transmettre. MSF appara»t alors dans toute sa complexité, une organisation qui a soif de prévoir l'imprévisible ou du moins de s'y préparer du mieux qu'elle peut. Max continue son travail de responsabilisation des lignes 335 à 336: Ç c'est à vous à tVous les tapproprier ces toutils là qu'on va mettre dans les services etc euh: ben aussi à tvous de de d'utiliser ce matériel là È. Ainsi, il semble que chacun ait sa place au sein de cette configuration: MSF met à disposition des outils, mais c'est aux acteurs de la structure médicale de se les approprier, pour offrir en retour, une meilleure qualité de service. Ajoutons qu'au delà de ce travail qui se veut de responsabilisation, c'est aussi un travail d'éducation qui transparait ici de la part de MSF, laquelle semble donc prête et disposée à instruire ses partenaires, laissant de nouveau entendre qu'ils ont besoin d'être donc responsabilisés et éduqués. L'organisation n'est donc pas qu'une association

médicale d'urgence classique avec du matériel et du personnel médical, c'est aussi un savoir et en quelque sorte une école de la médecine d'urgence ou du moins c'est comme cela qu'elle souhaite être identifiée.

Des lignes 337 à 338, Max fait rimer ajustements (pour ne pas parler de changements) avec flexibilité, demandant ainsi aux acteurs concernés par la réorganisation qu'ils soient ouverts d'esprit et prêts à faire des concessions pour le bien commun. De plus, la communication semble au cÏur de la méthode MSF, car Max incite, de nouveau, ses interlocuteurs à se manifester si ils ne sont pas satisfaits ou que les changements les indisposent. On constate cela des lignes 338 à 342: << parfois ça va faire des frictions parfois ça va peut être faire des mécontents ((fait des gestes avec ses mains et montre plus ou moins Docteur Joseph)) euh:: il s'agit de pas garder son mécontentementt, mais de venir en tdiscuter euh et comme ça euh on peut aplanir les difficultés >>. MSF montre alors, de nouveau, sa disposition à entendre la critique. Puis, des lignes 342 à 355, Max illustre le désir d'agir concrètement ensemble à l'aide d'un exemple de revalorisation des profils des poste, oü il utilise un <<on>> qui inclut cette fois-ci le Docteur Joseph (ligne 346) et incite le personnel à faire des retours, donc à donner leur avis (ligne 355), tout cela, pour être plus en phase avec la réalité (ligne 354).

Ainsi, Max, au nom de MSF, positionne les membres de son auditoire comme de véritables collaborateurs et acteurs de ce processus de changement, leur rTMle devant être actif et non passif. L'organisation est donc présentée comme préoccupée par la communication et la discussion plus précisément, car elle considère que les acteurs détiennent les solutions du changement. C'est donc une vision de la base vers la direction qui est préconisée, même si l'initiative revient au haut de la hiérarchie. Correspondre à la réalité semble être un trait marquant de l'identité projetée de

Médecins Sans Frontières, qui s'exprime ici à travers cet exemple, mais qui semble être récurrent dans son approche. Enfin, Max finit son tour de parole par une note amicale qui démontre l'intérêt qu'il porte à la culture et la langue de ses partenaires: << euh:: tranquillement (.) polé polé? ((qui se traduit par<<lentement, lentement >> en Swahili))>> (lignes 356-357). Cela nous montre également que même si les interventions de MSF sont en quelque sorte brèves, ses acteurs portent une attention particulière à l'autre et cela non pas forcement que d'un point de vue opérationnel et médical. Ce souci démontre aussi une certaine éthique dans ses interventions, sa facon de travailler et un intérêt pour la communication.

Pour finir, nous avons donc pu constater que sous prétexte d'informer, car c'était le but annoncé de la réunion au début de l'intervention de Max, on voit que ce dernier en profite pour donner en réalité la vision des choses de MSF et défendre ses idées dans le but d'influencer l'assemblée réunie et de les convaincre d'agir dans le sens de MSF. Pour faire cela, Max agit avec le seul moyen qu'il a à sa disposition, c'est à dire le langage, le discours, la parole. D'une certaine manière, Max négocie avec le public l'adhésion de ce dernier à sa vision de MSF, le choix de ses arguments devant donc être pertinent. Pour cela, on voit comment il ventriloquise implicitement et explicitement les principes, politiques et pratiques de son organisation afin de la présenter et ainsi la rendre présente dans son intervention. Tout au long de son discours, Max fait un travail de positionnement à travers un subtil jeu de langage mettant en scène le <<nous>> et le <<vous >>, qu'il conclut par un <<faire>> collectif. MSF se caractérise donc aussi dans toute sa complexité, avec au sein de son discours, des marqueurs de l'ouverture et de la fermeture à l'autre.

au Nord-Kivu avec deux officiers de la MONUC

Sur l'ensemble des 42 heures de vidéos que nous avons visionnées concernant la mission de MSF en RDC, nous avons pu constater, à plusieurs reprises, que Max tenait le même discours. Ainsi, sous prétexte d'informer ses interlocuteurs, il semblait souhaiter, en réalité, accomplir quelque chose et notamment les convaincre en communiquant sa vision de l'identité de son organisation. Nous avons donc vu, à de nombreuses reprises, ce même travail à l'Ïuvre et tout particulièrement dans un extrait où il rencontre deux représentants de la MONUC.

Afin de replacer cette séquence dans son contexte, notons qu'elle a lieu dans un camp militaire de la MONUC, qui est une mission de paix des Nations Unies chargée de remplir plusieurs mandats en RDC, notamment la protection des civils et la sécurité du territoire. Les acteurs de cette réunion sont deux officiers de la MONUC, ainsi que deux membres de MSF (Max, chef de Mission au Nord-Kivu et Carole, coordinatrice médicale de la RDC). En plus de ces quatre personnes, nous constaterons la présence de Francois Cooren, co-directeur de ce mémoire, accompagné de sa caméra qui filme l'interaction.

Ce présent extrait ne va pas faire l'objet d'une analyse minutieuse, mais va plutôt être étudié dans son ensemble pour constater que le processus qui est à l'Ïuvre est le même que celui observé dans l'analyse de la séquence A que nous avons précédemment analyser. En arrivant sur le campement des militaires, Max remet un rapport d'activité trimestriel de l'action de MSF dans la région à un des chefs militaires qui l'accueille. Puis il lui pose des questions sur les milices présentes dans la région (May May et FDLR) et leurs activités et mouvements dans celle-ci. Le militaire lui répond en lui donnant certaines informations, puis il demande à Francois

Cooren dÕeteindre la video pour communiquer à Max des informations non officielles.

Les deux hommes discutent cordialement de ces informations sur les milices et lÕaction de la MONUC. Ils disent aussi quÕils se rencontrent assez souvent, cette rencontre nÕest donc pas exceptionnelle. Puis, un deuxieme chef militaire entre dans la reunion. Notons que celui-ci ne conna»t pas Max. Automatiquement, Max lui explique en detail les activités de MSF dans la region. Il parle du programme de lutte contre la malnutrition des enfants, ce qui amène son interlocuteur à le remercier pour le travail que MSF fait sur le terrain. Puis, cette même personne demande à Max comment cela se passe pour que MSF intervienne. Il sÕen suit alors un long monologue de Max, ponctué par des signes dÕaccords de son interlocuteur, lequel se montre apparemment tres attentif au discours de son vis-à-vis.

On voit Max aborder de nombreux points, mentionnant que toutes les operations sont financées par MSF à lÕaide de fonds privés, quÕelle négocie avec les autorités locales pour sÕimplanter sur le terrain. Il parle aussi de la politique de transparence de son organisation, du fait que MSF a été créé en 1971 par des médecins francais et quÕelle est aujourdÕhui une association dÕenvergure internationale implantée localement sur tous les continents avec sa maison mere en France. Il signifie aussi que MSF est organisation médicale non gouvernementale, qui donne des soins gratuitement à tout le monde et cela, sans aucunes discriminations. Max lui dit egalement, avec une certaine conviction dans la voix et les gestes, que MSF est une organisation indépendante et quÕà ce titre elle refuse d'être convoyée avec des militaires lors de ses déplacements. En outre, il précise que MSF nÕest pas lie à la MONUC, ni aux FARDC, ni à aucun gouvernement. Enfin, il indique à son interlocuteur que les membres de MSF sont, pour la majorité, des

volontaires issus de tous les pays du monde.

On le voit ensuite confirmer à plusieurs reprises quÕune des habitudes de MSF est de parler avec tout le monde, afin dÕexpliquer les activités quÕelle realise et le pourquoi de ses interventions. Il explique aussi que le rapport dÕactivité quÕil vient de remettre à son collégue vise à ce que tout le monde soit vraiment au courant de lÕaction de MSF. Finalement, lÕinterlocuteur de Max le félicite pour lÕaction de son organisation et lui demande pour combien de temps ils vont rester dans la region. LÕambiance est ensuite assez détendue tout au long de la rencontre, il y a beaucoup dÕéclats de rire. Les officiers de la MONUC invitent Max, Carole et Francois à rester déjeuner avec eux, mais Max sÕexcuse car il ne peut accepter lÕoffre et se justifie en disant quÕils sont attendus à une autre reunion. Les militaires les raccompagnent endehors du campement et la délégation MSF reprend la route dans leur voiture aux couleurs de MSF.

Cette rencontre entre les membres de MSF et les militaires de la MONUC nous montre quÕau moins deux buts poursuivis semble (1) dÕentretenir des relations cordiales avec leur vis-à-vis et (2) dÕobtenir des renseignements qui peuvent etre utiles à la sécurité du personnel MSF dans le cadre de leurs missions dans la region. Max, qui se confie à Francois Cooren dans un autre extrait, parle de pêche à lÕinformation. Cette sequence nous montre, en outre, que les mêmes exemples sont utilisés par Max lorsquÕil présente les principes de MSF à un des officiers. Nous pouvons donc constater que Max est attaché à un discours identique et recurrent qui rend present MSF dÕune certaine façon, mais aussi que celui-ci est utilisé par ses membres dans leurs interactions pour informer lÕautre de leur(s) vision/programmes (ce quÕils font) et de leur identité (qui ils sont). Le rTMle de Max sÕapparente ici à une sorte de responsable des relations publiques. On pourrait comparer la façon de

communiquer de MSF à celle d'une campagne politique, oü il faut voir un maximum de personnes pour leur communiquer une vision et les rallier à notre cause. Ce type de rencontre sert donc à collecter des informations et à communiquer l'essence de MSF à l'autre.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery